31 août 2012

La lettre Z :-(







Voilà,  Asphodèle, tu nous as régalés pendant si longtemps avec ton alphabet magique. Aujourd'hui c'est l'apothéose, la clé de voûte, le point d'orgue, l'apogée, enfin bref! La fin.
Zut alors!




zeuzère ou  ziggourat* – zélateur – zénith – zen – zéphyr – zigzaguer – zoo – zizanie – zéro – zinzin – zut – zoulou – zeste – zinzolin – zodiaque** – zozoter – zèbre – zouave – zèle – zarzuela.


***



Zarzuela.

Elle était arrivée un beau jour à midi au village. Aux alentours, et jusqu'en haut en haut de la ziggourat au moment de la prière, le temps avait semblé se suspendre. Un léger zéphyr soulevait sa  robe d’une couleur excitante à mi-chemin entre incarnat et zinzolin, laissant entrevoir des jambes à faire frémir la culotte d’un Zouave.  Rien que son prénom était déjà une injure à la vertu. Elle s’appelait Zarzuela.  
A-t-on idée d’un nom pareil ?
Chaque jour, elle allait faire son marché. Sous le zénith insolent du bled, émanait d'elle une irradiante beauté et  elle passait innocemment la pointe de sa langue sur sa lèvre supérieure, pour l’humecter à cause de la chaleur intense. Mais ce geste apical semblait une invitation en pointillé…
Elle était du genre qui laisse présager rapidement une zizanie générale, à en juger par l’hostilité tangible des femmes qui la regardaient traverser la place.  Elle avait ce zeste de provocation naturelle qui rend zinzins la plupart des hommes, des Mozabites aux Zoulous…Quand elle parlait, son adorable bouche zozotait très légèrement, ce qui ajoutait encore à son charme innocent.
« Retourne dans ton zoo, sale gazelle ! » crachaient ses rivales qui voyaient d’un mauvais œil ce papillon nocturne tourner autour de  leurs maris comme les zeuzères autour des lampes, le soir, quand le désert fait payer sa chaleur à la nuit.
Comment rester zen, en effet, quand cette créature du diable faisait tanguer sa croupe affriolante à tout bout de champ, en zigzaguant sur le sable de la route, perchée sur ses talons trop hauts…
Comment ne pas avoir le trouillomètre à zéro quand chacune voyait son homme faire le zèbre devant la donzelle et grossir le rang de ses zélateurs rivalisant de zèle …Attablés devant leur anisette, ils la couvaient tous d’œillades zenamourées, et quand elle se penchait pour ramasser son panier, il y avait, comme on dit, un blanc dans la conversation. Assurément les plus beaux fruits n’étaient jamais ceux du panier.
Lassée et triste de cette situation inconfortable, entre des hommes lubriques et des femmes jalouses, Zarzuela partit un beau matin comme elle était venue. Elle avait lu dans son zodiaque qu'un meilleur destin l’appelait ailleurs.
Le village retrouva une morne tranquillité.
Zut ! s’exclamèrent les femmes du village quand elles comprirent, un peu tard, que c'était cette muse qui inspirait à leurs époux leurs assauts pleins de vigueur virile, pour leur plus grand plaisir…Vigueur qui, bien que personne n'osât se l'avouer,  n'était plus vraiment la même, depuis le départ de Zarzuela...

29 août 2012

Sois heureuse et tais-toi!


 Un commentaire sur mon précédent message m'a d'abord fichu le blues, puis beaucoup fait réfléchir.

"Un retour aux sources après la pause ...

Un détachement lucide, mais que deviendra-t-il quand il se frottera aux dures réalités ?

Tes mots sonnent comme une incantation, paroles magiques d'un acte surnaturel(?): être heureuse quoiqu'il en soit !"

Comment le comprendre? Comment comprendre  pourquoi ces simples mots m'ont mis le coeur en berne? J'ai tourné cette phrase longtemps dans tous les sens pour essayer de saisir pourquoi,  à travers quelques mots, tout mon être s'est mis à vibrer à basse fréquence, comme si je recevais une giclée d'eau froide en pleine poire.

 Ma grand-mère disait;"il n'y a que la vérité qui fâche". Et elle avait raison, une fois de plus. Non que cette vérité m'ait "fâchée" au sens de mettre en colère. Mais plutôt apporté une sorte de contrariété diffuse, une sensation indéfinissable que j'ai éprouvé le désir de définir, justement.

