« A quoi bon soulever des montagnes quand il est si simple de passer par dessus ? »
Boris Vian
Et si je vous parlais de
mes vacances d'hiver idéales ?
Je sais qu’il est de bon ton, de nos jours, de s’imprégner de l’air du temps et de s'inclure dans le mouvement
général. Ce mouvement ascendant vers des altitudes déraisonnables et des bouteilles isothermes à zéro degrés à 2000 mètres au moins. Lunettes jaunes et doudoune en gore-tex.
J'aimerais bien vous dire que je me fais la malle direction les
grands espaces blancs et les cimes étincelées de givre, que je savoure à l'avance, coincée dans les bouchons de la Maurienne, mes futurs exploits sur deux planches ... et que j'ai hâte de dévaler des pistes noires en
faisant crisser mes carres sur une neige craquante et poudreuse.
Mais foin des
moufles et des bonnets, fi des combis et des chaussures de cosmonautes.
Rien qu’à cette pensée, je blêmis. La couleur particulière d'une neige molle par temps gris vous donnera une idée précise de mon teint... Quelque chose de la lividité blafarde, décomposée, de Morticia Addams, ou d'Amélie Nothomb, vous voyez ?
Vous me direz : « Tu ne sais pas ce que tu manques » et vous aurez raison...
Mais malgré la merveilleuse élasticité de mon
corps de rêve, je me suis toujours inventé, à cette saison, des origines vaguement
polonaises, puisque mon nom est « mademoiselle Nullenski ». J’assume parfaitement. Je n'aime pas skier. J’ai toujours skié comme un bilboquet. Je n’ai obtenu, au prix d'un effort colossal, qu’une seule misérable étoile en
toc doré véritable, qui dort dans une boîte à chaussures depuis mes dix ans.
Je sais que je loupe des spectacles grandioses, des sensations grisantes...pardon aux amateurs de sublime.
Mais qui dit neige dit froid, et présentement, ( ce
n’est pas mes amis Le Goût et Blutchy qui me contrediront) j'avoue que je
manque furieusement de chaleur. De printemps. De petites fleurs. Enfin de trucs humains, quoi. Au bout d’un moment, le
froid, c’est inhumain. C’est cruel. C’est dur. Et très agressif pour ma superbe peau
de fée en cachemire naturel. Ce n'est pas pour rien que l'on parle de la
« froidure »...
Alors, pour apaiser mon mal d’hiver, au
moindre petit début de commencement de chant d’oiseau, à la moindre petite plume
qui volette gracieusement dans l’air matinal, il me prend des désirs irréfragables
de lézarder au jardin, de me caler sur une terrasse ensoleillée, avec un bon
livre et une tasse de thé, ou de gratter ma guitare en sentant les rayons me
caresser doucement les moustaches. Oui, parce qu’avec ma lune en soleil,
ascendant chatte sur un toit brûlant, j’aime m’étirer avec volupté devant l’astre de mes jours, et
me taper des siestes indécemment longues
et lascives. Au soleil. Au bord de la mer. Eh oui, même en février. Surtout en février.
Et par-dessus tout, j’aime n’en ramer pas une. Ça me repose.
Le farniente élevé au rang d'un art majeur.
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Pour les Plumes d'Asphodèle, chez Emilie
Il fallait placer les mots LEZARDER DUR LIVRE S’IMPREGNER CORPS ELASTICITE
ENSOLEILLE APAISER PLUME GUITARE BILBOQUET MANQUE MOINS MALLE