Sur la grève.
Enluminée, envahie, investie par les cris des mouettes blafardes, elle marche en respirant la mer.
Il y a juste elle. Et la mer.
L'automne a éclairci le sable, les couleurs vives de l'été, les matelas, les parasols rouges verts bleus jaunes, sont remisés pour la morte saison. C'est le temps des grisailles fades, où les embruns reprennent leurs droits, piquants, salés, et froids. Le temps est unichrome.
Elle marche droit devant, la plage imprimant à son corps un rythme ondulant, elle se sent échassier, elle se sent mammifère marin échoué, coquillage, araignée. Elle est cette algue mauve et verte, elle est ce rocher apaisant mais furieux sur lequel gronde l'eau. Elle est la ligne imperceptible entre l'onde et le ciel.
Elle ramasse un couteau, une praire qu'elle glisse à son oreille. Elle a toujours ses gestes d'enfant, des rires perlés, des cheveux rebelles qui lui fouettent les joues. Elle grandira plus tard.
Là, pour l'heure, elle médite, seule et calme et lumineuse.
Elle sait qu'elle ne sait rien, elle est sûre de n'être sûre de rien. Tout ce qu'elle voit, c'est sa vie se dérouler, éphémère, interrogative, mystérieuse.
Elle connaît les fêlures, les plaintes, les défis, les prudences, les envies, les descentes, les traits, les désirs, les sommets, les révoltes, cette pâte à modeler des jours qui se ressemblent, et d'autres uniques et précieux comme l’Elixir.
Elle a appris à apprivoiser ces sautes d'humeur du destin.
Elle a appris à faire fondre lentement sur sa langue les instants de bonheur comme des berlingots.
Elle sait qu'il ne faut rien attendre, juste cueillir, ouvrir les bras, donner, aimer.
L'air fraîchit. Le soleil s'effondre sans un bruit.
Elle sait que l'eau effacera la trace de ses pas. Elle sait que ses os deviendront un jour ce sable, que son corps mugira son dernier cri dans l'hiver sidéral.
Après tout, elle préfère en sourire:
Il fait bon, il fait bleu. Il fait or.
Tout baigne.
La mer avant la mort, le soleil avant le sommeil, l'eau d'ici avant l'au-delà... Tout est dans l'instant présent ! :~)
RépondreSupprimerComme ça se déroule beau t'aime haut, j'aime + et le bruit des vagues et ses pensées de l'instant tanné et vécu dans son or ...
RépondreSupprimerPensées baignées du petit matin qui se lave ...
Petit passage sur votre blog a une heure rare. Journée de repos, d'arrêt. Ce texte riche donne des envies de promenade.
RépondreSupprimerProfitez ^__^
"Si nous voulons être conscients de notre existence au lieu de nous contenter de vivre au jour le jour, notre tâche la plus urgente et la plus difficile consiste à donner un sens à la vie. (...) La maturité psychologique consiste à acquérir une compréhension solide de ce que peut être et de ce que doit être le sens de la vie. (...) A tout âge, nous cherchons et nous devons être capables de trouver un minimum de signification en relation avec le niveau de développement de notre intelligence. (...)La sagesse ne jaillit pas d'elle même, toute faite, elle s'élabore petit à petit, après des débuts très irrationnels."
RépondreSupprimer(Bruno Bettelheim : Psychanalyse des contes de fées)
Voilà ce à quoi m'a fait penser ton très beau billet ...
Et puis aussi cette citation de Pierre Dac:
"Rien n'est moins sûr que l'incertain!" :)
Un texte non pas "zen" (j'en ai assez de ce terme qui devient "zénant") mais empli de cette sensation de vie qui se vit vraiment, de tous ses sens, et surtout, au temps présent, le présent qui par sa réalité chasse le futur ... pour le moment....
RépondreSupprimerBen dis-donc, elle est drôlement forte. :)
RépondreSupprimerBeaucoup de gens vive dans l'instant! Plus que nous ne le pensons...
RépondreSupprimerBelle journée Bises
RépondreSupprimerJoli !
Elle sait qu'elle nous aura apporté un peu de miel dans ce monde aux relents acides.
RépondreSupprimerOui, la saison de la mer est enfin revenue...
RépondreSupprimerJe crois que je vais y aller !
"Elle", c'est tout à fait moi Célestine!
RépondreSupprimerC'est le don des écrivains: donner l'impression au lecteur qu'ils s'adressent à eux en particulier...
Alors merci pour ces embruns iodés et la mélodie des vagues; ça me touche en plein cœur.