C'est  vrai, c'est pure vérité,  je pratique la magie incantatoire pour attirer ma bonne étoile au-dessus de ma tête. Je tâche toujours de me persuader que je n'ai aucune raison de ne pas être heureuse, c'est vrai.  D'aucuns appelleront ça la méthode Coué. C'est vrai que j'enrobe tout d'un voile de miel et de rose. C'est vrai que j'essaie de toujours voir le bon côté des choses.
Et pourtant j'ai, au fond de moi,  comme chacun, des blessures profondes, des cicatrices, des désillusions, des choses sombres et sales qui ont tourné au-dessus de ma tête comme des vautours, et se sont même posées sur moi dans le passé. J'ai mis un temps infini à me laver de leur empreinte malfaisante.
Mais je ne ressasse plus le passé.Oui, c'est vrai, j'ai la faiblesse de penser que l'on peut décider d'être heureux. Par des tas de petits gestes quotidiens. Par une acceptation de ce que l'on a plutôt que dans la convoitise de ce que l'on n'a pas. La contemplation des bienfaits de la vie m'aide à oublier mes p'tites misères. 
Quant aux dures réalités, magie ou pas, elles me rattraperont un jour, je m'y attends, la mort des proches, les accidents, les maladies, les revers de l'existence. Je les affronterai alors comme tout le monde, ni mieux, ni moins bien, et je verserai alors toutes les larmes de mon pauvre corps.
Alors au final, ai-je à rougir ou me justifier de ces vérités? Non. Ce qui, dans ce commentaire lucide et très vrai,  m'a stoppée net dans mon élan de béatitude,  c'est de réaliser tout à coup combien il est maladroit, en voulant  partager son bonheur, de ne réussir qu'à en éclabousser tout le monde . De comprendre après coup que cela puisse paraître surnaturel, et de mettre mes chers lecteurs mal à l'aise. Parce que ce n'est pas dans ma nature de faire de la peine aux gens, tous ceux qui me connaissent vous le diront. 
Et que trop de bonheur peut gêner.Pire, agacer.
Le  commentaire était de mon cher Antiblues, que je remercie de m'avoir secoué le cocotier quelque peu. Ça fait un bien fou en ces périodes de bonnes résolutions et de redémarrage septembrien. Et je ne lui en veux absolument pas si je suis comme je suis!
Merci à Delphine de m'avoir fait redécouvrir l'original de cette chanson que je ne connaissais que par Diana Krall...

26 août 2012

Dernier jour de vacances...

Je vis une fin de vacances très littéraire.
Je profite des derniers jours pour égayer mon esprit dans la lecture d'un roman de Colette.(Duo, 1927)
Je me laisse envahir par sa langue chaude et enclose de capiteux parfums. Ouvrir un livre de Colette, c'est comme entrouvrir un flacon précieux, et se sentir vaciller d'un frisson délicieux.
Je ressens la langueur de ces journées d'été qui s'étirent à l'infini. Sans doute cette langueur est-elle due à un trop plein de chaleur, de moiteur d'une saison qui fait encore semblant quelque temps de battre son plein, mais qui n'y croit plus vraiment. Comme si les orages promis tournaient au-dessus des margelles assoiffées sans vouloir lâcher leur bonde. Une respiration désordonnée de la Nature. Un hoquet qui ne vient pas.
J'ai passé mon été à regarder vivre mes chats, telle cette grande dame des mots, cette femme admirable qui troua le casque des conventions de sa plume étourdissante. Je vais comme elle,  le visage incliné négligemment appuyé sur ma main en forme de conque. Attentive au moindre souffle de la vie en moi, aux pulsations d'un coeur  aimant la fièvre et le miel, plus que jamais. Je ne regrette rien. Je suis toute entière tournée vers l'avenir. J'adore mon métier, comme vous le savez. Comme j'ai adoré le temps des vacances.
Les actualités me sont devenues lointaines comme ces sirènes déchirant à peine le silence tellement elles parviennent assourdies , comme dans ces masets de Provence où l'air vibre de mille bruits agréables dans la colline, et où l'on entend vaguement, au loin, les pompiers en se disant qu'on a peut-être rêvé.
Plus que jamais, je rassemble en moi la force nécessaire à une nouvelle année, me débarrassant, comme de vulgaires miasmes, de tout ce qui viendrait polluer mon espace intérieur. M'entourant de gens me ravissant l'âme, m'emplissant de mots d'une beauté farouche, refusant avec énergie de laisser entrer en moi les doutes, les mesquineries, les revanches, les colères, les compromissions, les contrariétés.
Acceptant et laissant couler comme une source tous les bonheurs qu'offre la vie à des yeux avides. Prenant la vie comme un roman. M'abandonnant à la rêverie plus que jamais.
Et je lisse mes ailes de papillon aux derniers rayons d'août, attendant d'aller me frotter sans crainte aux scintillants éclats d'une existence que j'adore et qui me le rend bien.

