- Tu as perdu ta mère, Célestine ? Oh comme c'est triste... Condoléances...
- Mais non, vous ne comprenez pas, j'ai perdu ma mère, aussi étrange que cela puisse paraître, dans le sens d'égarer, comme on perd ses clés ou ses lunettes. Elle a disparu de sa maison de retraite, ayant soudain « décidé de faire une petite promenade » sous les étoiles dans la nuit de mercredi à jeudi, et elle est partie sur une route de montagne mal éclairée, vêtue seulement de probité candide, en ayant « oublié » le lin blanc dans l'ascenseur... Enfin, quand je dis « décidé » c'est un bien grand mot...je crois qu'elle n'était plus tout à fait elle-même. Elle a marché deux kilomètres, elle qui peine d'habitude à aller au bout du couloir. Ne croisant personne, puisque dans sa tenue d'amazone, elle aurait quand même été signalée tout de suite... et dans un virage à angle droit, elle a fait un « tout droit » dans le ravin, où elle a roulé boulé dans les ronces sur quarante mètres...
- Oui les personnes âgées se dévêtent souvent, comme si tout d'un coup, le moindre vêtement n'avait plus aucun sens, à l'approche du grand voyage.
- Seulement en cette période de saints de glace, se retrouver immobilisée au fond d'un ravin par huit degrés, le torse nu et en pantalon de pyjama... On parlera plutôt des « Seins de glace » à ce moment-là...
- Mouarf ! Et alors, on l'a retrouvée ?
- Au bout de vingt-quatre d'angoisse où toute la famille est passée par des affres d'inquiétude, Saint Hubert l'a retrouvée vivante, oui, ratatinée, ravagée d'égratignures, déshydratée, hagarde, et en hypothermie sévère, mais vivante. Pensez, sa température corporelle était tombée à vingt-deux degrés. Entre vie et trépas toute la nuit qui a suivi, elle s'en sort. Ma mère est un Jedi. Avec seulement une cheville foulée, un vrai miracle.
- Saint Hubert ?
- Oui, un adorable chien spécialisé dans la recherche de personnes...Venu spécialement de Nîmes. Plus fort que les pompiers, les gendarmes, les CRS de montagne et l'hélicoptère à caméra thermique. Avec son simple flair extraordinaire et sa bonne bouille de sauveteur. J'en profite pour dire que les services publics ont été remarquables, et d'un dévouement merveilleux. Et la chaîne de solidarité des villageois m'a beaucoup émue.
- Quelle affaire !
- Oui, elle ne brillait pas, votre Célestine... mais bien entourée par mes amis, que je remercie, j'ai surmonté le stress, la détresse fourchue et la tempête de sentiments contradictoires qui m'ont agitée, du rire nerveux aux larmes résignées... Et à ce jour, vous voyez, je vais pouvoir enfin faire ce voyage sur la Mer Noire que je reporte depuis quatre ans.
- Tu nous laisses alors ?
- Je pars demain jusqu'au début du mois de juin. Soyez bien sage, ne jouez pas avec les allumettes, et toute cette sorte de choses. Je reviens vite, les yeux pleins de ces étoiles que vous aimez tant...
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