10 avril 2025

Toi, moi et Baudelaire


 « Un mariage heureux est une longue conversation qui semble toujours trop brève. »
André Maurois







Oh mon vivant pilier, mon arbre tutélaire, Baudelaire avait raison. Nous nageons au milieu de symboles, une dense forêt de symboles.
Je vois des signes partout, des clins d'oeil du destin, de la vie, de l'univers, chacun lui donne le nom qu'il veut.
 Nous aimons nos mots, nous aimons nos silences si pleins, entre les mots. 
Notre longue conversation, notre chant du monde, notre cantique des cantiques, je les vois ici, dans ce paysage, là où mes dieux lares se penchent doucement sur moi pour m'insuffler leur force : ils ont pour nom Pagnol, Giono, Mistral, Daudet. Dans un souffle ils me rappellent que mon chemin pierreux s'est couvert de lavandes quand je t'ai rencontré. Les cigales se sont remises à chanter. Les tesselles de mon coeur en miettes ont reconstitué un beau vase aux filets d'or. Tu as fait de moi un Kintsugi. Ne cherche pas, je te donne le sens : « Le Kintsugi est la technique japonaise de réparation à l'or, pour valoriser un objet abîmé en magnifiant ses défauts. »  
La maison, c'est notre amour, solide et ancré à la terre, trait d'union entre ciel et horizon, havre et refuge, entre nature et culture, au confluent de nos deux âmes unies à jamais.
Le roc dur des montagnes, ce sont les difficultés. Qui n'en traverse pas ? Depuis sept ans que nous cheminons ensemble, nous en avons barré, des bateaux vacillants, des tempêtes rugissantes. Nous avons pleuré des rivières et griffé des murs de chagrin. Avec l'amour pour gouvernail. Nous sommes parés comme d'une armure.
 Les fleurs, c'est la douceur, de tes mains, de nos peaux. De nos petits matins, de nos midis gourmands, de nos soirs flamboyants. Ensemble. Et parce que nous avons aussi navigué sur des eaux scintillantes et calmes, sur des lacs miroirs et des torrents frissonnants. Dans la douceur d'un quotidien revigorant, tranquille, départi d'inquiétude.
Le ciel, c'est l'aventure, le voyage, la découverte. Vaste comme la nuit et comme la clarté, sacré Baudelaire ! Comment le dire mieux ?  Le ciel, cet infini toujours renouvelé. Parce que chaque mariage est unique et éclipse toutes les défaites. 
Mon beau pilier, mon loup alpha, mon bel amour d'ombre et d'eau fraîche, je suis heureuse de t'épouser, dans deux jours, dans deux nuits, pour le meilleur et pour le rire.


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03 avril 2025

Dans la prairie

 



 Depuis quelques jours, la colline s'est constellée de fleurs des champs. Le printemps nous assène doucement sa grande claque annuelle. Une véritable explosion germinale qui renouvelle le miracle. Une symphonie de pétales. Quoi de plus beau ?
Ce matin, avant qu'il ne disparaisse sous les dents de la tondeuse, je suis allée fouler cet incroyable tapis, les primevères m'ont saluée, de leurs couleurs soyeuses, elles m'ont rappelé leurs lointaines cousines des alpages, mais oui, rappelez-vous, quand la petite chèvre croit que toutes les fleurs se penchent devant elle, cette petite folle inconsciente.  
Les pâquerettes couvraient le sol en rang serrés, comme si elles voulaient faire oublier la couleur de l'herbe. Les pissenlits étoilaient d'or la verdure. Les muscaris lançaient vers le ciel leurs hampes timides d'un beau violet profond. Et bien d'autres espèces dont j'ai cherché les noms délicats ou étranges, mélilot, mauve, achillée, rhinanthe, violette, myosotis, fritillaire.



J'éprouvais d'ailleurs en marchant dans cette onde chatoyante cette exaltation, cette ivresse que l'évaporée biquette ressent avant d'aller se fourrer dans la gueule noire du gros loup griffu. Mais cela est une autre histoire qui m'a bien traumatisée étant petite. Avant de comprendre, bien plus tard, que la liberté a toujours un prix, et que c'est cela qui lui donne son goût unique.
La prairie est une ode au jaillissement de la vie. Au printemps, n'ayons pas peur des mots, la nature est véritablement en amour avec elle-même. J'aurais eu cinq ans, j'aurais été Carrie Ingalls, qui dévale la pente en se roulant dans le pollen... ;-)



Voyez avec quelle obstination la moindre pousse se fait sa place au soleil ! C'est étonnant. Epoustiflant.  Les fleurs happent à pistil rabattu l'énergie vitale, la force de s'arracher à l'hiver. Les étamines frétillent, les rhizomes rampent, les bourgeons brisent leur gangue. Les petites mains œuvrent sans bruit pour nous offrir une sonate en corolles majeures. Tiens, l'érable du Japon que nous avions planté à l'automne a éclos ses premières feuilles. Les bégonias ont triomphé des gelées hivernales.
Pour nous donner ce spectacle grandiose, vert tendre, jaune d'or, rose doux, combien ont-elles dû s'endurcir, les petites graines... 
Nous aussi, nous sortons doucement de l'hiver. Avec une belle envie de défroisser nos pétales. 



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