27 mars 2020

Le rose d'une nouvelle aurore




« Je crois en la couleur rose. Je crois que le rire est la meilleure façon de brûler des calories. Je crois aux baisers, beaucoup de baisers. Je crois qu'il faut être forte quand tout semble aller mal. Je crois que les filles joyeuses sont les plus jolies. Je crois que demain est un autre jour et je crois aux miracles. »
Audrey Hepburn



***


Tu es de celles que j'admire profondément. Alors j'aime ce que tu dis là. C'est un rayon de soleil qui me réchauffe et rejaillit sur mon entourage. Merci à Miss Zen de m'avoir offert ces simples mots à haute charge positive.
 Tu avais raison, belle évaporée du Tiffany's. Puisque la vie n'est qu'un immense écran de brouillard. Que chacun y voit ce qu'il peut, ou ce qu'il veut. Que tout n'est qu'illusion en fait, et que rien ne dure. Puisque nous sommes ballotés dans les remous des vents temporels, fragiles comme des moucherons, des grains de blé minuscules. Soumis aux oscillations cosmiques. Aux variations climatiques. A la loi immuable de la Vie.
Alors, pourquoi ne pas croire au bonheur, à la force, au rire, à l'amour ? Et à la couleur rose, celle qui chaque matin, nimbe de splendeur, devant mes yeux éblouis, le vallon qui s'étend devant ma maison... 
Je suis une fille joyeuse, je n’y peux rien...

J'aime ce que je lis chez beaucoup d'entre vous en cette période exceptionnelle. On y parle de chance, de petits bonheurs, de nature, de printemps, d'espoir, de joie.
C'est vous qui avez raison, j'en suis intimement convaincue. Vous puisez votre énergie dans de petits riens qui sont tout.
On y voit des gens faire de chaque difficulté une opportunité. Des parents heureux de vivre avec leurs enfants, sans horaires, sans bousculade. Des gens qui découvrent que le temps est élastique. Mille idées jaillissent, en un partage sans fin, une chaîne d'amitié, des élans d'entraide et de solidarité. Beaucoup d'humour aussi. Et c'est bien. 

Le monde est à marée basse. L'immonde bestiole fait son boulot de virus. Comme tous les virus. Celui-là bloque notre respiration. C'est pour que nous comprenions que l'humanité est en train de bouffer son propre oxygène. De s'asphyxier. De scier la fameuse branche dont parlent les vieux chefs indiens depuis des lustres. Et les scientifiques. Que l'on écoute enfin... J'espère que ceux-ci seront aussi bien suivis, demain, quand il parleront de climat et de biodiversité...

C'est une pandémie symbolique. Une apnée à point nommé, mondiale, où chacun doit reprendre son souffle, et s'examiner la conscience au laser. Un mascaret violent qui remonte le courant de nos mauvaises habitudes, nos rivières d'argent sale, nous couloirs aériens, et nous contraint à lutter contre nous-mêmes. Un alignement nouveau de planètes, une syzygie inédite et bénéfique à la fois.

Il nous faut d'urgence cesser les va-et-vient, les agitations, les vanités, les inconséquences, les gaspillages. Cesser de lâcher la proie pour l'ombre. Cesser de courir après on ne sait même plus quoi. Remettre en cause nos formatages, nos formations, nos conformités, nos difformités.

Une plage immense s'étend devant nous. Immaculée. Vierge. Le changement de paradigme. Beaucoup ne comprendront pas la leçon. Elle se représentera à nous. Plus impérieuse, plus cruciale, plus meurtrière que celle-ci.
Jusqu'à ce qu'enfin, les hommes sortent de leur adolescence capricieuse et immature, de leurs névroses ravageuses et se décident à profiter de cette simple merveille : être vivant. 
Comme Audrey, je préfère croire aux miracles. Demain est un autre jour.










