30 mai 2010

Etre mère

Depuis la nuit des temps, on dit, on chante, on chuchote, on raconte, on écrit le bonheur, la douceur d'être mère. Oh oui, qu'il est doux de sentir la vie en soi,et qu'il est heureux de contempler l'œuvre de sa propre vie, de suivre pas à pas ces petits êtres frêles et de les voir s'accomplir, devenir grands et forts ! La fierté d'une mère rosit ses joues bien mieux qu'un blush.
Mais lorsqu'on entre en maternité, comme on entre dans les ordres, qui nous prévient du tour que vont  nous jouer notre cœur et notre raison? Qui nous raconte ce qu'une mère endure dès le premier cri du nourrisson, dès même la rencontre triomphante ou hasardeuse du spermatozoïde avec l'ovule? 
Qui nous met en garde contre ce sentiment dévorant, insidieux, rongeant, obsédant, et qui s'appelle la CULPABILITE ?

Non, personne ne peut nous dire à l'avance combien être mère, c'est se sentir coupable, quoi que l'on fasse. Coupable de ne savoir répondre à cette simple mais irréfragable question: "Suis-je une bonne mère?" Ah Saint Freud, Saint Lacan, Sainte Françoise Dolto, Saint Jacques Salomé, venez à mon secours! Suis-je une bonne mère?
Suis-je une bonne mère justement parce que je me sens coupable?
Coupable, oui, d'avoir des enfants alors que certaines n'ont pas eu cette chance, coupable d'avoir des enfants en bonne santé alors que certains se débattent contre la maladie, pauvres anges blessés. Coupable d'avoir de beaux enfants, alors que certains sont difformes ou franchement laids. Coupable d'être fière de leur intelligence, alors que d'autres semblent avoir été oubliés à la distribution de neurones.
On les couve, on les protège et nous voilà coupables de les étouffer.
On les engage à se débrouiller seuls, on les responsabilise, et aussitôt on se dit qu'on les délaisse, qu'on les néglige...et ça nous ronge.
On s'accorde un moment de tranquillité, on relâche un peu la pression, on s'abandonne au plaisir d'être simplement une femme, et soudain, on s'aperçoit qu'on a oublié Jules au judo et le biberon de Marie dans le micro ondes! Culpabilité maximum!
C'est ma faute s'il s'est enrhumé, c'est ma faute s'il a raté son match, s'il s'est trompé en jouant sa partition, si elle a arrêté la danse, si elle n'aime pas les salsifis...Mea culpa, mea maxima culpa!
Rien ne s'arrange lorsqu'ils grandissent, et que les voilà devant des choix de vie.
On les conseille, on les pousse dans une voie: nous voilà coupables de les influencer, de ne pas leur laisser leur libre-arbitre. Et si ce n'était pas la bonne voie?
Alors on ne dit rien, on les laisse choisir, et la petite voix revient à la charge: " Et s'ils n'arrivaient pas à se décider? S'ils nous reprochaient plus tard de ne pas les avoir guidés?..."
C'est bien simple: être mère, c'est se sentir coupable tout le temps, toujours vaguement coupable même de n'avoir rien fait, et le pire, ce sont les  (rares) moments où l'on essaie de se raisonner, de s'évader de cette culpabilité et de penser enfin un peu à soi. Alors, il arrive , oui je sais, cela peut sembler tordu, que l'on culpabilise de ne pas se sentir coupable...
Enfin, bonne fête quand même à toutes les mères, et à notre mère à toutes, Eve...

29 mai 2010

Tempête dans un verre d'eau

"-Bonjour, dit le petit Prince.
- Bonjour dit le marchand."
C'était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale une par semaine et l'on n'éprouve plus le besoin de boire.
"-Pourquoi vends-tu ça ? dit le Petit Prince.
- C'est une grosse économie de temps, dit le marchand. Les experts ont fait des calculs. On épargne cinquante-trois minutes par semaine.
- Et que fait on des cinquante trois minutes ?
- On en fait ce qu'on veut...
- Moi, dit le petit Prince, si j'avais cinquante trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine..."


