31 décembre 2013

Mes étoiles






-Qu'attends-tu pour écrire ton billet de Nouvel An, Célestine?
-Ah, l'Ange, tu es là...Il faudrait bien sûr, en cette aube nouvelle, que je laisse parler mon coeur...
-Eh bien, qui t'en empêche? N'est-ce pas ce que tu fais le mieux?
-C'est que j'ai tant à dire...tu ne sais pas qu'au-delà d'une certaine longueur, les gens ne lisent plus?
-Alors, il faut que tu dises tout en très peu de mots. Ce serait comme une contrainte d'écriture, tu ne vas pas me dire que ça te fait peur? Toi la reine des défis et autres exercices de style à la Queneau...
-Tu es gentil, l'Ange...
-En même temps, c'est un peu mon rôle d'être gentil. Alors, que voudrais-tu leur dire, à tes lecteurs?
-Je voudrais leur dire...tout l'espoir que je mets dans cette nouvelle année, tout le bonheur que je leur souhaite, tous les bonheurs d'ailleurs, car je crois davantage aux petits bonheurs qu'au grand, toutes les petites joies quotidiennes, les pas posés délicatement sur le chemin de leur vie, les émerveillements, les possibles même quand on croit que tout est perdu.
-C'est pas mal ça...et puis? 
-Je voudrais leur dire qu'ils sont comme les étoiles de mon ciel, que j'ai besoin de chacun d'eux, que je les remercie de venir me lire assidûment et avec toujours tant de bienveillance et souvent d'admiration, quelles que soient les bêtises que j'écrive. Que certains brillent plus que d'autres, bien sûr,  mais que même la plus petite luciole est importante pour moi. Parce que sa lumière est unique dans mon coeur. Je voudrais qu'ils se reconnaissent sans que je les cite, car je ne voudrais pas en oublier un seul tant ils sont nombreux... 
-Tu n'as qu'à faire des catégories...
-Je n'aime pas trop enfermer les gens dans des boîtes, mais, bon, si tu insistes, il y les éclats de rire, les remèdes contre le blues, qui me rendent joyeuse...
-Bon début!
 -Les douceurs, les tendresses, les câlins qui me réconfortent.
-Hé, hé! c'est important!
-Les quotidiens, ceux qui confient leur parcours semés parfois d'embûches...
...Les créatifs, les poètes qui m'émerveillent de leurs talents, 
les penseurs qui me font réfléchir,  les lecteurs qui me donnent envie de lire...
Et tous sont  passionnants! Et passionnés...
-Tu ne leur passes pas un peu trop de cirage, là?
-Ben non,  tu m'as dit de laisser parler mon coeur...
-Je crois que chacun va se reconnaître ainsi. Allez, résume, tu deviens trop longue!
-Alors mes chers amis de la toile, vous qui êtes mes étoiles, 
Je vous souhaite la plus passionnante, douce, tendre, câline,
 joyeuse, créative, et enrichissante année possible. Et toujours de la fièvre et du miel.
Et surtout, n'oubliez pas,
JE VOUS AIME
-Tu sais quoi, Célestine?
-Non, quoi?
-Tu aurais pu  n'écrire que ces trois mots, ça suffisait...
-T'es fou-fou, l'Ange, parfois...
-Si, si, je t'assure, ils auraient compris.
-Bon allez, rendez-vous en 2014 pour la suite de mes aventures...
-Ouep!


Christmas Oratorio BWV 248: Sinfonia In G by Johann Sebastian Bach on Grooveshark

27 décembre 2013

Désir fou

  





Chez Asphodèle, le feu est le thème du jour.
On est gâté en ces temps de froidure, ça va réchauffer tout le monde...




Chaleur, soleil, jeu, âtre, glace, bois, passion, fascinant, brûler, enfer, flammes, braises, purifier, intense, syncopé, secousse, sable.




Lettre de Mademoiselle de Mézières au flamboyant Duc de Guise. Ou comment l'héroïne, mariée contre son gré au Prince de Montpensier, trouva le moyen subtil de déclarer au  balafré une passion orageuse en des termes que la morale de l'époque réprouvaient. Bien avant George Sand...


