19 juillet 2025

La pluie, l'été.





L'herbe jaunit et verdit au fil des saisons, dans mon pays du sud. Depuis juin, la prairie sur la colline ressemble à la savane. Il ne manque plus qu'un lion.  Les pluies d'été sont si rares, ici, on se croirait sur le Garlaban, dans une de ces garrigues si bien écrites par Pagnol. 
Aujourd’hui, ça giscle, Papet ! Oui l'eau est précieuse ici. Et la chaleur étouffante d'hier a fait place à un air rafraîchissant qui descend de la montagne toute proche. La maison a ouvert ses paupières qu'elle tenait fermées pour se protéger de l'ardeur du soleil. Les fleurs frémissent sous les gouttes comme des poupées coquettes devant leur miroir. L'odeur du pétrichor envahit mes narines.
Je vais monter chercher un pull, j'ai presque froid...
Le ciel noir d'encre va décharger son électricité sur quelque pin tordu qui finira sa vie en apothéose. Dieu joue à la pétanque. Ô, Marcel ! Tu tires ou tu pointes ?
Bref, l'orage a ramené votre Célestine vers vous, lecteurs adorés. 
Depuis mon dernier billet, en juin, je me suis adonnée à mes activités favorites avec une certaine jubilation. En premier lieu, observer les gens. Leurs particularités, leur prodigieuse diversité. 


Zélie, Carla, Manon, Louise, Maiwenn, Poppée,
telles des Parques sur l'Acropole...
 




Une semaine à la mer avec six jeunes filles de seize ans est à ce titre riche d'enseignements ! 
Un véritable bain de jouvence, et une mine d'informations en direct live, bien plus fiable que toutes les revues ou essais traitant de cette engeance fascinante : les ados. Malgré tout ce que l'on peut en dire (souvent en négatif, d'ailleurs) les jeunes, pour peu que l'on s'intéresse à eux, et que l'on respecte leur singularité,  sont avides d'apprendre, d'écouter, de comprendre. 
Et savent lâcher de temps en temps leur prothèse de main... euh... leur portable. Pour apprécier un lever de lune sur la mer. Ah, ça m'a fait un bien fou, de revoir cette flamme dans des regards qui pétillent. Cet éclair que j'ai cherché toute ma vie dans les yeux des enfants, c'était mon Graal.
Après la mer, la montagne, une cousinade au coeur des monts d'Ardèche, belle bâtisse de pierre au bord d'une rivière argentée. Trois jours pour, là encore, observer les gens. Discuter avec eux pour pénétrer cette barrière molle des conventions, des paroles toutes faites, et aller creuser dans leur substrat intime. Ce qui les meut. Ce qui les rend vivants. Passionnante aventure. Regarder cohabiter pendant trois jours des vegans et des viandards, des enfants et des vénérables, des joyeux et des taciturnes, des qui croient au ciel et des qui n'y croient pas. Rassemblés dimanche matin dans un temple autour d'une pasteure remarquable, qui parlait de pierres vivantes. 
C'était beau et chargé de symboles.

Les tritomas 



Ma deuxième activité favorite : embellir la vie. Apporter ma touche d'étincelles. Retrouver le jardin, lui rendre sa magnificence, contempler la fontaine, les pigeons ramiers, les rouge-queues, les écureuils, tout ce petit monde familier qui enjolive la maison de la colline. Ranger cinq stères de bois pour l'hiver, et s'écraser l'ongle du pouce. Le regarder prendre une jolie teinte bleu sombre.

Gédéon l'écureuil
sur une des branches du grand chêne




Photographier le chêne mois après mois. Parler aux tritomas, aux coreopsis et les féliciter pour leur bonne mine. Arranger, décorer la maison. Inviter les voisins sous les étoiles, préparer des brochettes de fruits, dresser de jolies tables en harmonie. Boire du vin rosé et humer le jardin d'aromates, menthe, sauge, romarin, thym, origan, verveine, tous les parfums de l'été. Ou décider impromptu d'aller manger en ville, sous les tonnelles de la place du marché.

