22 juillet 2019

Pourquoi ?



« Il n’y eut rien qu’un éclair jaune près de sa cheville. Il demeura
un instant immobile. Il ne cria pas. Il tomba doucement
comme tombe un arbre. Ça ne fit même pas de bruit, à cause du
sable. »
 Saint Exupéry




Il n'est pas de réponse à certains « pourquoi ».
L'immensité du dérisoire nous apparaît souvent quand on s'y attend le moins. Pour nous rappeler que la longue dame armée de sa faux se rit de nous, derrière ses dents jaunes et ricanantes.
Elle n'a pas fait dans la dentelle, aujourd'hui. Accrochant son immonde fanion à nos rêves bleus de bonheur, pour les ternir de ses ongles sales, elle t'a emporté, petit prince, en un éclair. 
Mon amour pleure ton départ, dévasté de chagrin.
Tu étais pour lui ce que Sibylle est pour moi : une lumière de printemps, une joie d'innocence.
Tu n'avais que trois ans. Ton soleil s'est éteint à jamais et ce soir, même la lune pleure sous les étoiles en berne.







Je reviens dès que je peux mes chers lecteurs. Prenez soin de vous.

18 juillet 2019

Boule d'amour





Sous titre : Mamie, niveau 2 ✔️










Tu as senti, tout à l’heure, au moment de se quitter, la force de mon bisou tout doux et tout baveux sur ta joue ? C’était pour te remercier de m’avoir gardée ces deux jours. Et d’être une formidable Mamie Tine. Si si, ne rougis pas !
Tu m’as l’air un peu fatiguée, je ne comprends pas, moi je suis en pleine forme. Regarde, je peux remonter trente-cinq fois sur mon mini-toboggan, que mes parents m’ont installé dans un coin du salon, sans être jamais essoufflée ni courbatue. J’ai un métabolisme de sportif de haut niveau. Des jambes en caoutchouc mousse, qui me permettent toutes les postures de yoga que tu as mis des années à acquérir. Bon d’accord, tu es quand même drôlement souple pour une mamie. Surtout pour aller attraper les balles et les jouets que j’ai bien aimé lancer sous le canapé ou autres endroits improbables.
Reconnais que je t’ai bluffée, de savoir déjà faire toute seule tant de choses. Boire mon bib' du matin, grimper partout, pousser mon trotteur. Ramasser la moindre petite miette entre deux doigts.
 Ah, au fait, j’ai adoré que tu me lises l’histoire de Petit Ours Brun, (eh oui, tu la lisais déjà à mon père) au moins une petite vingtaine de fois. Je sais bien que tu as cherché à trouver un sens profond au texte et aux images, et que tu as sans doute trouvé l’intrigue un peu simple et le développement hâtif… Mais tu as fait preuve d'une sacrée patience ! Tu n'aurais pas été maîtresse, toi, dans une autre vie ?
J’avoue, je ne t’ai pas laissé longtemps respirer, je ne suis pas une marmotte comme mon père qui bullait des heures durant. Moi, en une demi-heure, je suis requinquée. Et prête pour de nouvelles aventures. Je sais aussi que tu fais drôlement bien à manger, et que je t’ai étonnée : eh oui, je suis un bébé moderne, tu peux rajouter du curry, des petites herbes, et faire de petits morceaux que je mâche avec application, même si je n’ai pas encore de dents. Et puis, je raffole du camembert, le vrai, au lait cru. Qui l'eût cru ?
Les promenades en poussette, c’était chouette. Et bien mieux que la mouchette. (Tu vois, je m’entraîne aux rimes, ma mamie poète)
Les arbres qui tremblaient sous la brise, les étourneaux qui picoraient les tournesols, le chat noir qui filait comme une ombre, le vent qui froissait l’étang, tu m’as montré tant de merveilles. J'ai aimé tes leçons d'arbres, et de ciel.
Juillet 2018
Je sais que ton cœur était un peu gros de me quitter. Moi aussi, j’étais triste. J'en ai parlé à mon doudou. Je crois bien que je vais être comme toi, une grosse boule de sensibilité. Je pleure quand on me gronde, même tout doucement, mais dites, les parents, ce n’est pas du caprice, ni de la susceptibilité, vous savez…
Tu m’apprendras, hein, à ne pas me laisser submerger par mes émotions ? Ça va être long ? M'en fiche, j'ai tout mon temps...
Bref, je t’ai regardée avec mes grands yeux innocents qui te font fondre. Je t’ai fait mon sourire craquant. Je suis sûre que dans ton train tu penses à moi, et à tout ce bonheur bonbon caresse au goût de lait, et à toutes ces joies que je te donne. Je ne sais pas encore que dans ces moments-là, tu penses aussi à la vie, à l’amour, et aux furtifs rendez-vous que le temps nous offre avec des êtres chers, avant de nous les enlever à jamais…Oh, Tine, ma mamie étoile…Allez, souris ! Rendez-vous dans deux mois, dans la forêt devenue aussi rousse que toi. Prépare tes muscles lombaires, car je m’entraîne à marcher, intensivement, pour que tu sois fière de moi la prochaine fois.

