Dans la forêt de Brocéliande,
En écrasant d’un pied léger
De belles bogues de châtaignes
Avec un craquement exquis
Je me suis dit :
« Si j’étais sourde,
« Si j’étais sourde,
Je n’entendrais pas ce silence
Qui fait crépiter la forêt.»
Sur la dune de l’Espiguette,
En étourdissant mes poumons
D’un air fulgurant et salé,
Je me suis dit :
« Si je n’avais
« Si je n’avais
Plus d’odorat, je pleurerais,
Je pleurerais sur cette plage
La senteur des algues oubliées. »
A la table de tante Agathe,
En laissant fondre dans ma bouche
Des noix de Saint Jacques grillées,
Emmêlant leur sublime arôme
À celui d’un vin de Gamay,
Je me suis dit :
« Si tout à coup,
« Si tout à coup,
J’étais affligée d’agueusie,
Je ne saurais plus le plaisir
De ces alliances de gourmet,
Et tout aurait pour moi le goût
D’un vieux bout de carton poché. »
En regardant deux
écureuils
S’épousseter de leurs
panaches
À l’ombre, flammes sur le
vert,
Le vert brillant d’un haut sapin,
Je me suis dit :
« Si mes yeux morts
« Si mes yeux morts
Ne reflétaient plus que le fond
D’un sombre puits d’obscurité,
Je ne verrais plus les couleurs,
La lumière dans ton regard,
Toutes les fenêtres du monde
Et le sourire des bébés.
»
En caressant le fin
velours
Des oreilles de mon doux
chat,
Et le froissement de
guipure
De la robe choisie pour toi,
Je me suis dit :
« Si je n’avais,
« Si je n’avais,
Au bout des doigts, ce
frôlement,
Cette vibration de mon être
Faite d’antennes érectiles
Me rendant avide et tremblante,
Ma peau serait comme un
carcan,
Comme un carcan d’argile sèche
Et mes mains de marbre gelé
Ne sauraient même plus le vent. »
Alors j’ai déplié mon
corps
Comme une corolle qui s’ouvre,
Et j’ai dit merci au
soleil,
A la pluie, à la mer,au vent,
Et à l’univers tout entier
De me dispenser sans compter
Tant de somptueuses merveilles.
Avec des si, il fallait relever le défi du samedi...
Eh oui, on va chercher bien loin les richesses que l'on a en soi lorsque l'on est en bonne santé. Même si parfois ça grince dans les articulations:-)
RépondreSupprimerBelle fin de semaine.
Blutch.
En savourant ces belles lignes. En sentant fondre au fond de moi,comme un glaçon brulant,comme un âtre gelé, je me suis dit:
RépondreSupprimer"Merci mon Dieu. Si tout à coup j'avais plus d'âme,ni d'esprit,
je ne sentirais plus cette douce chaleur qui en l'instant s'empare de moi et me donne envie de mieux connaître tous les sens réunis en de si belles lignes. Et il faut bien un corps pour abriter ainsi tant de merveilles d'écriture. Il ne peut qu'être à la hauteur des seuls yeux qu'il laisse apparaître, et des lignes qu'il laisse comme transpirer de lui"
Signé :Le petit nouveau (pas si petit, pas si nouveau, très ému)
Si j'étais le vent, je te caresserais
RépondreSupprimerSi j'étais la pluie je t'enluminerais.
Si j'étais le soleil je te resplendirais
Si j'étais... Si j'étais...
Mais je ne suis que moi...
Merveilleux.. Magnifique idée d'utiliser ici les sens :) Je travaille beaucoup avec mes stagiaires là dessus :))
RépondreSupprimerBon, encore un texte que je vais utiliser en cours !:) Tu vas devenir une référence accréditée ! :)) Bisous
Très beau texte Célestine, comme d'habitude. Je te souhaite un bon week-end. Gros bisous de Belgique et à bientôt.
RépondreSupprimerSi.... je m’étais déjà essayé à cet exercice:
RépondreSupprimer"Avec des si......j'étais une femme.
J’aimerais qu’il me demande un café noir sans sucre plutôt qu’un alcool et il ne fumerait pas.
Cet homme ne serait sur mon canapé qu'en raison de ma déréliction, pourtant je me serais assurée d’un minimum de richesse intellectuelle au fil de notre relation épistolaire et je rirais poliment de ses bons mots, déjà et un peu, amoureuse afin de me délester des fragments de la vertu et de ses pesanteurs.