Mon tendre ami,


Jamais je n'ai senti soleil brûler mes sens
Avec plus de chaleur, ô passion qui me prends!
Intense est mon amour, si ardentes ses flammes,
Et je ne suis de bois, ni de glace, mais femme !
Ne voyez-vous donc point mon délicat tourment ?
Votre regard, enfer étrange et fascinant,
Immense puits vertigineux où je me jette,
Et j'en sors comme purifiée, le coeur en fête,
Des braises sous mes pieds, et dans mes mains le monde,
Enivrée de vos yeux, je puis danser sur l'onde!
Vous m'emportez dans votre jeu...A me défendre,
O vous cruel, pour qui mon cœur n'est qu'âtre et cendre,
Un long désert de sable. Le spasme syncopé,
Son exquise secousse, en vivrai-je l'acmé ?


Marie de M.












Concerto in G minor Wq 32 H. 442: Allegro by C.P.E. Bach on Grooveshark

23 décembre 2013

Ellipses, litotes et prétérition...



Photo internet

Aux alentours du 25 du mois où vos jours sont plus courts que mes nuits, le monde des blogs se scinde en deux catégories. Ceux qui se réjouissent et ceux qui font le gros dos en attendant que ça passe.

Que "ça" passe, mais quoi? Que se cache-t-il donc derrière ce pronom indéfini?

Ne comptez pas sur moi pour prononcer les mots-clés dont on frise l'overdose en ce moment.

Non je ne parlerai pas de conifères chargés de trucs projetant ça et là des photons dans les organes visuels des petites personnes en devenir, ni des bidules que l'on trouve généralement dans l'espace sidéral mais qui paraît-il se décrochent et tombent sur terre à cette période de l'année. Perso, je préfère regarder ces bidules-là dans leur milieu naturel, plutôt que dans une vitrine des galeries Farfouillette.



Je ne décrirai pas les odeurs de certain agrume juteux qui coule sur les doigts, doigts que l'on se lèche voluptueusement à chaque quartier, ni de certaine pâte issue de la culture d'une fève sud-américaine, importée au XV° Siècle par Christophe Colomb et ses acolytes, qui ont eu d'autres idées plus cons, il faut bien l'admettre. Ni de cette étrange coutume d'obliger de pauvres palmipèdes à se faire péter la sous-ventrière pour que leur organe hépatique se charge en lipide saturés, et du même coup fasse flamber le porte monnaie de la ménagère de moins de 50 ans et le taux de cholestérol des plus de 50 ans. Quoique... il paraîtrait que ce n'est pas le cas, le paradoxe français, et bla bla bla mais bon, c'est mon billet et je dis ce que je veux.



Pas un mot non plus des objets phalloïdes chers à Mélanie, l'héroïne de Brassens, en cire ou en paraffine entourant une mèche, que l'on met en contact avec le soufre enflammé d'un petit bâton de bois que l'on craque...je serais obligée, par association d'idée, de vous raconter l'histoire de cette gamine SDF à qui il n'en reste plus que trois, et qui meurt sur le trottoir dans l'indifférence générale, et ça plomberait grave l'ambiance.



Loin de moi l'idée de vous faire écouter l'insupportable petit bruit métallique des boules accrochées au véhicule renno-tracté d'un personnage hirsute et en surpoids habillé de façon ridicule, aux couleurs de l'AS Monaco, qui ne trouve pas mieux à faire que de se peler le jonc toute une nuit à faire passer des paquets par les conduits d'évacuation des fumées, alors qu'il pourrait tout simplement rester sur son canapé  à surfer sur amazon, comme tout le monde...


Il va sans dire que je vous fais grâce des ampoules clignotant de partout, qui dilapident l'énergie et augmentent la facture carbone dans des proportions éhontées, et des petits cabanons de planches mal rabotées qui squattent la place de la mairie pendant trois semaines, dans lesquels on trouve une profusion de choses qui ne servent à rien mais qui se vendent cher, et qui finiront en lots pour la tombola de l'école en juin prochain.

Bref, vous comprendrez que malgré mon mauvais esprit devant l'étrange agitation qui prend le monde de la concurrence libre et non faussée à cette période de l'année, une période où dans tous les médias les jingles bêlent et carillonnent jusqu'à la nausée, j'ose espérer que vous me pardonnerez mon impertinence, et je vous souhaite quand même, du fond du cœur, d'en profiter, du coup, pour resserrer les liens et faire briller vos cœurs.

Joyeux mardi soir, mercredi et tout le reste de la semaine, tant qu'on y est.
Je vous adore, bande de vous.




