Les temples bouddhistes ou shintoïstes ont cette particularité d'être entourés de jardins mirifiques, où les essences d'arbres splendides se reflètent dans des étendues d'eau ponctuées de lotus. Le site de Kiyomizu n'échappe pas à la règle, à ceci près qu'il se niche à flanc de montagne, et que ses jardins sont presque complètement naturels. Je veux dire qu'ils n'ont pas été créés spécialement. Un chemin serpente à travers la forêt, reliant plusieurs petits sanctuaires au principal. Il s'en dégage une énergie particulière, soudain je me retrouve en montagne avec mes parents, ressentant cette odeur particulière de frais sous-bois et d'aiguilles de pin qui se réchauffent lentement au soleil du matin. Tant de distance et tant de temps me séparent de ce moment, et pourtant c'est là, très présent en moi. Une émotion rare teintée de nostalgie douce. Un peu de méditation ramène le calme en moi.
De la terrasse, on aperçoit dans la brume Kyoto qui émerge de sa courte nuit. Les touristes se serrent sur un balcon en surplomb qui aurait tout intérêt à être solide ! Les amateurs de selfies se pressent devant la rambarde, Italiens volubiles, Chinois bruyants, influenceuses sur instagram toutes en manucure et maquillage parfait, jeunes filles en kimono, ou en minijupe façon manga, Japonais juchant leurs smartphones en haut d'une perche, guides agitant la leur avec un repère pour groupe de touristes, drapeau, peluche, ou emblème coloré.
Akiko a opté pour un bouquet de chrysanthèmes bleus, fleurs sacrées n'ayant pas ici la connotation que nous lui connaissons. D'ailleurs, à ce propos, les portes des palais portent souvent le chrysanthème d'or, emblème de la famille impériale : quand on le voit, on peut ranger l'appareil photo, c'est un lieu préservé.
Nous tentons d'apercevoir les singes qu'une pancarte signale à l'entrée. Mais ceux-ci doivent être assez effrayés par cette masse impressionnante d'humains en mouvement pour ne pas quitter le haut de leurs arbres.
Des fontaines sacrées sont prises d'assaut, on y recueille l'eau dans des hishaku au long manche. Il paraît que cette eau rend celui qui la boit plus intelligent. Intéressante vertu médicinale, beaucoup trop méconnue !
Sur une sorte d'autel en plein air, des statuettes représentant des bébés portent de vrais bavoirs accrochés à leur cou. Il s'agit d'attirer les bonnes grâces de la divinité sur la fécondité du couple, tradition remontant à une époque où la mortalité infantile décimait les familles.
C'est très malaisant, ces petits bavoirs roses sur le froid du granit. Cela refroidit quelque peu l'ambiance.
D'un saut d'autocar, nous nous retrouvons au temple Ryoanji et son jardin zen.
Des mariés en costume rituel privatisent, comme bon nombre de Japonais aisés, une partie du parc comme écrin à leur cérémonie. Les érables y sont de toute beauté. Mais beaucoup d'autres essences, tels les camélias, magnolias, gingko bilobas, oliviers, saules pleureurs, cyprès...la taille minutieuse de ces arbres, (cet art porte le nom de niwaki) donne au jardin sa spécificité : luxuriant mais aéré, presque minimaliste, respectant la nature et ses éléments Zen. La pierre (souvent donnée en offrande par les vassaux du Shogun) le bois, l'eau, la verdure.
Quant au gazon, il ferait pâlir un Anglais, par sa couleur, son épaisseur, sa douceur.
Bref, je ne me lasse pas de ces endroits baudelairiens, où « tout n'est qu'ordre et beauté » .
L'après-midi, rendez-vous au Pavillon d'or de Kinkakuji. L'étonnement va crescendo. Imaginez une pagode toute en or, érigée au milieu d'un lac. C'est d'une beauté épantelante. Inaccessible. Divine.
En arpentant les allées de sable blanc, je tente de percevoir l'esprit du lieu. Ici, un banc de marbre brillant s'offre à la pause, là, on tente de bien viser pour faire entrer une pièce de 100 yens dans un vase de métal placé à trois mètres. De temps en temps le vase tinte, comme un léger carillon dans l'air pur.
