Il n'est pas comme les autres. Il est haut comme trois pommes, de grands yeux bleus et des cheveux bouclés d'angelot. Pourtant, quelque chose dans son regard se voile parfois, laissant entrevoir des vertiges qui glacent. L'angelot cache des démons. Il a bien essayé, pourtant, quelque temps, de se conformer aux règles de vie commune. Il a essayé d'oublier. Mais c'est un enfant en colère. En colère perpétuelle contre tout. La vie qui ne l'a pas épargné, et pourtant il n'a que neuf ans. Les adultes qu'il assimile à des ennemis, les autres enfants qui ne peuvent pas comprendre sa souffrance. Des enfants policés, naïfs, trop bien habillés, trop polis, insupportables pour lui. Et ce cri coincé en travers de sa gorge qui s'échappe parfois en une plainte. Il jure, alors, il peste comme un charretier, horrifiant l'assistance, il balance ses bras et ses jambes avec la force de son désespoir. Il voudrait partir, très loin, se sauver et ne plus voir personne. Il voudrait qu'on lui extirpe sa douleur, il voudrait comprendre pourquoi sa mère l'a laissé, pourquoi la violence lui a tenu lieu de berceau, de langes et de doudou. N'y a-t-il pas quelqu'un ici qui le verra comme il est? Un être déchiré par le non-sens de l'existence.
Apprendre, travailler sont des mots étrangers. Ils ne servent à rien. Obéir à des règles? Comment le pourrait-il? Le monde n'est qu'un infâme cloaque où il se débat. Tous les coups sont permis dans cet univers vénéneux où il tente de survivre . Les adultes se battent et se poignardent, les femmes s'insultent et se prostituent, les enfants sont des paquets de chiffons encombrants . On les laisse errer seuls dans la rue pour aiguiser leurs griffes. Car leur avenir sombre d'avance dans la violence. Le punir? Mais la vie chaque jour le punit bien assez, et depuis trop longtemps. Alors on entreprend des démarches administratives, signalement, information préoccupante, (doux euphémisme) assistante sociale, parquet, procureur, placement, et la mort dans l'âme, on va regarder s'éloigner cet être écorché vif qui "se met en danger ainsi que ses camarades" avec un drôle de goût amer au fond de la bouche. Un mélange de soulagement, de défaite et d'impuissance.
Je ne pourrai pas t'oublier, ténébreux petit prince. J'ai encore mal aux bras de t'avoir empêché de te jeter par la fenêtre.
Connais tu cette chanson ?
RépondreSupprimerJe la trouve aussi bouleversante que ton texte.
D'ailleurs je crois que c'est le même enfant.
http://www.youtube.com/watch?v=YuSXSMEHl_g
il y a une chanson de Ferrat que j'aime bien et qui touche un peu le problème" Viens mon Frelôt"
RépondreSupprimerEffectivement ton lien n'y était pas. Mais je "suis" toujours chez "freedreaders3.14" pour aller sur les blogs. Où ton lien y est.
Sur cette liste de lien, les blogueurs ayant posté ont leur nom en caractères gras...
Bises et bonne soirée;
Et il y en a qui disent que c'est fun, être d:-(
RépondreSupprimeroui, il y en a comme ça.. j'en côtoie un qui a épuisé les enseignants de l'école où il était jusqu'à présent jusqu'au clash ..alors je l'ai retrouvé dans une autre du même secteur, où l'équipe , pleine de bonne volonté, au courant du passif de ce jeune , a visiblement envie qu'il "s'en sorte" , finisse par accepter l'autorité éducative..
RépondreSupprimerSa famille d'accueil, des gens extraordinaires , tiennent le coup et ne lâchent pas le morceau malgré les affrontements , pétages de plombs , crises en tous genres.
Je le connais , il en vaut la peine..
*** Hello Célestine ! Je viens de lire ton texte et je le trouve très touchant !!!! Mes pensées t'accompagnent et je t'envoie des GROS BISOUS ! ***
RépondreSupprimerLa vie est vraiment mal faite que certains puissent devenir parents ... alors que d'autres non. Pauvre gosse ! Le souvenir de ces gamins doit te poursuivre ...
RépondreSupprimerMS
j'ai pas de mots pour ça... que de la douleur. bises
RépondreSupprimerles enfants ne sont pas des "choses" qui encombrent la vie des adultes mais des etres en devenir...ou alors ne pas en avoir ou les laisser en adoption, ant de couples en mal d'enfant avec plein d'amour a donner!!!pauvre gosse!j'espere q'il va croiser une ain tendue qu'il acceptera..je le dis a mes enfants,parfois,vous avez la chance d'avoir une famille aimante et malgres les difficultes on sait se serrer les coudes et se respecter..
RépondreSupprimerJ'aurais juste envie de dire : "Pauvre Petit prince"!
RépondreSupprimerIl me rappelle un petit garçon que j'avais eu en grande section de maternelle et qui avait connu déjà le pire du haut de ses 5 ans!