Nous voilà assis à la terrasse d'un café, lui et moi, et quelques amis, goûtant le fin bonheur de sentir la caresse du soleil sur nos joues, une brise de printemps à l'haleine tiède soulève doucement mes cheveux. Un moment d'harmonie pure. Nous sirotons nos verres, insouciants. Quand soudain, il demande innocemment un verre d'eau pour allonger son Orangina qu'il trouve toujours un peu trop sucré. 
Stupeur, la serveuse refuse.
D'abord, je crois , je pense, je suppute qu'elle plaisante, je scrute sur son visage le petit tremblement de la lèvre supérieure censé m'indiquer qu'elle va se mettre à sourire. On la connaît bien, ce n'est pas la première fois que l'on s'installe ici, sur ces fauteuils de teck de bon goût,  sous les toiles écrues de cette terrasse branchée.
Elle est mignonne, elle rigole tout le temps avec les clients. 
Là, non.
Je tripote fébrilement mon aïe faune à la recherche de l'article faisant valoir nos droits au verre d'eau gratuit, on est en France , quand même! mais elle reste intraitable. Son patron lui a interdit de délivrer l'eau du robinet, même aux clients qui consomment des boissons payantes. Nous la  conspuons, nous la honnissons , nous la vilipendons consciencieusement, jurant de ne plus remettre les pieds dans cet établissement trahissant les règles les plus élémentaires du commerce, et de la tradition d'accueil séculaire qui fait la spécificité de notre beau pays,  et nous sortons, drapés dans notre dignité offusquée.
Vingt quatre heures après, je ne m'en suis pas encore tout à  fait remise.
Déjà, certains restaurants facturent le pain, maintenant l'eau,  à ce rythme dans les six mois il faut s'attendre  à payer l'air qu'on respire .
Je crois que ce que l'on n'a pas avalé, en fait, c'est de se faire traiter comme de vulgaires touristes...

 photo wikipedia


23 mai 2010

Atterrissage




Avez-vous déjà eu cette impression bizarre que vous êtes toujours dans un lieu que vous avez pourtant quitté la veille? J'ai l'impression d'être toujours là haut, au coeur de la montagne, où j'ai emmené mes élèves découvrir  les étoiles. Une semaine entre ciel et terre, classe "astronomie et environnement". 
Question gestion du temps, une vraie folie. Pas une minute à moi, ou presque. Des nuits écourtées. Du stress. Mais un vrai bonheur.  Mais des tonnes de souvenirs et d'expériences pour mes petits astrognomes...
Des repas délicieux et conviviaux, de longues promenades dans un cadre splendide et préservé, une flânerie historique d'un haut niveau à la découverte de l'histoire du village, des veillées à thèmes. Et surtout un fil rouge scientifique mené avec maestria par des astrophysiciens diplômés d'état. Inutile de leur en conter, ils vous démontent en moins de deux les idées reçues, les fausses certitudes des astrologues (les escrologues comme ils les appellent) et expliquent avec des maquettes et des démonstrations très visuelles des mots et des notions pourtant terriblement compliqués... Un soleil gonflable, par exemple,  grand comme un ballon de kin ball, à côté duquel la terre est représentée par une bille. Un petit bonhomme posé sur une terre en plastique qui lève le bras vers l'étoile polaire..., et nous apprend pourquoi les saisons, pourquoi le jour, pourquoi la nuit. Et surtout un planétarium,  fabuleux parapluie géant sous lequel entrent à l'aise une quinzaine de personnes, plongées dans le noir total  à peine troublé par l'obscure clarté des constellations. Des plus célèbres, comme la grande Ourse, aux plus confidentielles, comme Céphée ou le Bouvier.


Alors oui, l'atterrissage, le retour au quotidien a été rude. Il m'a fallu un sas de décompression aujourd'hui, et je suis allée poser comme des pétales de roses, comme des cailloux de petit Poucet,  des commentaires ça et là. Histoire de dire:"eh, psstt, je suis de retour..."
Oui, je suis revenue, mais des noms mythiques dansent devant mes yeux , Aldebarran, Bételgeuse, Véga, Orion, comme devant les yeux des enfants émerveillés par les séances sous le planétarium.
De plus l'été est arrivé subitement pendant la semaine, où l'on est parti avec des pulls de laine et revenu en tenue légère. De quoi être déphasée! J'ai défait ma valise , retrouvant émue les traces de ce séjour hors du temps. Une pomme de pin, une carte du ciel, un fossile d'ammonite, un pétale d'orchis pourpre , la célèbre fleur interdite de cueillette. Près de quatre cents photos disséminées sur mon  blog de classe , des messages de sollicitude, de remerciements de la part des parents.
Une somme de travail considérable ,mais le jeu en vaut toujours la chandelle, car les enfants sortent grandis à tout jamais d'une telle aventure.Et quelque part, les maîtresses d'école aussi.

17 mai 2010

Chut!

Chut! Ne le dites pas...Je suis partie.J'ai rendez-vous avec les étoiles...