Pour les Plumes d'Asphodèle chez Emilie, il fallait placer les mots suivants:

HORAIRE VARIATION REMOUS HAUTE LUNE OSCILLATION VA-ET-VIENT
VENT MASCARET PLAGE BROUILLARD GRAIN SYZYGIE BASSE





21 mars 2020

Anne ma soeur Anne






Anne, ma chère Anne,
Tu sais, je pense souvent à toi, ces temps-ci. Toi qui as vécu un confinement absolu, durant deux ans, deux longues années claquemurée dans une cachette exiguë, sans confort, sans ordinateur, sans musique. Dans la promiscuité pas toujours facile de sept personnes... Confinée, non pour te protéger d’un microbe, mais de la haine et de la folie humaines…Avec la peur, la terreur quotidienne nouée à l’estomac.
Je pense à toi, qui n’a jamais perdu ta joie d’enfant, d'adolescente, trouvant dans chaque parcelle de vie un signe d'espoir, te confiant à ton journal comme pour y trouver la sécurité de bras aimants. Faisant des vœux pour que ton petit crayon à mine de plomb ne s’use pas trop vite…et tremblant à chaque bruit suspect. Pendant deux ans, et pour finir si tragiquement...
Je te dédie mon texte aujourd’hui.








Des bruissements d’insectes visitent les talus. A la fenêtre ouverte sur le monde, mes pensées respirent la lumière du petit matin, dont la poitrine bat plus fort. C’est la saison où les fleurs allument des poèmes dans chaque taillis. L’azur étend ses nuages blancs comme on étend du linge. Avec un parfum de frais, de neuf.
Les bourgeons, serrés dans leurs gangues vernies depuis l’automne, explosent à petit bruit.
La campagne est un jardin, un murmure d’eau, un immense nichoir empli de chants d’oiseaux. La vie ruisselle comme une averse de soleil. La vie répand son onde de créativité. Elle invente des cabanes, des huttes, des terriers, des nids douillets. Le coucou fait son kot dans celui des autres, rien ne change de l’immuable ligne naturelle qui célèbre l’éternel retour des saisons.
Et là, au milieu de ces mille verts, du tendre au soutenu, je respire fort. Au profond de l’air. Sans courir. Sans me presser. Juste en cueillant une brindille d’espoir dans cet instant magique.
Rien ne courbe le cou des arbres. Rien n’alourdit les pierres. Les chevaux brillent, protégés par leurs robes soyeuses. L’âme vraie discerne le bon grain, même quand le blé est en herbe. Elle n’a rien d’un métronome, d’un pâle sentiment, d’une pendule trop bien réglée. L’âme vraie accueille l’instant, et se débarrasse des miasmes factices, illusoires. Elle sait que le ruisseau est ourlé de patience originelle.
La carcasse d’un vieux prunier que l’on croyait mort resplendit d’une ultime et rayonnante floraison.
Les pigeons se cocoonent, se lovent,  dans leur danse de blanches parures.

Les cœurs menottés retrouveront-ils un jour cette sublime évidence d’un matin de mars sur la terre ? Verront-ils les diamants qui brillent dans chaque pierre du chemin ?
Entendront-ils, enfin...


***

Pour les Plumes d'Asphodèle chez Emilie.
Il fallait utiliser les mots suivants :
CRÉATIVITÉ – JARDIN – PROTÉGER – SÉCURITÉ – COURIR – PENSÉE – CLAQUEMURER – NICHOIR – COCOONER – CABANE – BRAS – BON – KOT (merci à Adrienne de m'avoir appris ce mot)–

16 mars 2020

Confinement



Je suis là, assise à côté de lui. Un doux rayon de printemps effleure ma peau à travers le velours trop chaud de ma robe. On ne dit rien. On est bien. Jusqu'à quand ? Hier encore, je brassais par bouquets les fleurs de vivre. Mais la douche nous a surpris. Une averse acide. Enorme. Inimaginable. Un nuage noir d'encre qui se déplace à la vitesse de la peur.  J'ai fini par me ranger à la raison, un peu hagarde. J'ai écouté. J'ai réfléchi. Beaucoup. Longtemps. 
Les temps sont étrangement neufs, et pourtant résonnent de douloureux vieux échos.
Comme si l'Histoire se repassait régulièrement de vieux films d'épouvante, tel un gosse qui aime se faire peur. Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Inch'Allah.
Je regarde la mer. La source de vie. Je contemple cette éternelle beauté dont jamais l'on ne se lasse, lui comme moi. Les traits furtifs des oiseaux rayant l'air. L'herbe ondulante et les arbres noueux.
Demain, il nous faudra rester là-haut, dans la maison de la colline. Oublier nos habitudes, nos plaisirs futiles, un verre sur une terrasse, une toile, une expo. Mais qu'importe ! On sera bien. On retrouvera l'essentiel. On respirera en croisant les doigts pour tous ceux que l'on aime et qu'on ne va plus voir. On se dira qu'il ne sert à rien de lutter contre l'inéluctable. On fera des voeux pour que la menace s'éloigne. On pensera à ceux qui ont mal, qui ont peur. Aux héros qui travaillent dans l'ombre. On oubliera les mots toxiques, les gens inconséquents, les mauvais augures.
Les écureuils viendront danser leur sarabande dans les mangeoires des mésanges. On écoutera pousser les fleurs. On mangera ce qui restera, et on boira l'eau de la source.
En sachant déjà que dans les temps qui se profilent, il nous faudra réinventer un autre monde. Oublier tout ce que l'on croyait immuable et se jeter dans le renouveau. Simple. Dépouillé. Rafraîchi. Plein de nouvelles promesses. D'habitudes inédites.
- Tu as bien fait de supprimer ton billet sur le chaos, me dit-il. Il sentait le moisi de l'ancien monde.
- Ah oui, je crois...Cela m'a semblé plus sage en effet, au regard de la gravité des choses.
- J'en suis certain. Regarde. Il n'est pas de chaos. Juste l'histoire des hommes qui amorce un fabuleux looping sur l'aile du temps. Wait, and see. Attendons sagement. Confinés, mais pas cons, in fine.
***




