31 décembre 2019

2020








 Sibylle levait ses mains potelées vers le plafond, fascinée par l'hélicoptère miniature qui vrombissait au-dessus de ses boucles d'or. Oh...le regard de cette enfant devenant chaque jour un peu plus éveillée, un peu plus croquante... Une candeur de blé qui lève dans chacun de ses gestes, la pureté de ses exclamations, en total émerveillement devant le monde... Oh le regard de ma petite fille ...J'en ai été bouleversée. Je suis tellement comme elle au fond... je n'ai jamais cessé d'être cette Petite Fille-là. En un instant, cet instant présent que je m'attache à capter, de toute mon âme, comme on saisit Kairos aux cheveux, j'ai été happée par l'émotion vitale. Le tourbillon que nous vivons tous. La vie est une essoreuse à salade, un tambour de machine à laver, un manège qui s'emballe. Une catapulte.
A un petit bout de la grande chaîne, satin de peau, éclat de vivre, brugnon joli, un an et demi de joie vive, et à l'autre bout, nonante ans dans un mois, ma vieille maman qui se recroqueville sur sa vie, cassée comme un fruit trop sec, brisée de trop d'épreuves...  Le début flamboyant, et la fin affligeante... Reverra-t-elle le printemps ?

Et moi, au milieu du pont, sentant les embruns fouetter mon coeur entre deux tempêtes.
Je marche, fascinée par ce mystère irrésolu. Je pense à l'amour qui m'a touchée de son aile et enchante mes jours, à mes enfants suivant leurs chemins, au mariage de ma fille en septembre, au nouveau travail du petit dernier...
Je pense à mon père : répète-t-il pour ma mère, en secret, sa chanson préférée de Bécaud 
« Je reviens te chercher » ?
Je pense à mes amis, au tournoiement des projets, des galères, des naissances, des maisons...
Tout va, tout vient...Rien n'est figé. 
La vie ressemble à cette chanson de Benabar, « Quatre murs et un toit » ...
Ou à cette publicité, vous vous souvenez,  pour la CNP, qui tournait sur la valse n° 2 de Chostakovitch...
Alors où que vous en soyez, mes lecteurs si fidèles, riez ou pleurez, c'est pareil au fond, mais surtout, Vivez ! 
 20/20 c'est la note célestinienne que je vous décerne ardemment.

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24 décembre 2019

Conte doux


A vous tous, mes amis que j'aime.
Joyeux Noël, comme on dit.



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Le soleil pencha sa grosse tête rubiconde vers le petit point bleu que les hommes appelaient la Terre. Il aiguisa un à un tous ses rayons, il les fourbit comme on apprête les couverts d'or d'une table de fête. 
Il effleura la mer d'opale pour la féconder, et faire naître ainsi de beaux nuages gris perle et blancs de lait, qui vinrent à leur tour déverser leur eau bienfaisante sur les montagnes. Les sapins frémirent de toutes leurs aiguilles et s'inclinèrent pour laisser passer les torrents fougueux. Puis la lune souffla sur la pluie de son haleine gelée, et les gouttes se muèrent en flocons ciselés comme des gemmes. C'était ainsi depuis toujours, le soleil faisait l'amour avec la terre. Tout concourait à la beauté du monde.
Les animaux en courant piquetaient les étendues de neige de petites traces étoilées. 
L'écureuil zébra l'air de sa rousseur, la biche leva son museau noir fumant doucement dans l'air glacé, et ses longs cils vibrants. Elle était à la recherche de son faon. Les lapins lui indiquèrent du bout de l'oreille son chemin. Leurs petits derrières rebondis faisaient comme des boules de coton rose dans le soir.
Un beau silence enveloppait le jour le plus court, remplacé très vite par une belle et longue nuit scintillante. Il était minuit, l'astre joufflu était allé se coucher depuis longtemps, passant la main à ses copines les constellations. Celles-ci en mettaient un coup pour illuminer la forêt de leur lumière vivante et diffuse.
A un instant, le temps s'arrêta.
 Une cloche tinta au loin. 
C'est Noël, murmura la vieille chouette en ébrouant ses vieilles plumes argentées qui en avait vu tant d'autres. Des verts, des rouges et des trop mûrs...
- Noël ? Raconte !
Et les animaux subjugués l'écoutèrent raconter, avec un éclat d'or dans ses yeux ronds, comment les hommes, chaque année, l'espace d'un instant, redevenaient des enfants, et oubliaient leurs vallées de larmes. Comment ils s'embrassaient et se remettaient à espérer. Elle n'oublia rien, ni les étincellements de bougies, ni les paquets enrubannées, ni les promesses merveilleuses. Des dizaines de petites pattes applaudirent à cette histoire, si belle qu'elle était sûrement vraie. Avec des Oh ! et des Ah ! pleins de buée givrée.
« Chut ! » dit la chouette. Laissons-les rêver.
Dans la forêt, la nuit offrit son plus beau ciel à tous les mondes. Au végétal, à l'animal, au minéral. Elle n'oublia personne.
Et attendit doucement que l'aurore l'embrase d'une clarté pleine d'amour et d'espérance.


