Berthoise et Marie-Madeleine m'ont toutes les deux honorée de leur confiance en me demandant de continuer la chaîne des "sept petits secrets".
J'ouvre donc mon tiroir magique, celui de mes jardins intimes, pour vous offrir
sept choses que je n'ai jamais dites à personne.
Si je vous disais qu'à seize ans j'étais amoureuse de mon professeur de français. Rien de bien extraordinaire me direz-vous, mais si je précisais que son prénom était Françoise... Ah, vous voyez, tout de suite plus sulfureux, n'est-ce pas? Je rêvais qu'elle me prenait dans ses bras sur une balancelle, et qu'elle m'embrassait fiévreusement. Je me réveillais de ces rêves incandescents le rouge aux joues, et je partais retrouver ses cours passionnants en sifflotant comme si de rien n'était.
Et ce crayon de maquillage que j'avais chipé dans un grand magasin, mue par je ne sais quelle pulsion mystérieuse et incompréhensible, passant la caisse le cœur battant de mon ignoble forfait, comme je l'ai porté longtemps ce lourd secret coupable! J'en ai récité des "pater" et des "ave" dans le silence accusateur de ma conscience, pour essayer de me débarrasser de ma faute. Quelquefois, je rêve encore que je retourne quarante ans après rendre le crayon!
C'était l'été, j'avais emmené mon frère de dix ans à la plage. La mer d'huile nous attirait mais je savais que mon frère ne savait pas nager.Il batifolait à côté de moi quand soudain, le voilà qui perd pied et se raccroche à moi avec une énergie désespérée qui nous entraîne vers le fond l'un et l'autre. J'ai cru ma dernière heure arrivée. J'avais quinze ans. J'ai eu le temps de me dire "C'est bête de mourir sans avoir eu mon bac" avant que des bras puissants nous tirent tous les deux de l'eau et nous ramènent sur la terre ferme, pour laquelle j'ai depuis lors une adoration sans borne...
Rarement j'ai eu peur comme ce jour de foire où mes parents m'avaient emmenée pour la première fois faire du manège. Partagée entre la joie de monter sur une des rutilantes petites autos pour essayer d'attraper le mythique pompon, et la crainte inexplicable que mes parents en profitent pour m'abandonner. Les premiers tours se passèrent bien. J'apercevais ma mère qui agitait sa main avec un sourire à chaque passage. Oui, tout ce passait bien, je me laissais bercer par la folle ronde étourdissante et la musique de France Gall "poupée de cire, poupée de son", quand mes parents ont subitement disparu. Les derniers tours ont été cauchemardesques. Je pleurais toutes les larmes de mon petit corps. J'avais quatre ans, je n'avais plus mes parents et je ne peux plus entendre cette chanson sans que mon cœur se serre.
En 2015 j'irai à New-York. Je rêve d'arpenter Central Park en mangeant des ice-creams, de fouler le sol des légendaires Cinquième Avenue ou 42°Rue, de me tordre le coup à apercevoir le sommet de l'Empire State Building, de respirer le même air que Woody Allen ou De Niro. Je prendrai un taxi jaune et je le ferai rouler des heures entières dans le décor de mes plus grands émois cinématographiques.
Tard dans la nuit, un jour, à la maternité, je me suis réveillée avec une angoisse terrible: mon bébé et son berceau avaient disparu. J'ai arpenté les couloirs de long en large, à trois heures du matin, persuadée qu'on m'avait volé mon petit ange, alors qu'une infirmière l'avait tout simplement emmené à la nursery, puis qu'il pleurait, pour me permettre de me reposer. Je n'ai réussi à rire intérieurement de l'événement que des années plus tard. J'ai eu beau me dire que ma dépression hormonale m'avait fait exagérer les choses, j'avais touché du doigt l'une des pires choses qu'un être humain puisse vivre.
Singulièrement, je me rends compte que beaucoup de mes petits secrets sont des choses que j'ai enfouies dans mon tréfonds car je n'en suis pas très fière.Des frayeurs enfantines, des hontes bues, des angoisses, des mauvais souvenirs. Car mon plus grand secret (mais c'est un secret de Polichinelle) c'est ma propension au bonheur et à la lumière. Du coup, les zones d'ombre sont reléguées au fin fond du jardin, je les nie, je les oublie, et il m'a fallu un gros effort pour en ressortir quelques unes. Mais Marie-Madeleine avait dit:"Célestine, quand elle sera en vacances".
Eh bien ça y est, j'y suis.Et ça ce n'est un secret pour personne dans mon entourage!
bonne idée! en 2015 j'irai à New York aussi ;-)
RépondreSupprimer(à la mer il m'est arrivé un truc similaire avec mon petit frère aussi, c'était dans la baie du Mont-Saint-Michel, il ne savait pas nager, moi oui, je l'ai tiré traîné pfff j'ai eu une des pires trouilles de ma vie)
Bonnes vacances, Célestine!
