03 juin 2024

Lettres du Japon (12) Le Mont Koya

 






Sur les pentes du Mont Koya, à 900 mètres d'altitude, le monastère Kongobuji dresse sa majestueuse façade orange vif. La couleur du Bouddhisme. 
Le regard est particulièrement attiré par la hauteur magistrale des cyprès plusieurs fois centenaires qui l'entourent. Même si le monument en lui-même vaut évidemment l'excursion, empruntant les routes sinueuses menant au Mont.
Akiko nous raconte l'histoire complexe de Kūkaï, le fondateur du temple, une des grandes figures de la philosophie bouddhiste.
Tout près du sanctuaire, nous déjeunons d'un repas végétalien « dans le respect de la tradition monastique » comme l'indique le programme. J'avoue que certains mets ont un goût vraiment étrange, pour ne pas dire carrément bizarre. Tout est présenté sur un plateau à compartiments, de l'entrée jusqu'au dessert, même si l'on ne sait pas très bien qui sont les uns et qui sont les autres. Le dessert s'avère être une sorte de pâte gélatineuse assez molle et insipide. Un petit rouleau noir semble être fait d'algues séchées. Un morceau de tofu me rappelle l'éponge humide avec laquelle mes élèves se battaient pour effacer le tableau. Je rêve soudain d'un Paris-Brest. Ou d'une assiette de frites. 
J'atteins là une certaine limite à mes aspirations spirituelles. Je ne serai jamais un biku, moine en Japonais. 
Après le repas, nous visitons Koya San, le plus extraordinaire cimetière que j'aie jamais vu. Un endroit carrément magique. Les cyprès y atteignent des hauteurs vertigineuses. Et la légende veut que le vénérable Kobo Daishi  (l'autre nom de Kūkaï) n’y soit pas vraiment mort, qu’il médite dans sa tombe dans l’attente du prochain Bouddha, et que toutes les âmes reposant dans le cimetière autour de son tombeau pourront le suivre en priorité.

J'ai tout de suite eu sur les lèvres le début du poème de Baudelaire :

La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers

Les piliers sont évidemment les fûts des cyprès, droits comme des colonnes de temple grec.
Les symboles ? Il y en a des centaines, dans ce haut-lieu spirituel. Et les regards familiers sont ceux des jizo, petites statuettes trop mignonnes souvent coiffées de bonnets rouges ou de bavoirs. Protecteurs des âmes perdues et des enfants non nés, offrant leur compassion et leur guidance.  
Partout des dieux bienveillants, des statues, des offrandes, des lanternes éclairées par les pèlerins. Tout au bout, bien protégé par un écrin de verdure, l'okuno-in ou « temple du fond », abrite l'âme de Kobo Daishi. 
En fait aucune tristesse ne se dégage du lieu. 

Le musée Reiyokan interdit les photos. J'en ai quand même volé deux ou trois, juste pour vous.
Votre Célestine ne recule devant aucune audace aventureuse. En revanche, dans le jardin, il était permis d'immortaliser le splendide karesensui, cette belle étendue de sable blanc « peignée » avec un art magnifique. J'ai vu aussi, de mes yeux vu, des jardiniers ôter une par une les aiguilles de pin de la pelouse. Obélix aurait sûrement dit : « Ils sont fous ces japonais ! »
Devant le temple, sous le pin sacré, nous avons cherché sur le sol, un bouquet de trois aiguilles porte-bonheur (elles sont en général par deux). Aussi rares que les trèfles à quatre feuilles. Nathalie en a trouvé un. Je n'en ai pas trouvé. 

La journée fut tout de même placée sous le signe de la magie, celle que l'on s'attend à trouver dans un site évoquant les longs métrages oniriques de Miyazaki. 


(A suivre)































7 commentaires:

  1. Je pense que pour l'élaboration des repas végétaliens « dans le respect de la tradition monastique » les visiteurs européens servent de cobaye pour de nouvelle recette ! 😀​

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    1. De nouvelleS recetteS, avec des S. Ce sera mieux 😉​

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  2. Mdr, Maîtresse, le contenu du bol (dernière image) c'est avant ou après dégustation ! 🤣
    Délicieuse lettre dont l'humour fait du bien, merci Célestine 😘

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  3. Me rendant ce matin dans le jardin des blogs, je constate que tu es au Japon... et que c'est déjà le numéro 12 de ton récit. J'ai du retard dans la lecture. Chouette. Des moments délicieux à savourer en te lisant.

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  4. J'observe attentivement le plateau repas... Mangez des éponges !

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  5. Dépaysement garanti !! Même la nourriture est particulière !!

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  6. Ce temple est vraiment magnifique mais les figures de pierre me laissent froide, et les bavoirs un peu à côté de la plaque. Quant aux repas, bof, je préfère les fraises que je viens de déguster ! Je vois un bout de lard bien fin et des algues, tu sais qu'on commence à voir des melons et des cerises sur le marché Célestine ! Je sens que tu vas leur faire honneur en rentrant, si ce n'est déjà fait !!

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Je lis tous vos petits grains de sel. Je n'ai pas toujours le temps de répondre tout de suite. Mais je finis toujours par le faire. Vous êtes mon eau vive, mon rayon de soleil, ma force tranquille.
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Merci de faire vivre mes mots par votre écoute.