25 mai 2023

Doucement







Au bord de cet après-midi angevin, installée à l'ombre sur la terrasse en bois, je regarde passer les nuages comme on laisse filer les pensées importunes. En goûtant pleinement l'instant de ce soleil généreux qui vient caresser les agapanthes et les mufliers à grandes fleurs. En regardant attendrie mon fils planter ses tomates, comme le faisait mon père. Avec concentration, avec minutie. 
Mon fils, distingues-tu comme moi clairement le fil de la transmission, de la filiation ? Le vois-tu scintiller tel un pointillé d'or de lui à moi, et de moi à toi. Je me sens fière d'avoir été une pile de ce pont temporel, solide dans les tempêtes.
C'est le même fil que je vois dans ta façon d'élever tes filles. Tu es comme un miroir de ma propre histoire, de mes étonnements devant la mise au monde, de mon rapport à la vie. 
C'est étonnant comme les hommes importants de ma vie se ressemblent, dans leur démarche tranquille, leurs épaules larges, leur force silencieuse. Leur détermination. Leurs belles fragilités d'hommes, aussi. Mon père, mes frères, mes fils, mon amoureux.
Les filles sont à l'école, c'est l'heure douce où le temps semble s'arrêter. Un agréable éloge de la lenteur.
Le nouveau bébé a cette tranquillité des derniers nés : il inspire une légèreté profonde,  engendrée par l'expérience. Loin de ce surinvestissement affectif des parents découvrant tout, et un peu égarés comme on peut l'être au premier enfant. 
La musique du silence m'emplit. J'aime ces sons simples qui se répondent, le gravier qui crisse, l'arrosoir qui jaillit, le vent qui bruit. Les outils qui disent la terre. Et mon coeur qui bat. Doucement.

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16 mai 2023

La beauté insoupçonnée de l'homme





Dis-moi poète ce que tu fais
-Je célèbre !
Mais le mortel, le monstrueux, comment les accueilles-tu ?
-Je célèbre !
Rainer Maria Rilke


« Sous l'enveloppe terne et rugueuse d'un kiwi se cache un trésor de beauté.
Ainsi en est-il de chaque être. »


Extraits du film « La Beauté insoupçonnée de l'homme »

***


Comparer l'homme à un kiwi, c'est assez inédit... et gonflé ! Mais j'aime ce genre d'audace poétique.
C'est pourquoi je savais que j'aimerais ce film. Sur le papier, la présentation parlait de beauté universelle, d'harmonie, d'art, d'émerveillement, de regard ébloui sur l'immensité comme sur le presque rien.
Cela se passait l'autre soir à la Fontaine d'Ananda. Un de ces lieux intelligents où vous aimez vous retrouver pour vous agrandir l'âme. Un lieu de musique, d'art, de pensée, bref de liberté.
La réalisatrice était là, humblement assise parmi les spectateurs. Une extraordinaire vieille dame au regard bleu, à la belle chevelure de neige éparse sur ses épaules, à la voix de jeune fille. 
Elle s'appelle Brigitte Sénéca.
Depuis très longtemps, depuis la tendre enfance selon elle, elle place la beauté au coeur de son existence, tel un balancier de funambule. Pour garder son équilibre, et son immense joie de vivre malgré les inévitables épreuves dont toute vie est émaillée.
Depuis très longtemps, elle peint, elle médite, elle écrit, elle crée, elle enseigne, elle transmet cette culture du vivant, elle est une passeuse de vie, une étoile posée sur nos chemins hasardeux.




Il faut la voir s'émerveiller devant la splendide ordonnance d'une pomme, ou d'une plume d'oiseau. Trouver du beau dans un mur lézardé ou un fruit moisi. 
Mais c'est dans le mystère insondable de l'âme humaine qu'elle cherche le plus inlassablement la beauté. Celle que nous possédons tous. Celle que certains s'obstinent à cacher, ou à oublier, afin de justifier les pires turpitudes. Celle qui apaise l'esprit. Celle qui élève le coeur.
Elle cultive aussi longuement le silence intérieur dans lequel elle puise une richesse infinie. Elle a fréquenté les Derviches, et leurs enseignements mystiques, leurs âmes qui se connectent et se comprennent sans une parole.
Elle dit qu'elle ne sait rien, mais la sagesse perle dans ses mots.
Je ne peux que vous conseiller de la découvrir, de l'écouter, de la lire. D'aller voir le film si votre ville le propose. Ou de lui demander de venir le présenter. C'est une personne qui vous veut du bien. Et dont les mots vous feront du bien.
Tout le contraire d'un gourou.
Juste une belle d'âme.

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Pour organiser une rencontre, et contacter Brigitte
03 85 37 78 80

09 mai 2023

Thaïs

 



Je m'appelle Thaïs. Un prénom de reine égyptienne. Pour l'instant, ce que fut la vie de cette illustre et antique homonyme ne m'intéresse pas trop. 
J'ai ouvert les yeux sur ce monde que l'on dit cruel, fou, incertain, détraqué. Moi j'ai trouvé que c'était plutôt joli et rassurant, le sourire de ma maman, toute blonde et radieuse. Mon papa, lui, semblait aux anges, d'accueillir une troisième petite princesse dans ses grands bras costauds. Vous imaginez ? Il restera pour un bon moment le seul homme de la maison, et je vois bien que cela le réjouit secrètement.
Plus tard, il sera bien temps de faire entrer dans le cercle les petits copains venus roucouler devant la maison, juchés sur leurs scooters...ou ce qui les aura remplacés dans quinze ans.

Mais qui est cette grande rousse au regard rêveur ? Célestine ? Ah, c'est ma grand-mère, vous dites... Les grands-mères ne sont donc plus de très vieilles dames aux cheveux de neige remontés en chignon ? Cette mamie-là me semble cultiver de petits grains de fantaisie et de poésie. C'est chouette. On dirait aussi qu'elle danse sur un fil, depuis une semaine, tout en disant partout que je suis un amour de bébé..
 Oui, une semaine, c'est mon âge...Je suis un petit brin de muguet, tout doux et parfumé. 
Que vous dire de plus ? Que mes grandes soeurs, Sibylle et Alba, ont pour moi de beaux gestes tendres, comme de délicieuses petites mamans ? Qu'elles rêvent déjà aux jeux et aux pitreries que nous allons partager toutes les trois. Qu'un nouveau petit bonheur entre à flots dans notre famille comme un grand souffle d'air frais, celui qui soulève délicatement les rideaux de coton blanc, une après-midi de printemps... 
Et que tout cela, c'est tout simplement magique.