30 décembre 2011

La lettre L


Lumière – Liberté – Lutter – Lamentable – Larmoiement – Loup – Lardons – Lune – Lanterne – Lointain(e) – Lupanar – Loustic  -Légèreté -Loufoque – Luciole – Lutin.
* * *


















 Regarde-toi, pays des Lumières ! Toi qui sus lutter comme un loup pour montrer aux autres le chemin de la liberté conquérante, comme une lanterne dans la brume.
Dans ce passé lointain et lumineux, les lutins de la Révolution permanente avaient pour nom Danton, Zola, Jaurès...
Vit-on jamais, sous le soleil, et même sous la lune, lucioles plus appliquées à guider le peuple hors de son obscurité ?
Mais les temps ne sont plus à la légèreté... Que t'est-il donc arrivé ?
Quelle est cette bande de loustics méprisants qui laminent ta belle démocratie, pillent tes valeurs et assaisonnent la République aux petits oignons et lardons du libéralisme? Si l'on avait le cœur à être loufoque, ou cynique, on pourrait dire que le pays devient un immense lupanar où tout se vend. Hélas, ce lent démantèlement est plutôt lamentable.
Mais faisons fi des larmoiements, il est temps de livrer bataille, une nouvelle aube se lève!




Pour les dernières plumes de l'année d'Asphodèle

26 décembre 2011

Ce ne sont que des mots


(Attention, scène d'une violence inouïe, âmes sensibles s'abstenir!)

Je repense à la scène du film "les Petits Mouchoirs" où un personnage un peu zen, un peu mystique  raconte l'histoire de ce type qui met du riz dans deux pots différents et qui, sur l'un des pots, écrit "je t'aime", et sur l'autre "je te hais". Et il parle gentiment au premier riz, qui se conserve correctement. A l'autre, il profère des insultes et celui-là finit par moisir. Alors, on voit Eric, (voir ci-dessus) l'un des personnages du film, mettre la leçon en pratique et sortir un chapelet de gros mots à son pot de riz, et on est plié en huit, car la scène est désopilante.
Mais au-delà de l'exagération  comique,  il n'en reste pas moins que les mots ont sur nous un grand pouvoir. Nous sommes tous un peu des grains de riz, à certains égards...Les mots peuvent nous faire et nous défaire, et s'ils constituent l'essentiel de nous mêmes, en nous permettant d'exprimer nos ressentis, nos pensées, notre humanité, il nous faut aussi apprendre à nous  en méfier , à les tenir à distance et à nous détacher d'eux quand ils sont cause de souffrance ou de malaise.
Prenez un enfant en échec en mathématiques. "Chuis nul en problèmes!"dit-il. Il a une bonne bouille cet enfant. Il dit juste qu'il est nul en problèmes.
Dites-lui: "nous allons faire un problème" et il se met à transpirer, et trembler de la peur de ne pas y arriver. Et il abandonne au bout de trois minutes.
Dites "nous allons résoudre une énigme" et ça va tout de suite mieux...ses yeux se remettent à briller, on va y arriver. Pas besoin d'être un expert en PNL* pour comprendre cela. Le mot énigme contient du plaisir, il est associé à un exercice agréable, une sorte de jeu,  alors que le mot problème...vous avouerez qu'il n'est pas très excitant!
En face d'un personnage "important", comment ne pas perdre tous ses moyens et se sentir tout petit...comme disait ma grand-mère, "patron, proviseur, préfet, inspecteur, tous ces puissants qui nous écrasent, que valent leurs titres? ce ne sont que des mots: imagine-les donc sur le trône en train de faire leur grosse commission!"  Effectivement, c'est imparable. Elle ne se laissait pas impressionner, ma mémée!


Pourquoi je vous dis tout ça, moi? Ah oui...c'est que ce soir, deux jours après tout le monde, nous allons fêter Noël avec les enfants, nous offrir quelques cadeaux et manger du foie gras. Parce que nous sommes arrangeants, nous, et pas du tout à cheval sur les dates. Quelle importance, ce ne sont que des conventions, finalement, je dirai même plus, ce ne sont que des mots...




