30 septembre 2011

Méfiez-vous des caramels mous...

Connaissez-vous ces blagues idiotes que l'on trouve dans certains caramels mous de forme allongée ?
Mon fils, du haut de ses sept ans triomphants, me posa un jour ce dilemme crucial, la diction légèrement enzozotée par sa friandise :
« Papa, écoute : dans la série « les soix impossibles » : préfères-tu, toute ta vie, être suivi par trente canards, ou avoir des zambes en mousse ? »
Je croisai son regard d'un bleu candide. Le caramel baignait ses dents, dont trois manquaient encore à l'appel, dans un jus marron de bave collante, lui donnant un sourire béat un peu répugnant de Quasimodo. Il attendait visiblement une réponse.
-Euh...Ze soisis...pardon je choisis... les trente canards ! lançai-je un peu vite, avec un faux air sérieux, cachant mal mon envie de me débarrasser de mon importun gamin. C'est que j'avais du travail, moi!

C'est ce jour-là que j'aurais mieux fait de me casser une "zambe". Au moment exact où j'ai ouvert la porte de la salle d'attente...
-Docteur Martinot ? a dit une voix. Une étrange voix nasillarde.
Je regardai ahuri les chaises vides, quand un palmipède émergea en claudicant de sous la table basse.
-Ce n'est pas trop tôt ! dit-il, n'attendant pas que je l'invite à pénétrer dans mon cabinet.
Je m'épongeai le front.
-Dites-moi que je rêve !
-Mais pas du tout, jeune homme, le rêve étant l'ensemble de phénomènes psychiques éprouvés au cours du sommeil, et par lesquels s'exerce l'activité nocturne du cerveau, il ne saurait être question d'onirologie ici. Vous ne rêvez point.
-Tu parles !
-Mais bien évidemment que je parle. La parole étant le langage articulé symbolique destiné à communiquer la pensée, s'adressant à un interlocuteur pouvant être éventuellement soi-même, et permettant d'exprimer des besoins, pensées, sentiments, souffrances ou aspirations, nous pouvons considérer que je possède ladite parole.
-Je suis dermatologue, je ne vois pas ce que vous attendez de moi, dis-je en reluquant ses plumes d'un beau noir doré.
-Ah ! La dermatologie ! La science de la peau, des muqueuses et des phanères, habituellement associée à la vénérologie...Non, mon derme et mon hypoderme vont très bien, je vous assure, mon derme réticulaire, papillaire, ma membrane basale, mon stratum granulosum...se portent à merveille.
-Mais je nage en plein délire ! Que désirez-vous , à la fin ?
-Délire...perturbation globale, parfois aiguë et réversible, parfois chronique, du fonctionnement de la pensée...Désir...effort de réduction d'une tension issue d'un sentiment de manque...
-Ça suffit ! hurlai-je excédé.Vous me faites perdre mon temps !
Je sentais la sueur inonder mon front d'eau glacée.
...Voilà que je parle à un canard, et en le vouvoyant en plus...non mais ça va pas, moi...
-Perdre votre temps ? Voulez-vous dire ce concept développé par l'être humain pour appréhender les changements du monde, ou bien l'ensemble des conditions physiques des basses couches de l'atmosphère à un moment précis et en un point précis ?
-Tu vas me faire le plaisir de dégager d'ici, Saturnin, et rapidement ! dis-je en attrapant l'emplumé qui me mordit cruellement à la main gauche.
-Aïe!
-Sachez monsieur, que je ne suis pas un canard ordinaire ! Je suis un fuligule à collier de la famille des Anatidés de l'ordre des Ansériformes. Et vous allez payer votre audace !
Il avait l'air furax.
Il sortit d'un air digne et outragé.On aurait dit une duègne offusquée.
Je me laissai tomber chancelant dans mon fauteuil de cuir noir.
Un silence étrange régnait dans le cabinet.
On sonna.
Je traînai les pieds jusqu'à la porte en massant ma main endolorie.
J'ouvris.
Et je les vis. Rangés en file indienne sur le trottoir.Une file d'attente de cauchemar,  un concert de claque-becs caquetants et volubiles.
-Ce n'est pas trop tôt ! dit celui qui se trouvait le plus proche de la porte. Il portait le numéro 29. A côté de lui, le fuligule ricana, avec un rictus vénéneux.

