31 juillet 2016

Les blés onduleront toujours



"Quelques-uns d’entre vous disent, « La joie est plus grande que la tristesse », et d’autres disent,
 « Non, c’est la tristesse qui est la plus grande ». Mais je vous dis, elles sont inséparables. Elles viennent ensemble, et quand l’une est assise seule avec vous à votre table, n’oubliez pas que l’autre est endormie sur votre lit."

Khalil Gibran.

Champ de blé au pied des massifs du Champsaur, dans les Hautes-Alpes, en Provence-Alpes-Côte-d'Azur.:






















« Mon cher Papa. »

Voilà tout ce que j’ai écrit de cette lettre qui tourne en boucle dans ma tête depuis des jours et que je ne parviens pas à commencer.
 Il faut que j’écrive à mon père. Je n’y arrive pas. Je sens comme une urgence, et l’ombre du regret immense qui m’envahirait si je n’avais pas le temps, si je me laissais prendre de court par la camarde. Une ombre comme celle d'un vautour.

 Mon père, ce héros, qui m’a appris la vie sans jamais rien dire ou presque de la sienne. Quatre vingt-quatre ans de mutisme sage, d’humour caustique, de petites fantaisies irrationnelles, et de fatalisme goguenard. Une montagne. Cette énigme va partir sans être résolue, emportant ses secrets dans un monde qu’on dit meilleur.

Mon père a un nénuphar dans la poitrine, lui qui aimait Boris Vian, vla t’y pas qu’il se prend pour Chloé, et que j’essuie chaque matin l’écume des jours sur mes joues en me disant : aujourd'hui ? 
 L’écume de ses  jours qui sont comptés. Mais les médecins sont souvent fâchés avec la mathématique céleste…Ils évoquent des trucs sans se demander ce que l’on peut en faire…
Trois jours ? Cent jours ? Un an ? Combien de temps encore ?
Et cette bestiole visqueuse qui lui mite les éponges, et bloque le nerf des cordes vocales. Total, sono cassée depuis deux mois. Tuyaux d’oxygène dans le nez.
Le colosse, ancien rugbyman, maigrit à vue d’œil. Mais l’œil est toujours vif derrière les carreaux. Et Frédéric Dard, et Brassens, et Léo Ferré, et René Fallet, et Bécaud, ses pères putatifs, lui donnent la main et se poussent du coude en rigolant, comme s'ils lui disaient viens, on te garde une place.

Comment lui dire sans l’effrayer ? Comment faire en sorte que ma lettre ne ressemble pas à une funeste oraison ? Et en même temps, comment lui faire comprendre qu’il peut être rassuré, partir en paix, dans l’amour des siens ?
Je suis sûre qu’il le sait. Mais je veux quand même lui dire deux trois choses essentielles.
Et je ne sais pas par où commencer.

Le colosse tremble, ses pieds d’argile ont du mal à le porter. Je me prépare doucement à son départ. C’est un peu dérisoire. Comme empiler des sacs de sable avant un tsunami.  Je prépare les étais, les échafaudages, la truelle et le ciment. Parce que je sais que vacillera  en moi tout un pan de mes fondations. Mais je sais aussi qu’il ne voudra pas que l’on pleure parce que la vie est courte et belle, et qu’il aime rire et faire l’andouille. Et une fois de plus, il aura raison.  Les blés onduleront toujours.


29 juillet 2016

La bourse ou la vie ?

De la terre la plus ingrate, il peut germer quelque chose de bon.:
« Le monde se trompe. Vous croyez que c’est ce que vous gardez qui vous fait riche. On vous l’a dit. Moi je vous dis que c’est ce que vous donnez qui vous fait riche. »


(Jean Giono, Que ma joie demeure.)