Sibylle🌸



12 juillet 2019

Dans la plaine les baladins...




L’enfant ne se trompe pas. Le théâtre est bien un autre monde. Le roman en est un aussi, et l’histoire. Mais on les lit chez soi, entouré d’objets familiers ; on les quitte et on les reprend à sa fantaisie. 
Le théâtre, au contraire, exige que vous vous déplaciez, que vous n’entendiez plus les bruits de l’extérieur ... il vous retire, pendant quelques heures, de la circulation. Le Babouc de Voltaire, la première fois que ses hôtes de Persépolis le mènent à la comédie, a l’impression qu’on l’introduit dans une espèce de basilique où se donne une fête publique tous les jours de l’année. Vous êtes là avec des centaines de personnes qui attendent comme vous qu’un immense rideau se lève, et, lorsqu’il se lève, un grand silence se fait.

André Bellesort. Le plaisir du théâtre. 1936







In ? ...






Viens, je t'emmène dans un endroit extraordinaire. Tu veux bien lâcher un peu tes occupations pour te plonger dans la folie ? Mais oui, car le Festival, c'est une douce folie.  Une folie agréable. Une ode à l'éphémère et à l'absurde, à cette chose inutile et si indispensable que l'on nomme l'Art. Le Théâtre. La Vie quoi.
On arpentera les ruelles animées, bruyantes, enivrés de parfums et de sons, la célèbre rue des Teinturiers nous tendra ses calicots, la rue des Lices (ô délices !) et le Cours Jaurès éclateront de bruit et de couleurs. La Place de l'Horloge donnera le tempo. Partout, des milliers d'affiches alléchantes. On aura envie de tout voir. 
On dégustera des frites et des glaces maison.
Tu préfèreras peut-être une salade grecque, peu importe. On se sentira bien.
On rencontrera les acteurs. Fougueux, extravertis, anonymes et pleins de talent. Chacun ira de son couplet pour attirer le spectateur dans ses rêts. Pas de salles vides, surtout. C'est l'urgence du partage, et la fièvre du trac, qui leur donnent cette frénésie.
Tu vas voir : on se laisse vite prendre au doux balancement des affiches, au rythme fou du programme, à la danse du ventre des baladins intermittents. 
Là haut, dans les sphères feutrées du In, sous les murailles hautaines du Palais des Papes, les joyaux classiques rivalisent d'apparat.
Moi je t'emmène ailleurs. C'est le Off, bien sûr. Mon préféré. C'est là que tout se joue.
C'est une chance d'habiter à quelques lieues seulement de ce chaudron créatif si mythique. Je te laisserai choisir les pièces, allez, car j'aime me laisser surprendre sans a-priori. Etre surprise ou déçue, peu importe. C'est le jeu. Nous passerons une journée délicieuse, alternant  la clarté sauvage du soleil de Provence et la fraîcheur obscure et intime des salles de poche, en passant par l'ombre aimable des tilleuls et des fontaines.
Ce sera inoubliable, tu verras.
Tu n'auras qu'une envie : y retourner.



...ou off ?






D'autres splendides photos ICI


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08 juillet 2019

Le rouge est mis








J'envie cet enfant qui se penche sur l'écriture du soleil,  
s'enfuit vers l'école, balayant de son coquelicot pensums et récompenses.
René Char






Chez moi


Mademoiselle Célestine, seriez-vous à même de nous expliquer cette profusion de coquelicots qui jaillit au détour des blogs, à la belle saison ? 
- C'est vrai. Il faudrait être aveugle pour ne pas les voir. D'ailleurs j'en connais qui les ont vus. J'en sais même qui s'en agacent. Moi je les adore. Et je ne suis pas la seule.
- Quel charme possède donc cette fleur si étrange, pour faire vibrer ainsi la blogueuse moyenne comme un encensoir sur sa tige ?
- A y bien réfléchir... vous avez raison, c'est étrange un coquelicot. Rien que le nom, déjà. Un nom incroyable, non ? Quatre syllabes qui caracolent sous la langue en caressant le palais, un écarlate caraco dont la corolle claque comme un calicot.
Co-que-li-cot. C'est comme un nectar en bouche. Ça coule, ça clapote.
Tiens au fait, parlons-en, de sa tige. Veloutée et tremblotante, ridiculement frêle par rapport à son énorme fleur de papier de soie froissée. Au-dessus, un coeur de beau bourdon noir velu tel un A de Rimbaud bombinant autour des fameuses puanteurs cruelles. Niché au coeur d'un berceau de rubis. Etrange, je vous dis. Et cette propension à envahir les blés...signe de bonne santé desdits blés, soit dit en passant. Car cette fragile ne résiste pas aux pesticides de type monsantesque.
- Alors, cette explication ?
- Je crois que c'est une fleur qui parle au coeur des femmes. Et des hommes aussi, par ricochet. Enfin, quand je dis au coeur...c'est une aimable litote. C'est que...c'est une fleur très suggestive. Sa couleur sang n'est pas sans rappeler certains épanchements très féminins. Ses replis de tissu ont un léger frou-frou de dentelle et de chair tendre, et la force de l'attirance et de la séduction se love toute entière dans ses pétales incarnat, comme on porte du rouge. Au corps. Aux lèvres. Dessus et dessous. Sciemment. 
C'est une fleur ...comment vous dire ? Sensuelle. Erotique. Voilà c'est ça. Délicatement délicieusement érotique. 
Je ne vois pas d'autre explication, monsieur le Président.



