25 août 2019

Et j'ai choisi de vivre








« Les vivants ferment les yeux des morts, 
les morts ouvrent les yeux des vivants... »

Proverbe très vrai























J'ai donné à ce billet le titre d'un film de Nans Thomassey, sorti il y a deux mois, par un hasard absolument incroyable, et qui parle de la perte d'un enfant. Et surtout de la reconstruction possible après cette perte. Une somme d'émotions, de pistes de réflexions, de rencontres comme autant de petites étincelles pour ceux qui traversent, de près ou de loin, cette cataracte, ce séisme,  cette onde de choc sans nom, et qui veulent continuer à vivre.

***




Choisir de vivre. Cela peut sembler évident. Pourtant, au coeur d'une terrible tempête, la tentation est grande pour celui ou celle qui la vivent de plein fouet, de lâcher et de se laisser sombrer pour ne plus souffrir. 
Les autres alors, l'équipage, les moussaillons, sont là pour garder un oeil sur la bouée, contrôler l'accès au bastingage. Et redonner des forces à leur proche en perdition. Le serrer dans ses bras pour qu'il ne se jette pas à l'eau.
C'est ce que nous nous efforçons de faire depuis un mois avec la maman du petit prince. Doucement. Sans brûler les nécessaires étapes.
Aujourd'hui, j'ai envie de dire ici ce que je ne puis exprimer ailleurs. La singularité de ma situation vient sans doute de la collision subite entre l'amour et la mort, les deux ingrédients de base de la vie. 
Comment expliquer qu'il y a peu encore,  je n'étais rien pour cette famille percutée par le drame à la vitesse d'un astéroïde, puisque que je n'existais pas pour elle, pas plus qu'elle n'existait pour moi, et que, par la magie de la rencontre et de l'amour, elle soit devenue soudain si importante pour moi, sans qu'aucun géographe, ni aucun businessman ne soit venu parapher aucun papier officiel... Juste par la subtile équation qui rend les êtres perméables l'un à l'autre, jusqu'aux atomes...et qui fait endosser à l'un l'habit de l'autre même s'il est rugueux et pique aux entournures.
Cela entraîne au fond de moi un conflit difficile à gérer, fait d'émotions contradictoires. La peine, le chagrin que je ressens comme bien réels, et dans le même temps, une formidable volonté d'aller de l'avant, de dispenser de la joie, oh, non pas des éclats de rire, non. Plutôt des éclats de lumière. Des gouttes d'espoir. Des fragments d'étoiles. 
L'envie d'agir, de ne pas rester collée sur un banc à la glu du désespoir. L'envie de comprendre ce que chaque départ d'un proche nous enseigne sur nous-mêmes. Parce que les morts nous ouvrent les yeux, et veillent sur nous de façon mystérieuse.
Comme le fait mon père.
Je cultive ma joie, ma chance, ma gratitude, parce que je sors de mes propres épreuves, et que je n'ai pas envie de me laisser grignoter à nouveau par les larmes, et l'abattement. J'ai mis tant de temps, depuis  la mort de mon père, à reconquérir cette joie, ce goût profond de la vie et du bonheur que je sens sourdre doucement dans mes veines. Ce n'est pas une posture. Ni une marque d'insensibilité. C'est au contraire une aptitude à la résilience dont je suis fière, qui contrebalance les plaies et égratignures perpétuelles de la peau d'une écorchée vive qui a appris à se connaître.
Ce film fait beaucoup de bien. Il apporte, tout en pudeur et en subtilité, des réponses aux questions qui taraudent tous les êtres humains, (et toutes mes nuits depuis un mois) à propos de la mort et du rapport que l'on entretient avec Elle. Il a apaisé cette route sinueuse qui me donne parfois un peu le vertige: celle de concilier mes peurs et mes certitudes, mes doutes et mes envies, sans paraître pour cela égoïste ou méchante. 
Ce qui est certain, c'est que cheminer en étant épaulée me permet de puiser la force de m'affirmer comme je suis et d'épauler mon Autre en retour : je suis celle qui aime aimer, apporter du réconfort, du soutien, semer des fleurs sur le bitume ardu, et de la chaleur dans les couloirs sombres. Celle qui préfère boire au verre à-demi plein. Celle qui écoute sans juger, et qui secoue la poussière des habitudes et des conditionnements.

