Un étendoir balançant doucement le linge au vent et au soleil, c'est beau comme un film italien. Et étendre le linge à deux, oser mélanger pour une fois les torchons et les serviettes, se chercher, se trouver, braver les interdits... c'est la magie cachée de la pince à linge.
Qui dira l'érotisme subtil de ce jeu de cache-cache à travers les draps humides ? Un jeu vertical, prélude sans nul doute à d'autres jeux plus horizontaux.
Une silhouette nue derrière une nappe à carreaux vichy et l'on devient Bardot et sa croupe incendiaire, zieutée par un Curt Jurgens cramé de désir.
Un soutien-gorge en satin rose et l'on est Magnani. Belluci. Cardinale. Héroïne fellinienne de la lessive Plouf.
Les draps sont les rideaux d'un théâtre d'ombres derrière lesquels se jouent l'amour et le hasard. Leur odeur de verveine ou de lin bleu enflamme les sens, enivre le corps qui se met à battre la campagne. Rien de plus suggestif qu'un triangle de dentelle ensouplinée qui oscille sur son fil sous la brise d'un matin de mai.
D'ailleurs, en parlant de campagne, voilà un plaisir que les pauvres citadins, condamnés au « tancarville » ou à l'affreux sèche-linge qui roule les fringues en boule ont le droit de ne pas connaître. Sauf peut-être dans les villes du sud, où le linge pavoise les rues en oriflammes grâce à un système ingénieux de fils et de poulies. On en revient à l'Italie. On ne quitte pas l'Italie. Ma mère ne reniait pas ses origines. Santa madre ! « Le linge, ça sèche à l'air sinon ça pue » ! Elle n'y allait pas par quatre chemins, la madre. Elle étendait dehors, tout le temps, et l'hiver, le gel rendait parfois les vêtements durs comme du bois et friables comme du verre. Nos chemises étaient en carton, ourlées de givre, ça nous faisait rire.
Elle les rangeait dans l'armoire dédiée avec de petits sacs de lavande. Elle repassait tout, même les gants de toilette. Je suis moins assidue au fer.
Mais d'elle, j'ai hérité ce goût pour la lessive qui sèche à l'air. Et pour la délicieuse odeur du linge de maison impeccable.
Quant à l'érotisme de l'étendage, je crois qu'elle se serait signée en levant les yeux au ciel à la lecture de mes billevesées... Alors que mon père, bien qu'il fût imberbe, aurait frisé sa moustache.
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆ •.¸¸.•*`*•.¸¸☆