*PNL: Programmation Neuro Linguistique

23 décembre 2011

Cadeau de Noël

Tiens? Qu'est-ce que c'est? Un cadeau?  J'ouvre. Et je vois...
Une petite boîte en fer blanc. Une boîte toute simple. Pas livrée par camion. Pas arrivée par la poste. Trouvée là, simplement posée sur le paillasson , devant l'entrée, parmi les folles herbes enluminées de givre, sous les regards frileux du chat de la maison.
Dans la boîte, rien de connu ou d'attendu. Pas de supercalifragilistique cadeau numérique pimpant et clinquant. Juste une petite baguette de bois. Une baguette de bois toute simple.
En regardant de plus près, c'est un crayon. Un joli crayon tout simple.
C'est un crayon qui dessine tout seul. Il sait dessiner des choses très difficiles: il dessine l'arc en ciel sur le pourpre profond d'un soir d'orage, une fontaine d'anges aux grelots de cristal. Il dessine le silence suspendu aux lèvres du temps, à ce moment divin où Mozart vibre encore et où le silence déchire les ors et le velours incarnat de Pleyel. Il sait dessiner aussi le sein pâle de la jeune fille qui palpite à l'émoi du printemps, le vertige que l'on éprouve au pied des cathédrales, la splendeur des glaciers, des déserts et des villes, les parfums et les sons , les larmes qui perlent, les rides qui parlent, la main qui se tend, le premier cri d'un nouveau-né dépliant ses poumons comme un coquelicot. La moire et le velours, le croquant et le fondant. Tant de choses belles et douces et ineffables.
Il dessine, mine de rien, toute la magie que chacun accorde à l'existence. 
J'ai pris le crayon, et il a écrit tout seul ce que je voulais vous dire depuis longtemps, pour vous tous, qui êtes à l'extérieur de moi et pourtant faites partie de moi, comme je fais partie de vous, ces trois mots, les plus beaux du monde:




JE VOUS AIME!


Ceci est un message personnel à chacun d'entre vous, qui me lisez et m'apportez en retour tant  de bonheur et de vous - même  à travers vos écrits. Passez le plus beau et le plus doux des Noëls.



20 décembre 2011

La lampe magique



C'était la nuit la plus courte longue de l'année. Orion éclairait de sa superbe le ciel glacé. C'était une nuit propice à la rêverie éveillée. Je ne dormais pas. Je contemplais à travers les vitres les trois étoiles de la Ceinture, aux noms très romantiques d'Alnilam, Alnitak et Mintaka. Je laissais ainsi vaguer mon esprit quand il me sembla apercevoir, sur la commode, en face de mon lit, un objet que je ne connaissais pas. 
C'était un récipient au bec allongé ressemblant furieusement à une lampe de conte des mille et une nuits. Elle luisait à la faible lumière des réverbères d'un éclat étrange, comme un éclair cuivré qui traversa ma rétine pour aller se ficher dans mon cerveau. Je me levai, mue par une force magnétique, et me surpris à faire le geste mythique, vu et revu: je frottai la lampe doucement.  Je m'attendis à en voir sortir un génie de type connu, une sorte de Monsieur Propre replet et jovial, de Tarass Boulba aux yeux bridés et aux muscles avantageux.

