Il fait bon exercer le doux métier d'enseignant en France au vingt et unième siècle. Depuis la rentrée des classes, nous voilà lotis par la municipalité d'ordinateurs flambant neufs, des petits notebooks tout mignons, certes pas le dernier cri de chez la Pomme, mais disons l'avant-dernier.
Superbe opération publicitaire pour le vendeur, à grand renfort de communiqués de presse et de campagne d'affiches. Ah, ils sont chouettes, ces ordis, on va pouvoir te leur faire passer le Brevet Informatique et Internet, à ces petits galapiats, le Bii comme ils disent dans les instructions officielles (prononcer bédeuzi). On va pouvoir surfer sur le net, faire de la PAO (Publication Assistée par Ordinateur, idéale pour rédiger la feuille de chou de l'école à deux francs six sous) et calculer en mathématiques, de combien ils se sont fendus à raison d'un ordinateur à 800 euros pièce multiplié par 15 multiplié par 20 écoles , sans compter les chargeurs, l'imprimante et le vidéo projecteur. Bref, on va pouvoir s'amuser. Le problème, c'est qu'on n'est pas à l'école pour s'amuser. Le parcours du combattant commence. Les quinze appareils sont enfermés dans une sorte d'armoire blindée sur roulettes, pompeusement appelée "classe mobile", qui pèse trois tonnes, avec cadenas à code, elle-même enfermée dans un cagibi exigu et noir, au fin fond de la bibliothèque. Le modem sensé relayer internet par wifi est accompagné d'un câble dix fois trop long qui perturbe le signal, je vous passe les détails. L'armoire mastodonte ne saurait monter les étages, il faut donc la déplacer au-dessous de chaque classe pour espérer capter internet au deuxième étage. Ensuite, il faut se trimballer les précieux objets jusqu'à la classe, en priant Vichnou pour qu'un élève ne laisse pas tomber le sien dans les escaliers, à la fin de la séance, redescendre de même, remettre chaque truc dans son machin, refermer le bidule, le pousser et le tirer en ahannant jusqu'à son réduit. On a déjà vachement moins envie de faire informatique.
Enfin, arrive tel le deus ex machina une jeune dame mandatée par la mairie et chargée de la maintenance du système. Soudain le bât blesse . Car bien sûr, les ordinateurs sont salis par les enfants avec leurs mains pleines de doigts (allez dont les empêcher de montrer l'écran avec leurs doigts quand ils sont plongés dans l'étude de la carte du Japon, ou dans un exercice de math interactif!)
Et en plus, de temps en temps, les enseignants (ces gros délinquants) en emmènent un à la maison (sacrilège!!!) Grosse colère de la dame, qui couve ses petits macbooks comme une poule ses poussins. A croire qu'ils sont à elle. La confiance règne! caca nerveux: désormais, la prévenir quand on décide d'emporter le matériel chez soi. Dois-je l'appeler tous les soirs pour lui dire que j'emporte un dictionnaire ou une équerre? L'idéal , en fait, pour elle, serait que , ces fatales machines, nous les laissions propres et neuves dans leur tombeau roulant, au fond de leur catafalque, en évitant carrément de nous en servir. Ce qui ne va pas tarder à se passer pour moi, si elle continue de m'échauffer les oreilles.Adieu veau, vache , cochon, bédeuzi...
Tout ceci me laisse songeuse. Il fut un temps ou le mot "professeur" représentait un sésame, forçait le respect et la confiance. Où l'on savait que même s'il avait oublié son chéquier, la facture serait payée rubis sur l'ongle par l'école dans les jours qui suivaient. Ce temps est désormais révolu. Dans la série la confiance règne (bis) quatre classes de l'école ont failli se faire refouler d'une salle de spectacle pour enfants, ce matin-même, parce que les enseignants avaient commis le crime affreusement impardonnable de ne pas avoir sur eux de moyen de paiement. Parce que bien sûr, tout le monde sait que les enseignants sont donc de gros délinquants, récidivistes, toujours prêts à emmener leurs élèves se payer une bonne tranche de musique de chambre ou de théâtre No sans bourse délier, en arnaquant le trésor public!