A très bientôt, je vous raconterai.

16 mai 2010

Cette part de moi



Cette part de moi qui surgit souvent,
au détour d'un pleur, ou bien d'un fou-rire,
dois-je l'effacer?
Cette part de moi refusant toujours de se lamenter, de se résigner et de se résoudre, 
toujours et encore
dois-je y renoncer?
Ce morceau de moi qui ne grandit pas, qui plaque ses mains pour fermer ses yeux
sur le monde dur et sur ses blessures,
mais ouvre toujours de grands yeux surpris sur le monde doux ou étourdissant ,
ce petit tendron, cette jouvencelle tapie dans mon cœur,  
dois-je l'étrangler?
Ces gouttes de moi  qui tombent en pluie 
sur le tapis bleu de mes rêves fous, 
dois-je les sécher?
Ces rayons de moi éclairant  les gens comme un soleil franc après les orages,
faisant tout reluire d'un éclat nouveau, 
dois-je les voiler?
Dois-je les éteindre?
Cette part de moi qui porte des nattes et saute en poussant du bout de son pied
un galet tout rond, un galet tout blanc 
jouant à  la vie comme à la marelle,
et  à cloche pied, et  à cloche-coeur ,  entre terre et ciel, 
dois-je la brimer? 
lui dire de s'asseoir? 
Ou la ficeler?
Cette part de moi qui chante à tue-tête, en suivant le cours d'un petit ruisseau moussant de soleil, Fifi Brindacier,  Zazie dans l'métro, gamine effrontée, sale petite peste,
dois-je la faire taire?
Lui couper la langue? 
La mettre au placard?
Ce grand pan de moi,  ce grand pan naïf, qui croit au Bonheur, qui croit à l'Amour,  
et à la tendresse infinie du monde,
dois-je l'étouffer?
dois-
je 
le 
tuer?



"Finalement, finalement, il nous fallut bien du talent
pour être vieux sans être adultes."
Jacques Brel



14 mai 2010

Un sacré bonhomme

Il y a quelqu'un dans la blogosphère qui ne va peut-être pas aimer que je parle de lui. Parce qu'il est modeste. Je le vois d'ici rougir sous sa barbe blanche.Mais il y a longtemps que je veux lui dédier un petit billet, car c'est quelqu'un de bien.Un sacré bonhomme.
Son blog prend au fil du temps  des allures d'encyclopédie, les animaux, les plantes, les personnages célèbres, les fables de La Fontaine s'y côtoient , au long d'articles très documentés,  détaillés et jamais  dépourvus d'une petite pointe d'humour.Tout l'intéresse: cinéma,  chanson,  architecture,   politique,  poésie, sport, histoire, géographie,syndicalisme, botanique...
Impossible de tout lire! Ce blog, c'est une jungle, une forêt tropicale, une tour de Babel!
Il a été ouvrier, il connaît la dure loi du travail, des patrons, des syndicats, il sait de quoi il parle quand il décrit la difficulté d'être un petit, un obscur, un de la France d'en bas, celle qui se lève tôt.
Il est né bien avant la plupart d'entre nous, il a connu les grandes heures de mai 68, l'union de la Gauche, l'espoir des masses. Il lutte au quotidien contre les méfaits du capitalisme, l'effondrement du tissu social, la fonte progressive des acquis pour lesquels il s'est battu dans sa jeunesse. 
Alors, il pousse des coups de gueule francs et salutaires, sans mâcher ses mots, sans langue de bois.
Il vit sa vie trankilou dans son appart avec vue imprenable sur Grenoble, entouré de sa femme, sa petite famille revenant de temps en temps troubler leur quiétude,  pour sa plus grande joie, collectionne les timbres (au moins 30 albums) et consacre beaucoup de temps à son blog, n'oubliant jamais de passer dire un petit bonjour à chacun dès potron-minet. Pensez qu'il n'a pas moins de 223 liens vers d'autres blogs!  (si si, j'ai compté...)
Il répond aussi à tous les commentaires, et je me pose souvent la question: mais comment fait-il? 
En réalité, je sais qu'il place son immense énergie dans une profonde humanité et dans son amour de la vie. Je ne le connais pas depuis très longtemps, mais c'est comme s'il faisait un peu partie de ma famille.Et c'est pour toutes ces raisons que je l'adore! Certains l'appellent Walter, mais son nom de code est Patriarch.

09 mai 2010

Performance ou exigence?

