D'où vient que les livres qui racontent des histoires vraies nous retournent l'âme à ce point ? Le livre d’Alain Rohand est de ceux-là. Je termine la lecture de ces lettres émouvantes, et je suis encore bouleversée.
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Lettre à Alain X
Chacune des trois parties de ton livre fort et généreux trouve en moi un écho particulier qui me l’attache.
Petit garçon, comme j’aurais aimé t’avoir dans ma classe, et te rassurer comme je le fais avec mes élèves en perdition, et ne surtout pas te tirer les oreilles et t’assener l’orthographe à coup de règle. Comme j’aurais aimé te dire doucement que non, tu n’étais pas un fainéant, que tu n’avais pas un poil dans la main, et que nous allions chercher ensemble comment parvenir à te faire progresser…Oui mais les techniques éducatives de l’époque ne s’embarrassaient pas de psychologie de l’enfant, le savoir devait entrer de gré ou de force dans les têtes, et tant pis pour les désastres collatéraux.
La maladie, elle, entre comme un cyclone dévastateur dans ta jeune vie, un virus terrible qui tord tes muscles et tes nerfs, et te laisse hagard, laminé comme un paquet de chiffons mous, comme un jouet cassé, sanglé dans ta coquille. Comme j’aurais pu, alors, être ta mère, qui cache sa détresse pour t’encourager à vivre, parce que, dis-tu, « si [elle] avait fondu en larmes devant moi, cela m’aurait précipité vers le néant… »
Ah, le courage de cette maman qui peut passer parfois, dans le cœur d’un enfant blessé, pour de l’indifférence, de l’insensibilité, combien je le connais pour l’avoir éprouvé, combien il résonne dans mon propre cœur de mère !
Tu dis enfin, ta lente reconstruction, jusqu’à maintenant, jusqu’au point d’orgue de ces demandes de pardon que tu adresses à tous ceux dont ta douleur et ton égocentrisme de gosse t’empêchèrent de voir le dévouement et l’amour, aides-soignantes, éducateurs, médecins, prêtres, parents, amis…Tu dis cette vie que tu as choisi de vivre, pleine et entière, malgré le handicap, ce choix d’aider les autres dans leurs souffrances morales et psychiques, cette force que tu tires de ta faiblesse, ce long chemin intérieur, les rencontres que ta maladie t’a permis de faire, l’Amour enfin qui a comblé ton existence, tu dis tes mots avec tendresse, avec humour, avec passion, avec humilité, et la palette des sentiments humains trouve sous tes doigts le chatoiement d’un tableau de maître. J’aime les histoires de rédemption, et c’en est une à mes yeux.
Ta douleur s’est-elle assagie, comme l’implore Baudelaire, après l’écriture de ce flamboyant témoignage ? C’est ce que j’espère pour toi. Moi, je ne peux que conseiller ardemment la lecture de ton livre, car il porte en lui un formidable message d’espoir : même s’il est difficile, le passage se fraie un chemin, le passage se crée toujours pour les âmes fortes.
« Le Passage se crée » d’Alain Rohand, Book Editions 2011, 119 p.
C'est avec une forte émotion que je lis cette lettre que tu m'adresses à propos de ce livre.
RépondreSupprimerEn particulier ce que tu dis de l'institutrice et de la mère que tu es.
Cela m'apporte beaucoup. Ce regard-là, de toi, de personnes extérieures.
Il m'a fallu du temps pour quitter le regard égocentré que je portais sur cette période de ma vie. Plusieurs années. Tout un travail. J'avais tellement de comptes à rendre avant de pouvoir écrire ce livre. De clarifications à faire. Il faut du temps pour ne plus voir midi à sa porte.
Mais aussi, il faut être clair. Le malheur, c'est le malheur. La souffrance, c'est la souffrance. Elle ne se partage pas. Elle s'assume. Chacun doit l'assumer. J'ai eu à faire ma part. D'autres aussi : en particulier, mon père, ma mère, mon frère.
Quand à l'éducation de l'époque c'était : « à la dure ! ». Mais ça, c'était vrai pour tout le monde !
Cela dit, on n'a pas fait que pleurer, loin s'en faut ! Il y eu des joies et des bonheurs. Ne serait-ce que celui de me voir remarcher, de pouvoir reprendre une vie relativement ordinaire, même s'il fallait porter pour toujours un corps déficient. Joie et bonheur partagés aussi au sein de cette famille-là.
