Jeudi 5
C'est un jour de navigation. En une seule journée, poussés par le courant, nous nous retrouverons à Louxor, que nous avons quitté il y a quatre jours. Réveillés très tôt par le bruit des moteurs qui s'ébranlent, adieu la grasse matinée, nous montons goûter la brise douce de l'aube. Le pont est encore désert. Le café servi à bord est vraiment très bon. Un pur arabica comme je les aime.
Je plisse les yeux. Je me mets à penser à ce pays attachant, disparate, foisonnant, à tous ces regards croisés, ces sourires échangés, ces sourcils froncés parfois, ces visages étranges et familiers. Les charrettes tirées par des ânes en pleine ville, les barques de pêcheurs qui se retrouvent dans l'écluse en même temps que les bateaux de croisière, les véhicules improbables qui ne passeraient pas le contrôle technique, les chargements invraisemblables et aléatoires... Ici, tout semble passer, aller de soi.
Le 1° octobre c'était la rentrée des classes. Je revois ces grappes d'écoliers, d'écolières, joyeux dans leurs uniformes flambant neufs, marchand insouciants sur des routes sans trottoirs.
Ces marchands de rue, qui s'installent où ils veulent, n'importe où, sans payer aucune patente. Cette femme qui traverse l'autoroute comme si c'était un chemin vicinal, ces deux types qui réparent une roue crevée au beau milieu du trafic...Tranquilles.
Et puis il y a ces enfants qui semblent voués à eux-mêmes, à moitié nus sur leur planche de surf, accrochant leur planche aux petits bateaux à moteur pour quémander quelques euros, ou vendant des babioles aux touristes. Vont-ils à l'école ?
Ces vendeurs de nappe qui accrochent leurs barques, aux paquebots de croisière, crient pour attirer les acheteurs, et lancent leurs marchandises par-dessus le bastingage. Une activité commerciale de haut vol, en somme...et très dangereuse. Pourtant, ça passe, là encore.
Les jeunes femmes se laissent avec grâce tirer le portrait. Les scènes de rue sont incroyables, et m'émeuvent souvent.
Les policiers et les militaires sont partout, armés jusqu'aux dents, mais on dirait que ce n'est qu'un décorum. A chaque entrée de musée, d'hôtel et de magasin d'état, on doit faire passer son sac dans un portique, mais, soit il ne fonctionne pas, soit il bipe et on passe quand même. C'est drôle. Si j'osais, je dirais même que c'est assez folklo.
Je ne prétends pas saisir l'âme d'un peuple en quelques jours, ce serait bien présomptueux. Mais j'ai ressenti une certaine liberté un peu désordonnée, pour ne pas dire un joyeux bordel, mêlé de débrouillardise, de fatalisme et de nonchalance. De la bienveillance dans bien des regards. De l'imploration parfois. De l'insouciance chez les enfants, et du bonheur comme dans ce couple d'amoureux se tenant par la main. Je me suis dit que l'on était loin, ici, de nos règles tellement strictes, nos normes, nos interdictions, si étriquées par moment, que l'on en perd le bon sens.
Et en tout cas, je n'ai jamais éprouvé, au contact de la foule, ce sentiment d'insécurité dont on nous abreuve quotidiennement.
Allez, c'est cadeau : un florilège de portraits qui vous parleront peut-être davantage que mes mots.
Mon photographe préféré sera ravi.
(A suivre)
Superbe panel de portraits où, cette fois ci, tu ne figures hélas pas.
RépondreSupprimerJe crois que je n’avais pas ma place sur ce billet là !
SupprimerMais c’est gentil : mon photographe préféré à aussi fait de très belles photos de moi. Certaines resteront dans la sphère privée … :-)
Gros kiss ma Chinou
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Cela me rappelle mon séjour en Tunisie en 1975!
RépondreSupprimerBonne continuation et gros bisous 🐻😁
Il doit y avoir quelques similitudes en effet … mais l’Egypte este un pays à part, à cause de son histoire écrasante…
SupprimerEn effet il y a de la joie, de l'insouciance, de la tendresse, de la bienveillance dans ces regards et ces sourires, une belle galerie de portraits, j'aime beaucoup cette petite fille en rose...
RépondreSupprimerPourquoi donc faut-il que l'on se complique tellement la vie ?
Tu poses là une excellente question Marine… je n’ai toujours pas trouvé la réponse.