 Je m'évanouis.



Pour le défi du samedi, il était question de médecin et de canard savant...


Merci à Wikipédia pour avoir instruit mon fuligule...
Merci à Pierre Palmade pour m'avoir prêté quelques éléments de son sketch que j'adore.
Merci à C*r*mb*r  pour les blagues dans la série "choix impossibles".



27 septembre 2011

Sublime

Une publicité pour une grande compagnie aérienne crève les écrans en ce moment: deux danseurs, un homme et une femme entre ciel et terre, tournoyant au son d'un sublime adagio de Mozart...un moment de grâce absolue. Et je ne sais pas pourquoi cette musique va chercher au plus profond de moi, et me pénètre jusqu'aux entrailles...Le syndrome de l'éponge, une fois de plus.Les larmes coulent toutes seules. Bonheur. Fatigue. Plaisir. Émotion.
Ou bien le tout en même temps, inextricablement mêlé.
Comme une sorte de telle envie de vivre qu'on aurait presque envie de mourir.

Ils sont forts, les créatifs.
Enfin, pas toujours, mais là , oui. Très forts.


Musique: adagio du concerto K23 de WA Mozart

24 septembre 2011

La bal(l)ade d'Oscar et Rosa

C'est un matin de pluie brillante que Rosa rencontra Oscar.
C' était un horloger du Bronx, il ressuscitait les pendules
Et les mélodies arrêtées des réveil-matins détraqués
Elle étudiait la politique à l'université du coin
C'est un matin de pluie changeante
Que ces deux-là se sont connus
Il est des hasards lumineux comme des épis de soleil

C'est une après-midi brûlante à New York au mois de juillet
Que le timide Oscar osa
inviter pour une balade
Rosa aux cheveux flamboyants
Et Rosa a suivi Oscar dans Central Park bruissant de brise
Il avait laissé ses horloges pour aller s'asseoir sur un banc
Elle oublia un peu ses livres
Dans le regard incandescent du réparateur de pendule
C'est une après-midi brûlante
Que Rosa a suivi Oscar

C'est une nuit de pleine lune au dessus du pont de Brooklyn
Que dans sa minuscule chambre Oscar a embarqué Rosa
leurs deux cœurs battaient la chamade
Au son de trois cent vingt tic-tacs
Le satin de leur peau luisait aux néons des publicités
Oscar chantonna sa ballade
A la belle aux yeux étonnés
C'est une nuit de pleine lune
Qu' Oscar et Rosa ont juré
Qu'ils ne se quitteraient plus jamais.

Pour le défi du samedi, il ne fallait pas confondre balade et ballade... 
Photo Internet

18 septembre 2011

Sur les ailes d'un ange...



