Sous titre : Mamie, niveau 2 ✔️
Tu as senti, tout à l’heure, au moment de se quitter, la
force de mon bisou tout doux et tout baveux sur ta joue ? C’était pour te
remercier de m’avoir gardée ces deux jours. Et d’être une formidable Mamie Tine.
Si si, ne rougis pas !
Tu m’as l’air un peu fatiguée, je ne comprends pas, moi je
suis en pleine forme. Regarde, je peux remonter trente-cinq fois sur mon
mini-toboggan, que mes parents m’ont installé dans un coin du salon, sans être
jamais essoufflée ni courbatue. J’ai un métabolisme de sportif de haut niveau.
Des jambes en caoutchouc mousse, qui me permettent toutes les postures de yoga
que tu as mis des années à acquérir. Bon d’accord, tu es quand même drôlement
souple pour une mamie. Surtout pour aller attraper les balles et les jouets que
j’ai bien aimé lancer sous le canapé ou autres endroits improbables.
Reconnais que je t’ai bluffée, de savoir déjà faire toute
seule tant de choses. Boire mon bib' du matin, grimper partout, pousser mon trotteur.
Ramasser la moindre petite miette entre deux doigts.
Ah, au fait, j’ai adoré
que tu me lises l’histoire de Petit Ours Brun, (eh oui, tu la lisais déjà à mon
père) au moins une petite vingtaine de fois. Je sais bien que tu as cherché à
trouver un sens profond au texte et aux images, et que tu as sans doute trouvé
l’intrigue un peu simple et le développement hâtif… Mais tu as fait preuve d'une sacrée patience ! Tu n'aurais pas été maîtresse, toi, dans une autre vie ?
J’avoue, je ne t’ai pas laissé longtemps respirer, je
ne suis pas une marmotte comme mon père qui bullait des heures durant. Moi, en
une demi-heure, je suis requinquée. Et prête pour de nouvelles aventures. Je
sais aussi que tu fais drôlement bien à manger, et que je t’ai étonnée :
eh oui, je suis un bébé moderne, tu peux rajouter du curry, des petites herbes,
et faire de petits morceaux que je mâche avec application, même si je n’ai pas
encore de dents. Et puis, je raffole du camembert, le vrai, au lait cru. Qui l'eût cru ?
Les promenades en poussette, c’était chouette. Et bien mieux
que la mouchette. (Tu vois, je m’entraîne aux rimes, ma mamie poète)
Les arbres qui tremblaient sous la brise, les étourneaux qui
picoraient les tournesols, le chat noir qui filait comme une ombre, le vent qui
froissait l’étang, tu m’as montré tant de merveilles. J'ai aimé tes leçons d'arbres, et de ciel.
|
Juillet 2018 |
Je sais que ton cœur était un peu gros de me quitter. Moi
aussi, j’étais triste. J'en ai parlé à mon doudou. Je crois bien que je vais être comme toi, une grosse
boule de sensibilité. Je pleure quand on me gronde, même tout doucement, mais
dites, les parents, ce n’est pas du caprice, ni de la susceptibilité, vous
savez…
Tu m’apprendras, hein, à ne pas me laisser submerger par mes
émotions ? Ça va être long ? M'en fiche, j'ai tout mon temps...
Bref, je t’ai regardée avec mes grands yeux innocents qui te
font fondre. Je t’ai fait mon sourire craquant. Je suis sûre que dans ton train
tu penses à moi, et à tout ce bonheur bonbon caresse au goût de lait, et à
toutes ces joies que je te donne. Je ne sais pas encore que dans ces
moments-là, tu penses aussi à la vie, à l’amour, et aux furtifs rendez-vous que
le temps nous offre avec des êtres chers, avant de nous les enlever à jamais…Oh,
Tine, ma mamie étoile…Allez, souris ! Rendez-vous dans deux mois, dans la
forêt devenue aussi rousse que toi. Prépare tes muscles lombaires, car je
m’entraîne à marcher, intensivement, pour que tu sois fière de moi la prochaine
fois.
Sibylle🌸