Qu'est-il devenu 20 ans après je préfère ne pas le savoir!
ah oui c'est déchirant!
RépondreSupprimerparfois on est impuissant et c'est dur à vivre, dur à accepter...
de tout coeur avec toi, Célestine!
... Soupiiiir... merci d'arriver à l'amadouer un peu avant de nous l'envoyer dans 1 ou 2 ans... Mes collègues sont fatigués, la structure inadaptée et les bonnes âmes bienveillantes rares et débordées. Pauvre enfant... Tu fais partie de ces furtives âmes bienveillantes semées sur son chemin. Mais cela suffira-t-il ?
RépondreSupprimer:~(
RépondreSupprimer(les grandes émotions sont muettes)
(et j'en perds mon nom : le com' précédent, c'était moi)
RépondreSupprimerdis toi que, travaillant dans l'insertion professionnelle, 60 % de mes stagiaires ont connu l'innommable : dernier cas : une de mes jeunes filles vient de faire condamner son beau père incestueux à 14 ans de prison.. J'en ai eu des cas extrêmement douloureux, dont une jeune fille séquestrée par ses frères. Sa mère s'était défenestrée deux ans auparavant, elle a suivi ce schéma mais n'est pas morte, est devenue paraplégique..enfin, bref, c'est mon lot quotidien, à tel point que j'ai parfois l'impression que le jeune "normal" n'existe pas et que la France de demain, ce sont ces écorchés vifs..Je crois que c'est pour cela que je suis un vrai clown pour eux, c'est tout ce que je peux leur donner : le lâcher prise d'un adulte..
RépondreSupprimerA toi, Prince enfant
RépondreSupprimerPrince petit d’une mie blanche sans envie
En vie sans soleil, en queue de pie,
Triste métal noir luit et pas d’amis
Où, câline chaleur te caches-tu, tu cries ?
Où, douceur ne râpe la peau et ne la scie ?
Pourquoi ton univers violence est le plis ?
Pourquoi tes lames colère sont des écrits ?
Que ne reste que l’acide à ton cœur pris,
Que ne reste dans ta tête que l’étau qui trie,
Que n’as-tu pour toi aucun droit en seul prix,
Que n’as-tu l’autre, en vision, pour seul ennemi ?
Si mes bras t’ont serrés trop pour te dompter ici,
Si à ma voix en timbre tonnerre ta douleur grossit
Sache qu’à mes veines ouvertes mon sang jaillit
Sentiment de ne pouvoir pour toi le calme acquit
Seul à moi cette fois la douleur effroi sans sortie
Je t’ai aimé Prince comme aimer les autres aussi
Et que des cieux pour toi en tapis les dieux repentis!
Il faut beaucoup de patience et de diplomatie avec ce genre d'enfant, mais j'ajouterais qu'il nous faut aussi avancer dans nos matières, devoir cohabiter avec les parents des autres élèves (qui ne veulent parfois pas que leur enfant soit sur le même banc), rester juste avec les autres élèves (qui ne se privent pas de faire remarquer "X fait des crises et on ne le punit pas ; moi, je ne crie jamais mais je me fais punir pour des petites choses"), etc. Bref, dans ces cas-là, on fait ce qu'on peut... Parfois, çà réussit et parfois, non. Et malheureusement, je crois qu'on va être amené à avoir de plus en plus d' "enfants à problèmes"...
RépondreSupprimerPfiou, quelle fatigue ! Que je te comprends.
RépondreSupprimerBERTHOISE Une fatigue qui s'est accumulée...mais ça y est, je crois qu'il est parti définitivement...
RépondreSupprimerPETIT BELGE toi aussi tu comprends ce que j'ai pu endurer. Et pourtant je n'ai pas raconté toutes les turpitudes de cette noire semaine.
PETIT ANE GRIS tu nous as manqué cette semaine...l"égarement et la violence dont nous avons fait les frais furent terribles.
ELLA je t'admire. J'aime mon métier, mais je ne pourrais pas faire le tien. Pourtant on se ressemble. Mais j'ai trop besoin de positivité pour me colleter journellement à la misère du monde.
TANT BOURRIN des émotions, j'en ai eu ma dose cette semaine. Il me fallait exprimer ce tsunami.Merci de ta compassion
RépondreSupprimerFD c'est terrible ce que tu dis. Si tu avais vu son regard quand il est parti ce soir: il s'est senti comme trahi encore une fois, pourtant je ne pouvais pas le garder. Il a mis le feu à l'école.(enfin, au sens figuré heureusement..quoique..) un pauvre gosse. Mais ses crises de délirium se sont rapprochées, et les autres enfants le regardaient comme une bête curieuse. C'était très dur.
ADRIENNE merci de ta compassion toi aussi. Je me suis sentie bien seule, à certains moments, ne sachant plus à quel saint me vouer;
MAMMILOU moi j'aimerais savoir ce que ce petit écorché vif deviendra.La vie lui laissera-t-elle une chance de s'en sortir?