Je suis sûre que ce doit être un peu mon karma, d'éclairer les lampes et d'allumer le feu.
J'ai choisi de vivre, et la mort ne me fait plus peur. J'ai la sagesse des fous et des enfants, ceux qui savent que la graine l'arbre et le fruit pourrissant ne sont que les belles étapes d'un cycle éternel. 







Allez le voir.
Vous comprendrez pourquoi personne au monde ne pourra jamais donner les graines de moutarde que Bouddha a réclamées...


•.¸¸.•*`*•.¸¸





12 août 2019

Il faut savoir







Il faut parfois s'éloigner de l'arbre 
pour en voir la beauté immense
 Et sa ramure agitant au vent, 
ses bois, comme mains de géant. 
Il faut parfois plisser les yeux 
Pour mieux voir les gouttes de pluie
 Bourdonner sur le chaud velours 
Des prés bleus noyés de soleil

Il faut parfois savoir se taire 
pour mieux s'emplir et s'enivrer 
De la musique des saisons
Il faut parfois un peu attendre 
sur le bord poudreux du chemin
avant de reprendre la route 
qui déroulait son long brouillard 
pour égarer nos pas fourbus.

Quitter la rosée du matin
Pour mieux y revenir demain
Et puis laisser le creux du lit, vide de soi,
Encore chaud du corps de la veille
Pour retrouver les mains aimées 
et la suave brûlure du temps

Il me faut savoir te quitter 
Pour mieux te revenir ensuite
Dormir dans le lit du hasard
Quelques nuits volées à la lune
Avant de retrouver tes bras, 
Avec au coeur l'intacte joie
D'un premier tour de carousel. 

❤️



05 août 2019

Comme les étoiles


Les amis sont comme les étoiles.
Même quand on ne les voit pas, ils sont là.










Ce soir, contemplant un ciel superbe étinceler au-dessus des rocs, je pense à vous. 
Mes amis.
Vous étiez là. 
Oui, tous, à poser vos pas avec moi dans le sable gris entre les tombes, sous un soleil plombant, à écouter tomber les larmes dans le berceau des grandes voûtes, et vibrer la musique qu'aimait le petit ange, à partager l'extrême émotion de voir chanceler une mère épuisée de douleur, légère comme un fétu de blé dans sa robe rouge sang.
Une image qui m'a marquée infiniment.
Vous étiez tous là, même si je ne vous appelle plus, même si je ne vous écris plus, ne vous lis plus et vous réponds avec des plombes de retard...même si j'ai délaissé ce blog pour tenir ferme, entre mes mains émues,  les lianes qui me relient à cette peine, pour raccrocher de la lumière à l'obscure amertume, pour aider celui que j'aime à passer le mieux possible ce cap Horn inimaginable.
J'ai senti votre présence dans vos mots, vos innombrables mots, par tous les moyens dont on dispose aujourd'hui pour communiquer. 
Vous étiez là aussi quand j'ai craqué, subissant l'inévitable contrecoup de la tempête. C'est que vous nous connaissez si bien, moi et mon empathie...
Je ne sais plus ce que vous devenez, mais sachez-le : vous me manquez. Vos sourires, vos anecdotes, vos élans, vos emballements, tout me manque. Ecrire me manque.
Alors merci à tous ceux qui ont témoigné que non, les mots ne sont pas inutiles, ni dérisoires, malgré ce que l'on dit toujours dans ces cas-là. Les mots sont le ferment de l'espoir, le substrat sur lequel pousse l'amour du monde, et le signe distinctif de notre belle humanité. Ne les boudons pas.
Certains de ces mots ont transcendé la cérémonie en instillant de la philosophie, de la sagesse, et même de la joie au coeur du chagrin. C'était beau et très émouvant.
Ce sont les mots encore qui aideront ces parents dévastés à reconstruire peu à peu leur vie, sans jamais oublier cette déchirure, mais en apprivoisant tant bien que mal la souffrance. Parce que la vie est là. Triomphante à l'instant présent, vibrante dans chaque grain de poussière, malgré ce mystère irrésolu de la mort qui rôde sans logique ni pitié.

Et une petite étoile bleue m'a fait un clin d'oeil, juste là, devant mes yeux émerveillés.

A bientôt

•.¸¸.•*`*•.¸¸