Ah la météo de l'âme! Elle en fait couler de l'encre! Autant que l'autre, la "vraie"... Une météo avec son vocabulaire si étrangement semblable...Tempête, tornade, ouragan, mais aussi dépression, nuages noirs, petite bise aigre, zone de turbulences et avis de grand frais.
Heureusement, chère Comtesse de Ségur! Après la pluie le beau temps...
Me voilà donc sortie de cette mauvaise configuration atmosphérique. Le cockpit un peu secoué par les cisaillements du quotidien et de la méchanceté ordinaire. Mais vivante et plus forte que jamais.
Au boulot, il faut tenir le cap, pas toujours facile dans les conditions actuelles de déliquescence de notre Education Nationale. Recevoir des parents d'élèves hargneux et pleins d'a-priori contre l'école, prêts à défendre leur progéniture contre vents et marées. Une progéniture de plus en plus déstructurée, sans repères, sans limites, et pas du tout disposés à entendre émettre une quelconque émanation de quelque autorité que ce soit.
"Main de fer dans gant de velours", la formule a pourtant fait ses preuves, mais même avec le sourire, même en enrobant ses propos du miel de mille précautions, qu'il est difficile de faire entendre à raison à celui qui ne veut pas entendre...et qui n'est venu que pour "casser du fonctionnaire".
Semaine d'Evaluations Nationales...Ah! la douce musique des 1, 9, 9, 1, 0, 1, 1, codages abscons s'il en est (les connaisseurs savent de quoi je parle) où le 1 est la bonne note et le 9 la mauvaise...Cent codes par enfant, multipliés par 30 égale 3000 chiffres alignés dans des tableaux, censé donner une "photographie" du niveau des élèves. Que de temps mal employé, pendant lequel on aurait pu étudier une page du dernier livre de Frank Prévot "Rien à voir", apprendre "Y'a d'la joie" de Charles Trenet, distinguer les strato-cumulus des cumulo-nimbus, réciter "le Cancre" de Prévert et comprendre enfin pourquoi zéro n'est pas le plus petit nombre qui existe...Mais il faut du chiffre, des résultats, ô la culture du résultat! La mise en équation de nos chères têtes blondes...Alors que dans le même temps, on se récrie contre les notes à l'école. Comme si les pourcentages n'étaient pas des notes...Quelle hypocrisie!
L'acharnement méthodique pour ne pas dire chirurgical avec lequel l'oligarchie dirigeante s'applique à mettre à terre l'Ecole Publique est de plus en plus lourd à supporter. Entendre le ministre parler d' "entreprise" au sujet de l'école, de primes au mérite pour les recteurs et les proviseurs (pour leurs bons et loyaux services , c'est à dire le nombre de postes supprimés, d'économies substantielles réalisées sur le dos des élèves et des professeurs) voir presser, presser toujours plus le citron des personnels, pousser les profs à la faute, au découragement, au désespoir, au suicide , leur fermer la bouche, les diviser en créant des situations de plus en plus individualisées, voilà des épines bien acérées dans le cœur d'une institutrice attachée à des valeurs surannées comme la solidarité, la laïcité, le Service Public...
La phrase mise en exergue dans mon profil n'a jamais été autant d'actualité. Je suis dépitée. Je crois que durant ces quelques jours, je suis devenue une instituTRISTE... Triste , très triste de devoir se battre contre l'inhumanité des services académiques qui retirent froidement des journées de paie , par erreur, à des collègues en difficulté, et refusent de reconnaître leur faute, triste de devoir rappeler quotidiennement aux collectivités locales que les murs, les fenêtres, le toit, les sanitaires , bref, l'état général d'une école de 40 ans demande un peu de soin, de rénovation, de considération, et en retour? L'indifférence des décideurs, la négligence des services concernés, qui laissent des enfants travailler depuis des mois dans des classes où il fait à peine 15 degrés, où le vent s'engouffre dans des interstices de fenêtres de plus en plus inquiétants, avec de lugubres plaintes de château écossais. Ce pourait être romantique si ce n'était pas surtout pitoyable. Pas un jour sans une fuite de radiateur, un court-circuit électrique, un verrou coincé, un mécanisme grippé, une peinture en lambeaux, un wc bouché, pendant que nos élus se pavanent dans des bureaux climatisés, des locaux flambant neufs et posent leur cul sur des fauteuils de cuir...Certains petits événements de la semaine en seraient presque comiques. Comme ce collège privé qui demande effrontément aux écoles de la ville d'imprimer et d'afficher leur publicité pour leur "journée portes ouvertes" . N'importe quoi. Inconscience ou perversité? Toujours est-il que les réponses (unanimes) des collègues à cette ineptie me prouvent que même agonisante, l'école publique n'est pas encore morte. Elle a même du punch. J'ai saisi cette embellie comme une planche de salut...Sur fond de révolution tunisienne, la moindre étincelle est un espoir à saisir.
Oui, il faut bien admettre que mon enthousiasme naturel, mon optimisme légendaire, toujours là en temps normal, ont cédé la place momentanément à un certain ras-le-bol. Mais c'est comme au poker, je vais me refaire! Je sens que je vais déjà mieux...
photo empruntée à ce blog