30 septembre 2014

Les Bescherelosaures

Mon ami Antiblues épingle de temps à autre les Bescherelosaures.
Ciel, mais qu'est-ce?  (et non pas mes caisses) m'objecterez-vous, étreints par l'angoisse subite de ne plus vous sentir à la page, concernant les néologismes fleurissant dans la blogosphère et dans le monde réel en même temps...
Eh bien, laissez-moi vous apprendre qu'il s'agit d'une espèce de gens très étranges qui s'attachent à des règles surannées et tordues, elles-mêmes regroupées sous le beau vocable général et synthétique d'orthographe d'usage. Ils doivent leur nom au Bescherelle, sorte de bible exhaustive et indigeste où se concentrent toutes ces règles en une inextricable jungle d'exemples et d'exceptions, dans laquelle Tarzan ne retrouverait ni Jane ni Cheetah.
Il me faut préciser que ces faquins, non contents de passer leurs journées à traquer les fautes en tous lieux et par tous les temps,  nourrissent pour le langage fleuri du XVII° siècle une  inclination tout à fait exagérée qui les porte à mépriser les expressions pourtant belles et très compréhensibles que nos contemporains ont érigées en mode de communication.  
Ainsi en va-t-il de ces deux jouvencelles, qui nous bâillent ici, dans un langage poussiéreux et obsolète des plus déplorables, une de leurs tribulations abasourdies au royaume d'Ile de France. 
La scène, insoutenable,  se passe dans une taverne. 
Ô vous, adeptes prosélytes des sms, textos et autres réseaux sociaux, où le bon goût le dispute souvent au raffinement, peut-être éprouverez-vous l'envie de passer votre chemin sans demander votre reste, même si les sous-titres viennent heureusement adoucir un tantinet votre épreuve, en rendant ce dialogue accessible à un boloss du XXI° siècle.
 Mais je gage que les mots de ces deux ridicules Précieuses, prononcés comme cela,  tout de go et avec une outrecuidance dépassant les limites du supportable,  risquent de blesser beaucoup d' oreilles peu accoutumées à de tels excès de langage.
Je vous aurai prévenus: les Bescherelosaures, quand ça s'y met, c'est carrément trash !


***



28 septembre 2014

Fin de journée





Ce soir-là, j’ai traversé la cour. Le soleil de fin septembre éclairait d’une lumière poudrée les cheveux en broussaille des derniers élèves de la journée. Ceux que l’on vient chercher tard et qui ont toujours peur qu’on les oublie. Leurs petites culottes courtes flottaient sur leurs genoux cagneux, et leurs incisives avançaient en ordre un peu dispersé…
J’ai regardé ces petits poulbots courir après leur balle en mousse un peu élimée. Ils portaient au front toute l’innocence et l’espoir du monde.
J’ai pensé à ces sublimes photos de bébés en trois dimensions, dans la douce transparence du ventre de leur mère. J’ai pensé aux perce-neige, aux lionceaux qui jouent maladroits avec leurs frères, aux bourgeons des saules aux lueurs des aurores printanières.
Un immense soupir de bonheur m’a secouée comme un frisson. J’ai fermé les yeux. Maman s’est approchée de moi avec un gros morceau de clafoutis aux cerises. Elle a arrangé mes tresses en les nouant de rubans turquoise et mauves. J’ai sauté à la corde. Une corde qui avait la soie du temps qui passe sans abîmer les choses. Un lien puissant qui me tient vivante et joyeuse.
J’ai rouvert les yeux. J’ai franchi le portail de l’école en faisant un petit signe aux élèves. « Au revoir, maîtresse ! » ils m’ont crié en agitant leurs mains noires de poussière.
De loin, l’école brillait, comme une orange au soleil couchant. J’ai pensé que ce métier était vraiment ma fontaine de jouvence. J’ai souri.


Sunshine on My Shoulders by Dan Gibson's Solitudes on Grooveshark
Pour le défi du samedi.

26 septembre 2014

Concerto en rouge et or majeur

Photo Alter et Ego


Moi qui suis en pleine santé, j'aurais mauvaise grâce à me plaindre. Et d'ailleurs, je ne me plains pas. Je constate simplement  qu'avec les saisons reviennent quelques petits tourments bénins qui me rappellent combien je suis vivante...(n'appelons pas cela des maux, pas de quoi consulter).  