Un secret, un seul ?
RépondreSupprimerEnfant je pleurais beaucoup, aujourd'hui je ne sais plus pleurer !
Et puis... économisons l'eau ];-D
Que de secrets.... mais nous en avons tous.
RépondreSupprimerbeau dimanche, avec bises
Sourire...
RépondreSupprimerQuel billet ! J'ai l'impression d'être un curé écoutant les confessions d'une fidèle.
Très belles confessions d'ailleurs.
J'aime beaucoup.
Bon dimanche à toi.
Je t'embrasse.
PS :Tu réciteras 3 Pater et 5 Ave.
;-)
Li
Ce sera fait frère LI!
RépondreSupprimerPATRIARCH merci, bon dimanche clair et ensoleillé. Tu me raconteras un de tes secrets???
ANDIAMO tu es sans doute de la génération pour laquelle un garçon ne pleure pas...et pourtant, les larmes font tellement de bien, surtout celles de joie. Moi j'avoue que souvent tes textes me font pleurer...de rire! C'est ce qui s'appelle sans doute pisser de rire...d'ailleurs ta captcha m'a traitée plus d'une fois de pisseuse.J'assume.Je suis une fille, une nana, une greluche quoi.
ADRIENNE: bon ben on y va ensemble alors? chiche?
RépondreSupprimerMerci ma chère Célestine, de ta sincérité, et cette belle expression de moments de ta vie.
RépondreSupprimerEn te lisant, des souvenirs reviennent, terreur de l'enfant disparu, et cette force invisible grisante qui pousse à chaparder du maquillage ou du foie gras, ou juste un paquet de bonbons!
J'ai lu ton article sur le 30 juin, mais pour être honnête, je ne me sentais pas dans le même état d'esprit et n'avais aucun sentiment de nostalgie. Le fait d'avoir eu une classe difficile a son influence. Non, j'étais plutôt surexcité à l'approche de mes deux mois de congé et de tout ce que j'avais envie de faire. Nostalgie et mélancolie? Non. Mais un sentiment de liberté, d'insouciance et de sérénité.
RépondreSupprimerPasse de bonnes vacances Célestine.
Très doux ces confidences partagées. Merci de votre confiance. Délicieuse façon de raconter.
RépondreSupprimerMerci
Excellente idée et courageuse car se dévoiler n'est pas toujours facile. En plus le style est intimiste, bravo.
RépondreSupprimerSympa ces petits secrets!
RépondreSupprimerMoi aussi j'ai beaucoup de moments de peur dans mes souvenirs les plus lointains!
Bravo Célestine, tu t'es prêtée au jeu avec plus de sincérité que moi.
RépondreSupprimerMerci.
Oooooh, chiper un crayon de maquillage! Moi je me suis souvenue que je piquais...des romans photos! Je trouvais ça trop bête pour les acheter, alors je les volais...
RépondreSupprimerEdmée
on a tous dans le coeur des secrets caches, plus ou moins lourds...on est pas des anges mais des humains avec nos forces et nos faiblesses, nos sentiments et notre caractere!!! faut assumer!!facile a dire!!!c'est un billet qui me renvoi a mes propres secrets!mais je ne saurai pas aussi bien les ecrire!!
RépondreSupprimerbelle et douce "confession" comme dirait LI. ce n'est pas si évident de se replonger dans ses terreurs d'enfant. Nous en avons tous. peut-être qu'elles sont plus actives que nous ne le croyons d'ordinaire. les raconter permet de les apprivoiser ? ... J'avais très peur du noir et l'école a été longtemps pour moi comme un tour de manège terrifiant pendant lequel je perdais mes parents de vue :)
RépondreSupprimerAh ! et puis moi aussi j'étais amoureuse de MA prof de français en seconde - toutes les filles de ma classe l'aimaient d'ailleurs, on se l'était dit -
Bisous
Merci alors de partager cela avec nous :-)
RépondreSupprimerComme c'est touchant d'attraper "sept d'un coup" de tes secrets jamais dits à personne ...
RépondreSupprimerSais-tu que certains des miens ressemblent aux tiens !
Je ne sais pas si c'est si courant de tomber amoureux de sa prof quand on est soi-même une femme :) peut-être que si à l'ado naissance, tout le monde est "amoureux" un jour ou l'autre d'un de ses profs, sexes confondus, il s'agit d'une personnalité qui séduit ... Emoi, tu crois que cela m'est arrivé aussi ? smiling
Je découvre l'enfance dans tes mots, ta voix de petite fille et je sens la "femme sensible", et peut-être plus fragile que les apparences, autre trait de ta personnalité qui ajoute à la "femme forte" qui maîtrise ... et c'est très beau