27 juillet 2012

La lettre Thé



Ah, Asphodèle, c'est l'heure du T...
Le Temps passe Trop vite à l'allure de cet alphabeT!




Temps – taillader – thé – (se) triturer– titiller – tortue – talentueux (se) – toucher – transfigurer – témoin – totem – table – turbulence(s) – transfert–  terre – tomate  –  tonneau – terminer


***



L'une et l'autre

L’une, c’est la lune. Introvertie. Elle passe le plus sombre de son temps à sa table de toilette, à titiller ses boutons, à triturer ses cheveux  gras, à se trouver grosse comme un tonneau et à se demander ce qu’elle est venue faire sur terre. 
 Elle a tailladé ses coussins et ses poupées de chiffons pour en sortir le kapok, dans ses accès de fureur elle réduit en miettes tout ce qu’elle touche. Elle hait l’ordre et le rose. Elle n’aime que le noir et le tumulte. Elle a érigé, dans sa chambre  un totem de bric et de broc, où elle accroche ses trophées, une barrette sale, une vieux nounours, une photo de son ex-copain, un tee-shirt usé avec un transfert des Stones. Elle vit son mal-être, rivée à son écran, avec des lenteurs de tortue anémique.

L’autre, c’est le soleil. Extravertie. Le moment où elle se transfigure, nul n’en est jamais témoin.  Mais soudain le tonneau devient Danaïde. Terminée la réclusion, finis le thé tiède et la médiocrité de l’existence.  Elle veut vivre à cent à l’heure, se maquiller, se parfumer, séduire ! siroter du jus de tomate à la paille, dans des poses lascives. Elle veut danser sous les tubulures des néons stroboscopiques, être talentueuse et adulée, elle veut le feu des projecteurs et de la passion.

Elle est l’une et l’autre à la fois,  chrysalide timide devenant papillon par à-coups, trouble mélange de sensuelle assurance et de  turbulences névrotiques.
Une ado, quoi.

Pause

Je pars trois jours à la capitale...
Sans ordi, juste mon petit Iphone pour garder le lien.
Demain, je participe quand même aux Plumes, j'ai programmé mon billet..Je vous répondrai à mon retour.
Vous m'êtes précieux.
Je vous embrasse.







Célestine


26 juillet 2012

Lettre ouverte...

Cher voleur,

Hier soir, en sortant du restaurant végétarien-zen où une amie m'avait gentiment conviée, je n'ai plus trouvé mon vélo. 
Je ne peux te décrire les sentiments confus qui m'ont agitée en cette brève minute où il a fallu que je me rende à l'évidence.
Incrédulité, refus, incompréhension, colère, révolte, dépit, acceptation,  résignation, relativisation...Toute la palette.
La soirée avait pourtant fort bien commencé, le cadre était idyllique, et j'avais décidé de m'y rendre à bicyclette afin de profiter de la douceur du soir et de contribuer modestement à la protection de la couche atmosphérique en ne rajoutant pas de Céodeux inutile...
Repas léger, bulles de connivence, on se raconte nos vie, on échange, à la lueur des lampions qui donnent un joli teint et un air un peu mystérieux. On parle d'enfants, de yoga, de boulot, de lectures,  d'avenir. On est bien. L'air est tout empreint de ce bien-être.
 Et là, paf! coup de théâtre, coup de grisou. Là, sur la digestion, me faire ça! Plus de vélo, un sentiment de grand vide et le poteau auquel je l'avais attaché, pourtant solidement, qui semble me dire d'un air penaud "Je n'ai rien pu faire, tout est allé si vite..."
J'espère au moins que tu vas bien le traiter. J'ose penser que tu en avais vraiment besoin pour te déplacer. Que tu es un adepte de l'écologie, et que j'ai fait un heureux. 
 Parce que si tu l'as volé pour le revendre, je te préviens, tu n'en tireras rien, c'est un biclou qui ne vaut plus un clou.
Si je le retrouve au hasard d'un "marché du vélo d'occasion" ou d'un vide-grenier, je le reconnaîtrai entre mille. Il clignotera de tous ses feux et me dira: "Reprends-moi!" Moi seule connais ses blessures secrètes.
Tu ne pourras rien faire pour m'en empêcher. Tu ne sais pas de quoi je suis capable pour un ami.
Tu ne sais pas l'amitié profonde que j'avais pour mon vélo.

