Quand je quitte l'école, depuis quelque temps, il fait déjà nuit. Je me retourne et je jette un dernier regard à cet édifice imposant et pathétique. C'est un bloc. Un gros parallélépipède fatigué qui sent ses années soixante. On ne s'embarrassait pas, alors, de plans compliqués, de pans coupés, de décrochages artistiques et de demi-étages. Non, là, c'est un bloc très moche, avec des encadrements de fenêtres rouillés, des stores en piteux état, des murs gris de béton jamais peints.
Pourtant, la nuit, avec toutes ses salles de classes éclairées laissant échapper les murmures et les rires de la journée, comme si l'âme égrégore des enfants y flottait encore, avec les couleurs vives des ribambelles naïves, des bonshommes têtards et des soleils triangulaires, embellis par les néons "lumière du jour", je me prends à le trouver beau ce bloc.
Les défauts, les verrues, les lézardes, les faillites de l'entretien municipal, les replâtrages hâtifs, tout est gommé, lissé par la pénombre. Il ne reste que les lignes de fuite épurées d'un bâtiment enrobé de nuit, dont les dizaines de mirettes bien alignées brillent dans le soir.
Je me dis que la fée électricité fait du bien aux monuments, aux places, aux squares. Même si ses coups de baguette magique sont devenus bien chers de nos jours.
Je me dis que le périph' est toujours moins laid la nuit, avec ses deux rubans de lumière rouge et blanc.
Je me dis que j'ai toujours aimé contempler de l'extérieur les maisons éclairées. Les parcelles de vie que me laissent entrevoir les fenêtres stimulent mon imagination toujours galopante.
J'aime apercevoir de beaux meubles lustrés, le moelleux d'un canapé , le haut d'une horloge. J'aime entrevoir des enfants qui jouent, un mari fourbu, une femme mélancolique, un vieux monsieur qui somnole. Tout un théâtre. Des pans de décor pour des bribes de l'éternelle tragi-comédie de l'existence. Les personnages d'un futur roman sans doute.
La nuit, on sent palpiter le ventre de la ville, comme si elle se parait de perles pour un rendez-vous secret .
Ou comme l'écrivait si joliment Charles : "entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche"...
RépondreSupprimerUn magnifique tableau sombre avec des touches sensibles de lumière :~)
oui c'est beau, de voir des lumières dans la nuit :-)
RépondreSupprimeret c'est un exercice qui m'amuse aussi, d'imaginer la vie dans une maison éclairée
mais je n'aime pas ces jours si courts qu'ils me font quitter chez moi et y rentrer toujours dans le noir
Peut-on encore parler de nuit quand le regard éclaire à ce point les lieux, les objets et les habitants. Tous ne sont que des écrans. Ce qui importe c'est le regard d'amour qu'on y projette, qui les balaie à la façon d'un projecteur. Alors quand la source de lumiére est une pare d'émeraude, tout devient possible.
RépondreSupprimerBonne journée, madame la directrice.
oups. Il manque au moins un i à épaire" et un point d'interrogation à la première phrase. IL va être difficile de passer en classe supérieure.
RépondreSupprimerComme c'est finement observé et délicieusement écrit !
RépondreSupprimerC'est vrai ce que tu dis , les zones industrielles sont acceptables visuellement la nuit ( je ne dis pas jolies )
RépondreSupprimerComme toi ,j'adore lever le nez dans les grandes villes pour apercevoir des lustres clinquants , de grand miroirs , des ombres , des gens en vrai aussi , curiosité saine puisqu'ils ne se cachent pas derrière les volets
ta description est très belle
bonne journée Célestine
Je garde le souvenir ébloui d'une usine à papier de nuit, féerique !
RépondreSupprimerIl m'arrive parfois, la nuit de me trouver sur le balcon. J'aime aussi voir ces lumières de nuits, les yeux des véhicules qui descendent du Vercors sur cette route en lacets, un coup je te vois, ou coup je ne vois plus....
RépondreSupprimerDans le temps, les 3 pucelles étaient éclairées la nuit. C'est fini, trop onéreux pour la ville...
C'est vrai, c'est beau une ville la nuit, même si hier très tard, la camionnette du Pizzarolo participait à l'illumination d'une partie du quartier.....
Belle journnée avec biss
La nuit gomme les laideurs, ne laissant voir que les strass.
RépondreSupprimerC'est beau des mots bien écrits.
RépondreSupprimerJ'ai écrit il y a plus de 10 ans sur la page d'un cahier "quand je me retourne sur le bloc de mon école, je le trouve presque beau!" c'est amusant, non? Je crois que j'ai trouvé belles toutes mes écoles! Elles avaient je crois les formes et les couleurs de la vie, d'une vie intérieure intense...
RépondreSupprimerMais c'est vrai ce que tu dis! Par contre chez moi j'ai mis des rideaux parce que la rue est tellement étroite que le soir quand les lumières sont allumées, on a l'impression d'être carrément chez les gens de l'immeuble d'en face et parfois c'est un peu génant:-)!
RépondreSupprimerEt oui, la nuit estompe les défauts matériels. On peut oublier tout se qui heurte notre sens de l'esthétique. Bel exercice de style que ce texte. a redécouvrir dans ton roman. Amicalement. dinosaure80.
