31 janvier 2016

Sine qua non

Merci à Mathilde pour cette belle illustration pleine de sagesse et d'espoir
























Je mentirais par omission, si je ne vous disais pas que j'ai traversé une grosse tempête,  un de ces grains qui secouent un bâtiment jusque dans les entreponts. 
Tropique du cancer, triste tropique. Un de plus, embarqué par le crabe aux pinces d'ogre, mille sabords ! Un de plus dont on se dit qu'il ne souffre plus, même s'il nous a tous laissés abasourdis.

Et par le plus beau des hasards, comme si la vie pourvoyait à adoucir ma peine par sa bienveillance, j'ai participé ces deux derniers jours à une expérience extraordinaire, prévue depuis longtemps, qui m'a mise en contact avec de jeunes enfants. Et m'a arrachée à ma tristesse. 
Il s'agissait de leur faire découvrir l'univers magique des livres au travers de petits sentiers non balisés, tendus comme des fils entre deux imaginaires : le leur, et celui d'auteurs talentueux.
Observer ces frimousses laiteuses, ces tâches de rousseur mutines, ces grands yeux de lémuriens ouverts tout étonnés sur le monde, ces trépignements impatients, ces petits cris de souris, quel étrange bonheur après ces quelques jours endeuillés de voile gris !
Quel contraste saisissant entre la faiblesse du mourant et l'extraordinaire force du vivant en devenir! 
J'ai repensé au sourire du défunt, apaisé, comme s'il nous transmettait le devoir de rire au lieu de pleurer... Une image inoubliable. Ses mots tracés de sa main, ses dernières volontés, quelques paroles  de Jacques Brel : « Je veux qu'on rie, je veux qu'on chante, je veux qu'on s'amuse comme des fous...»

Alors, ces enfants qui tenaient entre leurs doigts frêles et potelés toute la candeur du monde, ont effleuré ma joue de leurs boucles de cheveux de miel soyeux, à l'endroit même où, meurtrie, j'avais réellement ressenti il y a trois jours le souffle glacé, insupportable de la mort. 
J'ai pensé avec un frisson d'horreur que je ne survivrais pas à celle d'un de mes enfants.
Puis je me suis dit non, vite, chasser les idées inopportunes et affreuses d'un revers de mouchoir. 
Se tourner vers demain.
Allez, renaître à la vie, reprendre le cours du voyage, avancer vers une sorte de sagesse, oui, tâcher de comprendre et d'accepter peu à peu que la mort ne soit pas la fin de la vie, mais simplement sa condition sine qua non...
Et dire youpi, tout doucement, dans le fond de son coeur. Comme un enfant.





26 janvier 2016

Une voix dans la nuit


Mini fantaisie semi-libertine pour éclairer un jour gris de janvier.







Une autoroute déserte. Une heure avancée de la nuit, et dans le faisceau des phares des lambeaux de brouillard blême qui me ceignent.
Mais non, je n'écris pas une histoire d'horreur, suivez un peu, j'ai mis un c à « ceignent ».
Verbe ceindre. 
Bon je reprends. 
J'aime rouler la nuit, seule. 
Je roulais, donc, et la radio susurrait un programme extra. Non c'est vrai, franchement, que du beau, du bon, le genre pop-rock des années soixante à quatre-vingts, le must, tout ce que j'aime.
Quand soudain, la voix de l'animateur, et là, un coup de foudre me transperce de haut en bas. 
Une voix suave, profonde, sensuelle, grave... je me mets à imaginer, à fantasmer la tête et le corps qui correspondent à cette voix. 
Pas un perdreau de l'année, non, une voix qui a du coffre, de la bouteille,  un type qui a bourlingué. Le mélange d'un Johnny Cash du temps de sa splendeur et d'un Kersauzon qui aurait du raffinement, vous voyez l'idée...
Je me dessine mentalement un portrait-robot de mon sex-appeal-man idéal, et j'avale ma salive aussi vite que ma voiture les kilomètres.
C'est vrai qu'une voix peut à elle seule donner des idées sauvages et inavouables. 
A chaque annonce de nouvelle chanson,  je sens les trépidations de ma machine me parcourir l'hémisphère sud,  ma clim réversible interne qui se dérègle, et mon thermostat qui s'affole. Heureusement que je suis une conductrice hors-pair qui ne laisse pas ses pulsions prendre le pas sur sa sécurité... Mais je peux vous dire qu'intérieurement, je bouillonne. 

Ah, monsieur...

« Ne faites point languir de si pressants désirs.
Dépêchez. Faites tôt, et hâtez nos plaisirs »

( oui, je suis toujours très XVIII° dans mes badinages intérieurs et onaniriques, c'est plus classe)
 Je finis par apprendre qu'il s'appelle Georges Lang, qu'il officie sur RTL depuis des lustres. Je me demande comment je ne connais pas cette merveille et je me promets d'aller voir sa tête sur Glougueule à la prochaine pause. Ah...Georges, Georges, tu me fais planer...
Et là, mes amis, trouverai-je les mots pour vous décrire mon désappointement ? Pour noter d'infamie cet enfant de chameau...
Tout mon palais ibérique s'effondre comme un vulgaire château de cartes. Se puisse-t-il que cette voix-là sorte de ce visage-là ? 
Pas désagréable, au demeurant. Mais pas du tout mon style, mais alors, pas du tout. Ne me demandez surtout pas pourquoi, je ne sais pas...peut-être la coupe, la mise en plis. Ou le faux air de Michou...ou le fait qu'il ressemble vraiment trop à Tata Janine.
Vous savez bien que c'est inexplicable, ces choses-là, de toutes façons.
Sacré Georges, va ! Tu m'as bien eue. Enfin, façon de parler.

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