-Quel métier exerce donc Célestine?
-Comment, vous ne savez donc pas encore qu'elle est institutrice?
-Eh bien, à vrai dire, non...Au vu de ses derniers billets, je l'aurais plutôt imaginée poète, journaliste, chroniqueuse, amoureuse, rêveuse, auteur de livres pour enfants ou de scenarii comiques pour la télévision, capitaine de bateau ou ermite sur sa colline...Ça m'intrigue...
-Elle est un peu tout cela, en réalité. Son métier lui permet de garder cet esprit primesautier de l'enfance. Et en même temps la distance nécessaire, la sérénité pour ne pas céder au découragement ou à la sinistrose.
-Le contact avec les mômes, certainement.
-Sans doute. Bien que ce contact ne soit pas bénéfique à tout le monde dans ce métier. Oh, mais, c'est que ce n'est pas drôle tous les jours ce boulot, il ne faut pas croire! Il y a le bruit, un bruit continuel, permanent, insidieux, usant les tympans plus sûrement qu'un boulevard périphérique sous ses fenêtres. Les enfants ont une voix suraiguë.Ils ne savent rien dire sans hurler. Les  profanes ne s'en rendent pas compte: une récréation sous le préau, c'est un tout petit peu moins de décibels qu'un décollage de Boeing. Et puis, il y a les ordres et contrordres de l'administration, les réformes, le vocabulaire ampoulé, les délais de rigueur, les notes de service, la langue de bois...Au regard de la mission première d'enseigner, ces dérisoires et inutiles tâches vétilleuses et formalistes  pompent une précieuse énergie pour...rien. Ou encore, il y a les parents d'élèves, ceux qui comprennent, qui font confiance, et les autres. Ceux qui viennent pour casser du prof.
-Vous exagérez !
-A peine...certains cherchent toujours à reporter sur l'école la faillite de leur propre système d'éducation, ou se vengent des profs de leur enfance.
-Sans doute, mais...pour compenser il y a les vacances!
-Ah, les vacances, le grand mot est lâché. Oui, Célestine reconnaît que c'est un des côtés agréables de ce métier. Mais celles-ci ne seront peut-être qu'un souvenir dans quelque temps. On s'emploie, en haut lieu, à fracasser les valeurs ancestrales contre le mur de la modernité, à saper le moral des troupes en supprimant une à une les singularités qui faisaient de ce métier plus qu'une vocation unique...Un rêve de vie: tu imagines, Enseigner, transmettre  le Savoir à la promesse de l'humanité, aux générations futures...préparer notre Devenir!
-Vous devenez lyrique! On sent que Célestine est passée par là.
-Oui, je l'avoue: elle parle toujours de son travail avec des étincelles dans les yeux.
-En tous cas ces temps-ci, elle se fait plutôt discrète sur le sujet de l’Éducation Nationale...Ne me dites pas qu'elle n'a plus rien à dire.
-Elle a peut-être trop à dire, au contraire. Alors elle se tait, elle ramasse ses forces comme la panthère prête à bondir.
-Ou alors, elle ne veut pas lasser ses lecteurs...
-Y a de ça! Elle aime se montrer sous des facettes différentes, cultiver un certain mystère: et ça marche, la preuve, elle a réussi à vous intriguer... Vous êtes satisfait?
-Vous, en tous cas, , elle a su vous convaincre de ses idées!
-Elle n'a pas eu de peine: je suis son ange gardien! Entièrement acquis à sa cause...
-En la lisant, je me disais bien aussi, qu'elle semblait voler sur les ailes d'un ange, cette Célestine.

16 septembre 2011

Le retour



Cela fait dix jours maintenant que je marche dans ce désert...Mes jambes ne me portent plus comme avant, dans ma jeunesse. J'espère ne pas me tromper...Il me semble bien reconnaître cette dune : c'est là que je l 'ai vu , la première fois.
Ça me fait drôle de revenir, après toutes ces années...malgré les mises en garde de mes proches contre ce « pèlerinage ». Je n'aurais, soi-disant, aucun sens de l'orientation...
Je me demande où il doit être...Il est peut-être mort. Pour autant qu'il m'en souvienne, il ne savait pas très bien se servir d'un crayon. Quoi qu'en réfléchissant bien, il avait fait un portrait de moi assez ressemblant, il faut le reconnaître.
Il fallait que je revienne, c'était vital pour moi. Si j'ai bonne mémoire, il devait se tenir par là : oui, voilà un morceau de métal qui ne trompe pas ! Il y a une inscription dessus, à moitié effacée : « P-38 Lightn**g »
Un bout de sa carlingue.
Et là, un peu plus loin...mais oui, c'est bien un terrier de fennec...Mon dieu, le renard des sables! Mon renard...j'en tremble! Se pourrait-il...mais non, soixante ans terrestres ont passé!
Oh! Tout me revient, les baobabs, les volcans, les planètes, les réverbères et surtout, le souvenir d'une terrible brûlure : c'était là, exactement là, au pied de ce muret, que la morsure du serpent-minute m'a emporté à tout jamais...Voilà que je pleure maintenant, quel sentimental je fais ! S'il n'y avait pas eu ma rose, et ce satané mouton, je n'aurais pas eu besoin de partir, et j'aurais passé le restant de ma vie avec lui...
Je l'aimais bien.Il m'aimait bien, je crois.
Je suis heureux d'être revenu.
Je n'avais pas eu le temps de lui dire adieu. 