Et enfin, dernière activité, mais non la moindre, profiter, et sublimer chaque instant en se disant que c'est le plus beau de la journée. Lire, jouer du piano, flâner, s'aimer. Sentir s'étirer le temps sans que rien ne nous oblige. L'été, quoi.


Le chêne ce matin, avant la pluie



24 juin 2025

L'espérance follement réaliste


L'un de vous m'a remis en mémoire un texte que j'avais commis il y a presque dix ans. 
« Comment je pense à demain », sur une consigne de Queneau et ses 366 réels.
Rien n'a changé : il y a toujours deux façons de penser à demain. Au propre et au figuré. 
Demain, dans vingt quatre heures, je vais partir voir mes petites étoiles qui me manquent, mes Angevines. Demain soir elles seront dans mes bras. J'en suis sûre et pourtant, il y a une infime possibilité que cela n'arrive pas... Mais je vois déjà les superstitieux jeter du sel par dessus leur épaule tout en touchant le faux bois de leur table ikéa. On ne peut jamais rien dire de demain. Et cette incertitude est le sel de la vie.
Alors le grand demain... le Futur de l'humanité...Ce flou nébuleux que l'on appelle l'avenir. Ce qui est à venir. Ce qui arrivera. Ce qui n'arrivera pas. Ce mystère aussi épais qu'un dictionnaire en dix volumes. Qui peut en parler, honnêtement ?
Comme je le disais, on ne peut que supputer.
Soyons réaliste. Le pire est possible. Il est même probable. Les agités du bulbe rachidien qui jouent aux soldats de plomb avec nos vies n'en ont rien à carrer. Ils se trumpent, de toute évidence. Mais se croient au-dessus des lois mystérieuses de l'univers. Chétifs insectes, pauvres excréments de la terre...
Se préparer au pire en tremblant et en érigeant des murs n'est pas forcément très constructif. Mais si cela consiste à renforcer en soi les graines de courage, de résilience, de paix, d'ouverture, de solidarité, c'est faire de son mieux : ce sont ces graines-là qui aident à rester debout dans les tempêtes.
Renforcer en soi l'admiration des belles choses, le respect, la gratitude, le contentement. C'est notre potentiel d'êtres pensants. 
Cultiver en soi l'humilité et la fierté, l'espoir et la vigilance, le rêve et le réalisme, le coeur et la raison. Toutes ces choses en apparence contradictoires, mais qui sont les tenons et les mortaises de tout ce qui s'élève vers le haut, défiant les lois de l'équilibre et les rouages de la peur. 
En plantant mon olivier, il y a deux ans, je semais cette graine d'espérance follement réaliste dont parlait Alain. Pas le philosophe, non. 
AlainX, mon ami blogueur au discernement si fin, si juste.
Mon olivier va bien. Je vais bien. Le monde est rond et bleu comme une orange.
Jusqu'à quand ? On s'en fout, finalement.

Mon olivier en 2023

Mon olivier en 2025


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A Alain.
A Daniel.
A tous ceux qui s'assoient sur le rebord du monde en égrenant des arpèges.






12 juin 2025

Côte ouest

 