 à Mathilde

24 août 2012

Les lettres W,X,Y







Grand chambardement chez Asphodèle, pour l'avant-dernière, ce ne sont pas moins de trois lettres qui se retrouvent ensemble, après un débat animé!






Yole – wagon – wapiti – wasabi – xérès – yaourt – yoga – whisky – xénophobe – yo-yo – xylophone* (facultatif*) – yatcht – yeux – western – whist – wigwam - wallaby-wallon-





***

Répétition



On n’a pas encore attaqué la répétition que Walter Valentine, le célèbre metteur en scène wallon, a déjà les yeux exorbités, et la face rubiconde d’un Peau-Rouge à qui on a piqué son wigwam. 
La métaphore n’a rien d’innocent : le très polémique Belge a pris en effet le pari audacieux de transposer Marivaux dans un décor de western. Sur le plan de la création néo-contemporaine, il n’en est pas à son coup d’essai. Mais pour l’instant, cette pièce, c’est plutôt « le Jeu de l’Amour et du Bazar »…


-Bon! C’est la dernière avant la générale, j’espère que tout le monde est prêt !
Un soupir collectif et désabusé accueille cette entrée en matière. 
Depuis des mois, les acteurs ont beau faire du yoga, et se  saouler tous les soirs, pour oublier, les hommes au whisky et les filles au Xérès,  ils en ont plus qu’assez de se faire hurler dessus par cet excentrique et furieux énergumène.
-Bon, crie ledit chef dans son mégalomane mégaphone, le wagon et la diligence, c'est ok!  Mais c'est quoi cette yole sur la rivière ? Pourquoi pas un yacht, tant que vous y êtes ? Bon sang, j’avais demandé une pirogue, c’est pourtant pas compliqué ! Ils sont où, les décorateurs?
...Dorante et Arlequin, quand vous aurez fini de jouer au whist, on pourra peut-être commencer ? Allez, les trois coups, Sylvia, Lisette, en place !

-Mais encore une fois, de quoi vous mêlez-vous, pourquoi répondre de mes sentiments ?
-C'est que j'ai cru que dans cette occasion-ci, vos sentiments...

-Non non non non non ! Les filles, c’est du yaourt, ça ! Je vous l’ai dit, je veux du piment, du wasabi, ça doit brûler, ça doit piquer !
http://www.theatredelarchipel.org/medias/image/16-et-17-dec-le-jeu-de-l-amour-et-du-hasard-anne-gayan-g.jpg
…Et Mario, tu tiens ton banjo comme un xylophone ! Tu veux des baguettes peut-être ?
…Eh, Orgon! Tu es censé chasser le wapiti, pas le wallaby !  Arrête de faire des bonds, on dirait un yoyo ! Tu vas finir par m’énerver…

-Ah,parce que vous êtes calme, là ? 


Qui a osé? Silence sur le plateau.Tout le monde se regarde.

C'est Mario qui a osé.On chuchote.
La tension est à son comble. Le retour de bâton va être énorme! On sent que les acteurs, dépités, sont  en train de devenir un à un xénophobes...


23 août 2012

Comme le bon pain


Il avait les cheveux blonds comme un champ d’épis ondulant à la brise.
Sa peau était dorée, et croustillante, surtout à certains endroits très précis de son anatomie.
J’adorais enfouir mon nez au creux de sa peau, et m’enivrer de son parfum appétissant de pain au lait.
Ses baisers avaient le goût de ces pralines rouges que l’on trouve au coeur des Saint -GeniX.
Quand il était allongé, tout nu, là devant moi, je me sentais fondre comme un croissant au beurre sous la langue.
Sa petite brioche toute ronde était douce et chaude, et ses petites  fesses ressemblaient à deux belles miches pétries avec amour.
Il était dans ma vie depuis trois mois, et pourtant il était déjà toute ma vie.
Je n’oublierai jamais son odeur de pain craquant sorti du four.

C’était mon premier bébé.




Pour le défi du samedi il fallait s'inspirer d'une photo de pain doré.


