Huit heures du soir. Des gouttes de pluie plique-ploquent sur le store qui abrite la terrasse. J'ai sorti l'ordi, la lampe, mes vingt-huit cahiers d'évaluations, il fait une chaleur touffue. J'ai installé mon bureau dehors, c'est la première fois que le soir ressemble à l'été. Ça gronde au loin. Les feulements de l'orage sont excitants, ponctués de décharges électriques.
Neuf heures. Je me bats contre ces mots étranges et confus dont notre administration a le secret.
Il y est question d'items, de modules, de formulation, de remédiation.
L'air fraîchit. Les hirondelles se mettent en rase-motte.
Neuf heures trente. Je tente de comprendre la logique tordue du gars qui a pondu ce genre de phrase pour "aider les enseignants" à corriger les exercices (pardon, analyser les items):
Des croisements d’items peuvent également être opérés afin de conforter des résultats, par exemple entre « Dégager le thème d’un texte » et certains items de « Repérer dans un texte des informations explicites et en inférer des informations nouvelles (implicites) » pour vérifier la compréhension globale d’un texte, ou entre « Reconnaître et vérifier à l’aide des instruments que des droites sont parallèles ou des droites sont perpendiculaires » et certains items de « Reconnaître et vérifier en utilisant les instruments, qu’une figure est un carré, un rectangle, un losange,un triangle particulier, un parallélogramme ». (sic, j'ai pas changé une virgule)
Mon esprit galope sur une lande esseulée parmi les chevaux blancs, j'ai seize ans, je suis une héroïne de Jane Austen, le vent m'emporte dans sa folie violette et sombre, mes cheveux flottent sur ma robe trempée, je fuis un père autoritaire et froid, je vais rejoindre le comte Victorien de Hautecourt de Bois Cendré, mon amant.
Dix heures. La pluie redouble. Les éclairs craquent. Hem, voyons... repères critériés, contexte, compétences, déficit lexical, mémorisation...
Victorien a le front haut et le regard noir, et le torse viril. Il m'emporte dans une passion échevelée, nos corps s'enroulent ensemble dans cette grange où s'abritent nos rendez-vous clandestins...
Dix heures trente. Encore douze cahiers...Plus que douze? l'orage arrive! Vite, rentrer les cahiers, la lampe, l'ordi, remonter le store. Rentrer.
Rentrer, retrouver les colères de mon père, ce hobereau acariâtre et fier qui ne me permet rien.
Appropriation de la terminologie, automatismes de la chaîne des accords dans le groupe nominal,inférence, linéarité, transposition, codage...
Je finirai demain, j'en ai plein la gargoulette des évaluations nationales!
Demain, je repartirai sur la lande à la nuit tombée, sentir sur ma peau le fouet des embruns et me donner sous la lune à mon bel amant de Saint Médard.
(Oups, il pleut! Vivement Saint Barnabé!)
Je finirai demain, j'en ai plein la gargoulette des évaluations nationales!
Demain, je repartirai sur la lande à la nuit tombée, sentir sur ma peau le fouet des embruns et me donner sous la lune à mon bel amant de Saint Médard.
(Oups, il pleut! Vivement Saint Barnabé!)
Rassure-toi, chère héroïne : ceux qui ont pondu cette prose indigeste ne la comprennent pas plus que toi, je suis sûr qu'il l'ont rédigée à l'aide du Pipotron ! :~)
RépondreSupprimerAu oui, zut (pour ne pas dire plus), je n'avais pas fait gaffe que c'était la Saint Barnabé :( et toute la semaine prochaine est prévue beurk re- :(.
RépondreSupprimerPauvres de nous il va pleuvoir 40 jours re-re :( et même :( :( :(
AH ce langage technocratique, quelle misère!
RépondreSupprimer"Ceux de Paris" doivent bien justifier leur existence, les pôvres...
Mais l'information implicite c'est qu'ils font venir la pluie ces schwebes !
"s'il pleut à la St Médard , il pleut 40 jours plus tard "
RépondreSupprimerj'adore tes rêveries romanesques entre quelques clics sur clavier
je compatis , c'est fou , c'est dingue , évaluer , caser , rendre des comptes .... je me demande , comment as t'on pu faire une scolarité normale avant tout ça ?
Ton épuisement face à cette bêtise est légitime
j'aime ce billet , j'imagine l'ambiance
C'est le WE ! bon courage Célestine
Tu devrais essayer "l'amant de Saint-Jean". Il n'est sans doute pas d'une fidélité absolue mais il mérite le détour d:^) !
RépondreSupprimerVictorien de Hautecourt de Bois Cendré, il n'était pas voisin de Hutte des Bois ???
RépondreSupprimerPauvre Célestine !
RépondreSupprimerTon billet me rappelle ce préfet des études de l'Athénée de Charleroi qui étant de petite taille pouvait dire aux inspecteurs en les leur montrant : "Les circulaires ministérielles, je m'assieds dessus !"
Belle journée aujourd'hui... Bises
RépondreSupprimerAh ! Qu'il est doux de pondre des textes si compliqués qu'un AKA DEMI-CHIEN ni retrouverait pas son lexique. Décidément nous sommes bien loin de René Fallet qui a enchanté tant de mes voyages en R.E.R !