In the Bleak Mid-Winter by Wells Cathedral Choir on Grooveshark







21 décembre 2013

Exercices de style (3)

Soyons légers pour commencer les vacances...
Au défi du samedi, cette photo de Doisneau devait servir de base, cette semaine, à nos élucubrations. 
Je l'ai trouvée idoine pour un troisième volet d'hommage à mon grand ami Queneau.
Pour ceux qui aiment:

92266806[1]


Surdoué

Mes parents ont cru me faire plaisir en m’offrant ce jouet mais un avion qui ne vole pas, c’est ridicule…Réfléchissons cependant…En équilibrant la masse de l’avion et la portance issue de la vitesse augmentée du carré de l’hypoténuse de la force d’attraction de la terre, l’on pourrait obtenir un maintien en vol correct de cet aéronef. Hélas, mon géniteur n’a aucune notion des lois simples de l’équilibre relatif et de l’aéronautique, je crains qu’il ne soit intéressé que par les deux créatures de sexe féminin qui nous ont emboité le pas…

Jaloux

Je me demande pourquoi elle a tant insisté pour que j'aille promener le mioche...Comme s'il avait encore l'âge de s'exhiber dans cet accoutrement ridicule!Elle avait l'air bizarre. De toute façon, elle a tout le temps l'air bizarre en ce moment. Je suis sûr qu'elle me trompe avec le bellâtre du bal de l'autre soir, et qu'elle m'a envoyé ses copines Jeannette et Simone pour me surveiller. Elles croient que je ne les ai pas vues, du coin de l’œil... Vous allez voir que dès que j'aurai le dos tourné, elle le fera pénétrer dans notre maison, me voler ma soupe, et dormir dans mon lit... Mais, je ne vais pas le laisser faire, ce moule-à-gaufre! il va tâter de ma botte secrète, ce Cyrano à quatre pattes!

Proust

Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce bruit, c’était celui du délicieux petit grincement subtil et délicat des roues de l’avion miniature que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour là nous n’allions pas à la messe) mon père poussait du bout de sa canne cependant que je prenais place aux commandes, m’installant tel un vrai pilote dans ce petit cockpit tout orné de fleurs que ma tante Léonie avaient cueillies pour moi dans le jardin où ma cousine Berthe m’avait délicatement embrassé du bout de ses lèvres rosées, cependant que je rougissais comme une pivoine sous la caresse de sa langue douce comme une madeleine trempée dans une gorgée de thé.

Interrogatif

Mais qu’est ce que c’est que cet avion ? Ça ne sortirait pas d’un film de série B, un engin pareil ? Et ce costume ? Non mais vous avez vu l’allure qu’il a ? Il s’est regardé dans une glace, le gonze ? Et le mouflet ? On lui a dit qu’il pourrait faire un procès à son père pour sévices ? A-t-on idée d’affubler un môme d’un tel couvre-chef ? Un béret de marin, c’est un truc de notre époque, ça ? Et qui nous dit que ce n’est pas un avion volé ? Quant au deux greluches, elles ont pris le type en filature, vous ne croyez pas ? Ce sont peut-être deux fliquettes ? Ou deux assistantes sociales, plutôt, non ? Ça ne vous parait pas louche, toute cette histoire ?

Charlélie Couture

Comme un avion sans aile,
j'ai chanté toute la nuit,
j'ai chanté pour celle,
qui m'a pas cru toute la nuit
Oh libellule,
toi, t'as les ailes fragiles,
moi, moi j'ai les ailes fragiles,
moi, moi j'ai la carlingue froissée
mais j'ai chanté toute la nuit.

Haïku

Marronniers en fleurs
Une grosse libellule
Va sur le chemin

Pagnol

Une grosse libellule ? Rhôô, Monsieur Brun, vous avez abusé du pastis, qué ? Ce serait pas plutôt maistre Panisse que vous avez vu sur la Canebière, avé le chapeau melon, qui poussait le petit de Fanny dans son avion à pédale ?
-Non , non, je vous assure, c’était comme un gros insecte…
-Allons, allons, Monsieur Brun ! quand je pense qu’on dit que les Marseillais exagèrent ! Allez, zou, galinette, jouez c’est votre tour ! ô Bonne Mère ! une libellule ! pourquoi pas un cornet à piston, tant que vous y êtes…Té, vous me fendez le cœur ! Quand vous sortirez naturellement, mettez le chapeau, hé, monsieur Brun, on n'est pas à Lyon, ici, le soleil risque de vous escagasser la calebasse ! Une libellule...