21 août 2012

Dialogue de bêtes





























-Dis donc, Vanille, elle nous fait quoi la patronne, là, toi qui la connais bien ? Une crise de palu ? 
-Euh...elle range, mon cher Cookie, elle range !
-Dame, drôle de façon de ranger, elle déménage plutôt, non ?
-Pas du tout. C'est une technique. Très à la mode, ça s'appelle la simplification. Elle a vu ça chez sa copine Miss Zen. On se débarrasse de vieux trucs encombrants, et il paraît qu'on se sent bien mieux après. C'est prouvé: trop d'objets étouffent la créativité.
-Elle a l'air méthodique!
- Ah, ça oui, quand elle a décidé de s'y mettre rien ne l'arrête. Chaque jour , une pièce. Elle sort tout des placards, elle trie, elle jette, elle donne , elle recycle. Elle nettoie, mon vieux, un vrai miroir!
-Pffiou! je suis impressionné. Ça me fatigue de la voir faire...
- Tiens, hier, par exemple, elle a complètement transformé la chambre du fiston, installé le bureau en bas, pour aérer, faire de l'espace, elle a vendu l'ancien lit, acheté un nouveau, plus grand, pour qu'il puisse caser ses longues jambes.
-Dis donc! qué tornade blanche!
- Elle a déjà fait la salle de bains à fond, la chambre de l'aîné, la sienne avec tous ses bijoux. Demain, elle s'attaque à son bureau. Toutes les pièces de la maison vont y passer, sois-en sûr. 
-Mais je comprends pas, il y a peu de temps, elle se prélassait encore sur sa chaise longue du matin au soir...Elle faisait l'éloge du "farniente"... Bon d'accord, elle prend encore son temps le matin au petit déjeuner, elle profite de ce moment exceptionnel, elle musarde au soleil en pyjama avec ses mots fléchés, mais alors après dix heures, dis donc...tout d'un coup, une mouche la pique et elle s'agite du bocal.
-Ah oui, mais là, ça sent la rentrée, tu comprends, elle s'active! Elle  se remet en condition...
-Oh, moi, elle peut s'activer tant qu'elle veut, du moment que je ne fais pas partie de son programme de simplification... qu'elle ne me déménage pas mes croquettes, qu'elle me donne à manger et qu'elle me garde, je ne demande rien d'autre!
-Tu serais pas un peu vénal, toi?
-Moi? Quelle idée!



17 août 2012

La lettre V






Chez Asphodèle, cette semaine, nous volons sur le V de la Victoire. Le dénouement est proche!





Vasque – vicissitudes – vacance (au singulier) – victoire – verveine – viaduc – vernaculaire – volubile – véto  (le vétérinaire, pas le droit de veto) – vagabond – vice – vibration – valser – vampire – véloce – vinaigrette – vaste – voler (au sens de voler comme un oiseau) – voluptueusement – verdure.


***


Décision



L’air du soir sent la verveine et le jasmin. La verdure m'enveloppe voluptueusement. J’observe deux tourterelles voler et se poser sur la vasque d’une fontaine.
 Leur frou-frou volubile m’emplit de cette vibration intérieure intense, que l’on appelle volontiers sérénité ou zénitude. J’envoie valser mentalement toutes les vicissitudes de l’existence. Mon esprit vagabond prend la pleine mesure de sa vacance.
  Je me sens bien. Enfin !
 De loin, le microcosme dans lequel j'évoluais m’apparaît soudain d’une navrante et vernaculaire étroitesse de vue. 
Moi qui avais rêvé  jadis de devenir véto, on peut dire que j’étais servie : quelques requins à la direction, des morues dans les services, et à tous les niveaux, des vampires assoiffés de sang, des rats ou des hyènes prêts à tous les vices pour pulvériser leurs rivaux. 
 Bref, une vaste faune, assaisonnée d'une vinaigrette bien acide: celle de l’ambition démesurée et de l’individualisme forcené.  
Mais pour une fois, j’ai su être véloce et réactive. J’ai mis à profit le viaduc de l’Ascension pour couper les ponts, ha! ha!
  Et je savoure maintenant l’incertitude d'un nouvel avenir vierge et aventureux. C'est la  victoire de mes valeurs vitales,  sur la vanité d'un monde artificiel et vil.
 Ça va être raide, mais j'en suis ravie, si vous saviez...



15 août 2012

Si quelqu'un te manque...

Certaines publications sur le Grand Réseau Social à la mode sont tout à fait étranges.
 On nous demande de "liker" (par ce barbarisme issu de l'anglais, comprenez "aimer") 
toutes sortes de choses hétéroclites.
Aujourd'hui, sur mon mur (comprenez mon espace personnel) j'ai trouvé ce message:


    Si quelqu'un te manque, clique sur J'aime ♥

117 270 personnes aiment çà.

Comme si l'on pouvait aimer la sensation de manque...
Bien sûr que quelqu'un me manque, et quelqu'une aussi.
Et je n'aime pas trop ça.
 N'importe quoi, Monsieur Face de Bouc!