Avec lui, j'aimais sentir le vent voleter dans mes cheveux, j'aimais sentir mon corps bouger, mes jambes dorer, ma robe se soulever un peu,  la griserie des chemins de noisettes où  il aimait m'emporter. Lui et moi, on s'entendait à merveille.
C'était bien plus qu'un tas de ferraille. C'était un art de vivre.
Je ne te salue pas.







25 juillet 2012

Far niente

photo moi (pour une fois)
Vous saviez que farniente signifie "rien faire " en italien ?
Alors aujourd'hui, on peut dire que j'ai fait niente. Mais alors niente puissance 10. Nada. Que d'chi.(Tiens d'ailleurs ça s'écrit comment ? Queue d'chi? Que tchi? No se...) enfin, Peau d'balle quoi. Rien de chez rien.
J'ai laissé s'étirer les heures comme un ruban de réglisse que l'on allonge indéfiniment en le déroulant. Chaise longue, lecture, piscine, sieste, chaise longue, re-sieste, apéro...
Le matin, pas fait le lit, pas lavée, descendue en maillot déjeuner au soleil, avec l'idée d'aligner en même temps quelques définitions de mots croisés. J'ai arrêté le dej quand le beurre commençait à faire un petit lac jaune dans le beurrier. Pour me reposer des mots croisés, je me suis installée sur ma chaise longue où  j'ai épluché le hors série de Psycho mag "spécial tests et exercices pour s'épanouir". Du genre:
"Savez-vous profiter de l'instant présent?", "Quel est votre profil émotionnel ?", " Etes-vous bien dans votre corps?" "Dans quel rôle vous enfermez-vous?"
Pour chaque test, vous devez choisir votre réponse parmi quatre, puis compter les triangles, les carrés, les losanges et les ronds et reporter vos résultats dans la grille pour trouver votre profil. Déjà, ça, c'est fatigant. 
En une heure et demie, j'ai ainsi appris des tas de choses très intéressantes  à propos de  moi-même.
J'ai appris que j'avais un moi assumé, que je suis émotionnellement en quête de sens, que je suis amie avec mon corps (mais limite je ne suis pas passée loin du corps-vitrine, quand même) que je suis dans un rôle de médiateur et que je sais m'appuyer sur mes ressources intérieures. Je me demande comment ils arrivent à trouver tout ça en me posant des questions du style:

Vos beaux-parents viennent passer le week-end chez vous:
Vous passez toutes les pièces en revue.
Toutes les conditions sont réunies pour passer un bon moment.
Vous espérez que votre programme les séduira.
Vous comptez sur les enfants pour créer l'ambiance.

Surtout que mes beaux-parents, ils sont morts il y a dix ans (paix à leur âme).
Mais bon, c'était quand  même achement bien de rien faire aujourd'hui. Je regrette pas, même si le test "Savez-vous goûter au plaisir du farniente?" m'a placée dans la catégorie "oui, mais avec un soupçon de culpabilité".
 Pff, où sont-ils allés chercher ça? 

