Revoilà Noël.
Chaque année, le 25, à minuit précise, sous le clocher givré, imperturbablement, les douze coups sonnent, quel que soit ton état d'âme et de coeur, et de corps.
Et il revient de plus en plus vite, en plus, au fur et à mesure des années. Ah, tu as remarqué, toi aussi ?
C'est la joie. L'espoir, la trêve des confiseurs, un peu de poésie et de rêve dans un monde brutal, et les paillettes dans les yeux des enfants.
Mais rien ne t'oblige à être joyeux à tout prix. Ni sur commande.
Pour toi, Noël, ce sont peut-être de mauvais souvenirs qui reviennent, insidieusement, se glisser dans tes papillotes. Leur chocolat a un goût amer, et tu es seul à le savoir, à le vivre.
Il est né le divin tourment, pour toi qui as perdu un proche, un parent, un enfant, une amie. Pour toi, qu'un mari a quitté(e)sans laisser d'adresse à la fin du réveillon.
Pour toi, qu'un patron a licencié(e)sans préavis. Pour toi qui viens d'apprendre que tu as une maladie incurable. Pour tous ceux qui se retrouvent seuls fin décembre, ou dans une famille déchirée par des haines intestines. Pour toi dont la voiture a dérapé sur le verglas il y a dix ans, en allant à la messe de minuit. Pour toi dont la maison s'est pris un arbre déraciné qui l'a coupée en deux.
Il ne se passe pas davantage de choses tristes ce jour-là, que les autres jours de l'année. Mais celles-là sont marquées à jamais, parce qu'elles arrivent au moment de la joie programmée. Elles ont un côté indécent, déplacé. Elles éclaboussent les guirlandes et les ortolans de leur gênante incongruité.
Noël catalyse les émotions, les rend plus cruelles, en tout cas plus intenses. Noël est un savant creuset de mélancolie et d'exultation. De bonheur et de détresse. C'est une fête à double sens.
Alors oui, il y a les liens, familiaux, amicaux, amoureux, et les enfants, leur innocence, leur émerveillement. Pour eux, cette année, tu vas peut-être te forcer un peu à sourire sur les photos. Mais rien ne t'oblige à simuler un bonheur parfait. Tu as le droit de te sentir triste sans savoir pourquoi. Ou de te laisser envahir par la pensée de tous ces gens qui, dans le monde, n'ont pas droit au moindre Noël. De te laisser submerger par ce sentiment d'injustice. Oui, tu as le droit de trouver ça injuste. Tu as le droit de vivre un Noël différent des images de papier glacé des magazines.
Tu as le droit de stresser pour tout organiser parce qu'on sait bien que c'est la quadrature du cercle chaque année...
Tu as le droit de détester les huîtres, le foie gras, et les montagnes de chocolats en papier doré.
Bref, tu as le droit de ne pas céder à la dictature du bonheur commercial.
Mais je te rassure : tu as le droit aussi de te sentir pleinement heureux, simplement parce que tu vas voir ceux que tu aimes, partager des moments forts avec eux.
Parce que ton coeur bat à l'unisson de ton âme, que tes démons s'éloignent et que, pour une fois, tout va bien dans ta vie.
Allez, on va dire que c'est le Noël de tous les droits.
Alors contre vents et marées, du plus profond de mon coeur, je vous souhaite, mes chers lecteurs, un merveilleux Noël essentiel, de tendresse, de solidarité, et d'amour.
Votre Célestine