13 août 2012

En mode vibratoire


C'est un village niché dans l'un de ces berceaux dont la Provence a le secret. Depuis une semaine, le festival a battu son plein. Chaque cave a été métamorphosée en galerie d'art. Et l'on a découvert, au détour de chaque ruelle, des merveilles de créativité et de talent. 

Rencontre avec une artiste:  un coup de coeur absolu pour ses portraits aux rouges écarlates, sa façon de saisir par quelques détails l'essentiel  d'une ville, d'un métier, d'une âme . Un travail époustouflant sur le corps, des nus si vivants qu'on les dirait prêts à s'étirer comme des chats sous nos yeux incrédules. De l'or dans les doigts, elle a, cette dame.
Elle s'appelle Evelyne Batier Genève, et elle mérite d'être connue. Pour moi, c'est décidé, c'est elle qui fera la couverture de mon prochain roman!

***

Les plaisirs de la bouche et des yeux se sont succédé à l'ombre des tilleuls. Culture et gastronomie au son des fifres et des tambourins.

Pour clore la fête, le dernier soir, à la tombée de la nuit, ils ont éteint le village. Alors ont fleuri des torches, des petites bougies sur chaque rebord de fenêtre. Les enfants ont eu droit chacun  à un lampion coloré, petites notes étranges dans la nuit. Ambiance fantasmagorique dans les rues. Les vieilles pierres se sont imprégnées de cette magie si particulière à l'été quand il est apprivoisé par les hommes, comme les diamants le sont par les tailleurs de pierre. 
Certains hommes savent donner à l'été un éclat particulier.

Sur les placettes, des orchestres de rue ont joué jusqu'à une heure avancée: du blues, du jazz manouche, de l'accordéon, du balafon. Le monde entier convoqué au pays de Giono.

***
Dans la journée, avec mes amies, nous avons marché dans la montagne environnante, découvert un site majestueux, sorte de balcon magistral au-dessus d'une vallée verte. 
Là, c'est le corps qui exulte, par l'effort de la montée dans les jambes, le souffle des marcheurs, l'émotion un peu étourdie des sommets, la volupté de partager un repas dans les sapins, à la fin de la course, avec le vent des cimes comme  chanson unique. 

Envoyer des photos pour partager, en sachant que de l'autre côté, l'on comprendra cette émotion qui serre la gorge.

Quatre jours où l'on a alterné les plaisirs avec une fébrilité d'affamés. Et quels plaisirs!

Je me suis emplie de cette beauté, de cette sereine contemplation. J'ai médité en musardant dans la rivière, dégusté le terroir, les vins chatoyants, les fromages généreux, j'ai marché à nouveau, chaque jour, pour ressentir à nouveau les bienfaits de cette discipline, et je me suis baignée dans l'eau froide. Détente garantie. La nuit,  j'ai dormi d'une saine fatigue, en faisant des rêves mauves, sans oublier d'aller auparavant écouter le frou-frou des étoiles. J'ai poussé de petits cris à la vue de chaque étoile filante striant le vélum du ciel. Car c'était la nuit des étoiles filantes. Et nous avons fait des voeux. Mes amies et moi. 

Quel voeu faire, sinon celui de pouvoir rester le plus longtemps possible dans ce mode vibratoire qui me fait trouver la vie si déraisonnablement belle?



09 août 2012

Je me re-pause...

Je suis partie jusqu'à dimanche.
Pas de connexion.
Seulement le bruit de la rivière qui chante,
Les montagnes aux fleurs étranges
Quelques chamois et quelques papillons.
Vous me manquez déjà.
Je pense à vous.

07 août 2012

Café ?