23 juillet 2012

Cousinade

Une jolie maison dans le Midi. Beaucoup d'amis et de proches rassemblés autour de la maîtresse de maison, pour lui fêter une nouvelle dizaine bien ronde dans le flot des ans. Un six et un zéro. La dizaine de la maturité épanouie, celle de la sérénité retrouvée après la traversée de certains orages.Orages qui n'ont pas entamé leur force de vivre tranquille, à ces deux-là, elle et son charmant époux. Leur joie simple d'avoir fondé une grande famille avec enfants et petits-enfants. 
C'est émouvant de voir la matriarche, quatre-vingt-huit printemps, contempler tout ce petit monde de ses yeux encore bien vifs. C'est sa belle-fille qui est à l'honneur aujourd'hui, et elle lui laisse volontiers la vedette. 
A l'autre bout de la pyramide, le dernier arrivé dans cette vallée riante, quatre mois, ouvre sur la vie un regard plein de promesses, doux comme une source.
Et tous ces coeurs qui battent à l'unisson pour célébrer ce bon moment de la vie!
Une phrase m'interpelle dans le petit discours de l'époux à sa femme:
"Ces regroupements festifs, ces moments d'amitié, on en a besoin". 
C'est tellement vrai! On a besoin de se resserrer les uns contre les autres  sur le fil  de l'existence comme des hirondelles frileuses en partance pour Dieu sait où. Pour se sentir exister, pour se sentir plus fort d'avoir vaincu les épreuves, pour partager sa joie ou simplement témoigner qu'il y a un vrai bonheur à vivre ensemble. Pour donner et pour recevoir. Les anniversaires sont une occasion toute trouvée de s'étourdir pour oublier le temps. Même s'ils en sont la cruelle ponctuation. 
Une table de victuailles simples mais délicieuses, du vin qui coule à flots, de la musique. 
On discute, on rit, on fait connaissance. On se sent le coeur légèrement embrumé, la tête qui tourne et le sourire qui vient tout seul. Les enfants courent joyeux en maillots multicolores. On voudrait que cela ne s'arrête pas.
Et l'on repart à la nuit, avec l'impression de tenir un trésor bien serré dans le creux de sa main. Comme un coquillage qu'il suffira de remettre à l'oreille pour ne pas oublier la belle fête.


21 juillet 2012

La lettre S


 Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes?
Pour miss Asphodèle et ses plumes délicieuses bien sûr.


Sauvage – sourire – souris – saison – sagesse – sébile – surprenant – soulever – souvenir – salutaire – sadique -saumon – soie.  Et salive ou saliver en facultatifs, vous pouvez les utiliser (en verbe ou en nom commun)  ou… pas !

* * * 

Tango

Shall we dance?
J'aime les furieux et époustouflants escarpements de la passion qui s'envole en me faisant oublier la sagesse, juste le  temps d’un frisson. Jupon qui virevolte, lèvres rouge sang,  regard de braise, talons aiguilles,  bras en tenailles autour de la taille, la fièvre et le tourbillon qui soulèvent, enivrent et enivrent encore, jusqu’à ce que le petit jour demande grâce à la nuit...
Tu peux sourire, Temps assassin, sadique mendiant qui me tend sa sébile en salivant sur tes dents jaunies! 
Tu sais bien, toi, que la saison des fleurs passe. Tu grignotes mes heures avec la patience d'une souris. Tu m’observes, avec tes yeux de saumon bouilli, dans cette lutte perdue d’avance, tu me regardes m’étourdir, m'abandonner à la danse jusqu'à l'épuisement.
Tu vois, je me fabrique des souvenirs. Pour le temps d’après. De salutaires souvenirs à conter à des petits-enfants ébahis, quand mes jambes ne me porteront plus…
C'est ma façon dérisoire mais exaltante de te tromper, maudit Temps!
Ma vie est un tango argentin, un surprenant cocktail de musique sauvage en caraco de soie, de jubilation, d’effleurements et de nostalgie.



20 juillet 2012

Plaisirs de l'été

Théâtre sous la voûte étoilée, dans le cadre grandiose d'un château du XVIII° siècle. Molière revisité par une fraîche troupe de joyeux comédiens inventifs.
Repas salades-guitares tous les soirs jusqu'à minuit, et "refaisage" du monde. J'adore! Sentir la chaleur des liens familiaux se resserrer, les cousins devenus ados se redécouvrir d'année en année. Retrouver mon frérot que j'aime.
Longues heures de baignade. Longues heures à "ne rien faire du tout"...luxe, calme et ...sérénité.
Ecouter la respiration des jours, lente et régulière. Ecouter le coeur brûlant de l'après midi battre au rythme des cigales.
Arpenter la ville la nuit. Sentir le vent tiède caresser sa joue. Manger des glaces. Ecouter des musiciens, danser, regarder les terrasses de restaurants se remplir puis se vider, dans un doux concert, aimer ce cliquetis de verres, d'assiettes et de couverts mêlé aux murmures des voix.
S'habiller le coeur de rêves.


