☆Celestine☆
11 mars 2025
Lettres du Kenya (4) Prodigieuse diversité
06 mars 2025
Lettres du Kenya (3) Les gris et les ocres
Et c’est vrai qu’il est beau. Au premier rayon de l’aube, à travers les arbres, je l’aperçois. Avec l'émotion tremblante que j'avais éprouvée devant le Fuji, je contemple ce géant émerger de ses brumes, doucement. Amboseli est un condensé de tous mes rêves de brousse. Une herbe rase mais verdissante à proximité des marécages et des rivières. De longues pistes toutes droites. Des envolées d'oiseaux. Et en toile de fond, le Kilimandjaro et sa magnificence tutélaire. Tout est à peindre.
C'est surtout le royaume absolu des éléphants, indifférents au manège des 4X4. Savent-ils qu'on les aime ? Ont-ils compris que les hommes les protègent ici, désormais, et n'en veulent plus à leur précieux ivoire ? Les rhinocéros, eux, sont parqués derrière de hauts grillages. Nous ne les verrons pas. Le mythe de leur corne aphrodisiaque continue d'exciter la testostérone des abrutis de ce bas monde, hélas.
Il faut se lever très tôt si l'on veut apercevoir les animaux. La savane est rythmée par le soleil. Les points d'eau s'emplissent de vie à l'aube et au crépuscule. Ensuite, sous l'écrasante chaleur du milieu de la journée, chacun cherche l'ombre et il devient plus difficile de les photographier.
Moments de grâce hors du temps. Un bébé éléphant protégé par trois mères farouchement défensives. Le spectacle se déroule à dix mètres de nous.
Des hyènes, des vautours et des marabouts se disputant une carcasse d'éléphant. Celui-là aura fait les frais de la sélection naturelle... Plus loin un gros mâle nous barre la route, et quand je croise ses yeux, il me semble y décerner des sentiments. C'est assez troublant. Je retiens mon souffle. Nous attendons son bon vouloir pour continuer, observant ses pieds : s'il commence à gratter le sol, c'est qu'il est en colère et va charger. Mais il semble se battre l'oeil de ces drôles de bestioles armées de téléobjectifs, et qui retiennent leurs ah! et leurs oh!
Il est aussi fabuleux de suivre un grand troupeau dans ses déplacements. Un ordre bien établi procède à la bonne marche du troupeau, qui se hâte avec lenteur. Les bébés éléphants sont craquants avec leurs petites trompes qui s'entraînent à faire comme les grands. Les mères sont vigilantes.
Le plus beau moment éléphantesque fut le bain de ces émouvants pachydermes, que nous eûmes la chance d'observer du haut du rocher de Mudanda, dans le parc de Tsavo.
Merveilleux de les voir s'asperger de boue ocre et devenir ocres à leur tour.
La je n'ai pu m'empêcher de songer, devant ces gros colosses, innocents de ce qui se trame hors de leur espace, à leur paradoxale fragilité dans notre monde si beau. Et à ce précieux équilibre que notre engeance s'applique à détruire avec obstination.
à suivre
Spéciale dédicace à mon Babar qui se reconnaîtra…💋
05 mars 2025
Lettres du Kenya (2) Le sourire et la blessure
La route semble être la colonne vertébrale, l’axe de vie. Les maisons s’entassent des deux côtés, hétéroclites, souvent très rudimentaires. On aperçoit des églises catholiques, des mosquées, une université, des écoles privées de filles, des usines, dont certaines semblent désaffectées.
Les écoliers élégants portent l’uniforme britannique des sujets de sa majesté. On les croirait sortis d’Eton ou de Cambridge. Vestige de la colonisation anglaise, de même que la conduite à gauche. Ici on les appelle étudiants de la maternelle à la fac.
A côté d’eux, marchent des femmes en longs boubous colorés, avec cette belle démarche très digne de celles qui portent un bébé sur leur dos ou une amphore sur la tête. L’image a quelque chose de biblique dans ce paysage aride.
On y voit aussi des équipages improbables, deux hommes et deux chèvres sur le même scooter, ou encore un homme portant un canapé sur une moto. Des charrettes emplies jusqu’au ciel de maïs, de bois ou de sac de céréales. Des dépassements hasardeux où l'on se retrouve face à face avec un camion : frissons garantis... Polé polé ! dit le chauffeur.
Les marchands de fruits et légumes empilent les pastèques, les tomates, les concombres, les mangues sur leurs étals, en de savantes pyramides. Certains n’hésitent pas à braver le trafic pour proposer leurs oignons aux automobilistes. Des marchés bondés de monde voisinent avec des camions si vétustes qu’ils semblent sortir tout droit du « Salaire de la Peur ».
Hors des villages, la vie continue, toujours au bord de la route : des bergers mènent leur troupeau de zébus ou de chèvres, armés d’un long bâton. Certains font la sieste, d’autres méditent sous un arbre pour s’abriter du zénith qui commence à cogner dur. Parfois on aperçoit un Masaï avec sa belle tenue rouge sang, et ses bijoux, arpentant le bas côté d’un pas conquérant. Mais le point commun, c’est ce sourire éclatant, comme un trait d’union, un rempart contre la vie dure.