Mes voisins sont des gens discrets. Jamais un mot plus haut que l’autre. Leur silence est à peine troublé par les oiseaux. Car leurs jardins aux allées bien ratissées abritent des corbeaux et des merles, qui, dans leurs chamailleries, font tomber les feuilles jaunies sur un rare gazon.
Je ne
connais que leurs prénoms.
C’est
vrai qu’ils cultivent le mystère, mes voisins. Ils ne s’animent qu’à la nuit. Qui
est vraiment cet Hector qui se met parfois au piano, sous la pleine lune,
accompagné de Frédéric et de Michel ?
Que
peuvent bien se chuchoter, sur les ailes du vent aigre de novembre, Paul et
Guillaume ?
Quelles
sont ces ombres drapées dans de longues robes diaphanes, Maria et Sarah, devant
lesquelles Oscar et Marcel ôtent leurs melons respectueusement ?
Est-ce
qu’ils s’embrassent vraiment, Simone et Yves, ou bien est-ce qu’ils
s’engueulent, sur ce banc à l’écart, pendant que les deux Pierre jouent au
tric-trac ?
Et
pourquoi n’y en a-t-il que pour un certain Jim, un bellâtre qu’Edith aurait peut-être
appelé Milord…
Seulement
voilà, mes voisins ne répondent jamais à mes questions.
Et pour
cause. J’habite au 30 rue des Rondeaux.
Et je
jouis, de la fenêtre de ma chambrette sous les toits, d’une vue imprenable sur
les tombes du Père-Lachaise.
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Alors, les avez-vous reconnus, mes chers voisins, au nombre de quinze ?