Ce matin, je me suis réveillée riche.  
L'or coulait dans mes mains, tellement rutilant que des perles ont coulé de mes yeux endormis.
Aucune cassette d'Harpagon, aucun paquet clinquant d'actions du cac40, aucun trésor des Templiers, n'égaleront jamais cette richesse-là. 
Ma rivière de diamants s'appelle l'amour. (Oui Walrus, je te vois venir, comme son homonyme sibérien)
 Sur son bord, de petits roseaux tremblants comme des flammes vibrent sans se casser sous les vents contraires. Ils ont de jolis noms bien que trop galvaudés. Amitié, tendresse, empathie, solidarité, bienveillance... Des bêtes furieuses cherchent constamment à les arracher.  Elles ont des crocs ensanglantés. Elles les appellent « bons sentiments » avec du mépris dans la voix. Mais les roseaux repoussent et les repoussent...Et sans eux le monde aurait sombré depuis longtemps dans un cloaque sans nom.
Là-bas, à l'horizon lointain noyé de brume qu'on appelle futur, un phare brille doucement. Il se nomme espoir. Des mains rageuses cherchent constamment à se plaquer sur nos yeux pour nous empêcher de le voir. Mais nos yeux voient même dans le noir.
Mes joyaux scintillent sur la voûte céleste, longue soierie d'été, robe d'azur pâle au matin.
Ma fortune est à la Grande Ourse sur les traces d'Arthur et de ses parapets.
Nul besoin de gérer ce portefeuille qui grandit à chaque sourire, à chaque regard ému.
Taux d'intérêt maximum. Obsédée textuelle de la Vie qui s'accroche.
Ce matin, je suis « riche de ça et ça ne s'achète pas », comme dit JJG, le grand poète du XX° siècle.

¸¸.•*¨*• ☆



26 juillet 2016

Tout ce que j'aime











A force de réfléchir à mes expériences en matière de séjours réussis, j'ai fini par me faire une petite liste d'ingrédients personnels (et donc subjectifs), de certaines constantes que j'aime, que j'ai analysées scientifiquement mais que je vous livre ici un peu en vrac, le coeur encore tout plein d'étoiles.
 Cela tient à peu de choses, finalement,  de se gonfler de bonheur.


*

Un cadre doux, paisible, loin des agitations futiles et vaines.





    

























Un lien fort avec la terre, la nature, le cosmos...
























Des repas joyeux et délicieux, un grand sens de l'hospitalité




Ajoutons à cela une soirée sous les étoiles, avec Mars à l'horizon sud, la lune superbe et toute orange à son lever, une séance de light painting, une ballade dans les bois, un ruisseau à écrevisses, une petite hécatombe de mouches, un lucane cerf-volant, des chatons qui viennent de naître, un livreur de bois impressionnant de savoir faire, des discussions philosophiques chaque nuit, de belles rencontres, et de la musique comme s'il en pleuvait...j'en ai encore mal aux doigts.

Et puis...la bonne odeur du café qui vous tire du lit, encore tout chiffonnés des rêves de la nuit...le soleil qui vous chatouille la joue en jouant avec les persiennes.

Nul besoin de palais dorés, ni de luxe tapageur, ni de plaisirs artificiels. 
Le secret, le plus important, c'est l'intelligence relationnelle. Celle qui prévaut quand vingt-cinq personnes sont appelées à vivre sous le même toit, même quelques jours. 
Une bienveillance que j'ai senti vibrer comme un quartz dans toutes les relations. Une sorte de pulsation de vie. Faite de respect, de beaucoup d'humour, de partage dans le souci des rythmes propres à chacun, dans l'émerveillement  de se trouver des affinités, des connivences. Dans la positivité, l'admiration et la joie d'être tout simplement. Avec des moments collectifs et des plages où l'on peut s'isoler quand le besoin s'en fait sentir...

Bref, une douche bienfaisante d'humanité et de valeurs communes,  par l'étang qui court, ça ne se refuse pas. 