Fugue No. 21 in B-flat major, BWV 890 by Johann Sebastian Bach on Grooveshark






17 décembre 2013

Tu seras un homme, mon fils

Je parlai longuement ce soir avec les parents d'un élève en perdition. Des parents démunis devant le lent naufrage éducatif de leur rejeton, qui leur parle mal, leur manque même carrément de respect, et vit depuis sa naissance dans une sorte d'illusion de toute-puissance.
 Entretenue par les parents eux-mêmes, qui confondent amour et permissivité. 
Je lus de la détresse dans le regard de cette mère, de ce père, comme un appel au secours.  Que faire?  Je rame, chaque jour, avec méthode et détermination, avec respect et bienveillance, pour donner un cadre rassurant et ferme à ces enfants-tyrans, qui, une fois chez eux, replongent dans l'angoisse absolue du manque de limites: les laisser manger n'importe quoi, travailler n'importe comment, traîner seuls n'importe où, se coucher à n'importe quelle heure, regarder n'importe quelles images sans le garde-fou d'une éducation bien pensée, n'est-ce pas une forme de maltraitance ? Où commence la responsabilité individuelle ? Où s'arrête celle de la société ? Je sais bien que rien n'est simple en matière d'éducation. Et que personne ne détient la vérité...Même les "super-nannies" ne sont que des esbrouffes médiatiques. Non, rien n'est simple, assurément. 
Mais comment empêcher que ces enfants deviennent des délinquants dans trois ou quatre ans? Qu'adviendra-t-il lorsque l'illusion se sera évanouie devant la réalité de la vie ? Quand l'enfant aux pieds soudain trop grands découvrira avec terreur que le monde ne tourne pas autour de son nombril ? Qui lui dira que la vie n'est pas seulement un champ de roses et de bleuets, qu'il faut en vouloir, se colleter avec la difficulté, se dépasser, aller plus haut, qui lui dira avec une voix vibrante d'émotion le poème de Kipling, qui lui mettra dans les mains les précieuses armes de la survie, volonté, ténacité, persévérance, courage ? En un mot comme en cent, qui lui apprendra à remettre sur le métier son ouvrage , sans relâche, à creuser, fouiller, bêcher, ne laissant nulle place où la main ne passe et repasse ?
Plus tard, dans la même soirée, je tombai en arrêt devant un reportage animalier qui montrait des bébés tortues en lutte pour leur survie. Je les regardai, l’œil fixe, s'extirper du trou dans le sable où ils ont éclos, et avancer de toute la force de leurs ridicules petites pattes, vers la mer salvatrice. En essayant d'éviter de se faire emporter par de cruelles et monstrueuses pies.
Le coeur serré par cette image en forme d'allégorie de l'existence, je ne pus m'empêcher de repenser à mon élève. Et à nouveau, le même sentiment m'étreignit. Un sentiment mêlé, de pitié, d'impuissance et d'absurdité.





Reverie by Schumann on Grooveshark

13 décembre 2013

Apparences


 Les Plumes  reviennent, désormais toutes les deux semaines chez Asphodèle, qui nous propose pour inaugurer la nouvelle formule le magnifique thème de la Beauté.




Miroir, nature, nocturne, lumière, vénéneux, délicatesse, piano, contemplation, ensorceleur, temps, bouquet, éphémère, intérieur, sulfureux, déesse, rouge, couleur, ruissellement, ravir, rosée.




  Les hommes ne me regardent pas. Je veux dire, de la manière qu'un homme regarde une femme. Depuis toujours, je ne leur inspire que du dégoût. S'ils savaient combien la contemplation ordinaire de mon corps  est une épreuve pathétique! Le miroir me renvoie méchamment et constamment cette  vénéneuse image dont la nature m'a affublée sans délicatesse...Ces jambes maigres, ce ventre mou et plein de vagues, ce visage morcelé comme un Picasso à la peau plus blafarde que la lune...Je porte ma laideur comme une hideuse mue.
J'aurais tellement rêvé pourtant d'être une de ces déesses sulfureuses, toutes habillées d'or, qui descendent les marches des palais avec des yeux ensorceleurs. Une de ces créatures aux ongles de nacre et au teint de fraîche rosée du matin, faites pour ravir les hommes, dans un ruissellement de séduction...Une femme enivrante et torride dans sa robe rouge et ses escarpins de soie, se jouant du temps comme l'on joue un nocturne sur un piano, dans un rire de cascade et un parfum de bouquet.
Ah oui, même de façon éphémère, même un jour, même une heure, oui, j'aurais aimé être belle. Mais ma beauté n'est qu'intérieure, hélas ! Je suis laide, laide, laide et ne puis plus le supporter. 

Adélaïde Petibon. 3 mars 1975 

C'est un soir, sur l'asphalte, à la lumière d'un réverbère, que je trouvai cette lettre martelée par la pluie. La couleur de l'encre s'effaçait peu à peu, mais je pus en déchiffrer le message d'un lointain passé.
Je regardai autour de moi, comme si le fantôme d'Adélaïde rôdait encore dans le coin. 
Je me dis que rien, jamais, ne changerait tant que le monde s'arrêterait aux apparences.











