La fleur au fusil, j'invitai cette semaine deux mamans d'élèves à s'asseoir autour de la table des négociations pour trouver une issue aux disputes de leurs fils respectifs.
Une attitude positive, non-violente, sereine fait en général des miracles dans la médiation. Règles de base : ne jamais penser que ce genre de conflit se résout d'une pichenette, être attentive, affable, compréhensive, en empathie, et concentrer ses efforts sur le cortex des belligérants. Surtout ne pas laisser les émotions prendre le dessus.
Les deux dames entrent dans le bureau, ainsi que ma collègue, l'enseignante des deux enfants. Après deux trois échanges de surface, empreints cependant d'une sorte de miellosité qui n'augure rien de formidable, les mamans perdent leur sang-froid: les mots crus sortent, ceux qui viennent des tripes. Fascinant de voir le vernis se fissurer puis exploser sous la pression des vieilles rancœurs. Fascinant de voir la prise de relais du cerveau reptilien, celui qui régit les émotions primales.
Visiblement, ces deux dames se détestent, elles vivent dans le même immeuble, et leurs enfants leurs servent de punching-ball...Je regarde ma collègue. On reste d'un calme olympien.On se sent impuissantes devant cette vague d'animosité. Leurs griefs sont tellement dérisoires, qu'ils en deviennent comiques... Vont-elles se crêper le chignon? j'avoue que cette idée me fait un instant frissonner d'appréhension. Je ne me sens pas l'âme d'une tenancière de saloon.
Heureusement, l'une d'elle bat en retraite et quitte le bureau avec un mouvement de toge outragée digne d'une tragédienne. Il me faudra encore une heure pour essayer d'apaiser les choses, mais en les prenant séparément. L'une dans le bureau redevenu calme, l'autre au téléphone.
Quant aux enfants, ils m'ont obligée à cette désagréable dichotomie:
Penser très fort " Vos mères sont deux furies irresponsables, stupides et immatures" et dire: " Vos mamans se sont un peu emportées, mais leurs paroles ont dépassé leurs pensées." Et ce, malgré ma conviction que leurs paroles collaient au contraire, exactement à leurs pensées! Si tant est que l'on puisse parler de "pensée" quand deux harpies s'échangent de délicats noms d'oiseaux.
Grandeur et servitude de la fonction...
***
Hier soir, goûtant enfin un repos bien mérité, je me cale devant un épisode de ma série préférée, le feu crépite dans la cheminée, cappuccino, pyjama en pilou-pilou, délicieuse soirée en perspective. Une amie m'appelle au secours, sa fille vient de faire une fugue, elle l'a récupérée mais elle est en lambeaux. Elle aimerait que je lui parle. S'arracher au canapé, abandonner le capuccino et Simon Baker, se rhabiller, ressortir la voiture, partir dans la nuit et le froid discuter avec une ado en pleine crise...Faut vraiment que je l'aime!
Pourtant j'y vais, et cette fois, ma "médiation" a été utile...en rentrant à une heure du matin retrouver mon havre de paix, j'ai le sentiment anachronique d'avoir rattrapé un échec.
Et je me refais un cappuccino. Cette fois, il a un goût divin.
Mon chouchou |
Quand je lis la rencontre des Mamans,je croirais "moi" il y a quelque temps . Puis,j'ai appris des techniques de médiation, fais de la CNV, appris quelques trucs...mais tu décris parfaitement la situation!
RépondreSupprimerJ'admire ton courage et ton abnégation!
RépondreSupprimerFaire l'éponge n'est pas donné à tout le monde.
En filigrane se pose le problème de la limite du sauveteur: Jusqu'à quel point peux tu donner de toi-même ?
oui c'est tout à fait ça, Célestine... au début de ma carrière c'était peut-être trois de ces "entretiens existentiels" par an, aujourd'hui c'est trois par mois (j'allais écrire par semaine mais je ne voudrais pas exagérer, quoique... ;-))
RépondreSupprimerquelle zenattitude! les parents sont parfois plus ingerables que leurs gosses!apres il ne faut pas s'etonner de leurs comportements...ils reproduisent a l'ecole le fonctionnement des adultes!