Mais rien ne se passa. Je retournai me coucher, un peu déçue, quand une voix me fit sursauter: "Que désires-tu?"  
Dans le fauteuil, là, dans le coin, une toute petite fille me regardait avec des yeux mauves traversant la pénombre de leur intensité. Elle tenait une poupée dans ses bras. Elle me fit penser à Shirley Temple, la petite actrice prodige...
-Que désires-tu? demanda-t-elle pour la deuxième fois.
-Qui es-tu? demandai-je.
-Qu'importe, tu m'as délivrée, que désires-tu?
Des questions me brûlèrent la langue: combien de voeux pouvais-je faire? Avais-je vraiment carte blanche? Combien de temps me donnait-elle pour me décider?
Car sonder son cœur à la recherche de ses désirs profonds n'est pas une affaire anodine et ne saurait se faire à la légère...
Cela demande évidemment une intense et mûre réflexion.
-Tu as trois voeux, quels qu'ils soient, et trois minutes pour les formuler. Après quoi, je disparaîtrai à jamais.
Je restai pétrifiée. Jamais je ne parviendrais à choisir en si peu de temps! Il y avait tant de choses à souhaiter pour que ce monde cruel et imparfait s'améliorât, tant de choses ignobles ou révoltantes à éradiquer, tant de malheurs, d'injustices, à gommer, tant de fléaux... et puis il y avait les souhaits moins universels, qui concernaient mes proches, mes amis, ma famille. Des réussites , des protections, des guérisons, des prises de conscience. De l'amour. Du bonheur. J'avais aussi des choses à me souhaiter à moi-même, de l'énergie, de la santé, de l'enthousiasme, il ne s'agissait pas de m'oublier. Au passage, je retrouvai en moi le sempiternel conflit entre ma tendance résolument altruiste et cette part de moi qui me souffle qu'un peu d'égoïsme ne nuit pas. Difficile, n'est-ce pas! 
Mais le temps passait...Je m'aperçus soudain avec dépit que la petite fille avait disparu. J'avais été trop longue à me décider, comme devant la vitrine d'un pâtissier quand, petite, il me fallait choisir un gâteau pour faire plaisir à ma tante Paulette.

Je m'endormis avec un sentiment doux-amer de défaite. Mais au réveil, quand je me remémorai mon rêve bizarre, cette allégorie nocturne me fit sourire: après tout, j'avais déjà tout ce que je pouvais désirer, dans ma vie personnelle.  Pour faire des voeux, il me suffirait d'attendre dix jours: sous une branche de gui, dans ma belle robe à paillettes, je lèverais mon verre de champagne à l'espoir d'un monde meilleur. En y croyant très fort. Comme chaque année. Et en repensant au beau regard innocent d'une petite fille aux boucles blondes. Une petite fille qui n'était autre que moi enfant, venue simplement me rassurer sur mon âme de gosse restée intacte.

Edit du 21 décembre Merci à Antiblues de m'avoir fait remarquer mon lapsus très freudien: j'avais écrit la nuit la plus courte, sans doute parce qu'inconsciemment je préfèrerais être en juin qu'en décembre...

17 décembre 2011

Partages



La semaine de Noël, à l'école, c'est la dernière avant les vacances. Une farandole de réjouissances, goûters, spectacles, ça sent la mandarine et le chocolat avec tous les étages, les étoiles scintillent, les papillotes crépitent, les petits yeux s'agrandissent de joie. 




Avec tout ça, pas une minute à moi, j'ai loupé le défi du samedi, un atelier d'écriture hebdomadaire  que j'aime beaucoup. Et ce matin, je découvre avec ravissement les prodiges d'imagination  de mes amis les défiants. Il s'agissait d'inventer des "petites annonces" à la Pierre Dac, les plus drôles et les plus farfelues qui soient. C'est un feu d'artifice que je vous invite à découvrir ici.(descendez un peu après l'article "étonnant ce que l'on m'a offert comme cadeau")

Bravo mes amis!





J'ai aussi manqué "la lettre k" d'Asphodèle...Là encore, certains blogueurs m'ont enchantée par leurs trouvailles.




Mon amie Ella nous initie au langage "facebook-ado-sms" avec une grande maestria.



Anne





Anne de Bretagne nous conte une magnifique love story.

Jean-Charles
  
 
Jean-Charles,lui,  nous confie, dans un improbable et décoiffant carnet 
de voyage en scooter,  ses tribulations sexuelles et tantriques  de la Norvège au Japon, en passant par l'Australie, et il réussit l'exploit de doubler le nombre de mots en "k" prévus par la consigne.


Quant à Arieste, elle nous embarque sur la Côte Dorée, un lieu paradisiaque où s'ébattent des espèces encore inconnues des zoologues...

Quelques exemples parmi tant d'autre de la jubilation créatrice qui anime les blogs. Une belle balade pour un début de vacances...


