Temps,
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silence, bancal, résilience, pourquoi, aquarelle, fardeau, parenthèse, vide,
rire, envol, vie, conscience, coeur, douleur, scintiller, symphonie,
scène, sinueux.
***
De
la terrasse qui surplombe la vallée, on aperçoit les rochers bruns émergeant
des cotons de brume en contrebas. Enfin !
C'est une aquarelle japonaise. Une symphonie en ocre et bleu. Une étonnante scène minérale: la montagne au couchant. Une étrange certitude que tout est
possible.
Oui, enfin…
Oui, enfin…
Le
temps a ralenti. On est parti tôt ce matin, à la dernière étoile, en
silence. On a marché des heures, légers malgré le fardeau du sac, libérés de
nos regrets, de nos sidérations, de nos chaînes virtuelles.
On
a vu monter le levant majestueux sur les Ecrins.
On
a gagné les hauteurs. Dans l’oubli total des pourquoi, des comment, des maux de
notre monde bancal, hâtif et violent. Une résilience nécessaire après le choc.
Avec
ténacité, on a fait abstraction des douleurs de mollets, de cuisses, de dos, de
la brûlure des joues, des crampes qui déchirent le plexus. Le souffle court, la
chamade, les pieds en feu.
J’étais
bien. Mon pas dans ton pas. les yeux fixés sur l'horizon. Entre les maigres herbes où poussent les cailloux
argentés de mica, battus par un vent frais, suivre le chemin sinueux occupait
toute mon âme. Le vide s’est insinué en moi, un vide bienfaisant, comme une
plongée dans mes strates les plus lointaines, les plus enfouies,
chassant les miasmes, les scories, secouant mon esprit comme un torchon de
poussière, libérant les moindres fibres de mon coeur.
Chacun, à son tour, a calé sa respiration sur le rythme lent de l’ascension.
En pleine conscience d'un moment parfait, d'une parenthèse muette
dans un désert somptueux.
Voilà,
nous sommes arrivés. Le refuge est vide. Nous sommes seuls. Nous suivons du
doigt l’envol d’un rapace, sans rien dire. L’air vif nous tient lieu
de temps, d’espace, de conversation. Un névé scintille, allumant des étincelles
dans tes yeux. Je crois y lire ta plénitude. Une joie profonde. J’ai envie de rire à la vie et de
prolonger ce moment beau et fugace.
La
première étoile apparaît, je frissonne.
-Tu viens ?
-
Oui, j'arrive.
Ce
sont nos premiers mots de la journée, et ils suffisent à magnifier la promesse de l'aube.
***