30 septembre 2012

Déchirure

Il y a trois jours, constatant combien l'administration et les élus faisaient peu de cas des problèmes de la base agissante, une maman d'élève voulant me faire un compliment me dit, dans un langage imagé et néanmoins pertinent: "Pourtant, vous vous déchirez vraiment pour cette école, depuis deux ans!"
Hier j'ai entendu un bruit bizarre dans mon dos en attrapant une pile de dictionnaires. Craaaac!
Je me suis déchirée.
Depuis, je marche à une allure de tortue anémique, et mon corps donne une image assez exacte de la perpendicularité de deux segments de droite. Déchirure de l'ilio-costal sacro-lombaire. 
Étranges, ces concomitances entre sens propre et sens figuré. Les choses nous gonflent,   nous saoulent, nous prennent la tête, nous sortent des yeux...On se fait de la bile, ou du mauvais sang, on se fait des cheveux blancs. On en a plein le dos, plein le c..., on prend sur soi, on a du mal à avaler, ça ne passe pas, on n'a pas digéré,  on reste sans voix...
Chaque expression correspond à une pathologie, c'est bien connu!
Parfois, j'en ai peut-être un peu plein le dos de me déchirer, quand je vois le peu de reconnaissance des élites pensantes...

27 septembre 2012

Ma vie diabolo-menthe

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L'une des conséquences collatérales de mon métier, c'est que je n'ai jamais quitté l'école.


Il en résulte que les mots mêmes de la scolarité sont attachés à ma vie comme des chewing-gums mâchés sous la semelle de mes chaussures. Jamais quittés, le cartable, les classeurs, les feuilles doubles ou simples, à grands ou petits carreaux.
Jamais perdu l'habitude de plonger mon nez dans les livres neufs, de respirer la colle, d'essayer mon stylo dans la paume de ma main. 
Je goûte toujours en rentrant, et quand j'ouvre mon cartable, que je consulte mon agenda "septembre à septembre", j'ai toujours l'impression de faire mes devoirs.
L'odeur de la craie humide sur le tableau, les soirs d'hiver blêmes où l'on allume la lumière  pour l'étude du soir. Et quelques vestiges du temps passé: les vieux livres de bibliothèque avec la fiche glissée à l'intérieur, les images et les bons points, les cartes de France physique ou politique (selon le côté que l'on accroche).
Les tubes de gouache, l'encre de Chine, le papier Canson format raisin, les cartons à dessin verts ou rouge chinés de noir.
J'ai toujours ma boite de crayons de couleur Caran d'Ache, arc-en-ciel magique que je sors de temps en temps pour donner à mes élèves l'envie de posséder la même: une boîte de Pandore d'où s'échappent en farandole des milliers de rêves multicolores. 
Les poèmes de Prévert, les compléments circonstanciels, les fractions et la règle de trois ne m'ont jamais quittée, fidèles compagnons de mon chemin atypique.
La sonnerie qui retentit dans le couloir, rythmant les heures de son long appel aigrelet. La récréation, les cordes à sauter, les élastiques, les billes (ah! les billes...)  qui fleurissent toujours, résistant malgré l'invasion des jeux de cartes japonisants, et autres toupies à tête chercheuse sorties tout droit des mangas à la mode.
La magie des vacances qui approchent, cette sorte de jubilation de l'attente,  les cadeaux de Noël , l'odeur des papillotes et des mandarines pour le goûter du dernier jour. Le jeu du pendu  au tableau, parfois, quand il pleut et que l'on fait récré en classe... 
Je suce mon crayon pour réfléchir, je souligne toujours la date en rouge, j'aime écrire au stylo-plume...J'ai encore de l'encre ou de la colle sur les doigts, de la craie sur mes vêtements, et des désirs d'adolescente.
Je n'ai jamais quitté l'école, et je cache toujours dans mes cahiers d'écolière mes rêves et mes blessures, mes secrets et mes bleus à l'âme. 


23 septembre 2012

Des graines au vent

Mon week end a ressemblé à ces fleurs duveteuses sur lesquelles on souffle : des petits bouts de rien, des petits bouts de bonheur. Disséminés au vent comme des graines de pissenlit.