Un autre sbire de la mairie, aiguisant son petit pouvoir de chefaillon minable, pensait impressionner ma directrice, sûrement, en se montrant intraitable. Celle-ci, sans se départir de son calme olympien, a donc répliqué "eh bien, faisons demi-tour". En réalisant le manque à gagner (ou la faute de goût" ) que représenterait le trou béant dû à l'absence dans le théâtre de quelques 112 élèves, le Cerbère s'est adouci et les a laissés entrer.
Dites moi que je rêve!
Déjà que notre administration nous harcèle de plus en plus, nous surveille, nous épie, nous demande des comptes, (j'en parlais déjà ici) si en plus le Maire instaure la méfiance organisée envers ceux qui sont sensés apprendre la moralité et l'honnêteté aux enfants, c'est la porte ouverte à toutes les fenêtres!
Ça me rappelle le vidéo projecteur qui s'installait sur les ordis au bahut.
RépondreSupprimerA ce point ? C'est dingue !!!
RépondreSupprimerPour la confiance, je n'imaginais pas. Mais pour les ordis, tu m'as fait rire, il y a quelques années, une entreprise avait offert à l'école française des ordis pour le primaire. 30 ordis (2ème main), lorsque nous nous sommes étonnés qu'ils n'en fassent rien, on nous a répondu que les instits ne savaient pas les brancher. Quelqu'un les a branché, et puis on a du envoyer les instits en stage pour apprendre à s'en servir ... et puis ... les gamins ont appris à taper leur nom sur Word !!! (j'admets, ils avaient pas choisi les instits super doués en informatique).
RépondreSupprimerMême si le sujet est difficile pour toi, et on le comprend aisément, à vous dégouter d'être enseignant(e)! j'ai bu du petit lait en te lisant, tellement c'est bien écrit, décrit..
RépondreSupprimer(pardon Célestine... c'est un vrai compliment tu sais... parce que je compatis à ce que tu écris ici...;-((
J'ai encore eu mieux : l'an passé, on a eu deux journées de formation informatique obligatoires pour nous aider avec nos élèves...mais on n'a pas d'ordinateurs et de connexion Internet à l'école!!! Passe un bon week-end Célestine.
RépondreSupprimerCe monde est fou.
RépondreSupprimerPersonne n'a plus confiance en personne.
C'est moche!
Math
Tu étais prof Catherine? je ne me souviens pas si je l'ai su.
RépondreSupprimerBen voui, Patriarch, c'est à ce point. Il faut dire qu'on a un clone du petit là où je vis en guise de mère...
Merci Coum pour tes compliments, mais tu sais, je le prends avec humour, ça ne m'empêche pas d'aimer les enfants et mon métier...
Oui, PB ça j'ai connu aussi, le plan "informatique pour tous avec de vieux rossignols de chez Thompson que personne ne voulait plus, et pas de formation pour les instits...
MS, tant mieux c'était le but de faire rire là encore, car vraiment, dépêchons nous d'en rire avant d'être obligés d'en pleurer, comme disait je sais plus qui...
Math, il reste les amis, les vrais, en qui on a toute confiance.Ne perdons pas espoir!
*******bises à tous**********
celestine
OUPS patriarch, ce lapsus que j'ai fait: !!!énorme, je voulais dire en guise de maire! pffffiiiiooouuuu...heureusement que c'est le weekend!
RépondreSupprimerFrustrant frustrant, oui, mais moi aussi tu m'as amusée malgré tout! La grande vestale des ordis, nouveau poste.
RépondreSupprimerPourquoi ne dort-elle pas en toge sur les lieux, avec une petite lampe à huile?
Si tu le lui suggères, tu auras l'air d'une super délinquante?
Bon. Déjà, lmoi, je retiens ce mot " bédeuzi", que je trouve très rigolo, dans ma vie future (qui ne saurai tarder), si j'ai un nouveau chat, je l'appellerai comme ça !
RépondreSupprimerSinon, quoi dire. pour les ordis, je compatis.
pour l'entrée au spectacle, ton autre instit a super bien géré le truc. moi, j'écrirai une lettre à la mairie, pour leur signaler.c'est vraiment scandaleux.
j'ai sourit..mais.;un peu crispée tout de même...
RépondreSupprimermais Zenfants sont passés à travers de toutes ses réformes informatiques..même N°4 qui est censé avoir passé son BII...n'a pas vu beaucoup d'ordi dans son collège...
bon week-end!