***

Et pour ceux qui trouveraient mon conte trop doux, vous pouvez toujours vous rabattre sur mon petit conte horrible d'il y a trois ans...






20 décembre 2019

Mettre du feu







Il arrive, elle le voit, elle le veut
Et ses yeux font le reste
Elle s'arrange pour mettre du feu
Dans chacun de ses gestes
Francis Cabrel







Maître du feu ...


Mon père disposait le papier journal, le petit bois, les pommes de pin, les branches mortes. J'avais l'insigne honneur de craquer l'allumette. Je l'approchais doucement du papier, le doigt tremblotant de plaisir, jusqu'à ce que la première flamme apparût. Rapidement, le brasier enflait comme un monstre grondant et soufflant un air brûlant. Les flammèches léchant les arbres étaient autant d'étoiles filantes.
Sous les monceaux de feuilles humides, les volutes de fumée âcre lançaient des jets d'aiguilles dans la gorge, les yeux. Mais le feu triomphait à nouveau et enguirlandait l'espace. C'était beau dans le crépuscule flou de décembre, beau comme un morceau de soleil échoué sur le sol. Je n'aurais échangé ma place pour rien au monde.
C'est sans doute dans ces premiers automnes de feuilles mortes et de braises qu'est née ma fascination pour le feu. Ce frisson de lumière qui me parcourt avec toujours autant de force et de fièvre. Bélier, signe de feu. 
Symbole de l'énergie primale, et aussi du burn-out. 

Symbole de mon tempérament incandescent, de mon caractère strombolien, et de ces étincelles qui constellent ma vie.
 Ecouter vibrer la belle voix d'Olga et les guitares de Fred et Christou. Chanter en duo avec Mina, mon ancienne élève tellement émue de me retrouver. Découvrir les oeuvres d'une sculptrice splendide qui modèle la terre comme de la chair vivante. Manger dans un bouchon lyonnais avec mon fils, regarder les yeux d'étoiles de son amoureuse parler de l'Irlande et m'offrir une Claddagh Ring. Emotion encore.  Voir au musée des Terreaux l'exposition sur le drapé dans l'art. Suffoquer de beauté.
Arpenter le vieux village de La Laupie, entièrement réhabilité par la passion de ses habitants, un délice de vieilles pierres lovées contre une chapelle à la cloche d'airain. 
Décider de me perfectionner en guitare, aller boire un verre au golf, rêver des rivages turquoises de l'île Maurice, et livrer mes pieds aux mains douces d'une réflexologue. Lâcher prise.

Remercier Mathilde qui m'a fait ce beau cadeau. Ouvrir de grands yeux quand la praticienne me dit qu'elle sent de la tristesse dans mes pieds. Repenser au petit Prince parti trop tôt. Penser à ma mère qui est entrée à l'hôpital, dans la nuit de samedi. M'inquiéter tout bas. Penser à mon ami Hugues qui est parti deux jours avant, sans que j'aie pu le revoir. A la douleur de sa famille.
Mais sentir tes bras autour de moi comme une écharpe d'amour, écouter tes mots de tendresse et sourire. 
Remettre du feu dans mes gestes. Sourire toujours. 
Tristesse et joie nouées comme des lianes inextricables. 
Comme l'eau, comme la terre, comme le vent, comme toute chose ici-bas, le feu c'est la vie, et c'est la mort aussi. L'accepter. Sourire encore.

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Le vieux village de La Laupie
Pour l'atelier d'Olivia.
flou – caractère – tendresse – burn out – lâcher – cloche – enguirlander

09 décembre 2019

Lumière et ombres



J'ai rendez-vous avec mon amie Chinou. Dans quelques minutes, je vais entendre son rire déchirer le grand hall du Musée d'art comme une fontaine dans le calme du matin. Cette pensée dessine un sourire sur mon visage et m'illumine de l'intérieur.
En attendant, je contemple d'une moue distante une toile de Caspar David Friedrich, intitulée Rivage au clair de lune, 1835, huile sur toile.
Un rigolo, ce Caspar... j'essaie de trouver du sens à son tableau. 
Une toile sombre, très sombre, où j'imagine un pigeon gigantesque dont le plumage serait en nuages et dont les voiles raides de ces deux voiliers austères figureraient les pattes. Tellement gros qu'il ne tiendrait pas dans le cadre...
Des pattes engluées dans la vase glauque d'une plage inquiétante. Allégorie sans doute de sa vision du monde, obscur et sans espoir. 