Pour le défi du samedi, il fallait avoir (ou pas) le sens de l'orientation...

14 septembre 2011

Séjours linguistiques...


Parents, vous désirez que vos ados se perfectionnent en Anglais ? Ne les envoyez surtout pas en séjour linguistique en Angleterre !

 Cela semble le comble de l'ironie, mais c'est hélas un résumé assez percutant de ce qui attend vos têtes blondes si vous choisissez à l'aveuglette le séjour en question.
-A l'aveuglette ? Mais, que nenni, rétorquerez-vous, nous avons choisi en toute connaissance de cause, éclairés que nous fûmes par la plaquette de présentation qui nous offrait un tableau complet, détaillé et idyllique du programme. Avec des mots choisis dans le vocabulaire pseudo-savant à la mode , les mots qui font sérieux dans le domaine de l'éducation actuelle : « didactique des langues, pédagogie active, apprentissage en immersion », que du bon, que du beau !
Ainsi, votre ado bardé de sa volonté farouche de s'immerger, et vous, délesté d'une conséquente somme d'argent ( dame, la qualité se paie!) avez décidé d'un commun accord que ce séjour lui ferait le plus grand bien.
C'est alors que vous avez déchanté. Car, en fait de cours dans la langue autochtone, si les contenus pédagogiques plus que légers n'ont pas satisfait à leur immense soif de savoir, en revanche nos jeunes gens ont pu abondamment étancher leur soif tout court, en étudiant les vertus comparatives des différentes bières et pubs. L'activité « sortie sans accompagnement », pourtant non prévue dans la plaquette, a pris un volume horaire inattendu.
C'est qu'il ne se serait surtout pas agi de les traumatiser, ces chers petits, par des cours ou des heures d'étude. Ni surtout de leur faire croire que dans notre société consumériste, on pourrait ne pas en avoir pour son argent ! Vous avez payé, vous êtes donc des consommateurs, et à ce titre, vous avez le droit de ne faire que ce qui vous plaît. Tout s'achète, y compris la complaisance des profs. Voilà au moins une leçon pernicieuse qui leur aura été martelée.
Pas suffisamment, cependant.
Pour l'anecdote, à la fin d'un de ces séjours particulièrement vides de contenus, voulant sans doute repousser toujours plus loin les limites de la pédagogie démagogue, l'on demanda aux élèves d'  « évaluer » leurs professeurs. (Encore un mot à la mode!)
O stupeur ! Ces petits anges montrèrent un esprit critique et eurent l'effronterie de se plaindre de n'avoir pas eu suffisamment de cours dignes de ce nom et d'avoir été trop livrés à eux-mêmes.
-Vous voulez dire, des VRAIS cours bien chiants ? Avec un prof qui parle et des élèves qui écoutent ?
Croyant les punir, et vexé dans sa conception « active et moderne » de l'enseignement, le professeur leur assena un cours magistral. Et tous de s'écrier : « Voilà, c'est cela qu'on aurait voulu ! »
A méditer, avant de partir peut-être, finalement, en famille en Angleterre. On contrôle toujours mieux la situation en étant sur place...