Sonate op. 65 Largo by Frédéric Chopin on Grooveshark
Edit de 19h26.  Heureusement que Valentyne a l'oeil, elle a vu que je m'étais trompée de date (1875 au lieu de 1975) Merci Valentyne!

08 décembre 2013

Entre chien et loup

C'est l' heure vénéneuse où le soir tombe sans bruit. Quel est donc ce fracas à l'intérieur d'elle? 
C'est le bruit des départs, c'est le bruit sournois et mou du dimanche soir. Entre chien et loup.  Le chien va dormir dans sa niche, le loup n'est pas encore sorti. Elle se sent  seule, soudain, et sa solitude la transperce comme une pluie d'hiver. Elle a envie de crier, et aucun son ne sort de sa bouche.
Elle a beau cultiver les Fleurs du Bien, ce soir celles du Mal ont un goût insidieux. Elles poussent leurs tiges malsaines et s'insinuent dans ses oreilles, et s'enroulent autour de son coeur avec des souffles de hyène malade. Elle pourrait se secouer les puces et faire semblant de gambader joyeusement à travers le jardin empierré de froid, rentrer vite au bord du feu, mais ils s'en vont, elle se sent seule. Les chouette! et les youpi! se sont fait la malle, il n'y a que les snifs qui passent. Elle ne se force plus, elle ne veut plus faire semblant, elle prend la vague plutôt que de fuir. 
Ça ne dure pas longtemps. Le temps d'un solo de saxo qui troue le ciel ni bleu ni gris. D'un bleu saudade, d'un bleu sans étoile, sans lune, sans ses lucioles familières.
Le temps de prendre sa guitare, de jouer un air au piano, n'importe quoi pour  laisser couler, vite,  dans son corps, ces larmes tièdes, tout en virant d'un coup d'éponge les miettes de gâteau, sur la table abandonnée, le gâteau de la vie qui diminue trop vite.
Et puis la vie revient, doucement comme le rose aux joues pâles d'une convalescente. 
Le petit zonzon rassurant des textos qui renouent le lien. 
Le chat bâille comme indifférent, à cette tempête muette.
Son monde revient, les gens qui l'aiment, les Fleurs du Bien.Elle a l'impression d'avoir été faire un tour au fond de l'eau. Elle se dit qu'elle n'aimerait pas mourir noyée.
Chaque chose reprend sa place, elle sourit timidement à son miroir, hébétée par la violence de ses émotions. Elle se connaît, pourtant. 
 Elle sait que c'est comme ça, à coups de dimanches soirs, à coup d'hivers, à coup de blues, à coup de riens, que viennent les rides.
Mais elle s'en fout, finalement. Tant qu'elle ressent, elle est vivante. Même si parfois, ça secoue force douze. Elle est vivante.




Almost Blue by Chet Baker on Grooveshark

04 décembre 2013

Vue d'en haut



J'ai accepté ce vol en goéland, mais je ne suis pas très rassurée...Il n'y a rien pour se tenir, seulement l'odeur de son cou frais et son empennage d'un blanc opalin. Il me regarde de son œil noir et brillant.
-Monte! 
Je m'installe sur son dos, je me traite de folle intérieurement. Sa voix est étrange, c'est celle de mon moniteur de ski quand j'ai eu ma première étoile, à dix ans. Impérieuse et rassurante à la fois. J'obéis.
Je ferme les yeux. J'ai peur. Mais j'ai envie en même temps. Les deux forces contradictoires de chaque désir.
Il prend sa course d'élan, ses pattes frappant le sol avec force. Ma tête oscille en suivant les mouvements de son corps robuste et chaud.  Mon coeur se décroche et se rompt quand je n'entends soudain  plus rien, que le silence de la vie. La terre s'éloigne.
-Regarde! 
Le paysage est d'une beauté farouche, nimbé de la brume légère qui monte de la vallée. Vue d'en haut, la vie semble belle et paisible. Plus un cri. Plus un bruit de malheur. Mes soucis semblent minuscules, et disparaître dans la ouate d'un nuage.

Le vent fait claquer mon corsage comme une voile, je sens la fièvre et l'ivresse me gagner, des tressaillements me traverser. Je voudrais agrandir mes yeux pour absorber les champs roux, les arbres qui moussent de rayons, les rides sur la mer, scintillant au premier soleil, la splendeur des maisons bleues accrochées à la colline, le concert des ors gris et des nacres de la ville au-dessous de moi. 