Je suis passée à l'Ouest un certain temps. J'étais bien, face aux flots de l'océan, baignant l'immense Golfe de Gascogne dans toute sa diversité de paysages. Vous savez bien ce que j'aime : le bruit des vagues se brisant sur les récifs, les phares, les ports à marée basse, l'odeur de l'iode et le cri des goélands. Tout cela me rend vivante, absolument.
Mais j'ai aimé aussi rencontrer les marcheurs de Compostelle à Roncevaux, là où la brume noie les contreforts des Pyrénées dans une ouate humide d'où émergent les sapins, comme de petits fantômes au garde-à-vous. Les pèlerins sous leurs pèlerines, taches multicolores sur le vert sombre.
Le Pays Basque m'a enchantée : dire que je ne connaissais pas Biarritz, ni Hendaye, ni Saint Jean de Luz... J'ai adoré le ballet des surfeurs sur les crêtes liquides frangées d'écume. C'était beau. La lumière du soir. Manger au bord de l'eau. Me sentir en vacances, déconnectée. Ravie. 
J'ai discuté avec un professeur de pelote basque, devant un de ces magnifiques frontons qui ornent les villes de cet étrange pays, à l'identité aussi forte que la Catalogne. Passionné de son art, le gars. Il nous a tout montré dans son estancot, les chistera en osier, les balles lourdes et denses comme des pierres, les tenues des pelotaris, les gants, les paletas.
Et si on sautait la frontière et poussait jusqu'à Bilbao, pour voir le formidable musée Guggenheim et ses volumes démesurés ?  Ce qu'il y a de bien, dans les roads trips, c'est le côté improvisation. On a envie d'aller là, on y va. 
Parfois, improviser joue des tours : impossible d'entrer dans le célèbre monastère de San Juan de Gastelugatxe. Il fallait prendre ses billets sur internet deux semaines à l'avance... On s'est contenté de le voir de haut, perché sur son minuscule îlot cerné de bleu.
De là, un crochet par Guernica, tristement célèbre par le carnage immortalisé par Picasso et Paul Eluard. A Lekeitio, à Bermeo, à Bernado, des ruelles, des bar à tapas animés, la vie espagnole comme on l'aime. Les formidables salines d'Añana, où l'on peut patauger dans l'eau saumâtre au sens premier du terme.
A Pampelune, l'hôtel dominait la ville, c'était divin. Le toro y est roi. Arènes, statues, boutiques, tout parle des abrivados, ces lâchers de taureaux dans les rues de la ville, qui ne sont pas des vachettes inoffensives comme on pourrait le croire...
Puis retour avec une escale à Dax, dans une ambiance de ville thermale du début du vingtième siècle, et une autre à l'île d'Oléron. Les maisons colorées du Château d'Oleron valent vraiment le détour. Ainsi que le phare de Chassiron. 
Un bol de découvertes et d'air marin qui m'a requinqué les neurones.

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Biarritz, la grande plage



La Côte basque sauvage





Un professeur de pelote basque, passionné.

               

Une maison typique

Une touriste ravie à Irun

Bilbao

Les fantastiques sculptures d'acier de Richard Serra à Guggenheim

La demesure digitale et numérique

Un oeuf Kinder géant ;-)

Des tulipes impressionnantes

Le monastère de Gaztelugatxe

Une ruelle à Bermeo

Sur la plage de Lekeitio

Les salines d'Añana

La ville forte de Bernedo



Les fameux bocadillos

Donne moi ta main... euh... ton bras !

Des pèlerins à Roncevaux

Compostelle, c'est par là !



Un monument dédié aux courageux amateurs d'abrivados

Et un hommage aux marcheurs de Compostelle


Le style Arts Déco de l'hôtel Splendid à Dax.


Sur le port de Blaye, non loin des fameuses « Côtes »...

Les reines de l'île, comme à Ré.

Le port de Saint Pierre

Le Phare de Saint Pierre

...et celui de Chassiron, à la pointe de l'île.





La plage de cairns à Saint Denis, dont le conseil
municipal a décidé la démolition... Dommage !

Moules frites à Saint Georges

Les maisons de pêcheurs à Château d'Oleron.