...qu'ils s'adressent "à lui" plutôt :-(
RépondreSupprimerJ'ai toujours rêvé d'emporter le bruit des vagues dans une boîte, comme dans ces boutiques du bord de mer où l'on vend des bouteilles de sable.
RépondreSupprimerJ'avais le sable et à présent, je viendrai chez toi écouter la mer...
Bon mercredi en or Célestine
C'est étrange mais tous les morceaux de musique qui tu insères me parlent ou presque.
RépondreSupprimerLa mer inspire les auteurs et les solitaires un peu mélancoliques.
Quel joli portrait de femme...troublant !
Un très joli texte , apaisant comme une balade en bord de mer. Je retiens "Elle a appris à faire fondre lentement sur sa langue les instants de bonheur comme des berlingots"
RépondreSupprimerTrès beau texte. Et comment va ton dos? Ici en Belgique, l'été s'en est allé et l'automne s'est bien installé... A bientôt!
RépondreSupprimerEtonnant écho que font nos deux derniers messages .
RépondreSupprimerEt Vivre, of course !
C'est magnifiquement écrit.
Merci HELENE j'ai aimé notre synchronicité...
RépondreSupprimerPETIT BELGE je vais beaucoup mieux, je te remercie.Ici , nous avons l'été indien, je n'ose te dire les températures dont nous jouissons l'après midi... Bon courage pour la fin de la semaine!
MISS ZEN mes petits carnets sont pleins de phrases que je glane au fil de mes lectures...Pour une fois, c'est moi qui donne le la. Merci.
RépondreSupprimerMTG Cela s'appelle la synchronicité, ou les atomes crochus comme tu voudras. En tous cas quelque chose d'impalpable, d'irrationnel et au final de troublant...
Cathy La mer m'apaise, celle de Jules Supervielle surtout...
RépondreSupprimerFLEUR DE SEL moi ce qui me touche en plein coeur, c'est que tu me penses écrivain... Ecrivain, moi? on verra plus tard, quand je serai devenue célèbre.
WALRUS je rêve d'y aller, au bord de TA mer. juste pour voir Ostende et mourir...
ANDIAMO je suis la fille de fièvre et de miel, tu le sais bien...merci d'en apprécier le goût.
RépondreSupprimerCEDRIC merci!
PATRIARCH Oui , surtout sur la blogosphère, j'ai remarqué. Parce que pour vivre dans l'instant, il faut avoir une large vision du passé et de l'avenir...c'est sans doute une qualité que l'on retrouve chez pas mal de blogueurs...
BERTHOISE tu veux dire quoi exactement? Tu parles de l'odeur? ;)
RépondreSupprimerEDMEE Zenant! ha ha elle est bien bonne! mais tu as raison, les mots s'usent jusqu'à la trame quand on les dit trop...
ANTIBLUES alors là tu m'as épatée! comment tu connais ce bouquin? Je croyais qu'il n'y avait que dans les arcanes de l'éducation nationale qu'il avait libre cours...C'était notre bible à l'école normale, je te parle d'un temps que les moins de ...nia nia nia bla bla bla etc etc etc...
RépondreSupprimermerci en tous cas pour ce commentaire culturationnel. j'apprécie tes sources. Toutes. (Je n'oublie pas ce que Célestine Troussecotte doit à Pierre Dac).
Perso, la citation de lui que je préfère c'est "l'homme a son avenir devant lui, mais il l'aura dans le dos chaque fois qu'il fera demi-tour..."
Bises
ANONYME Ah!les envies de promenade, quand ça vous prend...ça ne vous lâche plus!
RépondreSupprimerVERONICA c'est joli l'instant tanné...enfin, sauf si on est un veau pleine fleur...
TANT BOURRIN "L'eau d'ici avant l'au-delà..." tu es génial!
"Après tout, elle préfère en sourire:
RépondreSupprimerIl fait bon, il fait bleu. Il fait or.Tout baigne." j'aime ta conclusion!
MARIE MADELEINE J'ai une amie dont la petite-fille, qui vient de naître, ne verra jamais. Les docteurs ont été formels. Je me dis que voir la mer est déjà un cadeau merveilleux de la vie.
RépondreSupprimerLa mer d'où tout est parti...
RépondreSupprimerM'en éloigner me coûte énormément.
J'aime beaucoup la toile d'accueil de ton blog.
Merci de ton coup de pouce, Célestine.
"appris à apprivoiser ces sautes d'humeur du destin." alors là , j'aime vraiment cette expression , lui faire des pieds de nez aussi de temps à autre , sans trop d'arrogance pour éviter le retour de bâton
RépondreSupprimerquelle belle écriture Célestine , c'est apaisant
bises
Voilà un joli texte qui donne envie de lire le roman !