D'abord ma fille unique et préférée qui a débarqué par surprise mercredi soir alors que je ne l'attendais que pour le weekend. La dernière fois, c'était le 4 août.. Que d'émotion!  Ma fille solaire, douce et obstinée, avec de temps en temps des éclats de bouillonnement qui me rappellent vaguement quelqu'un...Pour tout vous dire je me retrouve beaucoup en elle.
 Ma fille et ses petits attirails créatifs, rubans, tulle, plumes, toujours une soirée en perspective, ou un déguisement original à confectionner. Elle sera  superbe en...chut, je n'ai pas le droit de le dire!  pour sa soirée à thème "Cinéma".  Ma fille future ingénieur(e?) en génie biologique, scientifique et pourtant tellement sensible et artiste...
Soirées délicieuses, chocolat chaud, canapé moelleux, films que l'on loue. Du bonheur à la demande. Séance coiffure maison, où elle me confie le champ de blé qui lui sert de chevelure pour une coupe " des pointes, hein maman, seulement des pointes!"
Petits déjeuners câlins complices sur la terrasse, un temps d'une douceur extrême, et samedi matin, nous voilà parties en ville. Après les magasins de chaussures en quête de la paire de bottines pour premières pluies qui s'annoncent, nous arpentons le marché du samedi, le poulet rôti parfume le sac, les tomates s'arrondissent de plaisir, les rencontres sont plaisantes, les terrasses de café bruissent au soleil. Ah quel relief les choses prennent-elles soudain, quand on est entre filles! J'aurais voulu que ces heures ne s'arrêtent jamais.

Le repas de midi nous a donné un beau fou-rire, quand, interrogé par sa grande soeur, le Zado nous a donné son premier sentiment sur la philo. Ayant découvert Platon et sa caverne, mon grand sifflet nous assène avec la prodigieuse assurance de son âge: "on dira ce qu'on voudra, ils étaient quand même bien chargés, les philosophes! Je me demande qu'est-ce qu'il fumait, Platon, pour inventer un truc pareil!"

J'ai une pensée émue pour mon amie Zenondelle, qui a la délicate mission d'éveiller de jeunes esprits à la philosophie... 
Et les heures ont passé, tendres et belles, jusqu'au départ, tout à l'heure. Et à l'inévitable retour sur terre. Les choses sont bien ordonnées. Les enfants ne sont pétris de nous-mêmes que pour mieux s'en aller.
Le coeur d'une mère se déchire toujours un peu. Elle hésite: laisser parler ses sentiments, ses ressentis, ne pas nier ce pincement léger, ce picotement de l'oeil, ou bien se dire que c'est bien ainsi, et enfouir sa nostalgie pour ne pas culpabiliser l'enfant et l'aider à grandir. Pour ne pas être abusive. 
Alors je choisis de sourire en évoquant avec vous mes petits serrements de coeur, et je ramasse une à une les petites graines de pissenlit qui traînent encore dans la maison.


22 septembre 2012

Le 22 septembre















"Un vingt-deux septembre au diable vous partîtes
Et depuis chaque année à la date susdite
Je mouillais mon mouchoir
En souvenir de vous
Or nous y revoilà mais je reste de pierre
Plus une seule larme à me mettre aux paupières
Le 22 septembre aujourd'hui je m'en fous."

                                    Georges Brassens



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17 septembre 2012

Tant de façons de parler de soi...