15 juillet 2012

La lettre AIR

Je renoue avec les Plumes d'Asphodèle...un de mes petits plaisirs de l'été. (Dommage, j'ai loupé la lettre Q la semaine dernière...je me rattrape aujourd'hui.)



rococo – récolte – rivage – rigolo – râler – rebeller (se) – roucouler – rature – rumeur – ruban -regrets – russe -rodéo – rose – rage – rubicond – rasoir -ragondin – rouleau.


                                                                 ***

Recette pour une récolte de petits bonheurs  en vacances. 
Reléguer au loin la rumeur grondante des grincheux, les habitants de la grande ville,  ceux qui se pressent, comme des ragondins au sortir des égouts, le visage rubicond engoncé par la rage du mécontentement perpétuel.
Ne pas râler, ne plus se rebeller, éviter les gens rasoirs ou porteurs de mauvaises nouvelles.
Roucouler au contraire, dès le matin, en accrochant des rubans roses à sa  journée, boire du thé russe, offrir à Roxane ce vieux fauteuil rococo qu'elle trouvait rigolo, faire sans regrets des ratures à son agenda, pour changer son programme au gré de ses envies.
Marcher sur le rivage le cœur gonflé à l’hélium, contempler en riant les rouleaux  qui déferlent et le rodéo des surfers  sur  les vagues.
Se laisser doucement envahir par le bonheur.
Et arrêter de résister...



13 juillet 2012

Baignade

J'aime nager dans la mer. Enfin, nager est un bien grand mot. Encore faudrait-il qu'une enclume sache nager... il faut dire que certaine expérience malheureuse de ma jeunesse me donna longtemps une peur chronique de me noyer. 
Mais, bon, supposons que le fond reste accessible à mes pieds, alors, j'aime me sentir portée par la densité de ces eaux mouvantes aux déplacements imprévisibles autant qu' aléatoires. J'aime rester ainsi immobile à sentir la ligne de flottaison osciller autour de mon visage, comme un crocodile, mi-eau, mi-air, amphibienne, saurienne, j'écoute les deux mondes emplir tour à tour mes oreilles. Un monde joyeux, de cris d'enfants, un monde de soleil, et d'évidence.
Et puis l'instant d'après, la sourde opacité aquatique, un peu inquiétante, sombre, traversée d'êtres muets et indifférents, pâles et troubles méduses ou petits poissons vif argent. Sans compter un certain nombre d'objets étranges qui n'ont rien à faire là, mais cela est une autre histoire...
Et à nouveau la plage, l'air libre et la rassurante clarté de l'existence aérobie.
 Et paf, un gros paquet de mer me renvoie dans le monde du silence. 
Difficile à expliquer, cette sensation de total abandon, et ce plaisir à flirter avec la frange d'écume et les caprices du ressac. Le plaisir de flotter entre deux mondes, sûrement, sans trop savoir où l'on va.
Ou peut-être  la parfaite allégorie des différents niveaux de la conscience et de ses profondeurs refoulées...


***
Le jeu de l'été
J'ai même le temps (c'est vous dire si je ne fais rien) de fournir les commentaires (c'est un nouveau concept: le billet pré-commenté) 
Règle du jeu:
Saurez-vous attribuer à chacun son commentaire?
Tout le monde peut jouer
Y rien à gagner, c'est juste pour de rire.
Saoul-Fifre, Andiamo, Co de Contes, Tant-Bourrin, Pierrot Bâton, Antiblues, Cédric, Patriarch.