Le café et moi, c'est une longue et chaude histoire d'amour. J'ai grandi entre deux parents qui lui ont toujours voué un culte. Le café, dans ma famille, c'est plus qu'une habitude, c'est une institution.
 Il y a le café au lait du petit déjeuner, que Moman boit depuis quatre-vingts balais et des poussières. Soi-disant que ce serait un poison...Il tue très lentement, alors, parce que Moman, elle est en pleine bourre.
 Il y a celui que l'on sert aux amis quand on les invite exprès pour le café ou bien quand ils passent à l'improviste (quelle que soit l'heure, d'ailleurs) . Celui que l'on propose au facteur, ou encore à l'infirmière qui vient faire les piqûres. En signe d'amitié ou de  gratitude. 
Ceux qui arrivent d'un "long voyage" ont aussi besoin d'un petit jus pour se remonter. Même si de nos jours, avec la "clim" et les voitures modernes, le trajet de quatre heures n'est qu'une formalité. Pour mon Popa, non. 
-Mais Popa, je suis pas venue en diligence! -Ça fait rien, la route, ça fatigue, écoute ton vieux père!"
Il y a la petite tasse du matin que l'on déguste au réveil, seule sur la terrasse, quand la maison dort encore, l'été. 
Il y a celui, sacré, d'après le repas de midi, celui que l'on ne prend pas avant que la table soit bien débarrassée, nettoyée, et sur laquelle on installe les tasses, le sucrier, les petits gâteaux, le chocolat, la goutte de lait (pour ceux qui aiment). Parfois la goutte tout court, c'est à dire le digestif, le "pousse-café" comme on dit. La cérémonie du café du midi, c'est quelque chose! Popa met un peu moins de sucre qu'avant dans sa tasse. Avant, c'est à dire quand il n'était pas obligé de surveiller tous ses taux de ci et de mi. Pas de vrai repas sans la cérémonie du café à la fin. Il faut entendre  Popa crier "Au jus!" pour rameuter les éventuels retardataires. Tout en faisant tinter les cuillères dans les tasses. Parce que le jus, c'est avant tout éminemment convivial. Pas question de bâcler en l'avalant à la sauvette.
A quatre heures, on évite. Ça empêcherait de dormir. Alors on prend un peu de Ricoré pour se donner bonne conscience.
Et puis on reprend le café après le repas du soir, un peu plus léger, moins cérémonieux.
Et une dernière goutte avant d'aller se coucher, parce que "celui-là, il ne peut pas faire de mal". Toute leur vie, et partant, toute ma vie, ont été rythmées par ce breuvage divin, chaud, fort, puissant, excitant,  exaltant...comme un homme. Petite, quand je passais près de la "Maison du Café" l'odeur des grains fraîchement torréfiés me mettait dans une sorte de transe et j'en avais presque les larmes aux yeux.
Quand je vous dis que lui et moi, c'est une histoire d'amour!

Tapez simplement "café" dans mon petit moteur de recherche  à gauche, et vous trouverez les preuves de mon addiction.

05 août 2012

Une soirée magique

J'ai un frère musicien. Avec sa femme, ma belle et chère belle-soeur, et un couple ami, ils ont fondé un groupe qui revisite les chansons du grand Georges.
Hier soir c'était, dans un cadre champêtre, le vernissage d'une exposition organisée par de sacrées bonnes femmes: elles se nomment d'ailleurs ainsi, les SBF, pour marquer leur volonté de se transcender dans l'art en milieu rural. Pas évident.
Le résultat fut une soirée délicieuse. Les grincheux verront le côté bobo, un peu affecté de ces délocalisations du parisianisme mondain.
 Mais vous connaissez Célestine: tous les sens en éveil, à attraper, à gober, à humer par chaque pore le meilleur de chaque instant...
Un paysage en courbes douces, des champs de vaches grasses et de luzerne, de vieilles pierres ardentes, un lieu culturel "branché" (oui, allez, bobo si vous voulez)   une foule bigarrée, chaleureuse et vraie, et pas affectée du tout et surtout des réalisations artistiques très culottées.
Un buffet de produits maison, petits pâtés végétaux, beignets de fleurs de courge, saucisson du pays, sirops de framboise, que du local, que du bon, que du bio. Des senteurs de foin coupé, et de ciel d'orage frémissant. L'électricité de l'air était aussi dans les sourires, le contact humain, les conversations badines et/ou  passionnées... Exaltant.
Puis le spectacle. On s’assoit où on peut, dans l'herbe ou sur un tronc d'arbre. Un comédien  vient faire des pirouettes verbales, un grand moment de rire digestif.
Et puis, les poils se soulèvent à l'écoute du concert de mon frérot et de sa bande, sa chaude voix accompagnée des choeurs de sa dulcinée et de son amie, le tout brodé d'or fin par le contrepoint à la guitare du quatrième larron. Ébouriffant. Subtil et coquin. Là où il est, Brassens doit bicher!
Point d'orgue enfin. La présence de Madame Marianne James herself. Un concerto de gentillesse, de simplicité, de grand coeur, et une voix!  somptueuse, veloutée comme un capuccino, qui vous emporte dans ses éclats et vous emprisonne dans de l'ambre pur comme des  moustiques du précambrien. Je suis sous le charme au sens propre.
Les Tsa Poum-Tsa Poum
Hier soir, le bonheur était dans le pré.

