J'ai rencontré un ami que je n'avais pas vu depuis mes dix-huit ans. C'est dire si ça fait une paye comme on dit de par chez nous!
Quelle émotion dans ces retrouvailles...Quelle pudique rougeur enfiévrant nos joues au moment du choc de la rencontre. Comme si, l'espace d'un instant, on avait eu le pouvoir d'abolir le temps.
Les vieux souvenirs sont remontés à la surface des choses comme des bulles, certaines faisant un plop déçu quand l'un de nous deux ne se souvenait pas. Mais si! rappelle toi! Non? tu ne vois pas? D'autres éclatant en feu d' artifice de complicité et d'éclats de rire . Ah oui, tu te souviens? Comment s'appelait-il déjà? Rhhoo! qu'il nous faisait rire, tu te souviens? Oh oui qu'on se souvient,au delà des mots, les odeurs, les sons , les couleurs, les sensations , tout revient. Mais l'essentiel, le plus beau, le plus magique c'est que nos regards, nos sourires, nous ont semblé les mêmes, et cette joie de constater que l'on ne s'était pas trompé, jadis, que l'on appréciait chez l'autre des vertus qui sont toujours là! C'est irracontable. Trente deux ans ont passé. Et l'on s'est reconnu, un vrai miracle.
J'ai rencontré Paris, la ville-lumière, et je l'ai aimé, comme chaque fois. Je m'émerveille toujours bêtement devant ces lieux si littéraires, les bâtiments lourds de passé, les frontispices, les portails, les escaliers, les parcs, les canaux, les noms de rues si familiers. Il n'y a qu'à Paris que les noms résonnent des mille et un écrits de Balzac à Simenon, de Rutebeuf à Dumas, de Molière à Jean Paul Sartre. Et les fantômes du cinéma, les Arletty, les Gabin, les Bourvil! Paris est une bibliothèque où l'on croise l'ombre de ses héros à chaque carrefour. Et j'adore ça.
J'ai rencontré mon fils, pris le temps de parler avec lui, de partager sa vie, et de découvrir un homme à la place de la silhouette de l'enfant sérieux qu'il était petit. A huit ans, il voulait sauver les baleines, il a choisi d'être architecte,ça n'a rien à voir peut-être, en apparence. Pourtant, bâtir , de nos jours, ne peut se passer d'une vision écologique à long terme, sans laquelle l'homme sciera sa branche...Je ne peux m'empêcher, en tous cas, d'être fière de lui, mais quelle mère ne l'est pas de son rejeton, fût-il braqueur de banque ou mendiant au Népal...
J'ai rencontré enfin un livre qui m'a plu, une sorte d' essai philosophique présenté comme un roman, très justement, puisqu'il parle du roman de l'univers. "C'est une chose étrange à la fin que le monde" oui, bien étrange, que de se réveiller un matin et de se demander "qu'est-ce qu'on fait là?"et "pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien?"
Si on m'avait dit qu'un jour, j'aimerais un livre écrit par Jean d'Ormesson, cet aristocrate de droite , cet académicien au phrasé ampoulé, qui ne figure pas, évidemment, au nombre des amis de Brassens, Ferrat, Renaud et autres intellectuels de gauche! Oui, mais doit-on toujours s'abriter derrières les vieux clivages et s'empêcher d'aller fouiller derrière les étiquettes, pour écouter ce qu'un autre, apparemment différent et je dirais même diamétralement, peut avoir à nous dire et à nous apprendre? N'est-ce pas faire preuve d'ouverture d'esprit que de ne pas s'en laisser conter par un patronyme ou une image?
Qui aurait prédit, d'ailleurs, que ce même homme choisirait un vers d'Aragon comme titre à son livre? La vie est pleine de surprises. C'est une chose étrange, à la fin, que le monde...un bel alexandrin.
Bref, j'ai aimé ce livre et je ne saurais trop vous conseiller d'y jeter un œil, si vous aimez le frisson métaphysique des grandes interrogations, et le vertige que donne la quête d'une impossible réponse... Une histoire de l'univers et de l'humanité en accéléré pour les profanes, les candides comme moi, écrit délicieusement et simplement, avec cette petite pointe d'humour désespéré d'un homme qui a aimé la vie passionnément et qui sent l'hiver approcher à pas de loup...
Post scripthomme
Dans la même veine, j'ai aussi rencontré " un bel et sombre inconnu" le dernier film de Woody Allen, avec dans le rôle d'icelui, un Anthony Hopkins émouvant en papy refusant de vieillir... et un Antonio Banderas qui a perdu de sa superbe. Mais malgré son titre alléchant, pas de quoi en faire tout un fromage, et je suis restée sur ma faim (fin?) le film n'est pas son meilleur film...