RépondreSupprimeroui, c'est vrai tout ça! moi aussi j'aime le calme de la nuit, j'aime imaginer le brouha qui regne ici ou là la journée..aucun batiment n'est parfait..qu'il acceuille des enfants ou des personnes agées dependantes et malades dans un batiment neuf pourtant mon ressentit est le tien..une melancolie, un eclairage differents sur ceux qui ont peut-etre construit ton ecole et qui aujourd'hui sont en fin de vie..rien n'est parfait, la nuit comme la journée a ses charmes..a nous de leur decouvrir leurs cotes magiques et toi tu sais tres bien le decrire, l'ecrire..et en plus tu nous le fait partager..super!
RépondreSupprimerCHATAIGNE oui un regard différent sur les choses les rend souvent plus belles...
RépondreSupprimerHENRI merci un compliment qui fait plaisir.
MAMMILOU c'est vrai qu'il faut trouver la juste limite pour ne pas se transformer en voyeur...
MARIE MADELEINE je suis touchée mais pas vraiment surprise que tu aies écrit cela il y a dix ans...
CEDRIC double merci!
ANDIAMO chez moi, ça a un tout autre sens... :)
RépondreSupprimerPATRIARCH je vois que tu n'as pas perdu ton regard observateur des choses de la vie...Tu habites une belle ville, quoi qu'on en dise. Belle journée à vous deux.
NICOLE86 as-tu lu mon texte précédent? " une usine à papier de nuit", quel joli janotisme!
JEANNE la lumière enjolive comme dit si bien Charles Aznavour dans sa chanson "il me semble que la misère serait moins pénible au soleil..."
WALRUS Chaque éloge de toi me comble, et je ne sais pas pourquoi...Peut-être parce que j'ai l'impression à chaque fois de lire l'appréciation d'un professeur sur ma copie.
RépondreSupprimerJACQUES en revanche, vous, vous aimez bien me faire endosser le rôle de la maîtresse (d'école). Je pense que je vais vous donner quelques cours de rattrapage pour éviter le redoublement...Mais votre texte comporte quand même de grandes qualités littéraires qui pèseront dans la balance du conseil de classe..
ADRIENNE la luminothérapie devient indispensable pour moi à cette époque de l'année. Je préfère faire Versailles de temps en temps, le soir, plutôt que de sombrer dans la mélancolie: je pense que financièrement ,il n'y a pas photo!
RépondreSupprimerTANT BOURRIN quand tu cites Baudelaire, tu ne sais quel point sensible tu touches. Merci.
Et pourtant, quand on le regarde ce bâtiment haut de trois étages est-ce le contenant ou le contenu qui est important?
RépondreSupprimerLe parfum que j'achète, est-ce parce qu'il est dans un flacon aux formes et aux couleurs qui me plaisent ou parce qu'il dégage une odeur agréable?
La réponse est dans l'énoncé, bien sûr, et je sais de quoi je parle...
Un bien joli texte que celui-ci, on y croirait presque, avec un regard tel que le tien, à l'architecture des années 60 ... Mais bon, je rêve quand même toujours de ma vieille école Jules Ferry, imposante batisse de la fin du XIXè siècle, il en reste encore quelques-unes. Et dans cette école, je verrais bien Dame Célestine orchestrer l'ensemble ...
RépondreSupprimerje t'embrasse
Vous l'écrivez si bien, Célestine, qu'on se laisse porter à regarder avec vous ces lumières de novembre tout en se disant des "je me souviens..."
RépondreSupprimerJe n'aime pas quand la nuit vient trop tôt mais, vous avez raison, les fenêtres éclairées offrent alors leur théâtre, souvent immobile, parfois animé, bien plus magique que la lumière bleutée des téléviseurs.
J ai eu la chance de ne pas étudier dans un bloc de béton, c est le hasard et puis en province n est ce pas on estparfois un peu en retard. Quoique, a bien réflechir, c est pas le batiment qui fait l école, mais les enseignants, et là je dois vous dire que j ai vu de tout, Depuis linstitutrice bienveillante pour ses éléves jusqu a l artiste qui nous a bourré le crane avec des idées gauchisantes au point d inquiéter mes parents.
RépondreSupprimerBonne soirée Celestine
Latil
Un superbe texte....Merci.
RépondreSupprimerAu fait, quand viens-tu du côté de Paris?
RépondreSupprimerC'est un bien joli texte. Mais je n'aime pas quitter l'école quand il fait déjà nuit. J'aime le jour et la lumière. La bonne lumière franche du soleil. C'est pour ça que cette période me pèse.
RépondreSupprimerBERTHOISE Pour continuer à aimer la vie même quand il fait nuit, il faut bien lui trouver du charme...
RépondreSupprimerMARIE MADELEINE peut-être aux vacances de Noël...sinon, au printemps je veux offrir un petit voyage à ma sœurette...
MISS SO quel plaisir de te voir par ici et de te faire plaisir, chère miss!
ZENONDELLE j'aurais rêvé , bien sûr, d’œuvrer dans une école centenaire...mais comme dit PICHOUNETTE, le contenant importe moins que le contenu...
LATIL C'est quoi, déjà, des idées gauchisantes?... ;)
TANIA ravie que ce texte t'ait touchée...
En prime, j'ai appris le mot "janotisme" et son origine qui me réjouissent !
RépondreSupprimerMoi aussi, j'adore les lumières aux fenêtres la nuit. Et rien ne me réchauffe plus le coeur que les lumieres aux fenetres de la maison de mes parents. J'ai l'impression de rentrer dans un nid.
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