La journée, sous le soleil, commence par la visite de l'un des plus beaux châteaux de l'ère médiévale japonaise : Le Héron Blanc (appelé aussi parfois l'aigrette par les Japonais).
Ainsi nommé pour la couleur immaculée de ses façades, le Héron Blanc se dresse fièrement au-dessus de la ville, même s'il ne tient plus son rôle de défense contre l'ennemi. Une forteresse imprenable à laquelle il est ardu de s'attaquer, mais seulement pour les mollets.
L'intérieur est aussi sombre que l'extérieur est clair. Son plan militaire est le même à chacun des cinq étages. L'ascension promet un beau spectacle. De là-haut, vue sur les tuiles de ses toits si particuliers, aux angles retroussés vers le ciel qui font tout le charme des pagodes d'Extrême-Orient, et sur ses sculptures incroyables censées éloigner les ennemis. Les deux poissons en haut du toit font comme deux petites cornes de taureau.
De loin le château ressemblerait presque à la tête d'un Shogun nanti d'un casque à pointes.
Autour du château s'étend un jardin bien entretenu, comme je les aime, avec une cascade, un petit pont à la Monet, des lotus et de la mousse, des sentiers qui serpentent entre les arbres taillés en nuages et les massifs d'hortensia. Dans le bassin, des carpes Koï grosses comme le bras semblent indifférentes aux chapelets de touristes qui les photographient... Bref, un jardin zen. Dommage qu'une musique de fête foraine soit venue troubler cet instant de méditation.
J'ai ressenti le même agacement que devant les montagnes russes cachant (gâchant?) la vue du Fuji-San. Mais la vie est multi-facettes, et tout le monde n'a pas l'âme contemplative.
Kobe. C'est amusant : on pourrait imaginer qu'une ville qui est célèbre pour sa viande de bœuf soient entourée de verts pâturages dans lesquels paissent de grosses vaches paisibles.
Il n'en est rien. Kobe forme, avec Osaka et Kyoto, une immense mégapole, un délire citadin comme les hommes sont capables d'en créer quand ils se laissent dépasser par leur propre folie. Les trois villes n'en font plus qu'une, gigantesque entrelacs d'immeubles, de ponts et de routes qui s'enjambent les uns les autres sur plus de trois cents kilomètres. L'horizon barré de montagnes verdoyantes, tout là-bas, au nord, est la seule référence naturelle dans le paysage.
Trois mégapoles forment une mégalopole, le mot est bien choisi.
C'est impressionnant. Je préfère ne pas trop penser à la qualité de l'air que nous respirons durant ces quelques jours au bord de la mer intérieure.
Ici, à Kobe, les architectes se sont fait plaisir en déployant leur talent dans des réalisations toujours plus dingues. Sur le front de mer, une gigantesque structure de métal blanc évoque un voilier en partance. C'est le musée des sciences maritimes. D'une élégance rare.
La tour de Kobé, en forme de sablier géant très élancé, permet aux touristes de prendre de la hauteur, comme sa jumelle la Tour de Kyoto, que nous visitâmes il y a peu.
Nos pas nous mènent dans l'insolite quartier de Kitano Cho, où l'on peut voir des maisons de style colonial construites dans les années au début du XXeme siècle. L'engouement des habitants de Kobe pour l'Europe est ici tangible : les ruelles pittoresques ressemblent à celles de Montmartre, d'ailleurs, le quartier est jumelé avec la célèbre Butte parisienne. Un Montmartre sans les peintres, quand même...
On y trouve aussi, ça et là, une ou deux églises chrétiennes.
Finalement, le restaurant proposera du bœuf, oui, mais pas de Kobe. Akiko la malicieuse insiste sur la nuance : vous avez mangé du bœuf à Kobe, et non de Kobe. Celui-ci est sans doute hors de prix, comme je le disais dans un précédent billet. Je ne sais d'ailleurs à quoi est dû son succès. C'est une viande bien trop persillée (ce qui est un euphémisme, car il ne s'agit pas de persil, mais de gras)
Je continue plutôt ma cure de légumes au bouillon, de riz, de pousses de bambou et de poisson cru. Avec des baguettes bien sûr. Je sens que je me japanise à vue d'œil.
A suivre