C'est tout pour aujourd'hui. 😉






25 mai 2025

Le bonheur du linge












Le linge frais, éclatant, celui que les lavandières étalaient à même l'herbe, en prenant bien garde de ne pas frotter le tissu : les taches vertes sont si récalcitrantes au savon... Aux temps anciens, on étendait le linge, littéralement, le mot est resté, même si l'invention de l'épingle à linge a changé les habitudes.
Un étendoir balançant doucement le linge au vent et au soleil, c'est beau comme un film italien. Et étendre le linge à deux, oser mélanger pour une fois les torchons et les serviettes, se chercher, se trouver, braver les interdits... c'est la magie cachée de la pince à linge.
Qui dira l'érotisme subtil de ce jeu de cache-cache à travers les draps humides ? Un jeu vertical, prélude sans nul doute à d'autres jeux plus horizontaux. 
Une silhouette nue derrière une nappe à carreaux vichy et l'on devient Bardot et sa croupe incendiaire, zieutée par un Curt Jurgens cramé de désir. 
Un soutien-gorge en satin rose et l'on est Magnani. Belluci. Cardinale. Héroïne fellinienne de la lessive Plouf.
Les draps sont les rideaux d'un théâtre d'ombres derrière lesquels se jouent l'amour et le hasard. Leur odeur de verveine ou de lin bleu enflamme les sens, enivre le corps qui se met à battre la campagne. Rien de plus suggestif qu'un triangle de dentelle ensouplinée qui oscille sur son fil sous la brise d'un matin de mai.
D'ailleurs, en parlant de campagne, voilà un plaisir que les pauvres citadins, condamnés au « tancarville » ou à l'affreux sèche-linge qui roule les fringues en boule ont le droit de ne pas connaître. Sauf peut-être dans les villes du sud, où le linge pavoise les rues en oriflammes grâce à un système ingénieux de fils et de poulies. On en revient à l'Italie. On ne quitte pas l'Italie. Ma mère ne reniait pas ses origines. Santa madre ! « Le linge, ça sèche à l'air sinon ça pue » ! Elle n'y allait pas par quatre chemins, la madre. Elle étendait dehors, tout le temps, et l'hiver, le gel rendait parfois les vêtements durs comme du bois et friables comme du verre. Nos chemises étaient en carton, ourlées de givre, ça nous faisait rire. 
Elle les rangeait dans l'armoire dédiée avec de petits sacs de lavande. Elle repassait tout, même les gants de toilette. Je suis moins assidue au fer.
Mais d'elle, j'ai hérité ce goût pour la lessive qui sèche à l'air. Et pour la délicieuse odeur du linge de maison impeccable.
 Quant à l'érotisme de l'étendage, je crois qu'elle se serait signée en levant les yeux au ciel à la lecture de mes billevesées... Alors que mon père, bien qu'il fût imberbe,  aurait frisé sa moustache. 

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12 mai 2025

Mon petit soleil sur pattes

 






Mon petit soleil sur pattes. C'est comme cela que je l'appelais affectueusement.
 Enfant, elle avait une bouille ronde et les cheveux d'une blondeur de blé. On aurait dit une petite hutte toute illuminée de soleil. Le surnom lui est resté. La Hutte. Ma chère Hutte des Bois... Les plus fidèles parmi vous se souviennent peut-être de son blog « Petit Singe Vert ».
Les tribulations d'un adorable singe en peluche plus vivant que nature. J'adorais sa poésie. Son humour. Son caractère bien trempé. Ses facéties me faisaient souvent rire. Petit Singe Vert, c'était elle, et sa joie ingénue de peluche cachait sûrement des blessures. Peut-être n'ai-je pas su les voir ?
Notre relation n'a pas toujours été simple. Mais je l'aimais, et je l'aime toujours.
Bien sûr, dix ans nous séparent. Je suis l'aînée, elle la benjamine, d'une fratrie de quatre garçons. Rien que pour cette raison, notre sororité nous donnait une complicité qui aurait dû durer toujours. 
  Mais ces dix ans d'écart ne sont rien à côté de l'énorme fossé qui s'est creusé entre nous depuis quatre ans bientôt.  Notre petit fil de sœurettes s'est cassé. Nos chemins ont bifurqué. Je respecte son éloignement, son besoin de ne plus voir personne. J'essaie de comprendre ses raisons, de me dire que c'est passager, que ce n'est pas contre moi, que ça ne peut pas être définitif, et que nous nous reverrons. J'aimerais l'aider, mais peut-être n'a-t-elle pas besoin d'aide, au fond... 
Mais plus le temps file et plus je perds l'espoir. Je tente de maintenir le lien, par de petits messages, des photos, des clins d'oeil. J'ai parfois une réponse, pas toujours. Ou alors un smiley.
Qu'en est-il de toi, vraiment, ma sœur ? Où en es-tu ? Que fais-tu ? Quelle flamme t'anime encore ?
Oui, ma sœurette, j'essaie de me dire que tu vas bien, que tu es toujours un petit soleil sur pattes, mais je ne sais plus rien de toi. Je ne sais pas si tu lis toujours mon blog, parfois je l'espère secrètement, en me disant que nos amarres ne sont pas complètement rompues, et qu'un jour, on se reparlera. C'est quand même trop bête, dans ce monde dingue au-dessus duquel planent les vautours de l'incompréhension et de la violence, de ne pas pouvoir seulement se parler entre sœurs, non ?
Enfin, voilà. Mon bonheur est un grand ciel bleu, avec, tout au fond, un petit nuage gris persistant. Ce soir, il m'a grossi un peu le cœur. 