Quand je m'éveille, je reste durant de longues minutes frissonnantes, épantelée par ce rêve. Je ne sais pas ce qu'il veut dire.   


Dear Father (Reprise) by Neil Diamond on Grooveshark

01 décembre 2013

Voyage en Absurdie

Avertissement: 
Photo internet
Ce billet contient une dose importante de second degré et d'ironie. C'est pourquoi, contre d'éventuels effets indésirables, vous trouverez un antidote dans la petite vidéo en bas.



Si tous les gars du mon-on-de voulaient se donner la main ...♪♫. Enfant cette chanson me faisait pleurer. Je la trouvais tellement belle, tellement poétique. Je dessinais une belle terre ronde et bleue, et une ribambelle de bonshommes de toutes les couleurs qui en faisaient tout le tour. 

Il faut bien admettre que quelques années plus tard, et en raisonnant par l'absurde, j'en arrive à la conclusion que c'est rigoureusement impossible.

Pour la bonne et simple raison que,  même si c'était plausible scientifiquement( ce qui reste à prouver), en multipliant la distance moyenne de l'envergure humaine par le nombre d'habitants, en se plaçant rigoureusement sur l'équateur, pour avoir la plus grande circonférence, en trouvant un système pour être tous prêts en même temps (malgré les fuseaux horaires et l'alternance jour-nuit), un autre pour ne pas se perdre de vue dans la jungle équatoriale, un troisième pour tenir debout droit sur l'eau (y en a qu'un qui avait le secret, mais il l'a emporté avec lui, l'égoïste), bref, en réduisant toutes les contraintes physiques et techniques, eh bien malgré tout cela,  tous les gars du monde ne voudraient pas se donner la main.

Alors pourquoi ?  me direz-vous benoîtement. Mais, si tout le monde s'aimait, si les bons sentiments régnaient,  avez-vous réfléchi à tous ces métiers qui disparaîtraient? Une véritable catastrophe économique.
L'honnêteté triompherait: 
Plus de policiers, de détectives privés, de juges, d'avocats, de notaires,  de gardiens de prison, de vigiles, de pions, plus de fabricants de clés, de verrous, de cadenas, d'antivols, de barreaux, de grilles, de clôtures, de rideaux de fer, de bombes anti-agression, d'anti-démarrage codé, de coffres-forts, de code secret, de sites sécurisés, plus de banques, d'assurances, de contrôleurs, de vérifications des fraudes, d'amendes, de pénalités, de radars, de caméras de surveillance, de vidéos témoins, de lettres de rappel, de recouvrement, d'huissiers, de saisies, d'hypothèques...

La noblesse des sentiments serait la règle:
Plus de lutte des classes, de manifs, de syndicats, de prud'hommes, de partis politiques, de ministres véreux, de politocards, plus de patrons, plus de retraites chapeaux. Plus de curés, d'imams, de rabbins censés montrer le droit chemin ou d'éducateurs ramenant les brebis égarées...Plus de films X, de prostitution, de trafic de drogue, de tripots, de bordels, de clandestins, d'esclaves, de sans-papiers, d'exploitation de l'homme par l'homme...

L'amour et la paix seraient partout:
Plus de marchands d'armes, de bombes, de chars, de généraux, de militaires, de diplomates, de médiateurs, d'espionnage, plus de meurtres, de crimes, de viols, de tortures, de génocide donc plus de films ou de livres sombres et même noirs, de films d'horreur, de thrillers, de polars, plus de violence, d'inceste, de maltraitances donc plus de psychologues, de psychanalystes, plus de prozac, de tranxéne, de lexomil, plus de stages de développement personnel, plus de cours de sophrologie ou de yoga, plus de neurologues, plus d'ulcères à l'estomac, plus de maladies psychosomatiques, plus de marchands de sparadrap.

Quand les hommes vivront d'amour, en se donnant la main, si ça se trouve, plein de gens pensent  que ce sera chiant. Et si ça se trouve, ils ont raison.






26 novembre 2013

"Hédoniste!"




























