30 septembre 2022

Le mystérieux pays des larmes









































Parfois, la vie nous broie juste après le petit déjeuner. On avait bien commencé la journée. On avait médité sur le sens de la vie, projeté d'aller tailler les iris avant la pluie, et souri en voyant les mésanges se taper la cloche dans la mangeoire.
Et puis la sonnerie du téléphone grésille désagréablement, et le message tombe comme un glas dans le brouillard.
C'est fini. Il n'a pas souffert. Les mots semblent toujours les mêmes, on est comme dans du coton quand on les entend.
Il n'a pas souffert, non, mais il avait l'âge de l'espoir, l'âge des printemps qui explosent en milliers de petites graines, l'âge où les rêves fusent. L'âge où on ne meurt pas. Trente-cinq ans. L'âge de mon fils aîné. Mon fils aîné anéanti,  qui perd son cousin, mais c'était plus qu'un cousin, c'était un frère. Presque un jumeau.
Les souvenirs remontent, telles des bulles de joie un peu incongrue. Je les revois juchés sur leurs vélos, ou faire la bagarre dans la pelouse, comme des chiots joyeux. J'ai l'âme au bord des yeux.
Et ce cri mêlé de stupeur, de colère et de déni, coincé au fond de la gorge, parce que la Griffue emporte toujours ses proies sans prévenir, aveuglément. Bim ! On est vivant et hop, on est mort. A quoi bon protester ? A quoi bon lui dire, à cette grande Egalisatrice, qu'en partant il laisse une petite fille et une femme portant un autre bébé ? A quoi bon lui expliquer combien cela va être terrible pour ceux qui restent. La mort ne s'émeut de rien. Elle n'a pas de pitié. 
Ce soir, le vent d'automne a un goût de tristesse absolue. J'avais un peu oublié le pays des larmes, le mystérieux pays des larmes.




A Nicolas

19 septembre 2022

Mes étincelles

L'amour maternel est avant tout un acte de résistance contre la férocité du monde.
Françoise Lefèvre







  Ma prunelle. Ma merveilleuse étoile. La voilà, le jour de son mariage, si belle et si pleine d'amour. Deux ans déjà, c'était hier. Une jolie fête, comme une parenthèse de grâce au milieu du tintamarre covidien, de cette lancinante grisaille médiatique qui n'a pas réussi à entamer sa joie de vivre.
Cette photo m'emplit d'une émotion indicible. Un flot de souvenirs joyeux et nostalgiques en même temps.
Je ne sais pourquoi, je suis toujours terriblement émue, remuée, brassée par ma progéniture. Quel est cet étrange fil qui me lie à eux ? On a beau avoir coupé le cordon, ce lien est indéfectible. Solide comme une racine de chêne. 
Quand ils vont bien, une douce paix m'envahit et je respire plus large. 
Quand ils ne vont pas bien, le soleil brille moins. Telle une perle ternie par la buée. 
Ils me manquent souvent. Je les aime sans conditions. 
Je donnerais tout pour eux, même ma vie. Parfois je pense qu'un jour je ne les verrai plus et la tristesse s'insinue en moi comme un sirop amer.
Mais le plus souvent je suis heureuse et fière de les avoir mis au monde. Et j'exulte quand je les vois, que je peux passer un peu de temps avec eux. 
C'est banal, direz-vous. C'est cliché.
C'est que l'amour maternel ne s'exprime que par phrases toutes faites. Intemporelles. Universelles. Des phrases de mère, de toutes les mères, des phrases qui jaillissent du coeur en étincelles.

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