L'hiver, j'ai froid. Tiens, comme c'est original ! me direz vous. C'est que vous ne comprenez pas ce froid-là, un froid tout intérieur, comme de regarder une tombe. Un froid de roman du XIX° siècle. Un froid de gueux. Que je soigne dans l'euphorie à grand coups de pulls en mohair, de mitaines, d'écharpes, de feux de bois, de chocolats fumants et de châtaignes rôties, rien n'est trop chaud pour lutter contre ce froid-là. Les bras morts de l'hiver  me glacent, je n'y peux rien, cette incontournable léthargie de la nature me givre, me gerce, me transperce, me grelotte.  Je crois que j'ai trop mangé de neige, enfant, au pied du Pain de Sucre* et du Chapeau de Gendarme*...Sans parler de mon petit blues saisonnier dû au crucial manque de lumière.

Au printemps et en fin d'été, mes yeux pleurent. Sans permission. Les pollens et l'ambroisie me font ressembler à un lapin myxomatosé. Ah ! elle est chouette, Célestine, à user des montagnes de mouchoirs à essayer d'étancher ces larmes incongrues, ce nez qui ruisselle en cascade, ce rhume de juin qui s'épand et se répand. Et ne parlons pas de la toux sèche qui chatouille et grattouille dès que j'essaie de m'endormir. Mais comme je veux vivre intensément tout ce qui m'arrive, même mes petites contrariétés, je me refuse avec obstination  à ingurgiter des anti-machins qui m'endorment. 
Et je pleure en silence en écoutant Gerschwin.

L'été, mon coeur s'emballe. Il saute désordonnément comme un cabri dans ma poitrine. Ne me demandez pas pourquoi, je ne sais pas, quelque chose dans l'air, une transparence, une promesse de bonheur, la vibration des  insectes, la chaleur écrasante des corps. Ou tout simplement la danse de mes hormones sous l'effet du soleil...Toujours est-il que je me remets à tachycarder. J'explose en étincelles. Je crépite, je vibrionne. C'est chaud, c'est doux, c'est bon. J'exulte...

En automne... En automne, rien. Météo du corps au beau fixe. Je peux me concentrer sur la contemplation muette d'une des plus grandes merveilles de la nature.
Ah, l'automne...La saison  qui allume les arbres, qui repeint le monde de ses tubes de couleurs chaudes. Quelle splendeur !  Même si ça fait poncif ou vieille rengaine à la Joe Dassin..."On ira, où tu voudras quand tu voudras...ba ba ba ba ba ba ba..."
Attention Mesdames et messieurs le grand spectacle va commencer...N'en perdez pas une miette, c'est fondant et confondant. Une saison où la moindre branche, la moindre brindille oscillent au rythme d'un concerto de Bach.
 Un concerto en rouge et or majeur.



Violin Concerto No. 1 in A Minor (I. Allegro) by Bach on Grooveshark

*Le chapeau de Gendarme et le Pain de Sucre, les deux montagnes de ma prime enfance à Barcelonnette...

21 septembre 2014

Les liens subtils




Il m'arrive d'éprouver des sensations que certains d'entre vous trouveront peut-être saugrenues, car inexpliquées par la science dite "officielle". 
Les ondes, les fluides, le magnétisme, les atomes crochus ou non, les bonnes et les mauvaises énergies qui circulent entre les êtres, tout cela m'affecte  ou me perturbe . Bien souvent, je n'ose avouer  que je distingue nettement l' aura des gens que je rencontre, j'ai peur que l'on se moque de moi, ou que l'on me croit tout simplement un peu dingue.

 Et pourtant, comment vous décrire cette lumière qui émane de certains êtres, et le puits obscur de négativité sans fond que sont certains autres ? Comment comprendre que je me sente émerveillée et remplie au contact de l'un, et vidée, essorée comme une serpillière en face de l'autre ?
Comment dire cette intuition qui m'alerte ou me rassure sur les motivations et les ressorts profonds de ceux qui croisent ma route ? Alors bien sûr, je fais souvent taire, au nom de la raison ou de la simple humanité, mes réticences, mes appréhensions, mes pressentiments. "Mais non, ma vieille, tu te fais des idées, c'est sûrement quelqu'un de bien..." Et si j'ai eu dans ma vie plusieurs fois l'impression de m'être trompée lourdement , c'est que j'avais  simplement été sourde à mon sixième sens qui criait gare.