RépondreSupprimerbon, c'est week-end...la semaine a venir sera differente..je te le souhaite!
amities
Le replay existe pour Simon ! :) bisous ♥
RépondreSupprimerELLA je me le passe en boucle tu veux dire!C'est un excellent remède anti-blues... j'attends la saison IV avec impatience!
RépondreSupprimerCHATAIGNERAIE que peut-on faire contre ça? autant laisser passer la vague...oui, les semaines se suivent et ne se ressemblent pas.
ADRIENNE entretiens existentiels...c'est joliment dit!
ANTIBLUES j'ai longtemps trop donné de moi-même, et puis, heureusement j'ai appris à dire non. Mais dans le cas de mon amie, je ne pouvais pas dire non. C'était un appel au secours, et loi d'être un caprice.On me demande souvent d'être médiatrice. Ca doit faire partie de moi, sûrement...
MARIE-MADELEINE je suis encore trop "jeune" dans le métier, et mon stage de cnv ne m'a pas été d'un grand secours, si ce n'est dans la maîtrise de moi-même.Qu'est-ce que tu aurais fait devant ces deux furies déballant leur vocabulaire raffiné?
l'air de beaucoup, deux courants
RépondreSupprimerl'air de la calomnie et celui de la furie
la médiation serait de prêter son attention
sans concessions ni compromissions
de lasser les tempêtes
sans avoir l'air d'y toucher
ni surtout d'y sombrer
pour que les mer(e)s déchaînées
cessent de chercher à harponner
la baleine de leur haine
et se rendent finalement compte
qu'elles rament dans la même galère...
C'est très bien exprimé, JEA, et je garde espoir, un espoir insensé et utopique, qu'un jour,les futiles querelles des hommes cesseront.
RépondreSupprimerCe sont souvent les querelles les plus futiles qui sont les plus tenaces et les plus ridicules. Je comprends aussi ton sentiment d'avoir "rattrapé" mais les deux mégères c'est peut-être irrattrapable... Simon Baker je l'adore également même si j'ai moins apprécié la saison 3, dommage il est mal entouré, les autres acteurs jouent maaal ! Mais il mérite bien un capuccino ;)
RépondreSupprimerJe ne vois qu'un poste à la hauteur de tes compétences humaines, Célestine, c'est celui d'envoyée spéciale de l'ONU, chargée de régler définitivement les problèmes du Proche-Orient d:^)
RépondreSupprimerJe ne voudrais pas vous décevoir, chère Célestine, mais l'agressivité est la marque de l'humain. Ce serait même notre fond de commerce.
RépondreSupprimerNon, je ne suis pas pessimiste, seulement réaliste.
Courage, donc...
Plutôt que (d'essayer) de regarder des séries TV, tu sais que tu devrais plutôt faire une série TV à partir de tes aventures ? :~)
RépondreSupprimerIl semblerait que l'aggressivité s'apprenne de plus en plus tôt dans ce beau pays tricolore. Tout le monde en souffre, mais rien ne change. Ton billet résume le sentiment général: c'est bien, mais cela s'apprente à mettre du sparadrap sur une plaie, profonde et béante, bien infectée.
RépondreSupprimerCe n'est pas facile d'être instit ou prof de nos jours....
RépondreSupprimerBon dimanche tout de même Avec bises
Quatrième combat entre :
RépondreSupprimerà ma droite : Joséphine la barbaque 17 kilos et une bonne livre, et...
Kikine Tapis 16 kilos deux cent cinquante
Arbitre : Célestine Frappefort...
J'aurais bien aimé voir ça ];-D
"Carnages" de Polanski, non? :-)
RépondreSupprimerEDMEE je n'ai pas vu ce film mais oui, ça doit ressembler à ça (au vu du résumé...)
RépondreSupprimerANDIAMO C'est ça sauf les poids des deux adversaires, qui avoisineraient plutôt les 150 livres chacune...