Si......j'étais une femme, je regarderais la lenteur de ses doigts,
l’hygiène de ses mains,
la longueur de ses ongles.
Il faudrait qu’il s’abstienne des gestes techniques de pseudo-spécialiste.
Qu’il soit seulement l’interface docile de mes pensées avec juste un peu de maladresse.
Dans l’inconnu de ses manières et de sa durée, je tenterais discrètement de jouir une ou deux fois peut-être avant qu’il ne me rejoigne. Je garderais le plus longtemps possible son offrande entre mes cuisses et son odeur dans mes draps mais je n’aimerais pas qu’il s’attarde.
Il partirait dans mon sommeil après avoir déposé un baiser au creux de mes reins, un dernier dans la nuque en me recouvrant de la caresse de l’édredon sans m’éveiller.
Il faudrait qu’il oublie un tee-shirt.
Nous nous reverrions le long de quelques mois au rythme de ses pulsions mais plutôt ailleurs, dans des endroits plus neutres que ma demeure.
Puis je le regarderais prendre des habitudes et se détacher de moi lentement.
Je me réfugierais dans la sagesse des femmes orientales : « Tu commandes, je t’obéis, mais c’est de moi que te viens ce pouvoir ».
Dans la petite musique du renoncement je m’acagnarderais dans l’abandon, mon fidèle Voltaire et je conserverais son tee-shirt.
Puis j’écrirais comme on s’expose au soleil brûlant.
J’ai longtemps cru que le luxe était dans les voyages et les villas en bord de mer. Je sais désormais qu’il en est un seulement : être aimée.
Innocente et nue,
j’écrirais comme on se brûle........
Si..... j'étais une femme!"
C'est beau, c'est magnifique ! tu as un tel talent d'écriture ! Bravo
RépondreSupprimerTrès joli texte, SI SI... Qui nous fait réfléchir à la chance de profiter de ses cinq sens pour apprécier ce qui fait le bonheur de la vie. Défi réussi.
RépondreSupprimerAmicalement. dinosaure80.
Si je devais rejouer ma vie,comme au théâtre, je jouerai presque exactement de la même façon.
RépondreSupprimerSi tu venais à l'Espace, tu avancerais de plusieurs châpitres dans le livre de sagesse
RépondreSupprimerJe viendrai c'est certain. Même si je ne sais pas encore quand. Bisous ensoleillés.
RépondreSupprimerProfite du soleil, Célestine. Et nous, nous profitons des enseignements de ton joli texte.
RépondreSupprimerMerci chère BERTHOISE je te promets d'en profiter dès qu'il reviendra.En ce moment, il est un peu en pause, c'est pourquoi je tâche d'en mettre dans mes écrits et mes bisous!
RépondreSupprimerHENRI c'est une chance immense, tu as raison!
MISS ZEN que serait le talent sans l'enthousiasme des lecteurs?
DUSPORTMAISPASQUE magnifique texte qui aurait mérité un billet, mais...où est donc passé ton blog? Je suis très déçue, je venais juste de découvrir ta foisonnante prose, et voilà que ton blog est supprimé, me dit blogger. Je n'y crois pas!
RépondreSupprimerPETIT BELGE merci de ton passage. Tu sais que cela me fait toujours plaisir de te voir par ici.
RépondreSupprimerPATRIARCH bises à toi!!!
ELLA que d'honneur tu mes fais. Je rêverais d'être avec toi au moment où tu leur donnes mes textes!Rien que pour les écouter te dire ce qu'ils en pensent...
ANDIAMO je suis rouge comme une pivoine! c'est très joli, monsieur, ce compliment à l'ancienne.
RépondreSupprimer(dans le midi, on dit rouge comme un gratte-cul mais ça n'est pas très romantique)
LE PETIT NOUVEAU merci pour ces lignes très vibratoires. Je suis émue moi aussi, des orteils aux cheveux.
BLUTCH comme disait ma grand mère: "à partir d'un certain âge, si on se réveille le matin et que l'on n'a mal nulle part, c'est que l'on est mort."
RépondreSupprimerElle était philosophe, elle aurait aimé mon poème.
Et si.....
RépondreSupprimerEt si je me prenais à rêver de nouveau...
Supprimerjuste pour une heure au soleil, ici ou là, mais
dans ses bras...