 Françoise
 Berthoise

In Flanders Fields...cité par Walrus


Pastelle


Denise


Den
 Coumarine

 Alter et Ego

Adrienne

Marine D



Brizou





Une splendide trilogie de Julie

Alain X


« Le coquelicot de ta bouche
Effleure le grain de ma peau
Dès que son pétale le touche
Comme des mots
Comme des mots éclos de ta bouche
Colorant le grain de ma peau
Ce sont tes baisers qui font mouche
Rouge la peau. »

Yves Jamait

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03 juillet 2019

Non, je n'ai pas cessé d'écrire...







« Quand on aime quelqu'un, on a toujours quelque chose 
à lui dire ou à lui écrire, jusqu'à la fin des temps. »

Christian Bobin











Non, cher Goût, toi qui as le goût des autres, toi qui m'as touchée à demander ainsi de mes nouvelles, et vous autres aussi, tous, qui vous demandez pourquoi tant de silence. Mais où est donc Célestine ? Avec Ornicar ? 
Non, je n'ai pas cessé d'écrire.
J'écris dans le murmure du vent dans les chênes. Dans la fournaise des cigales ébahies par l'inconscience des hommes. Sous l'orage de grêle et la pluie qui renaît.
Ou dans les yeux des écureuils au matin, quand le moment du petit déjeuner éclaire une symphonie au creux de la forêt.
J'écris dans le lin bleu de l'horizon fourbi comme un drap soyeux au-dessus de mes jours.

J'écris sur les nuées, de lieu en lieu. Emerveillée toujours davantage par le cadeau de la vie. Les minutes s'égrènent comme du pollen. J'ai l'impression de ne rien avoir le temps de faire, et pourtant je n'ai jamais vécu aussi intensément. Je vibre. Mon coeur tressaille à chaque instant.
C'est étonnant comme tout paraît plus beau, quand on regarde les choses avec des yeux toujours neufs.
Comme si quelque chose avait pris soin de polir chaque grain de sable, chaque pavé de rue, chaque feuille.
Ce tout petit quelque chose qui ajoute de la magie dans chaque geste, chaque regard.
Et accroche à chaque carrefour de la ville étincelante, des rubans verts et blancs comme les voiliers dans le port.

Aujourd'hui, Sibylle a un an. Déjà un an... 
Une minuscule portion de vie, et pourtant...tant de choses se sont passées depuis. J'ai changé de bateau, d'ancrage, de maison. J'ai laissé derrière moi les scories de mes anciennes passions, mes brûlures et mes défaites. J'ai soigné ma petite fille intérieure. Je suis sortie plus forte de ce passage de cap Horn que représente toujours un divorce. Même dit « à l'amiable ». Surtout quand il faut se battre contre son propre avocat...

J'ai écrit au jour le jour tous mes halètements, mes angoisses, mes victoires. Mon chemin.  J'en ai fait un livre, oh pas pour gagner le Goncourt, non. Juste comme une pierre que l'on pose sur ce chemin pour se rappeler par où l'on est passé.
J'écoute de loin le tumulte des guerres, des folies, toujours les mêmes. Je les sais, mais ne les laisse plus m'atteindre. Comme je laisse de côté tous les fiels de ceux qui ne savent pas se réjouir quand ils vont bien.

Je vous écris d'une île bleue, un sentiment si délicieux et si subtil, ce sentiment d'éclat, de force, de douceur et de tendresse, qui touche les coeurs de son aile, et prend soin de nos instants. L'amour et son équipage de chevaux blancs éclairant soudain le ciel qui semblait vide. Comblant chaque interstice de son empreinte.

Je vous écris de ce rai de lumière si parfait sur la table.
Et chaque grain de poussière dansant dans le soleil qui répète les mêmes mots. Je vais bien. Je suis heureuse. Merci. Merci. Merci.

Et toi, mon amour, je t'écris aujourd'hui du bout de mes étoiles, combien tu emplis ma vie, et fais trembler de joie chacune de mes cellules. J'aurai toujours quelque chose à t'écrire jusqu'au fond des temps. J'écris combien il est doux de t'avoir rencontré.  J'écris chaque jour sur ta peau, dans tes yeux, dans tes mains, et sur le fil de ta voix qui me comprend si bien, le bonheur d'être enfin moi-même, pour la goutte de temps et d'éternité qui nous reste.


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