Merci mes Amis. 
¸¸.•*¨*• ☆


« Les amis sont comme les étoiles, 
on ne les voit pas tout le temps, 
mais on sait qu'ils sont toujours là. »







Pour lire en musique :




A Reynald, Vally, Sabine, Pierre, Christine, Alix, Solène, Bastien, Sébastien, Elodie, Samuel, Isabelle, Marine, Clément, Fred, et tous les autres...

22 juillet 2016

Aveyron bien quand on y sera...




Aubrac France:

« Deux zigotos ont besoin de votre soutien et de votre présence. »

Tiens tiens ...
Il est des messages laconiques qui excitent aussitôt notre épée de Cyrano ou notre lance de Don Quichotte. 
Quel danger pourraient bien affronter mes amis Reynald et Vally, quel hydre fourchu, quel monstre baveux et immonde les contraindrait à battre le rappel des copains en toute hâte ?  Hou ! la la ! Il y a anguille sous cloche !
Après enquête, il s'avère qu'ils ont l'un comme l'autre une dizaine fatidique à franchir. On sait ce que c'est les amis, le temps qui passe, la vie, tout ça...les ânes hivers cerfs à chiffres ronds, ça flanque le bourdon, faut être bien entouré.
C'est pour cela qu'il leur faut à tout prix l'appui de fidèles aficionados pour les aider à passer ce cap Horn délicat. N'écoutant que mon courage de dents et dehors, et sachant que ce rite initiatique va être mâtiné de chansons, d'agapes somptuaires de ne pas y toucher et de discussions mets ta physique, ce qui n'est pas pour me déplaire, je vais donc enfourcher dès aujourd'hui mon fringuant cheval, répondant au fier nom de Blablakar, rapport à sa manie d'emmener sur sa croupe quelques manants sans monture ramassés le long du chemin,  je vais jeter deux ou trois effets de style (ou de manches) dans une valise et partir à la rescousse de mes camarades déjà durement éprouvés par la préparation de la fête. Sans oublier Gertrude. Ben oui, ma guitare...
Cela risque de durer quelques jours. Mais promis, lecteurs adorés, je vous raconterai à mon retour. Comme d'hab.


¸¸.•*¨*• ☆

Une belle aux yeux noirs très photogénique:





































On lui dit, à Célestoche, qu'on n'a pas de réseau ici ?
Meuh non ! On lui laisse la surprise...

20 juillet 2016

Ombre et lumières





Juillet.
Ils sont assis sur le long balcon surplombant la ville,  devant le crépuscule naissant. Les murs semblent d’or.
Elle ferme les yeux à demi devant l’aveuglante clarté du couchant. Lui fixe crânement le soleil qui descend face à eux, dans un plongeon silencieux de lumière poudrée, comme une grosse orange éclatée. Le ciel s’ocre. Puis blanchit.
L’ombre envahit peu à peu les ruelles, pressant le pas des passants.
C’est beau, une ville qui éclaire une à une ses lampes comme autant d’étoiles. Tu sais, chacune semble raconter un morceau d’histoire. Comme celles du ciel.
En bas la rue bourdonne d’une rumeur sourde.
Le vent se lève. Tiède. Presque chaud. Le balcon se moire d’ombres violettes allongeant la silhouette des cyprès en pot de grès.
Le vent glisse sur sa peau, sur ses seins qui frissonnent. Son chemisier de soie blanche claque comme une voile sur la mer. Ses cheveux volent dans ses yeux.
La nuit recouvre chaque façade de son drap de velours sombre.
Ça sent la tubéreuse, et le lys. Ah, et le jasmin aussi, par moment.
La lune semble une rognure d’ongle luisant au-dessus des arbres. Ils rient de cette image. Leurs mains se serrent.
Ils sont bien. Seuls, dans cet instant d’éternité splendide et quotidienne.

¸¸.•*¨*• ☆

Pour les Impromptus littéraires.
Et pour le défi du 20 de Jacou.