RépondreSupprimerrrh pas facile de t'envoyer un mail ! je l'ai mis alors sur ton FB
RépondreSupprimerPetit singe vert pourtant, le message est bien passé, et plutôt deux fois qu'une!
RépondreSupprimerJEANMI merci. Tu peux, en général, les gens qui l'ont lu ont bien aimé...
JEANNE merci ma toute belle. Ecrire la mer m'apaise et m'apaisera toujours...
RépondreSupprimerSKLABEZ Moi aussi, j'aime la mer, mère de toute chose.
RépondreSupprimerIl ne sait pas si elle lira ce commentaire. Ce qu'il sait, c'est qu'il l'a lu et relu et relu encore, savourant chaque mot, chaque point, chaque virgule, sans rien écrire. Aujourd'hui qu'ils sont loin ceux qui passent, il veut laisser aussi dans le sable l'empreinte de ses pas. Il veut dans le rêve regarder la mer, il veut sentir le vent, écouter les vagues, regarder au loin, sentir le doux effleurement de l'épaule, l'odeur du parfum, l'odeur d'un corps. Sentir l'instant, dans le rêve, dans la douceur d'un mercredi matin qui se réveille.
RépondreSupprimerJe lis tous les commentaires, et comment ne pas répondre à de si belles phrases, cher anonyme? Cette promeneuse rêveuse, ce peut être moi, elle, ou elle encore, n'importe quelle femme amoureuse de la vie et de ses mystères...Une femme en tous cas touchée par l'évocation d'une rencontre devant la mer, les pieds dans le sable et grisée par l'odeur du sel dans les cheveux.
RépondreSupprimerPour Elle
RépondreSupprimerIL était là, assis sur un rocher, au bord de la grève, un morceau de pain dans la main et dans l’autre un morceau de fromage, qu’il portait à sa bouche, alternativement, en gestes précis.
Il fit quelques pas tout en mâchouillant avec grand plaisir son cantal entre deux qui, au palais, en mélange de saveurs, se sublimait au goût de seigle de cette tranche brune coupée à la ronde boule enfarinée.
Il s’allongea et il se calla dans le sable, bien à l’abri, la tête et le dos appuyés contre un tronc d’arbre poli qu’une tempête ancienne avait déposé là !
Un frais vent du nord soulevait, par une force surnaturelle, des nuages fins au ras des dunettes laissant l’étrange impression d’un léger drap soyeux ondulant sans pouvoir se déposer sur le lit réceptacle !
Il pensait ! Une échappée de mots s’entrechoquait dans sa tête, les phrases ne se composaient point pour l’instant, sans doute perturbées par les riches flux de salive s’écoulant encore dans son palais !
Il regardait à l’horizon, dans la confusion des lignes légèrement courbées du ciel et de la mer, fixant de ses yeux plissés, un point, une voile sûrement, petite tâche blanche éclatante.
Il porta ses bras en oreiller derrière sa nuque, relâchant ainsi la tension dans son cou. Les phrases en texte, sous cette impulsion, se formèrent !
Il entreprit de laisser chaque mot recouvrir leur propre espace comme, au puzzle, les pièces difformes de carton prédécoupé.
Il replia ses jambes et, de ses orteils, il joua avec le sable humide comme cherchant à séparer, un à un, les grains de sable.
Il s’adossa différemment au bois, il pris dans la poche de sa veste un carnet noir, il chercha plus profondément dans celle-ci le petit crayon qui, voyageur, avait quitté l’attache élastique l’accrochant au carnet !
Il écrivit cette profusion de mots, cette fois–ci bien ordonnés, en rimes, en strophes !
Et, au clapotis doux des vaguelettes, ses yeux reprenant leur chemin lointain, il titra, par une évidence soudaine, ce poème en le nommant à voix haute « Entre deux » !
Très joli texte puisé aux confins du sable et du vent, cher petit âne gris, je reconnais bien là votre plume de poète.
SupprimerLa mer est calme et doucement clapote;
Ah qu'on est bien ,quand tout contre la coque,
La tête reposée, les pieds trempant dans l'eau,
Tous les membres allongés,le regard vers le haut,
On se laisse bercer par la brise légère,
On se laisse entraîner par la solitude mère,
Les soucis oubliés par la douceur des flots,
Et le rêve sorti de la réalité...
Magnifique
SupprimerMerci pour ces belles rimes et bienvenue chez moi.
Je t'ajoute à mon totem...