J'ai aussi la conviction que le corps et l'esprit sont étroitement reliés. La somatisation est un langage, que certains se refusent à écouter. Et pourtant le corps parle. Et les maux sont ses mots.
J'ai vu, de mes yeux vu, conjurer des brûlures par un guérisseur : je vous assure que ça fait un choc ! Les guérisons spontanées, les placebos qui fonctionnent, les vrais jumeaux qui restent reliés au delà des mers  et ces chats qui retrouvent leurs maîtres, même à des centaines de kilomètres...par quels invisibles fils sommes-nous donc guidés ?
J'ai découvert un jour le poème de Baudelaire sur les Correspondances*. Ah mes amis ! Les deux premières strophes m'ont bouleversée,  par leur mystérieuse et sombre luminosité.

En ouvrant ma fenêtre ce matin, j'ai regardé le ciel encore impressionné comme une pellicule, par les zébrures de la nuit. Une nuit d'orage tonitruante. Le levant rougeoyait timidement, un vent calme et frais agitait les arbres comme après la tempête.  
Je me suis sentie...comment dire ? Connectée. Reliée profondément aux choses. Une respiration primale m'a soulevée du sol, j'étais bien. Apaisée. C'est difficile à expliquer, bien sûr, mais je ressens très fortement ces liens subtils, qui me rappellent, comme le dit  ce cher vieil Hubert Reeves, que nous ne sommes que de la poussière d'étoile. "Dans une ténébreuse et profonde unité, vaste comme la nuit et comme la clarté..."
Quelques grammes de carbone, d'azote, d'oxygène, qui constituent l'essentiel de notre mystère. Telles les fleurs ou les abeilles...
Depuis toujours, je crois,  je les vis, je les sens, ces liens subtils, ces correspondances baudelairiennes.
Messieurs et mesdames les scientifiques émérites...Allez-y, mettez-vous au boulot!
Oui, il en reste tant, des choses mystérieuses à élucider...





La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. [...]




Cauldron of Healing by Kevin Kern on Grooveshark


17 septembre 2014

Une enfance aventureuse







J'ai vécu dans mon jeune temps quelques dangereuses expériences. A la réflexion, je me demande même comment j'ai survécu à tant de turpitudes !

Mon père m'avait offert un jour un minuscule brûle-parfum en forme de lampe à huile. Je  remplissais le réservoir d'eau de Cologne, qui montait par capillarité le long d'une mèche de coton, comme dans les vraies lampes. Je grattais une allumette et hop!  La flamme prenait une couleur verte du plus bel effet à travers le verre coloré. Cela répandait dans ma chambre une délicieuse et indescriptible odeur d'alcool chaud et parfumé. Au grand dam de ma mère, qui prétendait que j'allais me rendre malade à respirer cette cochonnerie, ou mettre le feu à la baraque...
J'ai gardé longtemps cet objet qui n'était précieux que parce qu'il venait de mon père. En réalité, il n'avait aucune valeur marchande, de nos jours on aurait appelé ça un gadget, mais le mot n'avait pas encore été inventé par Pif le chien. 

Photo wikipedia

Ah! Pif ...et son plus célèbre gadget, les Pifises...Qui n'a jamais entendu parler des Pifises, cette "poudre magique" offerte par le célèbre magazine, et qui était censée donner vie en quelques jours à de petits êtres vivants que l'on regardait s'ébattre dans des bocaux de verre... Nos mères observaient ça, horrifiées et dégoûtées à la fois, inquiètes comme si c'était le diable en personne...Les bestioles au contact de l'eau salée, reprenaient vie, j'appris bien plus tard qu'il s'agissait de spécimens d'Artemia Salina, un crustacé microscopique...
Les Pifises ne firent pas long feu, ma mère dut les laisser partir "malencontreusement" dans le lavabo, car à mon retour de l'école, elle prit un air mystérieux pour me dire qu'elle ne comprenait vraiment pas ce qui avait pu se passer...

