Nous avons notre ancre en nous-mêmes
Victor Hugo
Rampants obséquieux, gazelles tremblantes, fines mouches, souris craintives.
Oiseaux frêles en apparence. Insectes teigneux. Chênes. Roseaux. Lierre et coquelicots.
Derrière ce bestiaire, cette flore, la diversité des êtres humains...
Et le mystère de l'ancrage. Cette force subtile et mystérieuse qui attache les êtres à la terre. A la vie. Qui ne dépend ni du poids ni de la taille. Mais des interactions émotionnelles depuis l'enfance, peut-être même depuis la bulle foetale.
J'ai longtemps eu le sentiment qu'un pan de moi flottait à dix centimètres du sol. L'impression d'être papillon, libellule, funambule voltigeant sur son fil d'Ariane. Et même l'idée que je venais d'une autre étoile. Et paradoxalement, la certitude de couler dès que je n'avais pas pied...
J'apprends depuis quelques années ce que signifient ces symboles inconscients. Un manque d'ancrage. Une faille béante dans ma construction sensible.
Le départ de mon père ayant dénoué la seule corde qui me maintenait à quai, je me suis mise à errer comme un esquif abandonné aux tempêtes affectives. Mais bonne nouvelle : ce n'est pas une fatalité irréversible.
Il y a peu, le 19 octobre, (le nombre a une belle signification pour moi, si j'étais superstitieuse, ce serait un peu mon nombre fétiche, vous voyez) j'ai réussi à me mettre en apnée et à m'asseoir au fond de la piscine. Je n'avais jamais fait cela de ma vie. J'ai éprouvé un sentiment immense de paix, de gratitude, d'espoir. Une onde bénéfique effaçant des décennies de crainte et d'angoisse.
Dans mon long processus de reprise de confiance en moi, j'ai touché là une carte maîtresse. Je sens davantage le sol sous mes pas. L'ancrage, c'est la captation sereine des énergies. Celles que je sens circuler dans tout mon être, sans entrave, de mieux en mieux.
Oh, Céleste ne deviendra pas Babar, certes non. Des événements tragiques comme celui de cet été me feront encore vaciller, et dérègleront encore mon thermostat interne. Mais une force supérieure me pousse à m'affirmer et à m'enraciner un petit peu plus dans la sérénité, chaque jour. Cette force, c'est l'amour.
Mon ancrage, c'est l'équilibre. Précieux. Irremplaçable et rassurant comme un lever de soleil sur une nuit de fièvre.