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02 mai 2025

Et au milieu coule une fontaine





L'avez-vous remarqué ? En ce moment, le silence du matin est bercé par des chants d'oiseaux différents des autres saisons. Ils sont comme étonnés des premières chaleurs, et tout à leur ouvrage de nids et d’amours. 

J'atterris doucement de ce tourbillon d'émotions que je viens de vivre. Ce n'est pas rien, un mariage, même simple, même « dans l'intimité »...

Ce matin j’entrouvre un œil : dix heures ! 
Comment peut-on dormir aussi longtemps, paresseuse, alors qu'il est pressé de profiter du temps précieux ? L’âme pâteuse je descends pour trouver le café qui m’attend, fumant, à côté du pain grillé. Un pain doré à point, croustillant, dont mon ami Bleck faisait l’éloge il y a peu. Un bonheur d’instant. C’est bon de se laisser choyer…
Je ne sais plus quel journal de psychologie posait la question : « Faut-il réussir dans la vie ou réussir sa vie ? »
Évidemment derrière cette pirouette sémantique se cache le vieux débat sur l’être et l’avoir.

Réussir dans la vie. La réussite au sens commun, parlons-en … Une escalade de biens matériels, un métier qui rapporte autant d’argent que ce qu’il dévore de temps, la fameuse montre qu’il faut absolument posséder avant cinquante ans, et qui ne mesure que plus amèrement encore ce temps perdu… 
Une insatisfaction perpétuelle, à se faire la « belle situation », à devenir le « beau parti » et toutes ces expressions si vieillottes.  Est-on vraiment ici-bas pour amasser, spéculer, étaler ses biens et oublier que tout n'est que poussière ? Et puis le pouvoir, la puissance, cette maladie mentale qui gangrène les « grands de ce monde » mais pas que... Pauvres Napoléons, pauvres rois pharaons comme disait Brassens. Me revient cette phrase très juste d'Yves Simon : « Monsieur Gregory Corso, qu'est-ce que la puissance ? -Rester debout au coin d'une rue et n'attendre personne. » 

Oui, rester debout, imparfaits, libres et heureux face à toute cette vanité, et tenter humblement de réussir sa vie : cela tient davantage du labeur opiniâtre du jardinier que de l'agenda du businessman.
J'en ai arraché, des mauvaises herbes d'émotions négatives, du chiendent de pensées parasites et de liens toxiques, et j'en ai cultivé, des relations vraies, dans un substrat riche d'expériences profondes et de joies simples.
Avec mon amour comme binette et ma joie de vivre comme arrosoir.
Je suis devenue une jardinière de vie.

Je respire profondément. 
Dans le champ, en bas, les coquelicots ont envahi la place. Leur splendeur rouge donne la mesure de ma réussite : je vis dans un livre aux pages fragiles, mais superbes. Fragiles parce que soumises à l'impermanence. Mais superbes, parce qu'elles s'ouvrent sur un jardin apaisant, à l'image des iris de ma bannière, fruits de mes soins attentifs.  J’aime chaque chapitre de ce livre. 