RépondreSupprimerÇa ne s'arrange pas à ce que je vois du côté des evaluations! Par contre Victorien dans Jane Austen c'est une allégorie je suppose car je ne vois pas dans lequel de ses romans il évolue
RépondreSupprimerpff.. m'en parle pas, j'ai ramené des évals à la maison ! :p
RépondreSupprimerQuant au jargon, ben oui, faut si faire, un corps de métier français sans jargon n'est pas habillé !:))
Bisous et très bon week end à toi ♥
Les plumitifs de l'E.Nat. n'ont pas du entendre parler de cet adage qui dit que ce qui est bien compris s'énonce clairement.....
RépondreSupprimerJe comprends dès lors ta passion pour Victorien... surtout à 16 ans....
BLUTCH c'est le morceau de sucre qui aide la médecine à couler...
RépondreSupprimerELLA non mais c'est ahurissant cette bande de ronds de cuir qui se gargarisent de mots incompréhensibles...Bon weekend ma belle♥♥♥
MARIE MADELEINE bien sûr, mon esprit vagabondant à la vitesse grand V, je suis passé directement de Jane Austen aux gens de Mogador...
RépondreSupprimerANDIAMO René Fallet, c'etait pas le grand pote à Brassens?
PATRIARCH Bon week-end à vous deux!
RépondreSupprimerWALRUS je pense surtout que tout ce temps que l'on nous fait perdre à remplir des paperasses débiles, on pourrait le passer à enseigner...
PETIT SINGE VERT oui, il habitait le château à côté du sien...
RépondreSupprimerSAOUL FIFRE il est trop pris, celui-là. Je préfère le mien...;)))
JEANNE on se demande comment on faisait avant...On se demande TOUJOURS comment on faisait avant! Mais on le faisait et ce n'était pas si mal. Le pire, c'est d'être obligé de faire quelque chose auquel on ne croit pas du tout, sous prétexte que ça vient de la hiérarchie et qu'on ne discute pas les ordres...
ANTIBLUES: moi je crois plutôt que ce sera le déluge quand ils nous laisseront enfin tranquilles avec leurs réformes à la bats-moi-l'beurre...Mais on est tranquillou pour un moment!
RépondreSupprimerCatherine...Attends, la Saint Barnabé n'est pas encore là! Je crois que c'est lundi. Il lui coupera l'herbe sous le pied, à ce vieux Saint Médard!...
TANT BOURRIN excellent le Pipotron! cela me rappelle le loto pédagogique:
RépondreSupprimer(désolée, je ne parviens pas à faire marcher ta recette de liens!)
http://eppee.ouvaton.org/spip.php?article437
trop drôle!
J' ai connu quelqu'un qui se servait des évals pour caler son lit de fortune .....
RépondreSupprimerJe t' embrasse dans ce w-e attristé.
mé enfinnnnnnnn
RépondreSupprimercomment cé possible!!!
incroyable!
Bon allez courage ma Célestine
Voui, voui, voui... Baguette, saucisson, et vin rouge : le bonheur !
RépondreSupprimerQuand on perd la foi, on construit des systèmes et on s'enferme à l'intérieur. Mais Célestine est là qui le sait et veille au grain. Elle sait que le cœur du système est le cœur des enfants. Elle sait que la clé qui ouvre les portes du savoir passe par les artisans modestes et peu récompensés qui, comme elle, scrutent chaque jour les bancs de leur classe pour donner du savoir, de cette belle culture qu'elle connait bien, de ce beau langage qu'elle illustre si bien. Célestine, si vous pouviez lire ce qui se passe dans le cœur des enfants qui vous ont eu comme maitresse, vous n'auriez que faire de ce jargon, de ces contraintes arides et austères. Célestine, surtout ne perdez pas la foi. Restez le rocher sur lequel l'école va s'accrocher. Célestine...au secours !
RépondreSupprimer...et surtout passez un bon week-end !
Victorien dans Jane Austen... Lol :-)
RépondreSupprimerQue le mistral emporte les évaluations nationales :-)
PAQUES oui, je sais , mon cerveau a des associations d'idées un peu sibyllines et Victorien de Hautecourt de Bois Doré n'est pas un héros de Jane Austen. Mais d'abord, en relisant bien mon billet, rien ne dit qu'une héroïne de Jane Austen ne puisse le rencontrer, puisque c'est UN REVE...
RépondreSupprimerJACQUES Rassurez-vous, je ne vais pas sombrer dans la morosité: il y a à prendre et à laisser dans ces délires administratifs, et je laisse beaucoup. J'aime la façon dont vous me décrivez, elle témoigne d'une fine connaissance de mes écrit qui m'honore et me touche. Vous êtes un de mes plus fervents fans et je vous en remercie. Dormez sur vos deux oreilles, je veille.
ANDIAMO ouille, que des bonnes choses qui font monter le cholestérol!
RépondreSupprimerCOUMARINE Au royaume du n'importe quoi, tout est possible, hélas, et ils ne s'en privent pas. Affligeant et comique. je préfère en rire.Et rêver à un monde meilleur...♥
PIERROT BATON: parle moi de ce sage qui infligeait à ces extravagances le sort qu'elles méritent...
RépondreSupprimerUn IEN (hé oui!) venu des P.O.qui s' émerveillait du nombre de vaches dans les champs mayennais...
RépondreSupprimerElle est toujours sublime ta façon de raconter et ça me donne parfois des sueurs . j'ai l'impression de galoper derrière toi, comme un dingo sorti des nuits étoilées et qui découvre une houri céleste qui gambade sur sur une licorne chauffée et électrisée!!
RépondreSupprimerBisous sans électrocution
Eh bien, j'espère que tu as une boisson rafraîchissante dans ton frigo ! ;-)
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