Il y a ceux qui racontent toute leur vie, avec des photos de leurs vrais gosses, avec leur vrai nom et le vrai lieu où ils vivent. Ceux-là pensent qu'ils n'ont rien à cacher. 
Parmi ceux-là, quand même, certains ne donnent pas accès aux commentaires. On regarde, mais on ne touche pas! Ceux-là mettent leur vie derrière une vitrine.
Il y a ceux qui s'emmitouflent frileusement dans un pseudo mystérieux, qui floutent leurs gosses, qui leur donnent de faux noms, restent évasifs sur leur lieu de vie, ne mettent que des photos tronquées, ou absconses...Ceux-là s'expriment en se cachant.
Il y a ceux qui ne mettent jamais de photos, ou alors piquées sur le net, et ne donnent aucune indication permettant de les reconnaître, mais qui savent que certains les reconnaissent en les lisant. Ceux-là n'osent plus vraiment se lâcher...
Il y a ceux qui s'amusent, lisent, vont au ciné, au théâtre, au concert, regardent la télé, cousent, cuisinent, peignent, chantent, sculptent, scrapbookent, chassent les papillons, escaladent, plongent, jardinent, volent, photographient, bricolent, dessinent, collent, coupent, inventent, tricotent, font du théâtre, découvrent, voyagent ou font un métier qu'ils aiment...ceux-là  veulent simplement nous faire partager leur passion.
Il y a ceux qui organisent des concours de lecture, des défis d'écriture, des salons où l'on cause. Ceux-là ont un agenda bien rempli et une pile à lire impressionnante!
Il y a ceux qui se soignent le corps et l'âme par l'écriture, transcendent, psychanalysent,  analysent, parfois nombrilisent.Ceux-là osent parler d'eux-mêmes et regarder leur vie en face.
Il y a ceux qui nouent des liens, ont besoin de parler, cherchent l'amour ou l'amitié.Ceux-là cherchent à rompre leur solitude.
Il y a ceux qui politisent, attisent, militent, philosophent, revendiquent, réfléchissent, pensent.Ceux-là transforment leur blog en agora, en plate-forme d'expression directe, en dissertation, en essai, en forum.
Il y a ceux qui rêvent, poétisent, racontent, content, récitent, relatent, traduisent, jouent avec les mots.Ceux-là ont choisi la métaphore pour parler d'eux.
Il y a ceux qui se font des programmes, pour maigrir, pour mettre de l'ordre, pour leurs loisirs, pour retrouver leurs priorités.Ceux-là ont besoin d'un public qui les encourage.

Et au final, combien de cris d'amour ou de souffrance pour cette vie qui aspire, dérange,  fait peur, excite ou  exalte?  Combien de mots ou d'images pour s'arracher à la douleur d'être, ou s'adonner au bonheur d'exister? Combien de ponts pour les timides, les grincheux, les joyeux, les sceptiques?
Tant de miroirs différents me renvoyant mon image comme un immense kaléidoscope.
Tant de façons de parler de vous, qui me donnez grande tendresse pour l'humaine fragilité, et le sentiment d'un fil ineffable entre vous et moi.

15 septembre 2012

Lumière

Parfois, elle se disait que la lumière de début d'automne était la plus belle qui fût.
Peut-être à cause de la fragilité de l'air, impalpable, mais pourtant bien réelle. 
L'été finissant avait les  interrogations muettes et fatalistes d'une femme encore belle. Elle se sentait être  cette femme. C'était dans  cet "encore" que résidait toute cette fragilité. Comme si les feuilles encore vertes, l'air encore chaud savaient déjà  la morte saison, ses décrépitudes et ses déconfitures, et s'y préparaient par un sursaut de splendeur.Il lui semblait qu'il lui faudrait vivre toujours plus fort, entendre davantage encore battre dans son coeur cette sarabande effrénée, cueillir toujours davantage les roses de la vie.

Peut-être à cause de la chaleur encore présente dans le flamboiement de midi, mais qui s'enfuyait vite au crépuscule.Comme si le soir aspirait toute la chaleur du jour. L'heure du thé ne s'étirait plus en longueur. Les premiers frissons du soir faisaient rentrer les tasses et les miettes de gâteau dès la dernière gorgée avalée.
La lumière de l'automne balbutiant flattait les formes et nimbait de belles dorures les arbres du jardin.
Le ciel paraissait intensément plus bleu. Les visages plus doux et apaisés.
Les fièvres étincelantes de l'été feraient bientôt place aux journées d'ocre et de rouge, à la simplicité fraîche et belle des octobres lumineux. 
Ainsi allait la vie, ses saisons et ses cycles virevoltants appelés parfois très justement tourbillon.

photo internet

12 septembre 2012

Quatre mois

Il y a quatre mois, je décrivais l'imperceptible vent de légèreté qui flottait dans l'air débarrassé de la chape de plomb du sarkozysme. Dans les bulles de l'euphorie, je n'oubliais pas, quand même,  de rappeler qu'il faudrait être vigilant, et ne pas se laisser emporter par trop d'enthousiasme. 
Une petite voix me disait que ces beaux messieurs, qu'ils se réclament de la droite décomplexée ou de la gauche "socio-libérale" , n'ont que très peu d'ambition véritable pour la France, et ses habitants. 
En revanche, leur ambition personnelle me semble démesurée. 
Les "purs" sont systématiquement évincés des urnes, et lorsqu'ils parviennent au pouvoir, ils finissent assassinés. Les exemples ne sont pas rares dans l'histoire. La probité, ça dérange en politique, et le glissement est aisé entre les nécessaires compromis et les ignobles compromissions. 
Il me semble que l'on est définitivement englué dans un système qui ne renaîtra jamais de ses cendres, et que le jeu de Monopoly que nous vivons depuis deux siècles, avec la naissance du capitalisme, va arriver à sa fin, naturellement et sans que l'on y puisse rien. Et quelle que soit la couleur du pouvoir en place. Et par forcément dans la sérénité, hélas...

