Je ne sais pas lire.
Enfin, je veux dire , je ne sais pas lire autrement qu'avec passion.
Je n'ai jamais réussi à aller plus loin que la dixième page quand je ne suis pas littéralement happée par les premières lignes.
Je sais que j'ai dû passer à côté de pas mal de chefs d’œuvre à cause de ce travers. Des livres ardus, rêches, âpres comme la peau tannée d'un vieux paysan italien. Des livres qui demandent un "effort". Des livres qui ne se livrent pas tout de suite, des forteresses à l'assaut desquelles il faut partir à la tête d'une armada de bonnes résolutions. Certes.
Mais je sais que cela m'a évité aussi un grand nombre de navets insipides.
Le temps cyclothymique de ce mois de juillet intercale des tonnerres gris et des embellies brûlantes. Alors, moi, je lis entre les éclaircies. Je me glisse dans mes coups de cœur comme dans des mules de satin. Et comme je n'ai pas envie de vous assommer avec des notes de lecture, je vous offre ces deux débuts dans lesquels j'ai trempé mes doigts comme dans un pot de confiture.
Dans ce que l'on appelle les Hommes, il y a les hommes et les femmes. Enlevons les hommes: il reste les femmes.
*
Il y a des femmes partout. On en rencontre dans les rues, dans les usines, dans les maternités, dans les aéroports. Parfois chez elles.
*
Les femmes ont des cheveux. Ils tombent en grappes lourdes sur leurs épaules: c'est beau. Parfois ils sont courts. Parfois, ils poussent le sens de la contradiction jusqu'à être mi-longs: c'est beau aussi.
*
Les femmes ont des idées. Souvent, vous ne les comprenez pas: elles ont des formes étranges, des formes de brume tranchante, comme celles des rêves.
Le ciel, admirablement bleu, commença de pâlir au dessus de Rome, vers cinq heures, ce jour-là, heure déjà tardive en mars, tandis qu'un soupçon de brume légère, s'élevant des ruelles, en ternissait la transparence bleue. La lumière dorée accrochait encore les dômes des églises anciennes, épanouis comme des seins de géantes étendues, au-dessus des toits triangulaires, et l'extrême sommet du torrent d'escaliers qui relie l'église Trinita di Monte à la Piazza di Spagna.
A l'inlassable jet de cette fontaine de pierre, s'était suspendue tout le jour une foule de gens qui, n'ayant rien de précis ou d'imposé à faire, étaient venus frileusement se blottir au soleil, et, comme le soleil s'enfonçait peu à peu, ces gens inoccupés montaient de quelques marches, régulièrement, comme les réfugiés des inondations grimpent sur les collines à mesure que le flot s'élève.[...]
Mais les derniers fidèles l'un après l'autre disparus, une silhouette attira l'attention par son immobilité : un jeune homme qui semblait à l'affût de quelque signal et guettait les hautes fenêtres et la terrasse d'un petit palazzo...Ce jeune homme était d'une beauté surprenante.
J'aime bien l'image du pot de confiture !:-)) demain, je suis contente, je vais à la biblio !:-) J'adore çà, prendre ou acheter un nouveau livre, je suis à chaque fois excitée, parfois déçue aussi, sinon, oui, je lis avidement.. Bisous
RépondreSupprimerles regarder
RépondreSupprimerles enlacer
les sublimer
les aimer
et... La fermer !
Oh comme tu connais bien les femmes, mon petit andiamounet...
RépondreSupprimerJe te souhaite de belles trouvailles, ELLA! Aussi belle que ces deux-là qui m'ont vraiment emballée.