Pour consoler mon air dépité, elle me donna un franc que j'allai aussitôt dépenser en bonbecs (les mêmes que dans la chanson de Renaud). Il faut bien admettre que les colorants et les produits chimiques les constituaient à quatre vingt dix-neuf pour cent. Mais en réfléchissant bien, les poudres pétillantes que nous sniffions avec des pailles n'étaient-elles pas, de surcroît, des plus tendancieuses ? Et le fait que la poudre était vendue encapsulée dans de l'hostie ne changeait rien à l'affaire: on nous chevillait bel et bien le vice dans la peau, subrepticement et à notre corps défendant. Enfin toujours d'après ma mère, bien sûr, qui s'arrachait les cheveux devant tant de dépravation de la belle jeunesse...

Bref, c'est ainsi qu'ayant échappé par miracle à mon triste et triple destin de junkie pyromane et zoophile, je suis devenue directrice d'école.


Blind Film by Yiruma on Grooveshark

13 septembre 2014

Vacances romaines

Pour ce nouveau rendez-vous des plumes d'Asphodèle, on avait double ration de mots. Je ne sais pas choisir, j'ai tout pris...


regrets, engranger, boue, repos, découverte, hélianthe, regain,  bond, imprévus, recherche, espièglerie, confiture, allégresse, jubilation, noctambule, brume, respirer, dépaysement, magnifique,  bleu, marais, maudit, myriade, rien, sourire, montagne, déménagement, soleil, question, sagesse, océan, ivresse, tempête, lune, rêve, emménager, mer.



***


Dans sa psyché elle se mire,  nue, avec la ferme intention d'être sans complaisance pour elle-même. De traquer les signes du temps afin que de n'être pas surprise. Mais dans la brume de ses songes, montant comme d'un marais  sous une lune  affable, une étrange jubilation l'étreint. 
Elle s'aime comme elle est, finalement. 
Elle s'aime du bout des yeux, du bout du cœur. Elle se désire. Et de ses doigts fiévreux, caresse ses creux, ses plaines, ses montagnes, à la découverte d'elle-même.  Son corps respire fort et son cœur fait des bonds dans  sa poitrine , qui devient soudain somptueuse et opulente.
Un rêve. Ça y est, dépaysement total, elle devient actrice italienne, elle est Sylvana Mangano superbe, arrogante et sauvage, devant le Colisée, ennuagée d'une myriade de paparazzi ...
Elle est Claudia Cardinale tourbillonnante, époustouflante dans une robe Versace, sur la Piazza Navona écrasée de soleil. 
Elle est Monica, Vitti ou Belluci, magnifique, dans un écrin d'hélianthes et d'asphodèles, sur une terrasse dominant la cité éternelle, délices des palaces romains pour le repos imprévu des stars. Elle signe des autographes d'une main lasse. A la recherche d'elle-même.
 Elle est Sophia Loren sur sa vespa, étourdie jusqu'à l'ivresse de  Valpolicella, dans l'ombre fraîche des ruelles  du vieux Rome, souriant avec l'espièglerie d'une belle enfant, serrée contre Marcello Mastroianni. Maudit Marcello, si noctambule, si ténébreux. Si volage surtout... Elle aurait aimé être une de ces belles italiennes, oui. Et dans sa hâte, elle en oublie beaucoup, de ces déesses aux formes généreuses...
C'est la tempête dans sa mer intérieure, son océan,  un rien l'emporte et la submerge,  elle n'aime pas avoir de regrets. C'eravamo tanto amati*...murmure-t-elle en s'abandonnant.
 Nulle sagesse ne viendra jamais emménager dans sa cervelle. Au contraire, les bonheurs engrangés, les questions sans réponse, les regains d'espoir, les bleus à l'âme, la boue changée en confiture, et les allégresses en chagrins, c'est une volte,  un tourbillon, un déménagement perpétuel dans sa tête. Mais c'est comme cela qu'elle s'aime. Et les jambes tremblantes, elle regarde son miroir lui sourire.