"Hédoniste!" me lança un jour sous forme de boutade un Inspecteur de l'Education Nationale au cours d'un stage de formation. (Je vous parle d'un temps où la formation continue ne s'était pas encore vidée de sa substance) 
Il avait la moustache spirituelle, d'ailleurs elle se terminait en frisant par une virgule à la Dali, preuve que cet homme-là, qui ponctuait ses discours de Camus et de Blaise Cendrars, était d'une espèce désormais quasiment disparue chez les hauts fonctionnaires: un humaniste cultivé et plein d'humour. (Si ça se trouve, je le soupçonne d'avoir eu quelques états d'âme au lieu d'une âme d'état...)
Je sentis dans cette apostrophe une sorte d'admiration pour ma personne qui ne s'est pas démentie par la suite. Presque une complicité. Il avait bien compris qu'en revendiquant le droit au plaisir dans le travail, je ne faisais qu'exprimer l' aspiration générale légitime des petits, des obscurs, des sans-grades, doublée d'une interrogation existentielle et récurrente: le travail doit-il nécessairement être un supplice, de par son horrible et douloureuse étymologie de tri-pallium ? bref, doit-on vraiment se faire chier au boulot? Je veux dire, pour justifier sa paye?

Oui, monsieur le président, je suis une affreuse hédoniste. Partout, tout le temps, en tous lieux y compris au travail. Je le conçois, je le concède, je l'assume, je l’admets. Je mange toujours mon chocolat avant mon pain.Je ne mets pas d'eau dans mon vin.

J'aime les moments de pur bonheur que m'offrent mes élèves, leurs mots drôles, leurs textes touchants, les séances qui fonctionnent bien, quand le courant passe et que leurs petits yeux s'allument soudain du plaisir d'apprendre. 
Je déteste remplir des livrets de compétence, des enquêtes, des projets, des tableaux, des paperasses inutiles, me réunir quand je n'ai rien à dire, compter mes heures, recompter mes commandes, vérifier les assurances responsabilité civile et individuelle accident.

 Il n'est pas rare que j'arrête le cours de la classe pour chanter une chanson, lire une histoire, ou encore observer quelque chose par la fenêtre (de toutes façons, les élèves ne sont plus attentifs à rien d'autre si on les empêche de regarder)...J'appelle cela mes respirations. Elles me sont indispensables.
Un vol d'oiseaux sauvages, tiens, les premiers flocons qui cognent silencieusement à la vitre, le gyrophare des pompiers qui lance ses éclairs bleus sur le tableau noir, les dessins du givre, les reflets mordorés de la peinture dans le lavabo, le soleil qui s'en va tout rougeoyant. Tout prend sens lorsque l'on sait mettre des mots sur les choses. La vraie vie donne de la couleur aux apprentissages.
C'est pourquoi je suis heureuse de vous apprendre que mon projet de classe de découverte (de longue lutte, souvenez-vous) a été "validé" (l'affreux mot!) par la mère Jargonos. Je partirai donc début juin pour faire découvrir les étoiles à mes schtroumpfs. Avec un immense plaisir d'hédoniste invertébrée.



Etude no 13 by Roland Dyens on Grooveshark

23 novembre 2013

Omelette norvégienne







J’entends souvent dire de moi que je souffle le chaud et le froid. Sans doute fait-on allusion à ma légère cyclothymie. Combien de fois vous ai-je dit que je l' assume ? Certes, je suis d’un tempérament brûlant et la fougue est ma cousine. Vous avez sûrement déjà compris que je ne suis pas une tiède. Plutôt un geyser, ou un volcan… Mais attention ! si je n’ai pas froid aux yeux je n’en suis pas givrée pour autant !
Surtout n’allez pas faire des gorges chaudes de mes révélations. De toute façon, le qu’en dira-t-on ne me fait plus ni chaud ni froid. Non, je ne jette pas d’huile sur le feu, les gens pensent ce qu’ils veulent, je ne suis pas très chaude pour polémiquer outre mesure. Et si je perds mon sang-froid, ce serait plutôt pour les yeux ardents d’un bel hidalgo aux yeux de braise, vous voyez. Hé! Je n'ai pas dit un chaud lapin, dites donc!
Bon je vous cueille à froid, là, je vois bien que vous vous refilez la patate chaude, certains vont même me battre froid…Non ? Ouf ! J’ai eu chaud ! L’idée de perdre votre estime m'a fait froid dans le dos…Je ne supporterais pas d’être en froid avec vous, vos mots me font si souvent chaud au cœur !
Allez, je vous laisse, sinon  je vais finir par attraper un chaud et froid, et comme on dit, chat échaudé…



(Griffonné à cent à l'heure pour me réchauffer dans une salle d'attente glaciale)