RépondreSupprimerEt voilà un début qui m'a fait chavirer, et fait entrer dans un livre sublime et dense, difficile et envoûtant (Ma vie parmi les ombres, Richard Millet):
RépondreSupprimer«Après moi la langue ne sera plus tout à fait la même. Elle entrera dans une nuit remuante. Elle se confondra avec le bruit d'une terre désormais sans légendes. Les langues s'oublient plus vite que les morts. Elles tombent, comme le jour, le vent, ou le silence sur le monde où je suis né et qui était peuplé de gens rudes, peu loquaces, au visage tourné vers le couchant, et qui auraient souri de me voir, moi, le dernier des Bugeaud, seul de ma race à écrire aujourd'hui le français à peu près comme ils ont rêvé de le parler ou, pour quelques-uns, l'ont parlé, quand ils ne s'exprimaient pas en patois, dans ce parler limousin où s'entendaient encore, entre les souffles des animaux et ceux des grands bois, tous les temps du subjonctif, tandis que le français y renonçait et qu'ils parlaient, eux, avec ce respect de la syntaxe française qui était la véritable armature de l'homme, pour les Bugeaud comme pour les autres Siomois, y compris ceux qui parlaient mal mais qui considéraient que s'exprimer correctement était ici-bas la vraie, la seule gloire.»
bonsoir ma Célestine...
RépondreSupprimeras-tu remarqué comme le style de ces deux auteurs est différent?
Oui sans doute
Le premier utilise des phrases courtes, qui vont à l'essentiel (J'ADORE cette manière d'écrire)
Le second, c'est plus à la façon de Proust, des phrases longues...
Je vais te laisser deviner ce que je préfère?
Ah bonsoir mon cher professeur d'écriture! Je me hasarderais à dire: le premier? Tu adorerais ce livre, c'est un beau regard sur les femmes.
RépondreSupprimerCela dit, le livre de Tennessee William contient des passages admirables, et j'avoue aimer aussi les phrases foisonnantes et ciselées au scalpel qui décrivent la lente déchéance de cette femme.
oui bien sûr
RépondreSupprimerEn lisant ces quelques phrases sur les femmes, je suis déjà séduite...
Tu me donnes envie (une envie sérieuse!!!) de lire ce bouquin!
(tu fais le texte sur la consigne d'Asphodèle? moi oui, mais faut que je trouve le temps...)
T'embrasse...
(et ta fille?)
Euh ... que dire sinon que :
RépondreSupprimer- je crois que je n'ai jamais lu un livre de philo en entier (sauf ceux d'Aristote, va savoir ...)
- j'aimerais bien une p'tite note de lecture de ta part, si c'est pas trop demander ... même un début ...
- trêve de vacances, profite bien quand même ...
Amitiés
ZENONDELLE je m'y attelle dès que j'ai un moment.
RépondreSupprimerCOUMARINE je l'ai acheté à Tropismes, tu te souviens?
VERTUMNE merci pour cette découverte. Tu vois comme on est tous différents, moi je ne vibre pas du tout à la lecture de ce début de livre, même si je reconnais qu'il est remarquablement écrit.Et en réfléchissant, finalement, peut-être que je me laisserais tenter d'aller plus loin rien que sur les mots-clés: respect de la syntaxe française...
Amicalement
Célestine
le premier, j'aimerais bien savoir comment il continue... faut tout de même que ça mène le lecteur quelque part ;-)
RépondreSupprimerADRIENNE ce n'est pas un roman, juste un essai sur les femmes. Mais un essai transformé, à mon goût.
RépondreSupprimeroui oui j'ai bien compris qu'il ne s'agissait pas d'un roman (non mais tout de même ;-))
RépondreSupprimeren écrivant mon comm' précédent je voulais dire: continuer comment = parler de quoi exactement à propos des femmes... et mener le lecteur quelque part = lui transmettre quel message?
Désolée ADRIENNE je ne voulais pas te froisser. Le livre amène, à mon sens, les lecteurs à regarder les femmes autrement, et les lectrices eh bien...ça leur fait beaucoup de bien de voir écrit noir sur blanc des choses qu'elles se croyaient les seules à éprouver.
RépondreSupprimerBises
Célestine