Belle et simple






Merci belle Marianne






03 août 2012

La lettre U




Les Plumes de l'été continuent avec une lettre en forme de fer à cheval. Ça porte bonheur. Hue! en selle pour les mots en U, particulièrement difficiles mais on aime ça, la difficulté, chez Asphodèle.




utopique – unique – us – ubiquité – ustensile – urgent – usufruit – universel – utile – usuel – usine – usurper – ultimatum – uppercut – utérus – urbain – usé – union – utopie – uchronie.


***


Rupture


Laura s'interrogeait.Qu’était devenue leur union, au fil du temps ? Une  anecdote ? Un anachronisme ? Plutôt une uchronie, oui, ce serait  le mot parfait. Un temps nié, une histoire qui n’existait plus, si jamais elle avait existé.
 Leur amour, qu’elle croyait unique et indéfectible, s’était usé sur le métal froid des ustensiles du quotidien et des exigences de la vie urbaine. Depuis longtemps, ils ne joignaient plus que l’utile à l’utile. L’usuel et le décidé d’avance s’étaient plu à usurper la place de l’inattendu et de l’imprévu dans leur couple. Des lustres qu' il n’avait plus pour elle de ces attentions qui, en la surprenant dix fois par jour en des lieux différents, lui donnaient jadis une sorte de délicieuse ubiquité. Il ne prononçait plus ces mots connus d’eux seuls, ni ne sacrifiait plus, d’ailleurs,  à aucun des us et coutumes des amoureux, les vrais,  ceux qui s’aiment et se le susurrent à chaque minute.
Laura avait cru un temps à l’utopie d’un  « nouveau départ », cet universel espoir des amantes humiliées. Elle lui avait posé plusieurs ultimatums, utilisé toutes les ruses de séduction pour le ramener à elle. 
Encore une fois, c’était utopique.  Il fallait se rendre à l’amère évidence. Il ne la considérait plus que comme un corps dont il croyait encore avoir l’usufruit. Mais combien de temps? 
Pouvait-elle accepter d’être réduite à ses ovaires et à son utérus, son «usine à plaisir» comme il disait autrefois d’un ton badin ?
Il ne semblait pas réaliser la déliquescence de leur relation.
Laura en était sûre maintenant : il était urgent de lui faire comprendre que c’était fini, que la vie continuerait sans lui, cette dure nouvelle dût-elle flanquer à ce mufle un ultime uppercut au plexus.

02 août 2012

JO

Qui est donc ce JO dont tout le monde parle en ce moment ? Tout ce que je sais, c'est qu'il a  les honneurs du direct sur toutes les chaînes et à toutes les heures du jour et de la nuit. A ce qu'il paraît, il doit être anglais, car on entend sonner Big Ben de nombreuses fois ces temps-ci.
Sacré JO!  C'est peut-être un marchand de boisson pétillante au nom composé, ou de sandwiches également composés de plusieurs étages de viande  et de fromage entre deux tranches de pain mou. Car on voit ces emblèmes partout, dont un grand M doré sur fond rouge...nourriture éminemment diététique!
En tous cas, quelqu'un de haut placé dans la finance, au vu des courbettes que tout le monde lui fait. Une course au sponsoring, une compétition dans la compétition qui doit être bien juteuse pour attirer autant de concurrents. Et ne parlons pas de certains pays totalitaires dont l'objectif est donner un coup de polish à leur blason politique. Gare aux mines de sel pour les pauvres athlètes pas assez performants!
Ah...mais je me laisse dire que l'un de ses lointains ancêtres faisait dans l'idéaliste, qu'il disait des trucs un peu obsolètes du style "L'essentiel, c'est de participer"...C'est donc lui!
Las! je rêve ou bien il y a longtemps que Jo a perdu son âme de sportif amateur en cédant à de bien vénéneuses sirènes ? Tu m'étonnes que je ne l'aie pas reconnu tout de suite!

01 août 2012

Paris belle échappée...