20 novembre 2013

L'alchimiste


Quel est donc ce sentiment qui m'a coupé le souffle, ce soir, alors que je m'attardais à ma fenêtre ? Pourquoi ai-je eu l'impression de l'éprouver pour la première fois?  Comme une sorte de longue brise fraîche qui m'a parcourue de frissons, comme si toutes les forces cosmiques et telluriques s'étaient donné soudain rendez-vous sur mon plexus solaire...
J'ai cherché un moment, tout en contemplant l'éternelle beauté céleste. 
Et au bout d'un long moment, j'ai trouvé: c'était, je pense, un accès fiévreux de gratitude.
Difficile à décrire, n'est-ce pas, cet étrange sentiment? qui vient choquer comme une boule de bowling les quilles vacillantes de notre raison. 
Ceux qui le connaissent ne diront pas le contraire. C'est une jubilation  muette et hurlante en même temps.Le besoin de chanter, de rire et de pleurer tout à la fois.
J'ai regardé mes mains se tendre vers l'infini, touché du doigt cette caresse, cette immense délicatesse de la vie qui m'a prodigué tant de bienfaits.
J'ai dressé ma liste silencieusement. La formidable liste de  tout ce qui fait que je ne souhaiterai jamais, à la réflexion, être quelqu'un d'autre. Et que je ne jalouse personne. 
J'ai énuméré ces merveilles avec le regard incrédule d'un enfant, au matin des étrennes: "Tout ça pour moi?" 
J'aime m'asseoir sur le rebord du monde et remercier je ne sais trop qui ou quoi au juste. Mes parents ? l'Univers ? Le hasard ou la nécessité ? Qui remercier de cette chance? Car je me rends bien compte que c'est la chance de ma vie, ce don d'alchimiste que j'ai de transformer le plomb en or...
Il est de mon devoir de continuer à faire exploser ce fin bonheur en  particules pour en asperger chaque être autour de moi. Je suis en quelque sorte un aérosol de joie. Amenez- vous, belles plantes,  que je vous pulvérise un peu les feuilles contre la cochenille des mauvaises pensées et le mildiou du découragement. 
-N'importe quoi! Célestine! Tu prends des substances illicites ou quoi?
-Mais non, c'est très sérieux!Ecoutez...
Vous l'entendez cette petite musique enivrante et miraculeuse, ténue et entêtée comme le souffle des étoiles?
C'est votre coeur qui bat.

16 novembre 2013

Télé Réalité




























Kevin :  Aaaah ! J’ai dormi comme un noir ! mais…Qu’est-ce que tu as, Ashley ? Tu fais une tête de six pieds et demi !
 Ashley : Oh, Kevin, tu sais quoi ? Steven me trompe avec Stéphanie.
Kevin : Ça alors, c’est la cerise sur le chapeau ! Tu es sûre ?
Ashley : j’en mettrais ma langue au chat !
Kevin : Chut ! parle moins fort, les murs ont des orteils !
Ashley : Je savais que c’était la décatombe, cette émission ! Mais là, c’est l’étincelle qui fait déborder le vase.
Kevin : C’est vrai qu’il n’y est pas allé avec le dos de la main morte !
Asley : Tu me diras que les goûts et les couleuvres...Mais, bon, qu’est-ce qu’elle a de plus que moi cette bimbo ? Elle a pas inventé le fil à couper le plomb, tout ce qu’elle cherche depuis le début de l’émission, c’est à courir le billet doux avec tous les mecs…mais c’est vieux comme mes robes, sa technique !
Kevin : Ouais, c’est connu comme le houblon. Je voyais bien qu’il y avait anguille sous cloche…
Ashley : Mais il va voir de quel doigt je me chauffe ! Il ne va pas longtemps me faire prendre des WC pour des latrines ! S’il croit que je vais attendre les calanques grecques pour réagir, il se fourre le doigt dans l’oreille !
Kevin : c’est vrai qu’il est fier comme un bar tabac, il faudrait lui rabattre son baquet… Quand je pense qu’il t’a juré le grand amour, il dépasse les borgnes ! Mais moi je suis là, si tu veux que je te console…
Ashley : Oh, t’es gentil, toi, Kevin…Tu vois, tu crois que tu as une amie, mais se faire des amies, ici, c’est la croix et la galère…Autant chercher une anguille dans une meute de chiens…
Kevin : t’as raison ! Moi aussi je suis déçu par les autres. Avant qu’ils soient  réglos, les moules auront des gants !  Mais toi, Ashley, tu n’as pas la langue dans ta bouche, je te fais confiance, 

Ashley: C'est vrai, Kevin,  je suis têtue comme une moule. Et la vengeance est un poulet qui se mange froid.

ndlr: toute ressemblance avec des cerveaux en coquille de noix ne serait que pure coïncidence.