Dans mon monde à moi, vous le savez, on trouve de la douceur naïve, des lapins blancs, des filles étonnées, des marchands de sable et des princes endormis qui attendent d'être réveillés d'un baiser. Parce que les enfants adorent encore les contes de fées que je leur lis.
Dans mon
monde à moi, il y a aussi de drôles d'idées un peu saugrenues, des valeurs de
partage, des idées de justice qui voudraient éviter les cris, et les larmes,
les ruisseaux de sueur et de sang, les déchirements, les fêlures difficiles et
les lendemains gris. Tout ce qui fait la solitude glacée des hommes dans cette
vallée de pleurs. Des idées des lumières d'un autre temps.
Dans mon
monde à moi, qui me ressemble, on ouvre les mains pour attendre la pluie, pour embrasser les arbres ou pour accueillir celui qui est différent, petit, noir, gros, moche, on croit à l'entraide, à la solidarité, et à tous les gestes qui rapprochent.
On danse, on chante. On aime les fruits simples de la terre, du soleil et de l'eau. On s'écoute, on se respecte, on se console, on se sourit. On ne met des
claques qu'aux idées noires. Et l'on ne prend l'épée que pour jouer Cyrano. Pour se battre on prend la plume.
C'est un
monde idéal, bénéfique, optimiste, gnangnan diront certains. Evidemment, il ne fait pas oublier les horribles cloaques dans
lesquels se débattent tant d'êtres sur cette terre, qui ont perdu toute dignité et jusqu'au goût
de la vie. Il ne fait pas oublier la violence des mots et des actes, la haine ordinaire, la laideur
des faubourgs et les venins mortels qui empoisonnent l'humanité pas après pas.
Il n'apparaît que par bulles éparses, ça et là. Il est lucide sur ses faibles chances d'exister pour chacun dans ce monde désespérant.
Il n'apparaît que par bulles éparses, ça et là. Il est lucide sur ses faibles chances d'exister pour chacun dans ce monde désespérant.
Et pourtant
j'y crois, à ce monde plus fraternel, où l'autre ne sera plus l'ennemi, ni
l'exploité, ni le sauvage. Où les soldats seront troubadours comme dans
la chanson. Où chacun mangera à sa faim.
Un monde dont nous pourrions faire cadeau à nos enfants, nos petits-enfants, celui où
enfin, l'amour ne fera plus ricaner comme si ce n'était qu'un mot de poète.
En
attendant, j'ai la chance d'entrer souvent dans une de ces bulles, même si ce n'est que l'espace d'un instant.
Le temps d'un film émouvant, d'un
repas partagé entre amis où l'on refait le monde, ou d'un simple léger vol de papillon que l'on suit
des yeux et du coeur. Je m'enrubanne, je m'environne d'amour. Et c'est un plaisir ineffable de me croire un moment
parvenue au bout de ma quête. En réalité, cela me recharge simplement en
énergie pour enfourcher Rossinante, et la continuer, cette quête.
Et ce n'est déjà pas si mal.
à Jacques