Paris me prend aux tripes.
 Je reviens toujours de là-bas avec quelques étoiles supplémentaires à l'âme. Sans doute parce que j'ai la chance de ne pas vivre le côté sombre de la ville-lumière. Sans doute parce que je n'arpente pas les couloirs du métro en tendant la main pour réclamer un peu de compassion et de nourriture. La beauté littéraire de Paris échappe aux sdf, j'en suis bien consciente.
Mais cette conscience de ma chance donne à mon regard un relief, une acuité qui me fait tout paraître plus beau et plus brillant, comme un trottoir après la pluie. Et je me hâte d'ouvrir de grands yeux pour faire miennes le plus de merveilles possible.
Le ciel fut anglais durant mes trois jours parisiens. Comme pour se mettre au diapason de l'actualité, sans doute. De grands attelages de cumulus charriés par un petit vent aigre indigne d'une fin juillet. Un tableau de Sisley grandeur nature. Des prémices d'orages grondants.
Qu'importe. Quand le soleil fait de maigres apparitions, les cœurs exultent.
Les petites Parisiennes arborent des tenues d'automne, bottines et collants, sur lesquelles elles font quand même flotter des robes d'été, en signe d'espoir. Mais les blousons ne sont jamais loin.
Les quais de la Seine transformés en bord de mer valent la promenade. Les enfants y font de vrais pâtés de sable. Sur les chaises longues biplaces les couples dorment devant  les passants, sans aucune gêne apparemment.On y vend de l' eau pétillante, et l'on peut s'y faire masser.

Vendredi soir,  au saut du train : boulevard Saint-Germain. 
Le Paris noctambule déploie ses terrasses, ses musiciens de rue, ses noceurs éternels. Les réverbères ont l’éclat orangé du film Midnight Paris. Je me sens vivre plus fort.
Mon fils m'emmène sur sa moto, pour un trip nocturne dans les quartiers scintillants. J’ai vingt cinq ans en regardant resplendir les Champs, et la centenaire vieille Dame de métal. Mon coeur de gosse fait des bonds désordonnés. Trop de café?


Samedi, avec le sésame "Pass Education" un petit rectangle  de quelques grammes de plastique qui prouve que je travaille dans la "grande Maison", nous entrons au Musée d'Orsay gratuitement, puis à la Bibliothèque Nationale de France. Je suis saisie par les lieux. L'art est partout.  Wolinski me fait rire. Soixante dix ans de dessins humoristiques, quand même, ce n’est pas rien !  

A la Cinémathèque Française, dans un autre genre, Tim Burton m'embarque dans son univers déjanté et je prends quelques photos avant de m’apercevoir qu’un cerbère féroce interdit toute tentative de prise de vue. Je découvre un étonnant dessinateur, au monde intérieur foisonnant.

Le Batofar est un bar flottant amarré au quai François Mauriac. Son slogan? La vie est une plage. Encore un lieu plein de cette ambiance indicible et jubilatoire qui ne me quitte pas. Un mélange de pensées nostalgiques, d'impressions fugaces que je voudrais ne pas laisser s'envoler, de sensations claquant comme un drapeau au vent. Partout, de la vie, des acrobates, des Japonais. Une concentration exceptionnelle de Japonais avec leurs tablettes numériques.
Je déguste plus tard une salade au saumon et à la banane dans un lieu appelé l'Ebouillanté. Le restaurant qui fait bouillir de joie, encore un joli slogan!

Dimanche, en route pour Versailles et ses fastes. Je suis chipée, béate, conquise par le génie architectural de ce château démesuré. A la démesure d'un seul homme qui se prenait pour Dieu. Et en même temps, je comprends mieux comment le peuple n'a plus pu supporter  cette débauche de richesses mal employées et de luxe ostentatoire. Versailles, ça vous fiche une claque historique. Versailles, ça se visite avec les yeux éblouis mais avec la rage au ventre. Une rage de sans-culotte. Mais aussi l'âme emplie de ces jardins et de ces fontaines.
Des chaussures géantes
toutes en casseroles
Les oeuvres d'une artiste contemporaine, Joana Vasconcelos,  ponctuent les salons Grand Siècle de sa folie créatrice. Sous l'oeil amusé des Japonais...
Le retour à moto sous la pluie, zig-zaguant entre les files de voitures, est une oeuvre contemporaine à lui seul. Les paquets de mer, le froid transperçant, la vitesse, la nuit tombante, la route  glissante, et la fureur de ces constructions échevelées accentuent les battements de mon coeur: c'est sans doute ce que l'on appelle une belle peur!


Lundi, nous décidons d'aller où le vent nous mène. Au hasard des rues, de l'Opéra au centre Beaubourg, du Louvre à Paris-plage, en passant par les grands Boulevards, je n'en finis pas d'aimer cette ville. Je rencontre même un visage connu marchant tranquillement sur un trottoir: Michel Aumont. 

Par une sorte de syncrétisme extrême-oriental,  nous allons dîner de sushis et de thon grillé au tofu. Et puis je dois déjà repartir, dans ce train si rapide qu'on dirait qu'il pulvérise les rêves. 
Vite! écrire dans mon carnet pour ne pas oublier,  pour vous raconter...C'est que la vie est une essence précieuse mais si volatile!