Je vais passer pour je ne sais quoi, mais l'autre souci de l'informatique à l'école (outre le manque de matériel), c'est le manque de temps! Je me souviens de la moitié de classe que j'emmenais 3/4h par semaine (l'autre moitié était avec une collègue), je passais d'un enfant à l'autre, je faisais ce que je pouvais, au final si chacun avait eu le temps d'écrire une ligne, c'était le bout du monde :-( (j'avais une classe de CE1-CE2, plus les Clis de ma collègue, les CM2 ont peut-être moins de difficultés)
RépondreSupprimerah ces petites mains pleines de doigts comment les en empêcher en effet... Très joli billet léger malgré la gravité du sujet. Je suis certaine que tu n'abandonneras pas et que tu sauras mettre l'ogresse de ton côté... Courage et excellent week-end, Cel!
RépondreSupprimerDELPHINE moi abandonner? c'était une boutade. mais certaines choses devront être mises sur la table, ogresse ou pas, ça c'est sûr!
RépondreSupprimerLILI bienvenue chez moi, ah ! le temps, la gestion du temps en classe...Ça fera sûrement l'objet d'un futur billet...
CO le bedeuzi est une foutaise: j'ai appris à me servir d'une ordi à 35 ans, en quinze jours. Les jeunes d'aujourd'hui n'ont pas attendu l'école pour savoir se servir d'un ordi!
SALPIGLOSSIS Bonne idée pour ton chat! et aussi, bonne idée pour la lettre: c'est vrai que certaines choses doivent être dites haut et fort. Je pensais presque à mettre un article dans le journal local...
EDMEE je crois que la vestale est surtout une petite employée aux dents longues qui essaie de faire du zèle pour grimper les échelons...
Ah depuis que les municipalités ont de plus en plus main mise sur l'éducation sous prétexte qu'elles sont les payeurs, rien ne s'arrange!
RépondreSupprimerEt je ne sais pourquoi il y a toujours eu des problèmes avec les outils informatiques à l'EN!
Et tu es sure que tu veux devenir ce pour quoi tu as passé un entretien ?...
RépondreSupprimer;-)
MarieMAD Oui, on se demande pourquoi, vraiment...Pas de rapport avec les priorités politiques des municipalités?
RépondreSupprimerEPISTYLE j'ai droit à un joker? non sérieusement,il y a des jours où je me dis que je suis un peu maso...Ou alors j'ai le secret et fol espoir de faire changer les choses( pff, quelle naïve cette celestine!)
Finalement tout ce que tu dis ne m'étonne pas vraiment!
RépondreSupprimerQuand aux ordinateurs je me souviens des premiers ordinateurs qui avaient été installés dans les écoles dans la fin des années 80, avec des emplois jeunes pour les faire fonctionner! Malheureusement ils étaient plus souvent en panne qu'en état de marche! En fait rien n'a changé!
Tu as passé l'entretien pour devenir directrice?
Ben voui.Ce qui ne veut pas dire que ce sera suivi d'effet...c'est un poste convoité.
RépondreSupprimerQQ'un peut m'expliquer ?
RépondreSupprimerC'est quoi une école ?
Et pourquoi chaque élève n'a pas un vélo fourni par Léduquenatte pour apprendre à rouler ?
Hihihi, c'est bon de constater qu'en amont, même régis par elsm unicipalités, le problème est quasiment le même que nous en collège ! On a internet, ok, on a des ordis ok (dans quel état...) mais
RépondreSupprimer1/ on n'a une trop vieille version de IE qu'on ne peut paso uvrir la moitié des sites souhaités...
2/ l'autre moitié des sites souhaités sont bloqués par la liste noire du Rectorat, ce qui fait pour travailler sur le ternet avec des élèvs ben tu as l'air juste ridicule...
Autre chose, va-t-en accueillir un auteur à plsieurs établissements sis sur 2 départements (bicoz établissements limitrophes)donc 2 conseils généraux différents, 2 Inspections différentes. Houlà malheureuse, quelle idée saugrenue ! Qui va avancer les frais ? qui va recevoir les factures de l'auteur ? 6 mois qu'o nrame...je vais finir par aller el cherceh moi-même avec ma voiture eprso dans le Jura, ce brave homme ,et l'herberger gratos chez moi si ça continue !