VERONIQUE tu as dû t'apercevoir qu'il se passait quelque chose de pas très rond à l'école ces temps-ci...cette tornade a quelque peu dérangé mon bel équilibre, mais nous allons remonter la pente.
RépondreSupprimerMISS K c'est vrai que la misère humaine laisse souvent sans voix.
MS tu ne crois pas si bien dire. cet enfant fait partie d'une fratrie d'une dizaine éparpillée aux quatre vents par une mère inconsistante qui ne sait que faire des gosses et les abandonner ensuite. Une pitié!quand on pense aux couples qui ne demanderaient qu'à choyer un enfant...
SAOUL FIFRE c'est sans doute toi qui a raison de prendre ça avec humour. D'ailleurs, la plupart du temps, c'est ainsi que je prends ce boulot, sinon on deviendrait vite barge...Mais là,j'étais tellement à cran que je viens seulement de comprendre ton jeu de mots...hihihi
PATRIARCH merci pour tes explications. Je suis allée écouter la chanson, elle résume bien la situation.
PASTELLE mon texte est sûrement bouleversant parce que j'étais bouleversée. La chanson l'est aussi, merci, je ne la connaissais pas...
Merci à tous pour vos commentaires
***********Célestine**********
Cet enfant est à lui seul un cri, le cri d'un monde malade...
RépondreSupprimerBon dimanche mon amie
Je n'arrive même pas à commenter. Ce que je ressens en te lisant est au-delà des mots.
RépondreSupprimerMATHEO et MYOSOTIS la grande sensibilité de tous mes lecteurs transparaît dans vos mots. C'était une situation terrible, j'ai essayé de l'exprimer avec délicatesse , mais qu'est-ce que j'ai eu mal!
RépondreSupprimerBonjour Célestine, j'ai découverte ton blog chez Marie-Madeleine - je suis aussi une lectrice assidue de Coumarine, et je vois bien les liens de sororité - je ne vois pas comment le dire autrement qui unissent nos différents espaces d'écriture... J'avais eu envie de réagir aux "3 kifs par jour", qui sont tout à fait dans l'esprit de ma Care Box. Mais c'est finalement la façon dont nous nous engageons dans nos vies professionnelles qui me donne l'impulsion d'écrire - ces êtres que nous croisons, ces rencontres dont nous ne sortons pas indemnes. MOn dernier post parle de cela d'ailleurs... J'ai la conviction que même fugitives, ces rencontres comptent, que ce petit garçon a nécessairement reçu quelque chose de toi, même si n'étais pas en capacité d'arrêter sa course folle. Un petit caillou de Petit Poucet, qui sera relayé par d'autres.
RépondreSupprimerLULU merci de ton passage ici. Je suis impatiente de découvrir ton espace d'autant que tu évoques une sororité.Mais pour ce soir, il est horriblement tard (un des effets de l'heure d'été) je reviendrai te voir.
RépondreSupprimerCelestine
Je le reconnais si bien... c'est de tous ses jumeaux dont j'ai gardé le plus vif souvenir. J'ai eu des nouvelles puis le fil s'est perdu et je me demande ce qu'ils sont devenus, Pascal Z qui fut placé en HP adolescent, Kevin T dont la mère une fois tomba ivre morte brusquement dans la cour de l'école, et Hugo qui se mordait jusqu'au sang, Mélanie dont on découvrit des traces de brûlures de cigarettes sur les jambes faites par son beau-père, et... heureusement qq nouvelles qui rassurent parfois grâce à Facebook, mais aussi des disparitions. Je les ai tant aimés
RépondreSupprimerOui j'ai pensé à toi et à notre longue conversation, durant les quinze jours où ce pauvre gamin a pété les plombs. je me suis sentie bien seule soudain, face à la responsabilité...J'ai failli t'appeler pour un conseil de grande soeur!
RépondreSupprimer...ça me fait penser à un de ces nombreux gamins que j'ai eu en classe...Joël, s'appelait-il...je me souviens de son cran d'arrêt sur la gorge d'un de mes élèves, " trop bien poli, trop bien gentil et lisse"...celà fait maintenant 28 ans et j'ai encore son regard d'enfant brisé dans la mémoire...je sais qu'à ce jour, il a rejoint les étoiles, j'ai découvert sa disparition dans un fait divers relaté entre deux autres lignes, dans le quotidien de la région...il avait volé une moto, à 17 ans, il s'est pris de plein fouet le mur, le mur en face...j'en parle ici, comme pour lui dire que je ne l'ai jamais oublié...et que, oh oui comme je l'aimais ce gamin, et comme j'espère de tout coeur qu'il l'a senti...
RépondreSupprimerJe suis très ravie d'être passée par ici...
Merci d'être passée déposer un commentaire sur un billet qui m'a bouleversée en son temps. J'espère que tu reviendras...
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