"Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir."
extrait de "A la recherche du temps perdu" Marcel Proust.
Je lisais au soleil ce matin et je feuilletais télérama en sirotant mon thé avec des mines d'épicurienne enveloppée dans la torpeur satinée des petits matins d'été, quand je tombai en arrêt devant la lettre d'un lecteur agacé: celui-ci déplorait que les phrases des journalistes fussent de plus en plus courtes, afin que le quidam moyen et décérébré puisse encore comprendre ce qu'il lit. Et il est vrai que dans ce monde de zapping et de vitesse, les longues phrases proustiennes ne sont plus de mise. Il faut haleter, hâcher menu la syntaxe, réduire la phrase à une saccade, à une rafale.Parfois à un seul mot.Et pourtant, qui dira le bonheur de construire ,comme une cathédrale ,une longue phrase, en visant comme un maître d'oeuvre l'harmonie finale de l'ensemble, et en veillant à ce qu'aucune faute , aucune erreur ne vienne déséquilibrer l'édifice par sa lourdeur ou son absurdité ? La langue permet de si subtils détours que tous les poètes et les écrivains les ont empruntés à leur manière comme autant de chemins de traverse. Voila pourquoi j'apprends à mes élèves à sertir et à ciseler leurs phrases comme des joyaux.A n'être jamais contents de leur premier jet, toujours pauvre et manquant cruellement de pureté. Et puis, au bout de cinq ou six reprises (cent fois sur le métier remettez votre ouvrage) un début de phrase légèrement littéraire apparaît timidement. Et l'enfant tourne vers moi des yeux émerveillés d'avoir pu commencer à exprimer sa pensée de manière plus précise ou plus élégante.D'en être capable. Quelle victoire pour moi qui ne vit que pour ça!
Pour ceux que la difficulté ne rebute pas, je vous conseille "Absalon! Absalon!" de William Faulkner.Là, vous trouverez à chaque page des phrases monumentales, des montagnes, des mausolées, des assemblages de mots si parfaits que l'on en ressort à bout de souffle comme après un corps à corps avec un adversaire aussi fort que vous.Et même si vous ne réussissez pas à aller au bout de l'histoire, au moins vous aurez pris une fulgurante leçon de langage. Et ça fait du bien.
extrait de "A la recherche du temps perdu" Marcel Proust.
Je lisais au soleil ce matin et je feuilletais télérama en sirotant mon thé avec des mines d'épicurienne enveloppée dans la torpeur satinée des petits matins d'été, quand je tombai en arrêt devant la lettre d'un lecteur agacé: celui-ci déplorait que les phrases des journalistes fussent de plus en plus courtes, afin que le quidam moyen et décérébré puisse encore comprendre ce qu'il lit. Et il est vrai que dans ce monde de zapping et de vitesse, les longues phrases proustiennes ne sont plus de mise. Il faut haleter, hâcher menu la syntaxe, réduire la phrase à une saccade, à une rafale.Parfois à un seul mot.Et pourtant, qui dira le bonheur de construire ,comme une cathédrale ,une longue phrase, en visant comme un maître d'oeuvre l'harmonie finale de l'ensemble, et en veillant à ce qu'aucune faute , aucune erreur ne vienne déséquilibrer l'édifice par sa lourdeur ou son absurdité ? La langue permet de si subtils détours que tous les poètes et les écrivains les ont empruntés à leur manière comme autant de chemins de traverse. Voila pourquoi j'apprends à mes élèves à sertir et à ciseler leurs phrases comme des joyaux.A n'être jamais contents de leur premier jet, toujours pauvre et manquant cruellement de pureté. Et puis, au bout de cinq ou six reprises (cent fois sur le métier remettez votre ouvrage) un début de phrase légèrement littéraire apparaît timidement. Et l'enfant tourne vers moi des yeux émerveillés d'avoir pu commencer à exprimer sa pensée de manière plus précise ou plus élégante.D'en être capable. Quelle victoire pour moi qui ne vit que pour ça!
Pour ceux que la difficulté ne rebute pas, je vous conseille "Absalon! Absalon!" de William Faulkner.Là, vous trouverez à chaque page des phrases monumentales, des montagnes, des mausolées, des assemblages de mots si parfaits que l'on en ressort à bout de souffle comme après un corps à corps avec un adversaire aussi fort que vous.Et même si vous ne réussissez pas à aller au bout de l'histoire, au moins vous aurez pris une fulgurante leçon de langage. Et ça fait du bien.
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Je lis tous vos petits grains de sel. Je n'ai pas toujours le temps de répondre tout de suite. Mais je finis toujours par le faire. Vous êtes mon eau vive, mon rayon de soleil, ma force tranquille.
Merci par avance pour tout ce que vous écrirez.
Merci de faire vivre mes mots par votre écoute.