La
voix synthétique, sépulchrale, résonna dans les haut-parleurs à
propagation d’ondes tribenniales. Les visiteurs rechargèrent leurs
cartouches d’oxygène artificiel saturé aux distributeurs automatiques à
l’entrée. Il régnait une atmosphère délétère dans cette partie du grand
Mémorium Galaxial. Seuls quelques privilégiés parmi les Citiziens
avaient été autorisés à voir les salles interdites, et pour un temps
très court. On était en 3012. Ensuite, le muséum fermerait ses portes
car seul le Grand Ultime avait le droit d’y accéder.
« Mesdames
messieurs, nous pénétrons maintenant dans la salle du deuxième
millénaire. Le tableau que vous avez devant vous a une valeur
inestimable. C’est le dernier tableau qui a été peint avant le Grand
Réalignement de 2012. Les historiens s’accordent à dire qu’il marque le
début de l’Ere de la Calamité. Il représente la Grande Prêtresse
Ségolénia, en méditation devant un des Symboles de
la Décadence Archaïque. En ces temps anciens, les habitants de la
Planète s’appelaient encore les hommes, ils étaient divisés en
multitudes de groupes, appelés continents, nations, cliques, ligues,
partis, classes. Ils n’avaient pas encore eu la Révélation Suprême. Ils
ne parlaient pas la même langue. Ils se battaient donc constamment, pour
la survie, pour l’argent, pour le pouvoir. Ces luttes occupaient le
plus clair de leurs vies ridiculement courtes.»
Un
murmure frissonnant parcourut l’assistance. Ces temps immémoriaux
semblaient complètement irréalistes aux Citiziens. Les mots eux-mêmes
appartenaient à un passé oublié. Au fur et à mesure que la Voix
décrivait les mœurs cette époque troublée et triviale, le dégoût
devenait palpable.
« L’élément
central du tableau représente une rose, appartenant à une catégorie
d’objets oubliés de nos jours. Ces objets dits « naturels » s’appelaient
des fleurs. Les objets naturels dans leur ensemble ont disparu à la fin
du 21° siècle, avec la découverte des matières tribenniales et
extra-synthéticoïdes que nous connaissons aujourd’hui, et surtout
l’invention des organismes de substitution plurimétabiologiques … »
Les
visiteurs se regardèrent hébétés, abasourdis, cependant que la Voix
continuait son monologue ahurissant. Il était impensable d’imaginer des
êtres obligés de se nourrir d’organismes vivants pour vivre, de se
reproduire, de se battre pour des territoires. Seuls les rats et les
fourmis avaient continué à suivre ces schémas ancestraux, mais cela
avait causé leur disparition. Certains mots restaient parfaitement
incompréhensibles : "démocratie, vote, lutte des classes, capitalisme, socialisme..."
Le
Grand Ultime avait tout prévu. La vie était linéaire. Douce et sans
faille. Sans rides. Sans luttes. Jusqu’au jour du Grand Convoi Programmé
, où l’on devait partir pour une planète sans oxygène. Chaque jour les
ordinateurs calculaient le nombre exact de naissances, et de là, celui
des Citiziens en partance. Le nombre idéal de Citiziens avait été fixé
pour toujours à 25 milliards. Ils acceptaient la règle.
Ils sortirent du Mémorium et passèrent dans une Salle de Réajustement, afin de se faire laver le cerveau. Les Soleils brillaient. Tout était Bien.
Pour le défi du samedi n° 170
Edit de 15 h 00: Le "Grand Ultime" m'a certainement punie de mon audace: mon blog est en plein bug! Les paramètres deviennent incontrôlables! Pitié, prenez patience et persévérez pour poster vos commentaires, malgré cette tempête solaire...
Hé, hé, une fiction futuriste? Il y a du Orwell ou du Huxley là-derrière. Un peu du Montesquieu des lettres persanes, aussi, avec ce regard extérieur posé sur notre société.
RépondreSupprimerEspérons que tout cela reste une fiction et que nos lendemains ne ressemblent pas à ce monde-là !
Tu m'as fichu la trouille !!!!!! En plus je ne trouvais plus comment commenter, je ne devrais pas lire des choses compliquées si tôt le matin :(
RépondreSupprimer*glups*
RépondreSupprimerJe vais arrêter le lait et toutes les sources de calcium : je n'ai pas envie que mon squelette ait une chance de finir exposé au mémorium ! :~)
(et le grand fan de science-fiction que je suis te dit bravo)
Oh ! Vous m'avez fait peur, maîtresse ! J'ai d'abord cru que l'histoire était vraie. Ainsi tous les hommes pourraient un jour être semblables : un seul modèle, une seule façon de vivre, un seul pays. Une seule grande tâche blanche...ou noire. Puis j'ai compris l'ironie, la sagesse du propos. J'ai compris que vous vouliez, bien au contraire, que demeurent les différences, les grands et les petits, les beaux et les pas beaux. J'avais alors encore ma chance, moi, le cancre, le dernier, le rêveur, l'oublié. J'avais encore la chance de pouvoir être distingué, être reconnu et même être admiré par la maîtresse aux yeux d'émeraude qui nous font tous rêver et qui font croire à chacun de nous qu'elle est un peu amoureuse de lui. J'ai eu envie de sortir dans la cour, de voir la branche morte du grand platane et de sentir les cailloux irréguliers de la cour. J'ai eu envie de m'écorcher mes genoux aujourd’hui trop propres, de faire une tâche d'encre sur mon bureau. J'ai eu envie de voir les cœurs enlacés de Kevin et Pamela qui abîment l'arbre (vous dites qu'il ne faut pas blesser les arbres ) mais qui nous rappellent leur amours anciennes - 1995. (J'aime "amour", que ce mot masculin au singulier soit féminin au pluriel comme pour montrer que l'amour des femmes sait si bien se démultiplier...mais je m'égare). J'ai eu envie de voir le chien de la concierge, un chien sans race mais pas sans éclat. J’ai eu envie que les voitures tombent encore en panne et que naissent ainsi des histoires d'amour. Aujourd’hui chacun semble avoir peur et veut rallumer d'antiques incendies pour conjurer la peur mais moi je sais que le monde restera monde tant que la maîtresse sera avec nous.