Edit du 14 juillet
Les réponses

1 Tant Bourrin, le roi des contrepèteries et autres jeux de mots
Mieux vaut nager dans la mer que marner dans la neige...

2 Andiamo, qui me taquine toujours gentiment
Ben dis donc, tu prends des risques: te baigner au milieu des méduses un vendredi 13!

3 Antiblues qui habite au bord de la mer aux alentours de la ville qui commence comme son nom
Ah c'était donc toi que j'ai aperçue cet après-midi, sur ma plage, je me disais bien qu'il n'y avait pas de crocodile chez moi!

4 Saoul Fifre parce que je le vois bien aimer Pagnol,mais je peux me tromper
Et comme disait Raimu "quand tu mesureras le fond de la mer, ne te penche pas trop,et là où c'est trop profond, laisse un peu mesurer les autres!"

5 Cédric d'ailleurs je la lui donne, ma petite phrase, il peut la publier ou la mettre au panier (de crabe)
Pendant que je me demande si j'ai pied, est-ce que les poissons se demandent s'ils ont "nageoire" ?

 Pierrot Bâton qui comme son nom ne l'indique pas, est la meilleure copine de Jeanne
Dans la Manche, l'avantage au moins, c'est qu'il n'y a PAS de méduses...

7 Patriarch qui vit dans une belle ville entourée de belles montagnes, et qui aime beaucoup Jean Ferrat
Ici nous n'avons pas la mer, mais que la montagne est belle! bises x2

8 Co de Contes que j'ai rencontrée jeudi dernier et qui est adorable
En tous cas, Célestine est un gentil crocodile qui ne mord pas, et qui a les yeux bleus, je confirme.

Je reconnais que ce n'était pas évident. Bravo à tous pour vos participations inventives et pleines d'esprit. C'est Tant-Bourrin qui a donné le plus de bonnes réponses. Mention spéciale à Véronique qui a très bien détourné la règle du jeu.
Quant à Saoul Fifre qui traite son petit camarade Andiamo de vieux "schnock" il sera puni à la récré. 
J'ai répondu à chacun de vos commentaires...

11 juillet 2012

Persistance rétinienne

Vous rencontrez un être délicieux (oui, ça arrive parfois dans ce monde brutal). Vous mettez enfin un visage sur un nom que vous avez appris à apprécier à travers ses mots. Vous passez un moment exquis, une parenthèse, une virgule, un point dans l'immensité universelle du temps qui passe. Vous avez la sensation que le temps s'est arrêté l'espace de cet instant. Et vos destins inexorablement, vous ont entraînés au loin, alors que vous vouliez rester, que tout votre être se rebellait contre cette injuste répartition des minutes. Par quelle diablerie celles-ci se rétrécissent-elles quand vous voudriez qu'elles durent, et s'allongent-elles interminablement, au contraire,  quand vous souffrez mille morts?
Et le plus étrange, le plus troublant, c'est que vous vous réveillez, le lendemain, en étant incapable de vous souvenir précisément de ce visage, de cette voix. Il vous manque des pièces, comme dans un puzzle incomplet. Vous vous en voulez de n’en avoir pas appris par cœur le moindre contour, le moindre détail. Vous avez bien sûr, intacte, l'impression d'ensemble, ce sentiment de joie intense d'avoir découvert que la réalité correspondait à l'image que vous vous en faisiez. Vous savez que vous vous êtes fait la remarque silencieusement. Vous vous souvenez que vous n'avez pas suffisamment ouvert vos yeux, de crainte de voir s'évanouir ce rêve éveillé, ou d'être emporté par un tumulte de sentiments incontrôlés. Vous avez parlé ensemble, vous avez ri, vous avez partagé un repas. Mais vous avez beau chercher, vous  creuser désespérément les méninges, la persistance rétinienne s'est estompée, et vous en arrivez tout naturellement à cette nécessité impérieuse d'espérer une nouvelle rencontre. Afin de calmer le trouble malaise ressenti par tous les amnésiques: cette sensation que quelque chose vous échappe, quelque chose que vous pensiez pouvoir retenir à jamais.

