Nous étions quatre amis, accablés de soleil, hier après midi. La main collait à la tasse et les bonbons au papier. Un de ces après-midis caniculaires, pas tibulaires mais presque, où l'on prend chaud même à agiter l'éventail qui nous donnerait moins chaud. Vous savez, quand le moindre mouvement devient un Annapurna...mais un Annapurna sans la fraîcheur coupante des glaciers et la bise gelée des névés.
Le petit village écrasé de pierres et de tuiles brûlantes semblait un gros chat assoupi sur la margelle de sa rivière vide. Pas un filet d'eau dans ce coin d'Ardèche.
Il me semble qu'à un moment, dans la torpeur de mon assoupissement, à l'ombre de la bastide, sur le banc de bois, j'ai rêvé un instant que j'enfilais des bottes et sautais dans des flaques avec ravissement.
« On va balader ? »
Qui des quatre a lancé cette proposition, trouant notre silence qui nous faisait ressembler à quatre vieux Corses à l'heure de la sieste ? J'avais le cerveau si ramolli que c'est peut-être moi, mais je ne m'en souviens plus.
Peu importe, on s'est dit que c'était ça, ou on allait finir comme du stoquefiche sur le Vieux Port en plein midi.
On est descendus par le sentier sous les chênes, jusqu'au poulailler coopératif. C'est là que certains habitants du village, en échange d'un tour de garde et de corvée de nettoyage des fientes, viennent chercher leurs bons gros oeufs à double jaune. Comme ceux que j'allais cueillir, enfant, au cul de la poule.
Les gallines avaient l'oeil torve. Elle devaient se demander pourquoi on ne restait pas bien tranquilles, comme elles, au fond de nos poulaillers, à bouffer du maïs bio.
J’ai même cru lire, dans le regard d'une grosse blanche, une sorte d'effarement devant le crétinisme des humains...
En remontant vers la bastide, j'ai avisé le lavoir banal. L'eau en était fabuleusement fraîche et transparente. Nous nous y sommes plongés tout habillés, c'était extraordinaire cette sensation de froid, qui plus est, délicieusement transgressive.
J'ai pensé à ce que diraient nos élèves s'ils nous voyaient, comme des gosses, rire de nos robes et de nos chemises trempées comme des soupes.
J'ai pensé au concours « miss tee-shirt mouillé » que j'avais gagné il y a quarante ans sur la plage de Villefranche. Quand mes seins picotaient plus fièrement qu'aujourd'hui sous le coton perlé.
J'ai pensé que notre amitié si vraie, si belle, si dégagée de toute entrave, dans la simplicité de cet instant, nous donnait l'éclat de diamants sous la pluie.
Et puis j'ai arrêté de penser, j'étais juste divinement bien, rafraîchie à coeur par l'eau des collines et la sensation d'être au bon endroit, au bon moment.
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