En attendant, quatre mois après, je sens déjà poindre, à travers les conversations de comptoir, l'inévitable déception de mes contemporains. Les riches "se cassent" en Belgique à grands coups médiatiques, le gaz augmente, les impôts augmentent, le chômage perdure, les Roms sont encore mis dehors...Les sdf se préparent à l'hiver...
Quant à l'école, avec sa lourdeur mammouthesque, elle ne s'est aperçu de rien encore.
Ben oui, le discours anaphorique du candidat, "moi, président de la République" s'est dégonflé comme une baudruche. Parce qu'il ne pouvait en être autrement.
C'est toujours la haute finance qui tient la barre.Et le peuple se trompe en râlant contre les impôts. Il faut payer des impôts directs, bon sang, ceux-là seuls sont justes, les taxes indirectes sont d'une injustice flagrante et insupportable. Il faut être content de payer des impôts, voilà un slogan qui ferait chou-blanc, et pourtant...(heureusement je n'ai pas d'ambition politique, je serais vraiment très mauvaise!)
Réguler les frontières ni trop ni trop peu, économiser sans spolier, consommer moins, mieux, plus équitable, mieux gérer les budgets dans les mairies, les départements, les régions, arrêter de jeter l'argent par les fenêtres , arrêter de tricher, de truander le fisc, arrêter de se complaire dans la critique, de former des clans haineux, de se monter les uns contre les autres, au contraire essayer de puiser les bonnes idées dans tous les horizons, débattre calmement, et essayer de construire ensemble plutôt que de détruire séparément, vivre sans stress dans le positif pour être moins malades et coûter moins d'argent...voilà un programme qui ferait sûrement ricaner les pros de la politique. C'est pourtant le programme qu'il nous faudra essayer d'appliquer un jour, sinon...

Le plus à craindre est qu'un mot en -isme vienne aligner tout le monde dans quelque temps, un mot en -isme qui arriverait démocratiquement et avec le consentement du peuple aveuglé par des leurres. Ça s'est vu par le passé. Brr! j'en ai froid dans le dos par avance.
 La baguette magique ne peut être détenue par un chef d'état, tout seul avec ses deux petites mains dans son grand bureau en cuir. Même avec de grandes et belles idées humanistes.
La baguette magique, elle est cachée au coeur de l'humain, dans les valeurs qui devront triompher un jour sous peine d'extinction de l'espèce. La solidarité, l'entraide, la générosité, le partage, l'humilité et le respect de l'autre. Et ce, à l’échelle de la planète toute entière.  
Mais là, il me semble que c'est voir un peu loin pour le nez à courte vue de ces chers politicards...

11 septembre 2012

Soyez comme l'oiseau...



"Soyez comme l'oiseau posé pour un instant 
sur des rameaux trop frêles,
qui sent plier la branche et qui chante pourtant,
sachant qu'il a des ailes"
 Victor Hugo






Merci à Cathy de m'avoir offert ce bonheur du jour,  ce matin, cette phrase extraordinaire du grand Victor Hugo.

08 septembre 2012

Eclats de mica

Sur la route un peu grise des petits matins de rentrée, où l'on sort trop tôt du lit, où il fait un peu frais, où l'on frissonne sur le paradis perdu des vacances au soleil, le temps a semé pour moi ses éclats de mica. Ils brillent comme autant de petites étoiles après une pluie de rosée.

C'est cette chanteuse sublime , Lou Doillon, et sa voix incroyable: du granit enveloppé dans du velours. Un velouté incomparable et au-dessous, une force étrange. Je suis envoûtée, comme mon amie Croukougnouche.

C'est la découverte d'un système que je n'avais pas encore expérimenté: les courses alimentaires sur internet.Je me suis lancée. J'ai choisi tranquillement mes salades, mes yaourts , tous mes produits préférés, dans un fauteuil, et quand je suis arrivée au magasin, à l'heure H, un charmant monsieur m'a apporté en trois minutes mon cabas rempli de bonnes choses. Magique! et gratuit...Pourquoi n'en ai-je pas profité plus tôt? Economique aussi, car on ne prend que ce dont on a besoin, et l'on n'est pas tenté par tout un tas de jolies choses parfaitement inutiles...