Un immense merci pour ce retour de lecture. Je l'accueille chaleureusement. Je me sens perçu pour qui je suis, pour qui je fus à cette époque-là. Qui plus est, ta « lettre » est très bien écrite… Mais ça, on connaît ton talent !…
tu sais quoi, Célestine?
RépondreSupprimerJ'ai été très émue en lisant ta belle note de lecture sur le livre d'Alainx.
J'ai retrouvé avec intensité les émotions qui ont été les miennes quand je lisais le livre, page après page.
Ce petit garçon "douloureux" j'aurais voulu comme toi le prendre dans mes bras, le rassurer le consoler
Oui, ce livre mérite d'être diffusé largement, c'est un livre qui grandit l'âme de celui ou celle qui le lit
Et cela, sans sensiblerie, dans une réserve parfois teintée d'humour, malgré le sujet grave...
Ton billet est magnifique, écrit avec sensibilité... je l'aime beaucoup
Je suis émue par ce que tu dis de ce livre.
RépondreSupprimerChère Célesetine, ta lettre est belle car elle est sensible et juste, comme l'est le texte d'Alain qui m'a également bouleversé, mais ça tu le sais.
RépondreSupprimerJe t'embrasse
cel, j'aimerai lire ce livre! mais je ne sais pas si le moment est opportun:la vieillesse, la maladie, mon quotidien est boulversé et je dois encore trouver la force de reconforter mon p'tit coeur d'artichaud..profites, pépé est encore là...
RépondreSupprimerTrès ému aussi par cette lettre. C'est vrai que certaines maladies neurologiques sont harassantes déjà adulte, mais enfant c'est encore pire.
RépondreSupprimerje vais le lire dès qu'Eliane ira faire un tour à la FNAC
Belle journée. Bises
J'étais très mauvais en classe, enfin surtout à partir de la 6 ème... Je ne comprenais rien de rien aux maths ! Alors :olles et pénos;
RépondreSupprimerQuant au Français, des notes à chier aussi, des rédactions avec pour annotation : quel style !... Surtout celui de ne pas en avoir ];-D
Bof, pas gravum, j'ai pris une lime, et j'ai poussé !
Oui DELPHINE je sais que nous sommes pareillement sensibles aux même choses...
RépondreSupprimerBERTHOISE J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour ceux qui se battent contre la maladie, et cela doit se sentir dans ma note de lecture...
COUMARINE Et moi qui n'ai même pas parlé de ta préface! je suis au-dessous de tout! Ton commentaire, heureusement, m'y fait penser...
ALAINX Mon billet est sorti droit du cœur. Et il y a une chose sur laquelle je n'ai pas assez insisté: c'est que tu écris très bien, et que j'espère que tu te lanceras dans un autre livre, peut-être moins personnel...mais dans lequel tu exprimeras toute la richesse de ta personnalité à travers une histoire racontée...
Un des tes plus beaux billets ... de ceux que l'ai lus. Merci.
RépondreSupprimerZénondelle
L'enfance... Passage obligé, passage parfois difficile, comme celui de la chrysalide qui devient papillon.
RépondreSupprimerJ'avais lu une histoire :
Un homme aide une cigale à sortir de sa chrysalide (épreuve très difficile)
Ce qu'il ne savait pas, c'est que cet effort, cette contrainte, fait se disperser le sang de l'animal dans les ramifications des ailes !
Ce sang une fois sec donnera la rigidité aux ailes !
En l'aidant dans sa "naissance" l'homme a fait de la cigale une infirme, car ses ailes ne se sont jamais développées ];-(
Tu en parles très bien, avec toute l'émotion et le pathétique voulu pur ce genre de livre. Mais, vois-tu, je ne supporte pas ce genre d'histoires vécues, elles me font trop mal, ma sensibilité ne le supporte pas. J'ai besoin pour continuer à vivre, de tout autre chose. Je suis tellement fragile moralement, qu'il faut que je me protège, que j'oublie. Par contre, je suis la première à bavarder avec un être qui souffre, passer un moment avec lui, l'aider si je le puis, lui donner mes trucs, mes recettes, l'écouter aussi, c'est très important ! Mais lire ou regarder passivement, pour simplement savoir, le vécu de l'autre, non ! Pour vivre j'ai vendu de la beauté, de la sérénité, pas autre chose et jamais au grand jamais ma souffrance, mon passé, mon vécu.
RépondreSupprimerJe sais, c'est peut-être de l'égoïsme, mais...
Je vais voir la suite !
Florence