09 juillet 2012

Le souffle court

La chamade, le souffle court, les perles de pluie au front, elle connaît ça. Cette montée subite de fièvre qui vous fait vous mordre la lèvre inférieure, cette palpitation tremblante de l'être.
Elle connaît le lourd manteau de nuit que l'été verse sur les corps, ce mélange de vent et de rosée qui la fait frissonner au  matin, quand elle cherche à tâtons le drap enfui sur le sol  vide.
Elle connaît la langueur de ces longs jours ardents, les plaintes capiteuses étouffées par les moucharabiehs, les pieds nus glissant sur le marbre froid des corridors à la recherche de menthe glacée. Les soifs et les faims qui semblent ne jamais s'apaiser.
Elle aime les silences troublés par les ailes des mouches, égarées dans le désert des plafonds blancs.
Garder les yeux ouverts sur le noir sidéral des voyages sans lune.
Bercer le fond des soirs dans ses bras. Devenir un estuaire. Un aven. Une source.
La Vie, ces grains de sables latents qu'elle retient, prisonniers, dans son désir brûlant.
Et qui pourtant échappent à sa vigilance...

07 juillet 2012

A la plage

photo internet

Nous sommes des êtres in-carnés. Au sens littéral, nous existons grâce à une enveloppe de chair.

 Un bagage commun, tout le monde possédant les mêmes éléments de constitution de l'ensemble, et pourtant combien de déclinaisons!
 Je suis toujours immensément surprise de la variété des visages et des corps.

 Sur la plage, c'est un sujet d'observation inépuisable.
 N'allez pas croire à un quelconque voyeurisme malsain de ma part (oh, et puis, croyez-y si vous voulez) j'ai une tendresse pour tous ces êtres qui sont unis par le même amour de l'eau, du sable et du soleil, sans souci de montrer leur corps.
Chaque déformation, chaque boursouflure, chaque plissement de peau est un peu de notre histoire commune, un livre ouvert sur ce qui nous attend à plus ou moins brève échéance, rien qui permette de se moquer ou d'afficher une quelconque supériorité complètement imbécile. Ce serait un peu comme se moquer de celui qui passe avant nous sur la chaise électrique.
Les diktats de la mode (comme on appelle cette horrible dictature médiatique  qui consiste à magnifier la jeunesse et la sveltesse en en faisant les seuls canons de la beauté) embrument et faussent le jugement des uns et des autres.
 Mais cette vieille dame fragile et ridée, dans son maillot une-pièce devenu un peu trop grand, assise à côté de moi sous son parasol rose passé, ses mains diaphanes tenant un livre de Somerset Maugham qui semble trop lourd pour elles,  je la trouve belle.
 Elle ressemble à Madeleine Renaud. 
A côté d'elle, un couple. Les cheveux sont rares et gris. Le vent a relevé ceux du monsieur, et collés par le sel, ils lui font une petite huppe un peu ridicule. La dame a ses deux seins posés sur son ventre.Ils témoignent ainsi d'une longue existence de bons et loyaux services,  à être choyés, gonflés de lait, crevassés, tétés, caressés et ballottés en tous sens.  Leurs  deux ventres  possèdent plusieurs étages de graisse forment des vagues, on dirait des rouleaux de tissu empilés.  Pourtant, la défaite de leurs corps, avachis par le temps, n'est pas importante. On ne voit que leur amour transparaître dans tous leurs gestes attentifs à l'autre. Rien n'existe à part eux. Ils sont en vacances, ils s'aiment.
Je les trouve beaux.
De l'autre côté, une bande d'adolescents à la grâce insolente, lisses et fermes et insouciants, courent sur le sable en se renvoyant un ballon. Leur peau rutile, éclate, brunie comme un pain chaud. Je les trouve beaux, évidemment. 

Étendue sur ma serviette, entre mon passé côté jardin  et mon avenir côté cour, j'observe mon enveloppe charnelle qui n'est déjà plus ce qu'elle était et qui n'est pas encore ce qu'elle sera.
Et finalement, je me trouve belle.