Il me trotte dans la tête deux ou trois réflexions glanées ça et là, et qui , mises bout à bout, m'échauffent sensiblement les lobes des oreilles. (Ce qui n'est pas un pléonasme, vu que le corps humain en comporte plusieurs paires) Il me semble que dans ce monde de zapping, où l'on ne laisse jamais le temps au temps, (voir à ce propos l'excellent billet d'AlainX)   la fuite en avant est devenue une règle. 
Il faut courir, courir, se presser, se bousculer tout le temps. Et pourquoi, me direz-vous? au nom d'une notion devenue sacro-sainte: la PERFORMANCE. 
Il faut être per-for-mant.
 Nous voilà sans cesse harcelés par des publicités de peaux élastiques, d'appareils miracles, de petites pilules bleues. Le credo: rester performant, ne pas lâcher l'affaire, ne pas se reposer, ne pas se laisser aller, surtout,  à de petits plaisirs coupables,  maltraiter son corps pour le rendre plus beau, plus mince, plus musclé, plus fort, plus séduisant. 
Dans tous les domaines, il faut rester jeune, compétitif, dans le vent, dans la vague, rapide, efficace, efficient pour parler comme dans  les  nouveaux arcanes de l'Education Nationale, jamais en mal de barbarismes ronflants. 
Le vocabulaire de l'entreprise, de la pub, de l'industrie gagne l'école.
La "pédagogie du résultat" s'installe.
Gagner du temps, gommer les traces du temps, et ne surtout pas perdre son temps. 
Ce qui est valable et peut se justifier pour le micro-ondes, (et encore, ce n'est peut-être plus si vrai)  devient plus problématique en matière d'éducation.
Gagner du temps?
Oui, d'accord, s'il s'agit pour les profs d'éradiquer des emplois du temps toutes ces pseudo-activités qui n'apportent rien aux élèves et surchargent leurs semaines de choses inutiles. Je pense , par exemple, à une opération intitulée pompeusement "le grand nettoyage de printemps", et qui consiste, sous un prétexte écologique, à utiliser les élèves pour débarrasser certaines zones urbaines de leurs détritus et sacs plastiques en tous genres. Amis de la poésie, bonjour! N'auraient-ils pas mieux à faire devant un texte de Baudelaire? 
Autre exemple,  la collecte  des "pièces jaunes" , autre foutage de gueule qui a fait couler assez d'encre naguère...
Un scandale, alors que  la Culture universelle avec un immense C attend les élèves en classe.
 Mais...Gagner du temps pour en faire de petits robots, futurs consommateurs lobotomisés et calibrés, en les bourrant de notions sans qu'ils aient le temps de les  assimiler vraiment?
Et si l'urgence était alors de prendre son temps?
Et si les enfants avaient le droit de digérer ce qu'on leur enseigne, calmement, au lieu de se sentir pressés comme des citrons, sommés d'apprendre, d'ingurgiter en un minimum de temps, un maximum de choses.
Têtes bien faites, têtes bien pleines, le débat lancé par Montaigne est loin d'être clos. Les enfants n'aiment pas la linéarité des apprentissages, ils progressent par bonds, comme des petites grenouilles. Semblent stagner, mais en réalité absorbent, observent, et soudain, comprennent , et laissent  la notion s'installer dans leur tête en un "eureka" joyeux. Quel bonheur pour une maîtresse d'école de voir s'allumer cette petite flamme, et d'entendre le fameux "ah! j'ai compris!" si doux à l'oreille. Mais cela prend du temps, et chacun ne va pas au même rythme. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas être terriblement exigeant avec les élèves. Et répéter, répéter, et répéter encore, et cent fois sur le métier remettre l'ouvrage. Et ne rien laisser passer. Et se battre sur tous les fronts. L'orthographe, la syntaxe, les bases du calcul pour leur donner les clés précieuses de leur liberté future. Mais aussi se battre contre leurs parents qui capitulent, qui baissent les bras, et en font de petits tyrans névrosés et capricieux, incapables de se conformer à une règle.
Parce que l'exigence, l'amour du travail bien fait, le perfectionnisme (quand il n'est pas pathologique) sont tout le contraire de la "performance". 
L'exigence, c'est construire un violon de ses mains, en mettant en jeu toutes ses connaissances, son art, son savoir, en enfilant comme des perles de longues heures à caresser le bois, à tordre la matière pour la transformer peu à peu en un instrument magique qui vibrera d'un son unique.
La performance, c'est fabriquer cent violons en batterie, à toute vitesse, au mépris des règles de l'art, mais au prix imbattable. Des violons qui,  au final, n'auront pas d'âme.
Quand je regarde mes vingt huit schtroumphs aux yeux pleins de candeur, je me sens l'âme d'un luthier. Un luthier qui cacherait dans son atelier quelques armes, au cas où la révolution se remettrait en marche.