13 septembre 2011

Rêverie

Depuis quelque temps, elle fantasme beaucoup sur un être dont elle ne sait rien, sinon qu'il écrit divinement bien. Elle est tellement accrochée aux mots, que ses mots à lui sont un philtre puissant qui l'ensorcelle de jour en jour. Elle aime l'imaginer, loin, dans ce jardin secret dont elle seule a la clé, et penser tellement fort à lui que la tête lui tourne.
Elle est comme ça. Elle a toujours été comme ça. Il lui faut l'ivresse, il lui faut le charme, la chamade et le souffle puissant du rêve éveillé. C'est ainsi qu'elle se sent vivante, charnelle et émerveillée devant les mystères de la vie. C'est ainsi qu'elle avance, en parsemant le chemin de pétales de fleurs.
Elle imagine ses mains, fortes et chaudes d'avoir tenu, d'avoir serré, d'avoir travaillé.
Ses doigts fins de pianiste, ses yeux étoilés de jubilation, sa chevelure qui luit dans la pénombre de sa chambre, parfum d'encaustique et l'eau de lavande. Elle le voit penché sur sa plume, cueillant au creux de ses mots les délicats soulignages des matins frais et bleus, quand les chats rentrent se coucher de leurs nuits d'aventures.
Elle imagine sa voix profonde et légèrement éraillée, une voix de roche tendre qui érafle  la pulpe du bout  des doigts de ses éclats de mica.
Elle imagine son grand corps plié en deux au dessus de sa table de travail, ankylosé par l'écriture, s'étirant de temps en temps en regardant par la fenêtre le jour poindre sur les collines, un sourire de Joconde accroché aux lèvres.
Cette image persistante l'emporte dans une rêverie douce et enveloppante qui lui fait oublier le réel. Et elle se prend à aimer son rêve.

11 septembre 2011

Sensations

Il est des sentiments difficiles à décrire, surtout lorsqu'ils sont complexes et vagues à la fois. 

Avez-vous déjà éprouvé cette sorte de nostalgie bizarre que je pourrais appeler , moi, le blues du dimanche soir...
Une torpeur triste qui fige toute velléité d'avancer. Un mélange étrange de mélancolie, de tristesse, de rêverie et d'insatisfaction non définie.
Un manque habité.

Le ciel se charge, il va pleuvoir. L'air n'est ni figue ni raisin. On n'est plus le jour, pas tout à fait la nuit. Les invités sont partis, le silence nous angoisse alors on lance un vieux cd de standards du saxophone.On tente une ouverture du cartable mais il résiste (enfin, on ne force pas trop, il faut dire). On n'a envie de rien de précis, on flotte, l'eau au bord des cils, la gorge vaguement serrée, anéantie soudain par l'absurdité de tout geste anodin, et par ce vide que l'on ressent au fond des tripes.
Un mal qui remonte certainement à l'enfance,  à la tristesse languide de ces dimanches soirs exécrés que j'appelais la petite mort de la semaine.

C'est comme quand on a envie de manger, pour remplir ce vide, mais on ne sait pas quoi, il nous manque un truc, sucré ou salé, on ne sait pas, de toutes façons on n'a pas faim.

Il faudrait qu'on réagisse, mais on est englué, empêtré dans ses sentiments comme une mouche dans du miel.
En portugais c'est la saudade.
Un intraduisible vague-à-l'âme.


10 septembre 2011

La remplaçante

On était à la machine à café avec Edgar. Comme tous les jours.

On a vu débouler une fille carrément pas vraie, ébouriffante, j'exagère pas. Des jambes, mon vieux, des seins à piquer la fortune, une carène de navire de luxe, des yeux à faire péter les braguettes, une bouche...maquillée comme une voiture volée.

Elle est passée près de nous, et son parfum nous a pétrifié le cerveau. Norbert faisait une tête ahurie, on aurait dit un de ces oiseaux indiens d'Amazonie à l’œil vide et rond comme une olive noire, sans aucune expression.

-Ferme la bouche ! que je lui ai dit, ça fait courant d'air !

-T'as vu ? Elle nous a même pas calculés, dis donc. Rien, pas un regard ! C'est qui celle-là ? a dit Edgar en sortant de sa prostration.

-Aahhh !! je vois messieurs que vous avez croisé ma remplaçante, a dit Lambert qui sortait de la compta.