RépondreSupprimerJe vous embrasse et vous souhaite un bon week-end. Aujourd'hui c'est samedi et mon papa travaille encore. Il dit que c'est la faute à la crise...et que si on veut prendre un peu de vacances à Noël, c'est nécessaire. Alors je le crois et je me réjouis de la longue soirée et du dimanche que nous passerons ensemble.
Le petit nouveau
PS : C'est rigolo : j'ai terminé le "petit" mot et la musique s'est arrêtée...un signe.
Défi réussi ... On a la chair de poule ...
RépondreSupprimerBon week-end
Bises !
AH oui ! Bravo, un monde aseptisé et.... Lobotomisé aussi ];-(
RépondreSupprimerIl y aura les sur-Hommes, les Hommes et les sous-Hommes....
RépondreSupprimerL'idéal pour les Sur-Hommes....
Bises et que ce monde ne soit que BD.....
J'aime bien l’ère de la Calamité (le grand air de la calamité ?), ça au moins ce n'est pas de la SF puisqu'on est déjà dedans !
RépondreSupprimerça va être dur de transformer en conte de Noël pour tes chères têtes blondes :)
J'y crois pas !! ;-)
RépondreSupprimerOh dis-donc! C'est effrayant de lire ça un paisible week-end... je ne savais pas que la crise monétaire allait nous mener aussi loin! :-)
RépondreSupprimerBravo, tu excelles en tout!
Merci EDMEE, je te renvoie le compliment. Ton dernier billet est délicieusement subtil!
RépondreSupprimerCEDRIC tant pis...ou tant mieux!
ANTIBLUES ce n'est qu'une fiction...toute ressemblance etc etc...
PATRIARCH c'est ce que j'espère aussi... Bon week-end téléthonesque...
RépondreSupprimerANDIAMO il y a des jours où tu t'demandes, tu vois, s'tu veux, comme disait Coluche.
ZENONDELLE bises à toi aussi ma belle!
Cher PETIT NOUVEAU, quel joli commentaire en forme de billet, il mérite une meilleure place que dans le tiroir des commentaires. Quelle poésie dans tes yeux d'élève , le cancre de Prévert n'aurait pas fait mieux. Je suis confuse, de tous ces beaux compliments.Ma musique t'a inspiré! Ecrire en écoutant ma musique donne de bonnes ondes, et stimule le style, je le fais souvent en classe. J'obtiens des textes plus profonds, plus vrais, plus sentis.Mais, je ne vais pas t'apprendre ce que nous faisons en classe, tu le sais n'est-ce pas...
RépondreSupprimerTANT BOURRIN je suis aussi très fan des romans d'anticipation et ton compliment me touche.
RépondreSupprimerTiens, je vais aller me faire un petit verre de lait bien frais....
CATHERINE je ne voulais pas te faire peur, juste agiter un peu les neurones des citoyens...merci d'avoir persévéré pour poster ton grain de sel.Blogger me joue des tours.
FEUILLY je suis aux anges: si tu as jeté un oeil à ma "bibliothèque idéale" un peu plus bas, Orwell et Huxley sont en bonne place, ça ne t'échappera pas.
Merci!
Je suis tétanisée ! Il ne resterait même plus la poussière des urnes funéraires ? J'ai beaucoup lu de romans d'anticipation dans ma jeunesse et tu y excelles ! Tu n'as pas à rougir en tout cas ;)
RépondreSupprimerExcellent. Pourquoi si tard? Peut-être en 2222. Les soleils, je n'y crois pas; mais la Terre disséminée dans l'espace comme des météorites suite à l'implosion des désespoirs, oui.
RépondreSupprimerMerci ASPHODELE c'est vrai que je me suis fait plaisir en écrivant ce petit exercice...
RépondreSupprimerDAMIEN oui tu as raison, l'humanité n'ira sans doute pas si loin....j'aime bien "l'implosion des désespoirs".
Comment dire ?
RépondreSupprimerCette confiance en l'avenir me ravit. :D
Franchement, bravo, tu réussis à nous faire apprécier le présent qui, bien que bancal, vaut mieux que cette perfection programmée.