Mon rêve était de réussir à recomposer une famille à partir de deux, à tisser du lien entre nos enfants, et que nous soyons, Lui et moi, le ferment de cette belle cohésion.
J'ai beaucoup versé de larmes, durant ce mariage, parce que c'est émouvant de dire oui à l'homme que l'on aime. Et que c'était doux de sentir les bras de mes petites étoiles serrant très fort mon cou ! Elles ne m'avaient jamais vu pleurer, il faut dire qu'une Célestine ça rit plutôt. Ça raconte des histoires, ça joue de la guitare. Mais ça ne pleure pas.
J'ai pleuré en lisant mon discours, en dégustant le délicieux petit film qu'ils ont monté tous ensemble, en écoutant la chanson qu'ils ont composée pour nous. J'ai pleuré aussi en les regardant rire, jouer, cuisiner ensemble, en voyant tous nos petits-enfants s'égailler (et s'égayer) sous la pluie pour chercher les oeufs de Pâques.  J'ai pleuré encore, une vraie fontaine,  en découvrant leur cadeau collectif... une fontaine, justement. La pièce manquante de la maison sur la Colline.
Quel plus beau symbole de simplicité, d'unité, de jaillissement, bref, de vie... Ils sont formidables, nos enfants. 

10 avril 2025

Toi, moi et Baudelaire


 « Un mariage heureux est une longue conversation qui semble toujours trop brève. »
André Maurois







Oh mon vivant pilier, mon arbre tutélaire, Baudelaire avait raison. Nous nageons au milieu de symboles, une dense forêt de symboles.
Je vois des signes partout, des clins d'oeil du destin, de la vie, de l'univers, chacun lui donne le nom qu'il veut.
 Nous aimons nos mots, nous aimons nos silences si pleins, entre les mots. 
Notre longue conversation, notre chant du monde, notre cantique des cantiques, je les vois ici, dans ce paysage, là où mes dieux lares se penchent doucement sur moi pour m'insuffler leur force : ils ont pour nom Pagnol, Giono, Mistral, Daudet. Dans un souffle ils me rappellent que mon chemin pierreux s'est couvert de lavandes quand je t'ai rencontré. Les cigales se sont remises à chanter. Les tesselles de mon coeur en miettes ont reconstitué un beau vase aux filets d'or. Tu as fait de moi un Kintsugi. Ne cherche pas, je te donne le sens : « Le Kintsugi est la technique japonaise de réparation à l'or, pour valoriser un objet abîmé en magnifiant ses défauts. »  
La maison, c'est notre amour, solide et ancré à la terre, trait d'union entre ciel et horizon, havre et refuge, entre nature et culture, au confluent de nos deux âmes unies à jamais.
Le roc dur des montagnes, ce sont les difficultés. Qui n'en traverse pas ? Depuis sept ans que nous cheminons ensemble, nous en avons barré, des bateaux vacillants, des tempêtes rugissantes. Nous avons pleuré des rivières et griffé des murs de chagrin. Avec l'amour pour gouvernail. Nous sommes parés comme d'une armure.
 Les fleurs, c'est la douceur, de tes mains, de nos peaux. De nos petits matins, de nos midis gourmands, de nos soirs flamboyants. Ensemble. Et parce que nous avons aussi navigué sur des eaux scintillantes et calmes, sur des lacs miroirs et des torrents frissonnants. Dans la douceur d'un quotidien revigorant, tranquille, départi d'inquiétude.
Le ciel, c'est l'aventure, le voyage, la découverte. Vaste comme la nuit et comme la clarté, sacré Baudelaire ! Comment le dire mieux ?  Le ciel, cet infini toujours renouvelé. Parce que chaque mariage est unique et éclipse toutes les défaites. 
Mon beau pilier, mon loup alpha, mon bel amour d'ombre et d'eau fraîche, je suis heureuse de t'épouser, dans deux jours, dans deux nuits, pour le meilleur et pour le rire.


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