Devant nos mines ébahies, il a cru bon d'ajouter : « Mais non, je plaisante ! C'est une cliente du boss. Elle vaut un gros paquet de dollars ! »Il a éclaté d'un rire gras. On était dépités.

Ben j'vais vous dire : si ce crétin de Lambert se met à faire de l'humour, c'est la mort du petit cheval !

N'empêche, je lui aurais bien proposé une formation accélérée, moi, à la « remplaçante »...

FEMME 
Pour le  défi du samedi il fallait placer trois noms de constellations... 

08 septembre 2011

Sur le pont, sous la lune, la nuit.

Sur le pont, sous la lune, la nuit. Je suis seule.
Je regarde l'écume des vagues se briser sur la coque
et je m'emplis de vent jusqu'à défaillir d'aise.Si je fumais, je m'en grillerais une. Ça collerait à l'ambiance.
Tout dort. Tout est calme. Le bateau file silencieusement. C'est l'heure du premier bilan de cette décade prodigieuse que je viens de vivre.
La recherche marathon (fructueuse, heureusement) d'un appartement pour ma fille chérie, au bord de la mer...
Mon ado qui entre en première, radieux, avec quinze centimètres de plus que l'an dernier, des rêves et des résolutions plein les poches.
Mon grand qui vole de ses propres ailes, là bas, sous la nuit étoilée de la capitale... 
Et mon jeune retraité d'époux qui  goûte là-bas, dans la montagne l'ivresse de la liberté retrouvée après tant d'années de bons et loyaux services...puis-je l'en blâmer? au contraire, cette escapade, c'est un cadeau que je lui fais pour notre anniversaire de mariage.
Mon école-paquebot  a pris le large sans heurts pour une nouvelle croisière.
Et parmi mes vingt huit nouveaux élèves à qui j'ai demandé une première rédaction: "décrivez votre année de cm2 en utilisant une métaphore"...certains se voient traverser un océan, d'autres un désert, pour d'autre encore, c'est une compétition, un match, ou la préparation d'un concours de musique. L'une d'eux s'imagine en feuille morte se laissant porter par le vent jusqu'aux doux rivages de la sixième...quant à moi, ils me décrivent tour à tour comme un arbitre, un entraîneur, un capitaine, un guide...c'est émouvant la façon dont chacun exprime son ressenti par rapport à ce rite d'initiation que constitue le passage au collège.La plus mignonne écrit:" je vois mon année de cm2 comme une déclaration d'amour. IL en faut du courage pour dire je t'aime" C'est-y pas craquant?
En corrigeant leurs textes, je leur prodigue mes encouragements, parce que je sais que ceux-ci vont les aider à prendre confiance en eux-mêmes.
Et toujours ce merveilleux sentiment du devoir accompli, de l'ordonnancement naturel des choses, d'un grand élan universel, auquel je participe, qui me porte et m'enveloppe ce soir à la manière d'une volute apaisante. Moment de pure sérénité.
 photo internet