PATRIARCH Ca n'a jamais été vraiment facile, mais là, certains jours, c'est vrai, ça devient épique! Mieux vaut en rire... Bonne journée et gros bisous.
DAMIEN la fêlure est profonde,c'est vrai, les gens submergés par leurs vies difficiles, leurs problèmes matériels et la perte des valeurs humaines ne savent plus que rendre responsables les autres de leurs malheurs. Je les ai plaintes de tout mon cœur mais voilà: le sentiment d'impuissance va au-delà des personnes. C'est le système qui déconne, et on nous martèle l'idée qu'il est inchangeable...
RépondreSupprimerTANT BOURRIN bonne idée! je vais déjà essayer d'en tirer un livre...peut-être que des producteurs trouveront matière à mettre en images...on peut rêver!
WALRUS mais vous ne me décevez point le moins du monde, cher ami! Je connais le principe de réalité, je le tiens juste à une certaine distance de moi pour continuer à me lever le matin avec enthousiasme et énergie. Le réalisme, bien souvent, devient chez certains un prétexte pour baisser les bras. Pessimisme et fatalisme prennent alors le relais. Les quelques progrès que l'humanité a faits depuis les hommes des cavernes ont quand même été possibles grâce aux utopies de certains rêveurs...
SAOUL-FIFRE Non vraiment, sans façons, je préfère me faire bronzer dans mon jardin sur ma bande de gazon!(aux deux sens du terme...) ;))))))
ASPHODELE Querelles futiles, oui, parce que en analysant de plus près la situation de ces deux mamans, je me suis rendu compte qu'elles se ressemblaient (mères "poules" égocentriques, défendant bec et ongles leur progéniture, les considérant comme de petits dieux, les laissant se comporter de façon impolie sans lever le petit doigt, et ne voyant pas qu'elles reprochent à l'autre exactement ce qu'elles font elles-mêmes)Bref, pitoyables en tous points.
DAMIEN(bis) un système dans lequel les mots clés de la "réussite" en économie sont: agressivité, être un tueur, être un killer, écraser l'autre...
RépondreSupprimerCourage. Oui il en faut. Cela me rappelle mes expériences dans le quartier de la Belle de Mai à Marseille lorsque j'enseignais le français à l'assoc à des gens très en difficultés. Quant à ton chouchou, je le partage avec toi et tant d'autres, il est craquant non ?
RépondreSupprimerAU GRE DES JOURS oh oui, craquant, c'est le mot: un grand enfant innocent des ravages que sa plastique et son regard provoquent... Un détour chez toi et je me rends compte que je fais partie de ta blogliste...merci de l'intérêt que tu me portes. Bon courage pour l'épreuve que tu vas traverser, je penserai à toi.;)
RépondreSupprimerheureusement qu'on a ces rendez vous là avec nos héros de séries pour mieux supporter le reste
RépondreSupprimerTon histoire avec les mères d'élèves ma rappelle un peu le film " carnages" de Polanski
Tu es le "tiers " ces personnes là vers qui on se tourne aisément pour trouver de l'aide
si je te disais que je connais ça aussi ...
tu as fait ce qui était nécessaire à ce moment , je souhaite beaucoup de courage à cette jeune fille et sa famille
Merci JEANNE tu es la deuxième personne qui me parle de ce film, je vais essayer de voir s'il est en VOD chez mon fournisseur d'accès...
RépondreSupprimerPasse une délicieuse semaine.
Bouh !
RépondreSupprimerj'adore ce genre de rencontres.
Il faut absolument que tu lises ou voies "Le dieu du carnage" ou "carnage" (la version film mais je ne l'ai pas vue, j'ai vu la pièce). Tu adoreras :-)
RépondreSupprimerTu es une amie précieuse, chère Célestine....
MYO jamais deux sans trois: tu es la troisième qui me parles de ce film. C'est sûr maintenant, il faudra que je le vois!
RépondreSupprimerMes amis disent comme toi.
Merci. Je brûlerais de te le prouver à toi aussi.