*Nous nous sommes tant aimés

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10 septembre 2014

Phobie

Photo du net















Ma grand-mère, cette sainte femme à laquelle je me réfère souvent, avait une phrase pour tout. 
C'était à elle seule une fabrique d'aphorismes, car lorsqu'elle ne trouvait pas celui qu'elle voulait parmi les classiques qui ont fait leurs preuves, elle en inventait.
Mais là, franchement, dans le cas qui nous intéresse, elle n'aurait pas eu besoin de faire preuve d'imagination. Car la petite phrase idoine existe,  pour qualifier la situation. Et malgré son apparente contradiction, qui en fait un modèle du genre, elle reflète hélas la triste réalité.
C'est l'adage favori de certains personnages publics dont le sport préféré semble être une tendance à peine dissimulée à nous prendre pour des canards sauvages. Ou pour des jambons.  Je veux parler de la pitoyable excuse-bidon inventée par le dernier ministre (en date) à avoir été pris en flagrant délit de triche. Pitoyable et pathétique. Un sommet de mauvaise foi. 
Pire que le "C'est pas moi, m'sieur" de l'élève de CM2 pris la main dans le sac en train de piquer les billes de son voisin dans le couloir pendant la récré.
Pire encore que le "je n'ai jamais eu de compte en Suisse, les yeux dans les yeux" de son petit camarade Jérôme C.

Non, là, c'est du grand art, appeler à la rescousse une raison mi-médicale mi-psychiatrique qui donne une formidable légitimité à l'argument. Imparable. Quel génie ! il fallait y penser. Invoquer la "phobie administrative" quand on est ministre, c'est un peu comme avoir le vertige quand on est pilote de ligne, ou avoir la phobie des couteaux quand on est boucher. Quand je pense que nous, on fait des chichis quand le percepteur nous harcèle poliment pour récupérer dix euros de trop-perçu, pendant que ce pauvre Thomas T. se bat contre ses démons en jouant à cache-cache avec sa déclaration. C'est que ça peut être méchamment cruel, une déclaration d'impôt...Et vicieux. La phobie administrative...bigre!  Rien que le mot, ça fout les jetons. Moi je le comprends, Toto...Cette phobie-là, c'est pire que celle des serpents. L'angoisse!!! Heureusement que les médias en rajoutent trois tonnes pour tout bien nous expliquer, des fois qu'on serait bêtes,  qu'il ne le fait pas exprès, que c'est un brave homme atteint d'une pathologie tout ce qu'il y a de plus sérieuse, histoire de nous faire avaler le truc. Une putain de couleuvre grosse comme le bras, que celle de Montpellier, ô bonne mère! à côté, on dirait un spaghetti anorexique. 
Mais au fait,  cet aphorisme, cher à mon aïeule, vous l'avez deviné ? 
Eh oui, évidemment, c'était l'inénarrable "Plus c'est gros, plus ça passe".  Depuis Marie- Antoinette et son fameux "Ils n'ont pas de pain, ils n'ont qu'à manger de la brioche", jusqu'à "la France est en croissance négative",  ma grand mère aurait été d'accord : les glands de ce monde nous prennent vraiment trop pour des cons. 


Allegretto by Wolfgang Amadeus Mozart on Grooveshark

08 septembre 2014

Une belle idée




























Mon ami Eeguab se demandait récemment comment donner une nouvelle vie à des livres qu'il a aimés et qu'il ne veut pas jeter.

J'ai appris que, ça et là, de par le monde,  des petits futés ont transformé en mini-bibliothèques  les anciennes cabines téléphoniques, mises au chômage technique pour cause de téléphone mobile... Quelle belle idée! Quelle belle façon de faire aimer la lecture ! Vous croyez que cela existerait chez nous, en France ? Ou peut-être en Belgique ?


Je rêve de tomber nez à nez avec une de ces poétiques cabines, sorties tout droit d'un album de contes à la Lewis Caroll...

***

...En pleine nature, par exemple, c'est étonnant non ?






















Ou au milieu de la rue, pour une petite halte-lecture entre cousins




















Comme elle est jolie,  celle-ci, avec son petit toit bucolique...


Celle-là colore les murs gris d'une ville pluvieuse…




Et dans une salle d'attente, celle-ci sert-elle à  faire oublier aux patients 
leur mal aux dents ?...




Ici, il doit  faire un peu chaud tout de même, en plein soleil...mais en hiver, quel havre douillet pour attendre le bus !





J'adore celle-là, c'est ma préférée ! Peut-être à cause des dessins naïfs dont elle est ornée...








Quant à celles-ci, elles ont été inventées, paraît-il,  par un architecte New-Yorkais...Un nostalgique des années soixante-dix, sûrement ! J'avais la même dans ma chambre d'ado...