06 septembre 2011

La magie d'un sourire

Comment un simple étirement réflexe des commissures peut-il posséder un tel pouvoir sur autrui? C'est ce que je me demandais ce matin, en traversant le parc au petit matin, quand les cygnes sortent de l'aile une tête enchifrenée pour leur salut au soleil.
J'avais envie de sourire bêtement, sans raison, mais je me suis dit que sourire n'a rien de bête, et qu'il y a toujours une bonne raison de le faire. C'est une arme karmique, un talisman, un sésame, un formidable désamorceur de conflits, une façon globale de concevoir l'existence. Une philosophie. Ma philosophie.
Et cette pensée m'a fait sourire.
J'ai pensé à tous ces moments de ma vie quotidienne où sourire me permet d'avancer bien mieux et bien plus qu'en fonçant à la machette dans la jungle des relations humaines.Un enfant à consoler, un parent d'élève buté qui ne veut pas comprendre mon point de vue, une collègue renfrognée, une machine en panne, un tableau effacé malencontreusement, les tracasseries administratives qui recommencent. Mille petites contrariétés sans autre importance  que celle qu'on leur donne souvent, et qui ne sauraient venir me gâcher la vie: un sourire et elles s'effacent, deviennent dérisoires. S'évanouissent.
Et cette pensée m'a fait sourire.
J'ai pensé au bonheur de retrouver la molle quiétude du soir, bien calée entre mon ordinateur, ma musique et mon bol de Ricoré. A tous mes amis, à ceux tapis dans l'ombre du réseau virtuel, caressant les mêmes rêves et les mêmes aspirations que moi. A ceux, admirables, qui me donnent chaque jour des leçons de sagesse, d'humilité, de volonté, de courage, de force extraordinaire, en se battant contre la maladie, au bout de la toile ou dans la vraie vie. A cette conversation bouleversante qui m'a fait prendre conscience de mes faiblesses et de mes erreurs, et qui a débouché sur le calme lac de la rédemption.
Et cette pensée m'a fait sourire.
J'ai pensé à toutes les belles choses qui s'offrent à ceux qui sourient. Et que décidément, j'avais bien de la chance d'avoir trouvé dans ma vie une thérapie si peu onéreuse. Et si douce.
Et cette pensée m'a fait sourire.

04 septembre 2011

Pardon

 A Isa

Pardon de t'avoir délaissée
pardon de t'avoir oubliée
Pardon de ne pas avoir su trouver le courage et la force
de t'appeler, de venir te voir
Je voulais  écrire "reprendre les armes"
parler de demain, des luttes à venir
Mais j'ai tout effacé avec mes larmes
pour te demander juste
pardon

03 septembre 2011

Conversation

Je voudrais construire un grand mur, dit la petite fille.
Mon mur monterait jusqu'au ciel. Il m'emmènerait aussi haut que mes rêves. Comme sur les ailes d'un jars blanc, je verrais ma maison. Si petite. Tout en bas.
Les briques en seraient couleur de feu, comme les cheveux de ma maman quand elle s'endort dans son hamac, l'été, et que de minuscules gouttes d'eau lui font une moustache de perles, juste là, sous le nez.

Ah? dit le grand-père.

Je voudrais construire un long mur, dit la petite fille.
Mon mur serait plus long que la grande muraille de Chine.
Il m'emmènerait au fond du monde, là où les déserts sont si chauds que les reptiles pleurent des larmes de sable, là où les banquises sont si froides que les pingouins restent collés au sol.

Ah!!! dit le grand-père.

Je voudrais construire un beau mur, dit la petite fille.
Mon mur entourerait la mer. Je serais la reine du plus grand royaume du monde, et la mer serait ma piscine, avec de vrais dauphins pour bouées, qui danseraient autour de moi pour me distraire.
Mais...et toi, papi, que voudrais-tu?


Moi, je voudrais détruire les murs .

Oh! dit la petite fille.

Les murs d'incompréhension, les murs de haine, les murs d'intolérance, les murs de la honte, les murs de prison, les murs aveugles, les murs du silence, les murs d'indifférence, les murs de l'Atlantique, les murs de brouillard, les murs de bêtise.
Moi, je voudrais détruire tous les murs qui séparent les hommes.

Eh bien, quand je pense qu'on me gronde quand je casse un jouet, soupire la petite fille.


Pour les défis du samedi, le thème était "murs".

01 septembre 2011

Septembre



Loin les vacances, déjà, dans les têtes des écoliers qui préparent leurs petits cartables aux odeurs de papier neuf.
Et pourtant le blanc soleil écrabouille la pelouse et le vol des cormorans  appelle encore l'été.
Les ombres des cyprès s'allongent, il y a du vent dans mon cœur.
Le petit matin frais perce ma chemise comme une mue trop fine.La touffeur du soir fait exulter le jasmin et les pittosporums.
Septembre est le mois des contrastes.
On a chaud, on a froid, on a les pieds sur terre et l'âme en pédalo.
L'été est là, et n'est déjà plus là.
 On rit, mais l'on pourrait pleurer .