SupprimerLa petite fille en rose était assez fascinante. Une gravité dans le regard, et une fragilité apparente : elle semblait très bien savoir ce qu’elle voulait.
je vous lis toujours, ne commente jamais mais voulais vous remercier pour ce récit de voyage ; les portraits m'ont particulièrement touchée ; merci t
RépondreSupprimerMerci pour cette fidélité, Pat.
SupprimerEt oui, ce peuple jouit aussi d'une certaine liberté que nous n'avons plus avec nos "il faut, il ne faut pas, c'est interdit etc...." Notre France est truffée d'injonctions contradictoires.
RépondreSupprimerTu as vu, on retrouve la poupée Barbie occidentale et blonde sur la 11 ème photo à droite ! ;-)
SupprimerTout à fait. Les injonctions contradictoires et surtout, souvent, ineptes… on en a vu de belles durant l’épisode Covid…
SupprimerComment, par exemple, aurait-on pu confiner les 24 millions de Cairotes ? Voilà la question …
Quand on sait que le tiers d’entre eux n’ont même pas un toit digne de ce nom…
Quant à la Barbie, j’ai trouvé sa présence assez cocasse, à côté des dames en noir…
Portraits de jeunes femmes, mais pas que...
RépondreSupprimerJ'apprécie ces photos qui nous mettent vraiment en contact avec la population dans ses diverses occupations.
Manquent peut-être des représentants du 3eme âge ?
J'aimerais te projeter le film de mon père...
A ce que tu nous en a déjà dit, il semble que rien n'a vraiment changé près de 60 ans plus tard....
Un jour peut être j’aurai l’occasion de voir ce film…
SupprimerEn tout cas t’es commentaires sont toujours pertinents, construits et riches d’interrogations. Merci pour tous tes mots au long de mes billets. Mon carnet de voyage s’en est trouvé entiché d’anecdotes.
Bises
Ces merveilleuses photos qui parlent d'instants de vie et clôturent (peut-être presque) ce si beau voyage.
RépondreSupprimerMerci Céleste pour ces portraits, cette bienveillance que je lis dans leurs regards, la traduction de l'âme égyptienne.
doux après-midi.
bisous
Oui c’est quasiment la fin. Il reste une journée, last but not least…
SupprimerBisous cher Den
Ce sont de très beaux portraits, ces personnes ont un regard très tendre, les enfants sont bien mignons. Merci pour tout Célestine. Bisous
RépondreSupprimerRien de tel que de se promener dans les rues et de proposer aux gens de les prendre en photos pour se plonger dans l’âme d’un peuple.
SupprimerC’est un bon complément aux paysages et aux monuments …
♥️
Une belle palette de portraits. A l'heure où ce monde se polarise encore et encore, le sourire d'un être humain est un précieux cadeau. Bises alpines.
RépondreSupprimerLe monde vu à travers la lorgnette de BFM TV se polarisera toujours : les bons gentils et les vilains méchants sont toujours les mêmes.
SupprimerC’est désespérant et navrant a la fois… et c’est une image fausse du monde.
Bisous ma frangine des Alpes.
Gardons le cap !
C'est donc ton photographe particulier qui a fait tous ces portraits ? Il devait être souriant car le sourire est communicatif, on le voit bien. :-)
RépondreSupprimerJe t'embrasse, belle Célestine.
Il a le don charmant d’aimer les gens, et ça se voit dans ses clichés.
SupprimerC’est un vrai bonheur cet homme-la…
Bisous ma belle d’âme
Quels beaux visages ! Ils vous ont fait un beau cadeau en souriant à l'objectif. On les sent heureux, les jeunes femmes sont magnifiques....Quel dépaysant total comparé à notre pays !Les gens devraient tous pouvoir vivre libres dans leur pays...L'Egypte est si proche des pays en guerre. En ce moment, ça ne doit pas être la joie....Merci pour ce beau voyage...On sent votre plaisir à travers tes écrits et les photos..
RépondreSupprimerC’est ce que je dis un peu plus haut à Dede…le monde vu à travers les médias « officiels » c’est jamais la joie. En vérité, les peuples subissent les décisions d’une poignée de fous qui leur ont fait croire qu’ils savaient gouverner…
SupprimerIl reste les sourires, et la force de l’amour, pour contrecarrer tout ça…
Mais c’est une lutte éternelle