Bref, vous l'aurez compris, j'aime cette idée. Je la trouve jolie.  
J'aime toutes les idées qui font circuler les livres et qui jettent des ponts entre les gens. 
J'aime toutes les idées qui embellissent ce monde soi-disant perdu et cruel. Il reste de belles petites choses à faire pour le repeindre de couleurs vives. Celle de l'espoir, notamment.


Photos prises sur le net
Je me suis fait tout petit by Rodolphe Raffali on Grooveshark




04 septembre 2014

Cartable

Photo du net

























J'ai quitté le ponton, je me suis rhabillée, le dernier voilier s'est éloigné dans le couchant, et l'air a fraîchi.
 Il est temps d'oublier les folies de l'été et de remettre mon paquebot à flot, pour une ultime traversée. Oui, c'est la dernière. Je vais tirer ma révérence, d'autres aventures m'attendent au bout de la route, tout aussi exaltantes, j'en suis certaine. 
Alors bien sûr, pour être à la mode, je pourrais vous dire ce que je pense de la réforme des rythmes...Cette grande cagade organisée, qui n'a pas fini de faire couler de l'encre et de faire vendre des gazettes. 
Je pourrais vous raconter comment les politiques, les syndicats et tous les "acteurs" de la "communauté éducative" se gourent de combat, d'objectifs et de projet à long terme... et ce depuis plus de quarante ans. 
L'éducation des forces vives de la nation, ça se réfléchit, mille sabords! Ça se respecte, ça s'honore. Ça se pense large, en cinémascope et en relief.  Pas de manière étriquée dans des décrets à courte vue, des réformettes d'opérette.
Mais il faudrait dire alors combien les gratte-papier de l'administration principale ignorent les réalités du terrain, en se gavant de grands mots à la con qui ne veulent rien dire... (Ah! Jargonos et ses extensions sémantiques à la mords-moi-l' noeud ! Que n'ai-je un dictaphone sous la main, pour vous faire partager ces délires pégagogos d'un ridicule infini...) et en enfonçant des clous dans la tête des jeunes enseignants, le clou de la résignation, du stress, de la peur de l'échec, de la peur de l'inspection, de la lourdeur administrative. 
Il me faudrait vous dire aussi combien je lis la détresse dans certains regards de parents hagards qui ne savent plus comment gérer leur progéniture et leurs problèmes conjoncturels. Comment certains  sont prisonniers de la compétition, de l'angoisse de la réussite, au point de leur voler leur enfance en les abrutissant d'activités, en les inscrivant à deux ans à l'Université, en leur apprenant le Japonais à trois. Pour ne pas perdre de temps. Pendant que d'autres baissent les bras parce qu'ils pensent qu'ils n'y arriveront jamais, aveuglés par leurs maladies à larges spectres quotidiens : chômage, précarité, crise, stress, insécurité...
Combien enfin cet affreux stress gagne peu à peu l'école, un lieu qui devrait être comme une pouponnière de graines et de pousses fragiles prêtes à s'épanouir...

Alors j'ai préparé mon cartable, comme je le fais depuis le début de ma longue carrière, quand j'avais encore des tresses et mes tâches de rousseur de l'enfance. Dix-neuf ans, j'avais dix-neuf ans, et une immense envie de faire ce métier. Et déjà la rage de me battre contre les préjugés.

Et ce cartable, il est tout léger. Foin des trucs compliqués. Depuis toujours, j'y ai mis, aux premiers jours de septembre,  mon énergie, ma bienveillance ferme, mon exigence douce, mes convictions chevillées au corps. Et surtout, de l'amour. Beaucoup d'amour. Un gros tas d'amour inconditionnel. Et c'est tout. 

Ça ne pèse rien l'amour. Et pourtant, c'est la clé d'airain de ce métier. Et rien, ni les montagnes de l'incompréhension et de la mauvaise foi, ni les plaines arides de la rigueur comptable, ni les paquets de mer de la désillusion, non rien, vraiment, ne lui résiste. C'est à jamais mon armure, ma lance et mon heaume, et les moulins à vent n'auront eu, grâce à lui, qu'à bien se tenir.



The Moon Is a Harsh Mistress by Pat Metheny on Grooveshark