05 mai 2010

Peine

C'était une vieille dame fragile. Elle avait joué du piano dans son jeune temps, mais depuis longtemps déjà ses doigts avaient perdu leur souplesse, et se contentaient d'effleurer l'ivoire jauni. Il y a longtemps, elle avait traversé la mer, quittant à regret une terre qui rejetait les siens, et reconstruit sa vie de ce côté de la Méditerranée. Elle avait la passion du tennis, n'aurait manqué une finale pour rien au monde, hantant les courts de terre rouge et les club-houses où il fait bon se retrouver après les échanges, pour d'autres échanges autour d'un verre ou d'un repas. Elle aimait la vie, aimait à respirer l'air du soir empli de mer de son crépuscule tranquille, laissant errer son regard nostalgique sur l'étang de Thau, comme s'il portait en lui le souvenir des rivages de son enfance. La raquette était allée finalement rejoindre les autres objets de sa vie, et peu à peu, son sourire devint plus flou, ses gestes plus graves, ses jambes plus faibles. 
Elle est partie dans un dernier souffle plein de pudeur, petite porcelaine brisée, laissant derrière elle une famille anéantie. C'était une toute petite vieille dame qui laisse un vide immense. 

A mon amie, que je soutiens dans sa peine.
Photo internet

02 mai 2010

Itinéraire d'un blogueur désorienté (pour Delphine, Coum, Vincent, François, Paul et les autres)

photo Dam

Cycliquement, chacun s'interroge sur le bien-fondé d'écrire un blog pour soi ou pour les autres, de tenir en quelque sorte un journal "extime" .Mais n'est ce pas normal , au fond ? Est-ce tourner en rond que de se remettre en cause pour avancer? Je ne le crois pas. Le doute et la certitude sont indissociables, ils sont les deux faces du même miroir. Il est vain de vouloir l'une sans l'autre. Ils dansent dans la tête de chacun d'entre nous un pas de deux cruel mais splendide. Un tango argentin plein de feu et de glace.

Un pas de certitude: j'avance , je suis bien, je cours, je vole sur la crête légère du bonheur, je le serre contre moi, je crois le tenir. Un pas de doute je recule, le ciel s'obscurcit, la méfiance, la perte des repères, l'illusion qui s'effondre, le désarroi.... Mais je me raisonne, je reprends mes certitudes, un pas en avant et je repars à l'assaut des possibles, bille en tête et le cœur au ventre, prête à manger l'univers. 
On écrit alors des billets légers, fléchissant comme un roseau sous la brise de nos sensations, de nos  petites joies ineffables et quotidiennes. Et hop, le doute revient, on s'écrase comme un moucheron sur le pare-brise de l'adversité, de l'obscurité, de l'absurdité, un coup en haut, un coup en bas, ça va ça vient, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, dans une ronde trépidante qui ne s'arrêtera qu'au moment suprême, quand on aura enfin acquis la seule certitude: je sais  qu'on ne sait jamais, comme disait la chanson.

Mais ce tourbillon exaltant  ou épuisant , c'est selon, pourrait-on l'éviter? Ne doit-on pas au contraire l'appeler de ses voeux, afin de vivre intensément chaque minute, et atteindre parfois ce bonheur "plénifiant" auquel chacun aspire? 
La vie pourrait-elle se dérouler comme un ruban, monocorde, monochrome, monotone, sans ces aspérités qui lui donnent sa saveur unique? Qui voudrait de ça?
Pas moi, dit le canard! Ni moi dit le dindon...
Moi je veux des matins verts comme l'espérance, des couchers d'or rouge sang, des arcs-en-ciel de plaisir, des bonheurs crépitants, des moments de vermeil et pour pouvoir les apprécier pleinement, j'accepte les matins bleus, les heures grises,les  semaines languides et molles qui traînent, les jours noirs où l'on voudrait partir, où l'on voudrait mourir, les moments dérisoires, les horizons bouchés, les brumes amères dans les yeux. Parce qu'après la pluie vient toujours le beau temps, et que dans le mouvement de ce cycle éternel, habité par les doutes et les certitudes, on se sent vraiment intégré, partie prenante dans la ronde folle et pourtant sage du cosmos et c'est alors , alors seulement, que l'on tutoie les étoiles.

Merci à Myosotis pour le mot "extime"
Merci à Edmée pour le mot "plénifiant"