05 juillet 2012

Sept jours de réflexion

  
Bon, inutile de le cacher, je me suis pris une belle claque ces derniers jours. Une claque silencieuse. Elle n'a fait du bruit que dans le chaud cloaque de mon cerveau mité comme une vieille éponge.
Je me suis débattue toute seule avec mes vieux démons, empêtrée dans ma naïveté crasse et mes fantasmes, engloutie dans mes bons sentiments, et  mon éternelle faculté d'émerveillement qui me semble, dans ces cas-là, pétrie de bêtise et d'immaturité.
 Je me suis traitée de tous les noms d'oiseaux, je me suis regardée des heures dans la glace pour essayer de comprendre pourquoi je suis restée cette petite fille irrésolue quelque part. Pourquoi mon regard ne se ride pas, mais reste lisse et écarquillé sur la beauté du monde...Mon utopie, ma déraison. Et toutes ces choses que l'on me reproche en boucle quand on a quelque chose à me reprocher. 
J'ai compris soudain que derrière ces attaques frontales, et ces échanges plutôt verbeux et inutiles, mon esprit dessinait avec effroi en filigrane l'ombre de l'amie perdue, et que j'entendais une nouvelle fois les  reproches qu'elle me fit avant de me quitter: le "voile rose" que je mets sur toutes choses, c'était une expression à elle. Je lui parlais de positif, et elle me répondait guimauve.
Et j'ai enfin admis qu'il y avait derrière ces reproches une bonne dose de noire jalousie.

Ah le sentiment de libération que procure un sentiment longtemps refoulé et qui vient crever à la surface de la conscience comme une bulle de gaz fétide !

Ponctuellement, bien sûr, cette naïveté m'empêche  d'avancer, en me dissimulant l'obscure noirceur de certaines âmes, et en me rendant frêle et désarçonnable comme une sauterelle accrochée à un brin d'herbe ballotté par le vent. Mais elle me protège aussi,  quotidiennement, telle une armure. 
J'ai compris, tout bien considéré, que je n'avais pas envie d'être  amère ou désabusée, ou de me vautrer dans je ne sais quelle boue. J'ai envie de continuer à croire à la beauté des choses. Tant pis si cela suscite de l'agacement ou de l'aigreur d'estomac.


J'ai compris qu'une lucidité sereine me permettrait désormais de me défendre mieux, et de faire la balance avec mes chimères, mon talent à m'étonner, mon impulsivité, ma part d'enfance.  La vie, de toute façon, n'est qu'une illusion, un jeu. Chacun la joue à sa façon. 

Et là, ce soir, j'ai l'impression de me retrouver dans la lumière après avoir pleuré toute seule dans le noir. La vie m'éclate à la tête et je la trouve encore plus belle. 
 

01 juillet 2012

Le poids des mots



Les mots ont un poids. Il en est de légers et doux comme des plumes, et d'autres qui portent en eux la gravité d'un corps mort. 
Certains mots lourds m'ont un peu blessée ces temps-ci. Je vais panser mes blessures comme une louve, léchant le sang  de ce coup d'épée. Et m'abandonner à pleurer sur l'épaule d'une amie.
Certains mots ont leur poids dans l'importance qu'ils revêtent. Ainsi le mot Ami. 
Non, les contacts sur les réseaux sociaux ne devraient pas s'appeler ainsi. Ça induit en erreur les jeunes générations. Un ami, c'est précieux, c'est unique, ça se lève la nuit pour venir vous aider. Ça ne vous fait pas des coups foireux dans le dos tous les quatre matins. Ça ne se moque pas. Ça s'inquiète de vous, ça vous aide, ça vous guide. Ça ne médit pas. Ça ne trompe pas. Un ami, c'est juste là quand il faut.
Des amis, on n'en a pas huit cents, monsieur Facebook.
Les mots ont un poids et je pèse mes mots: dans ami, il y a aimer. 
A bientôt.