Et soudain je repense à ce film vu hier du réalisateur Elia Suleiman. 
Suleiman... Soleil Man...quel homme brillant dans sa simplicité même !
Un petit chef d'oeuvre d'humour, de poésie, d'inventivité décalée, ou comment un artiste peut dire des choses fortes, profondes, et même tragiques sans pinceau noir, sans notes mineures, sans rouge sang....Juste avec un regard d'enfant mutin et drôle sur l'incompréhensible et l'absurde de notre époque. Une sorte de Tati palestinien. Elia, mon frère citoyen de la Terre...
Parmi les oliviers de Terre Sainte, sur un chemin brûlant de poussière blanche, une femme altière et sublime dans son abnégation, marche. Elle porte une cruche sur sa tête, et par ce geste, elle abolit le temps. Elle porte l'eau, elle porte la vie. Elle est de celles qui ne s'arrêtent jamais de porter le monde à bout de bras. On dirait qu'elle a croisé Jésus au détour du sentier. Et bien d'autres scènes belles, intelligentes, étranges...
Un film solaire comme j'assume de l'être, depuis que je sais tenir à distance ma part d'ombre pour qu'elle ne me grignote plus le cerveau. 
Solaire comme le flamboiement turquoise de la mer à Haïfa.







Et je retrouve Chinou en train de contempler un étincelant Turner.  
Le Maître de la Lumière me fait oublier Caspar et sa nébuleuse névrose. Un neuf décembre, j'ai vraiment besoin de soleil, moi...



Pour le devoir du Goût de Lakevio.
Les montages photos sont sortis de ma baguette magique.
La photo du milieu est extraite du très beau film d'Elia Suleiman « It must be heaven »

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04 décembre 2019

La vraie vie


C'est peut-être l'enfance qui approche le plus de la vraie vie.
André Breton







 La vraie vie... Ah ! la vraie vie...On emploie souvent, dans notre monde saturé d'images virtuelles,  cette expression étrange. Mais chacun a sûrement une idée différente ce concept un peu fumeux... Il y aurait donc une fausse vie ?
Dès l'enfance, j'ai le sentiment que l'on m'a agité « la vraie vie » comme un épouvantail. Il y aurait les rêves, les désirs, les aspirations profondes, les souhaits...l'art, la poésie...et puis, la vraie vie arriverait, armée d'un long balai fourchu pour envoyer valser tout cela... et nous ramener les pieds sur terre, ma p'tite ! Allez, sors de tes livres, arrête de rêver ! Non tu ne seras pas danseuse étoile, ce n'est pas un métier, on est dans la vraie vie, là, pas dans un conte de fées...Il faut être rationnel, et suivre le sacro saint principe de réalité !
Et souvent, cela ne sentait pas très bon, au ras du sol, là où les chiens oublient parfois d'odorants cadeaux prompts à se glisser sous nos chaussures et à nous faire déraper...
En un mot, la vraie vie, c'est caca, c'est dur, c'est pas rose tous les jours. Faut en baver. Faut en chier. La vraie vie, c'est la maladie, les accidents, le malheur, avec de temps en temps, si on est bien sages, des petites parenthèses de bonheur. 
Et si c'était le contraire ? Une longue file de joies interrompues parfois par des parenthèses qui nous jettent hors de la vie, comme dans un mauvais rêve ? ...
Il en a fallu du temps à la Petite Fille rêveuse pour assumer sa vraie vie : celle où elle se sent tout simplement vivante. Avec le coeur battant en bandoulière souvent, mais vivante !
Tout dépend de la couleur que l'on donne aux choses. De la saveur qu'elles prennent avec le temps. La vraie vie, c'est quand on vibre. Quand on sourit sans raison. Quand on se sent en accord profond avec soi. Même si c'est en lisant, en écrivant un blog, en épluchant des patates ou en se baladant nez au vent sur un quai de brume...
La vraie vie, c'est quand on peut dire : « J'aime ma vie. Je la crée chaque jour.  Et je ne laisse personne me la dicter. »


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