Le château Nijo, ancienne demeure shogun, offre au regard ses splendides peintures sur bois.Tigres, arbres, paons, cerisiers.
Au regard seulement, là encore, interdiction de photographier. Je réussis quand même à chaparder quelques vues, l'air de rien, qui semblent avoir été prises après absorption d'un litre de sake au moins.
Mais déjà nous partons pour Gion, dans le quartier des Geishas. Cette fois, nous parvenons à en capter une ou deux furtivement, à force de patience.
Leur visage énigmatique et triste à la fois a de quoi bouleverser.
Que pensent-elles ? Sont-elles heureuses ? Ont-elles vraiment choisi leur vie ?
Nous les verrons mieux au théâtre de Gion Corner, un petit éventail des différentes formes d'art théâtral japonais. Musique, danse, comique de geste et théâtre No. Malgré l'interdiction de photographier, un peu décevante, c'était à voir au moins une fois.
Une journée étourdissante... et un peu fatigante !
Demain, nous dirons sayonara à Kyoto. C'est à dire adieu. Il y a en effet bien peu de chance que l'on y retourne, hélas.
(à suivre)
Entre hier et aujourd'hui il y a effectivement une grande différence dans le regard de ces Japonaises....
RépondreSupprimerLa tristesse des Geishas est en effet très marquée sur les photos du jour...
Toujours très vivant ton récit !
Merci pour ce témoignage.
Pour l'instant , ici , je me contente d'admirer des estampes.
Bises
j ai lu tes articles sur le japon
RépondreSupprimerc'est merveilleux
merci de nous faire participer
profites en bien
big bisous
http://jakepistolaire.over-blog.com/
Des fontaines sacrées sont prises d'assaut, on y recueille l'eau dans des hishaku au long manche. Il paraît que cette eau rend celui qui la boit plus intelligent. Intéressante vertu médicinale, beaucoup trop méconnue !
RépondreSupprimerVois-tu Célestine, je me suis réveillée ce matin de fort mauvaise humeur après un rêve très désagréable. C'est certain, nous manquons de fontaines sacrées en France, tu sais, celles qui rendent les gens plus intelligents ! ;-)
Dans le rêve, j'avais planté dans un jardin des arbustes qui étaient enfin en fleurs. J'étais assise sur une terrasse devant les arbustes fleuris avec d'autres personnes. Nous profitions de cette floraison, de ce moment zen lorsque sont arrivés deux jeunes hommes d'environ 17 ans. Et ces crétins ont cueilli toutes les fleurs sans se gêner... J'ai commencé à râler et ils m'ont répondu agressivement : "on fait ce qu'on veut". Etant une femme non initiée aux arts martiaux je ne me suis pas levée pour aller leur donner une "torgnole" (j'aime bien ce mot !). Mais ce n'est pas l'envie qui m'en manquait !
Que se passerait-il au Japon devant ce genre d'individus irrespectueux de tout ce qui n'est "qu'ordre et beauté" ? D'ailleurs existeraient-ils ailleurs qu'en France ces individus qui se permettent tout et n'importe quoi ?
Sinon sur tes photos, les geishas effectivement ne semblent pas respirer la joie de vivre...
Les jardins ont superbes, les petit lacs et les fontaines aussi et les temples somptueux, mais je n'aime pas ces bébés bavoirs tout figés !
RépondreSupprimerQuand aux geishas au visage blanc de poupées, elle aimeraient peut-être arborer un vêtement plus moderne et moins embarrassant !
A cause des touristes mal élevés, la plupart des ruelles de Gion sont désormais inaccessibles. Le Japon avait demandé aux touristes de ne pas mitrailler de photos les geishas mais les gens étant indisciplinés, le bâton viendra donc appuyer la demande courtoise. J'ai vu cette semaine la vidéo d'une touriste américaine qui harcèle d'une manière odieuse une jeune maiko pour lui voler des images, ce genre de personne font honte à tous les occidentaux.
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