C'est ce temps d'été indien, un temps de citronnade et de flâneries pour mon premier vrai weekend depuis ma rentrée le vingt-sept août. De quoi oublier les fatigues, et la somme colossale de tout ce que j'ai eu à gérer ces derniers jours.  L'air flotte enrubanné de promesses, et je me sens portée sur les ailes de mon ange favori.

C'est pouvoir encore se promener en robe d'été, manger dehors, siester sous l'arbre. Étrenner mon nouveau vélo venu effacer ma mésaventure de juillet. Respirer les odeurs  grisantes d'une saison qui n'est pas encore l'automne et plus tout à fait l'été...

Ce sont mille petits signes , des paroles réconfortantes, des encouragements, de la part de gens que j'aime. Merci à mon amie C. pour sa petite leçon de vie du matin, aujourd'hui à la bibliothèque.

Merci à la vie, simplement, de me permettre de savoir toujours pourquoi je me lève le matin.


05 septembre 2012

sɹǝʌuǝ,l à ɹnǝoɔ ǝl

Cela fait neuf jours que je remets mon bateau à flot...
Ce soir j' ai la tête à l'envers. Et le corps engourdi de sommeil.
J'ai la tête pleine de tous ces menus soucis qui font la beauté d'une rentrée des classes. Les petits et les gros travaux, les erreurs de commandes, les peintures trop criardes ou trop pâles, les portes qui ne ferment plus, les cartons qui s'amoncellent...Les classes qui s'habillent pour le grand jour, qui se réveillent de la léthargie et de la poussière de l'été.
Les tableaux à préparer, les mille tâches administratives! Ô joie ineffable de retrouver  la poésie implacable des circulaires de rentrée:  délai de rigueur, décret, projets et autres joyeusetés.
Entendre son nom prononcé des dizaines de fois par jour, redevenir le dieu lare, la Pythie et la Fée du Logis...le maillon qui se doit de n'être ni faible ni manquant...
Ne pas manquer la réunion traditionnelle des directeurs, avec la lecture solennelle des dernières " impulsions gouvernementales"...et parfois un bâillement étouffé à l'heure de la sieste, quand il fait si beau dehors et que l'on doit absorber toutes ces indigestes recommandations...alors s'accorder une pause de trois minutes pour décompresser et rêver un peu.

Et puis ils sont arrivés, ce matin, joli cortège de visages rayonnants ou grimaçants, avec leurs petites tenues d'écoliers tout neufs...des larmes de joie ou d'inquiétude, la peur d'entrer dans cette grande école si impressionnante. 
Les "anciens du CM2 " roulent tranquillement les mécaniques, avec leur petite gueule "de celui à qui on ne la fait plus",  regardant avec commisération les nains du CP et du CE1...
Les listes que l'on consulte, comme pour les résultats du bac, avec un peu d'appréhension de ne pas retrouver ses meilleurs copains...les cris de joie, les déceptions, les jérémiades de certains.
Rassurer, expliquer, consoler. Faire oeuvre de pédagogie avec le sourire. En soignant aussi sa tenue de rentrée. Donner le meilleur de soi-même, jusque dans les petits détails. Les enfants aiment les jolies maîtresses bien habillées, les colliers, le parfum...

Mettre en route une classe: tout un art! Ne pas trop en dire, dévoiler un peu mais laisser planer quelque mystère, sur ce que sera cette nouvelle année scolaire. Regarder un à un les regards s'allumer comme de petites bougies, à l'écoute des paroles rassurantes de la maîtresse, que l'on croyait sévère "mais qui, en fait, est très gentille, tu sais  maman, et elle nous a joué de la guitare dès le premier jour.."

En fait, ce n'est pas la tête, c'est le coeur que j'ai à  " sɹǝʌuǝ,l   ", chavirée par l'émotion des premiers jours, bien différente de celle des derniers...Une émotion chargée de l'odeur des cahiers neufs, des  boites de feutres arc-en-ciel, des bonnes résolutions, et de l'espoir de tous les possibles. Comme un nouveau départ, une nouvelle chance que l'on donne à chacun de repartir sur du neuf.

Tout me dit que je n' ai pas encore fini d'aimer ce métier de fou!