Je me sens souvent l'âme d'un animal. Je contiens dans les plis de mon cœur un petit zoo portatif et étrange. Étonnée comme un lémurien, ouvrant des yeux immenses devant la beauté d'un matin tout encore empli d'étoiles, avec pourtant déjà la promesse d'un lever flamboyant, je marche à pas de louve pour ne pas réveiller les miens. Je traverse la cour avec la grâce nonchalante des girafes dans la savane éperdue de chaleur. Parfois j'ai besoin de me lover comme une couleuvre aux rayons alanguis du soleil, qui réchauffe son corps engourdi au sortir des hivers.
Quand je m'étire, je deviens féline aux griffes rentrées pour figer de mon regard céruléen et séduire ceux qui passent à ma portée. Puis furtive souris blanche aux oreilles aux aguets, traînant dans un grenier de souvenirs enfouis. D'autres fois, quand le poids d'une journée pénible abat sur moi sa lourde patte, je deviens un gros hippopotame noyant sa fatigue dans le lit du grand fleuve Limpopo. Je suis aussi une araignée qui telle une Pénélope tisse patiemment la même toile avec bonheur, celle des petits gestes quotidiens, des menus plaisirs, des liens familiers et indispensables.
Tour à tour éphémère brûlant ses ailes aux becs-de-gaz de la méchanceté ordinaire, papillon voletant d'âme en âme, colibri insouciant, me voilà tout à coup tortue bicentenaire quand le vertige insondable du temps m'oblige à arrêter ma course vaine.
A force de cultiver les baies juteuses du bonheur de vivre, à force de sentir couler sur mes lèvres leur goût suret, je deviens otarie sortant de l'eau, tellement lisse et brillante que le mauvais glisse sur moi sans m'atteindre en gerbe de gouttelettes glacées. Je couve mes poussins comme une faisane, mais je rêve de partir comme un canard sauvage vers des contrées inconnues, le vent ivre fouettant mes ailes, le cœur éclatant d'un air trop neuf. Je gambade, je sautille, j'ondule, je vole, je rugis, je roucoule.
Et comme un éléphant, à l'heure de ma mort, je voudrais n'avoir rien oublié.
Et comme un éléphant, à l'heure de ma mort, je voudrais n'avoir rien oublié.
Image: internet
Musique:merci à ma chère Crouk de m'avoir fait (re) découvrir Didier Squiban
Laisser s'exprimer la part de bestialité en soi d'un seul geai, ça cerf à chat, un blog ! Un texte aux poils qui me fait bicher ! :~)
RépondreSupprimerGRRRR: salut bête hybride!!!
RépondreSupprimermoi, je suis plutôt du genre sanglière des campagnes!
Joli ce papillon.. et moi, je suis Lion... ou chèvre c'est selon le pays.... Bises et belle journée.
RépondreSupprimerNous sommes tous des mammifères mais tu m'as l'air en sus dotée d'ailes.
RépondreSupprimerSerais-tu une licorne d:) ?
Très amusante et suggestive cette métaphore polymorphe !
RépondreSupprimerJ'admire ton inspiration et le temps que tu prends à faire de tels billets !!
C'est le propre de l'Homme, non?
RépondreSupprimerToi un animal ? Sans doute, mais pas bête du tout ];-D
RépondreSupprimerc'est... chouette !
RépondreSupprimerPourquoi me fais-tu donc penser au titre de ce recueil de Verhaeren : "La multiple splendeur" ?
RépondreSupprimerBel exercice de style !
RépondreSupprimerJe me fais écureuil, je me cache, je sors qd il fait bon, me pelotonne chez moi si mon ciel s'assombrit et essaie de rester insaisissable.
Merci pour cette balade au coeur de l'existence, magnifique..
RépondreSupprimerQuand Célestine laisse sa fourrure au bestiaire, elle est encore plus zoolie....
RépondreSupprimerEt moi c'est la licorne que vous m'évoquez, maîtresse, un animal entre fiction et vérité. Car quand je parle de vous, quand je vous raconte, les autres me disent "tu affabules" un tel animal n'existe pas. J'ai d'ailleurs eu un peu de mal avec "céruléen". Un mot trop précieux pour moi et pas assez pour ses yeux. Et puis lorsque mon esprit parfois se laisse aller pendant les cours, Je ne vous vois pas trop en animal mais plutôt en fée, en princesse, en naufragée que je sauve, en prisonnière que je délivre, à la rigueur en sirène...mais à la fin elle se transforme en ...vous. Je ne vous raconte pas la fin de mes rêves, maîtresse, je crois que ça ne se fait pas.
RépondreSupprimerDormez bien. Demain on ne sera pas là pour vous empêcher d'écrire.
Le petit nouveau
Ben moi qui n'aime pas trop les bêtes, j'aime bien ton texte.
RépondreSupprimerBelle description d'une Belle humaine !
RépondreSupprimerP.-S. : "Tour à tout éphémère..." ou "Tour à tour éphémère..." ?
http://www.youtube.com/watch?v=EVwlMVYqMu4&feature=related
RépondreSupprimerça dure 6 minutes 49 c'est bête mais qu'est ce c'est poilant !
Je suis ce poisson gobeur qui circonvulsionne, ce moustique pondeur qui ricochète, ce serpent traversant qui zébrasque, cette grenouille appeurée qui flappit, ce dytique préssé qui avironne!!Et sur cette étendue d'eau calme, je me permets d'entreprendre de curieux motifs géométriques qui troublent un temps cette zénitude!Enfin l'ordre désordre redevient ordre et le silence feutré de la nuit proche prend place petit à petit et je sommeille d'étourdissements.
RépondreSupprimerC'est riche de pouvoir tour à tour se glisser dans la peau d'une telle ménagerie , je me suis régalée à la lecture de ce billet , je t'imagine traversant la cour telle une girafe , j'adore l'image !!
RépondreSupprimerest ce que tu hulule de temps en temps Célestine ?
oh! merci de ton petit mot par rapport à Didier Squiban !!
RépondreSupprimercomme tu as pu le constater , je suis de nouveau en grogne contre deezer. j'ai décidé de me désabonner ,
même chez toi, je ne peux écouter les musiques plus de 30 sec..GRRR
Ton bestiaire est superbe et digne de toi ! Tu arrives à nous faire aimer certaines "bestioles" peu avenantes... J'ai adoré la fin et la mémoire de l'éléphant...
RépondreSupprimerJ'aurais pu l'écrire...
RépondreSupprimerJ'aime bien l'otarie qui... laisse glisser...
;-)