Pour l'Atelier du Goût, que je remercie pour cette image très belle et inspirante.

09 mars 2020

Oui, mais...


Je me souviens de ce film où Jugnot jouait un psychothérapeute jovial faisant remarquer avec justesse combien certaines personnes négatives commencent systématiquement leur réponse par « oui mais » dès qu'on essaie de leur proposer un bout de solution à leurs problèmes. S'ensuit toujours un flot de bonnes excuses et de cramponnements à des bénéfices secondaires pour ne pas bouger un auriculaire à améliorer leur situation, dont ils se plaignent pourtant avec application.
En clair, ils veulent bien, soi-disant, oui mais...ils ne peuvent pas.
Certes, ce film n'était pas un traité de psychologie, juste une comédie tendre et amère sur certaines incommunicabilités, certains blocages, certaines impasses ou difficultés de la vie, et leur possible résolution. 
Cependant, il donnait une vision assez juste de ce comportement étrange et pourtant répandu : on s'emporte contre sa vie, on peste, on râle, « oui mais » on ne fait rien pour la changer. On se laisse submerger au lieu de se battre, on reproduit inlassablement les mêmes schémas, les mêmes erreurs, on baisse les bras au lieu de relever le front. 
La vie m'a appris que les « oui mais » sont souvent des compromissions, des frilosités qui ne donnent rien de bon au final. Qui paralysent et empêchent d'agir.
Peut-être ai-je été élevée dans le principe (qui pourra paraître maladroit, vieillot, exagéré ou un peu magique) que « quand on veut, on peut » ? 
A moins que cette volonté d'acier, cette rage de vaincre qui m'anime, de vaincre mes faiblesses et les peurs ne vienne justement d'un désir farouche d'échapper à mes conditionnements ?
Je ne sais pas. On ne sait jamais vraiment quand on touche au subtil. Mais je rends grâce à mon éducation et à mon chemin de vie d'avoir « forgé mon âme plutôt que de l'avoir meublée » comme disait Montaigne.
Toujours est-il que ces pensées tournoient dans ma tête depuis quelques temps. Je ne puis m'empêcher de repenser à ma vie d'enseignante, d'éducatrice et de mère, certes pas infaillible, mais animée de valeurs et de sains questionnements,  quand je vois de plus en plus d'enfants tyranniques, irascibles et névrosés par un mal à la mode  « l'intolérance à la frustration ». Des parents croyant en toute bonne foi que leur rôle est de faire plaisir à leurs enfants. Des enfants à qui l'on cède tout, calcinés par l'angoisse que leur procure ce « no limit » permanent, et qui n'apprennent pas, de ce fait, à cultiver leur trésor intérieur. 
Or c'est ce trésor intérieur qui permet, plus tard, de se sortir des plus épineuses circonstances de la vie. D'allumer la petite incandescence du coeur, qui fait de l'adulte le créateur, conscient et responsable, de ses rêves d'enfant. 
C'est ce feu qui permet de se préparer à affronter n'importe quel lendemain, qu'il chante ou non. Et de dire oui à la Vie. 
Un oui beau et franc, inconditionnel comme l'amour devrait toujours l'être.



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Pour l'atelier de Lakévio chez le Goût.
A mon amie Den, qui se bat comme une lionne.
A vous tous, mes amis, qui savez cultiver votre trésor intérieur.