C'est l'été que la vie bouillonne le mieux, que ses élans prennent tout leur sens, et la tournure de torrents frais, ou d'orages soudains. Parfois aussi, d'un soleil insistant qui met le feu à ma robe. Un tapis d'aiguilles de pin craque sous les pieds, émoustillant, libérant l'odeur de nos gestes. C'est comme si l'absence de vêtements libérait aussi les âmes.
Le ciel hier matin si calme a énoncé sa déchirure : les traits d'avion se délitent en franges douces, et mâchurent le bleu. Le vent du sud s'engouffre sous ma jupe.
Les cris des enfants résonnent encore sur la margelle. Ils sont partis hier. Chaque joie d'enfant recèle mon enfance. Fait remonter un peu de nostalgie, telle l'écume du sucre sur la confiture chaude de ma grand-mère. C'était bien avec eux. Mais c'est bien aussi sans eux.
Les nuages par grappes jouent à assombrir le jour.
Pleuvra-t-il sur le soir ?
Pour l'heure les cigales ont entonné leur concerto en crincrin majeur. On dirait qu'elles poncent chaque arbre avec application. On les avait presque oubliées dans le tournoiement familial.
La journée commence au jardin, parmi les cistes et les sauges qu'il faut tailler pour qu'elles refleurissent. Si tu les tailles bien, elles redonneront jusqu'en novembre.
Arroser chaque plante en l'appelant par son prénom. Parler à l'olivier pour qu'il pousse. Humer l'air plein de rosée. Ecouter le tintement du râteau sur la pierre. Penser à mon père. Aimer ce moment.
Un repas simple, et délicieux, salade de courgette et poulet froid, pour moi un luxe bien plus précieux qu'un banquet. Il est midi six, c'est l'heure de Catherine. A midi les aiguilles se sont épousées pour un instant, ne faisant plus qu'une.
Il y aura une petite sieste pépouze dans la fraîcheur de la maison, indispensable réunion de soi avec soi, césure à l'hémistiche de la journée..
Et puis la baignade, qui aime les corps libres. L'empreinte éphémère des pieds mouillés sur le caillebotis brûlant. Le guêpier toujours là, sur son perchoir de pin. La guêpière, elle, n'est pas de mise. On est nu.
Les abricots juteux sur la table. La citronnade qui agace les lèvres.
La torride saison viendra-t-elle ?
Elle est déjà sous ma chemise, dans l'odeur de cannelle de tes mains, de ton cou, dans nos jeux défendus, dans la simplicité d'être. Elle entrouvre ses paradis et érige ses totems sous le soleil, exactement. Inconsciente des désirs qu'elle provoque.
La nuit allumera des falots, nous regarderons danser leur reflet dans l'eau, en sirotant ce que l'on aime, et rien ne nous paraîtra plus beau.
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