15 décembre 2011

Refuge


 
















Refuge. Lac de montagne, verdoyants chalets de bois,  herbages lumineux jonchés de mousse, de marmottes et de lupins, feu de bois. Voilà ce que m'évoquent généralement les sonorités de ce mot doucement chaleureux comme une clarine dans l'air pur.
Mais il fait nuit. C'est la ville. Le froid est grisâtre et poisseux. Il  s'immisce peu à peu entre le caraco en soie et le pull en acrylique. La conjoncture est déprimée. La bourse s'effondre, la mort rôde partout, l'espoir devient filandreux. 
Là-bas, dans un pays ami, des gens pansent leur plaie. Le sang a coulé pour rien.
Semaine sombre.
J'ai croisé deux femmes. 
L'une pleure car elle s'est cassé l'orteil, mais elle est tellement pauvre, tellement acculée par l'existence  qu'elle ne peut même plus aller voir un médecin...Elle pleure, mais je me méprends sur ses larmes: ce n'est pas du désespoir, elle a vraiment mal physiquement, et il me semble malgré tout voir le ciel clair à travers ses larmes. Elle me dit que c'est son chemin.
L'autre était en congé de maladie, mais elle doit reprendre le travail sinon elle est virée, a dit sa patronne. Son genou, pourtant, la fait tellement souffrir! Il est énorme, on dirait celui d'un éléphant, déformé par la douleur. Et sa sœur qui vient d'avoir un accident de voiture. Le coma. Trois gosses en bas âge.  Je serre les poings dans mes poches, crevant de honte devant l'inhumanité de ce monde trop dur. Scènes cruellement ordinaires révélant notre impuissance. 
La seule chose que je sache faire, c'est soulager la détresse par des mots. Les mots ont du mal à sortir, eux qui sont pourtant ma force. J'ai la sensation de lutter contre des sables mouvants. Le dépit, le malheur, le renoncement, l'incertitude, que voilà des émotions fatigantes moralement!
Mais elle garde le sourire, me dit de ne pas m'en faire, que ça va aller, qu'il lui suffit de penser à son fils pour avoir de la force.
Il me faut continuer à croire en la beauté des choses.
Ces deux femmes savent se réfugier à l'intérieur d'elles-mêmes pour trouver la force.
Elles m'ont donné une belle leçon de vie. Je me suis  emplie  à leur contact et étrangement ça m'a vidée. 
Je repense à toutes ces courageuses qui m'entourent, qui luttent sans  jamais faiblir, contre l'adversité, la maladie, la solitude, la mort, un destin contraire, sans jamais se plaindre.
J'ai envie de me blottir, de me distraire, de m'étourdir,  de me saouler, de me pelotonner...Et je réalise que j'ai, quand je veux, du chaud, du bon, du doux, du Beau. De la  douceur rayonnante, des bras accueillants, du miel, du feu, de la chaleur humaine , du rire en confiture, des rêves en cascade, de la musique avant toute chose...
Je sais pouvoir toujours trouver, en moi et à l'extérieur de moi, en gestes ou en paroles, seule ou en compagnie, de quoi me reconstruire, chaque jour. Je me dis que j'ai de la chance.
Car la vie m'a appris à trouver refuge. Car la vie m'est un refuge.

Photo internet

09 décembre 2011

Saturday night fever

Juin rougeoyait à l'horizon. C'était l'été. Les vacances s'annonçaient radieuses. Il était dix heures du soir. Les martinets vrillaient le ciel de leurs cris suraigus. L'air embaumait le chèvrefeuille.

J'habitais encore chez mes parents, et pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut vous imaginer le typique appartement des années 70 : une porte d'entrée en chêne clair, munie d'un judas cylindrique fermé par un petit opercule pivotant. L'entrée, minuscule, carrée, cuisine à gauche, salon-salle-à-manger à droite, et devant, un long couloir tout droit desservant les autres pièces.
Quand les trois portes étaient closes en même temps, le carré formait une sorte de sas étanche phoniquement parlant.

Ce soir là, les trois portes étaient fermées, justement. Le détail a son importance.
Mes parents regardaient sans doute Maritie et Gilbert Carpentier au salon, mes frères jouaient, ou plus vraisemblablement, "glandaient" dans leurs chambres. Ma petite sœur dormait. Je rêvassais sur mon lit, la porte-fenêtre ouverte sur l'été et le balcon, les voilages frémissant de la brise du soir.

Mes années d’École Normale venaient de se terminer. Mes camarades de promo et moi nous étions partagé les postes vacants pour la rentrée prochaine. J'avais obtenu une école  à R., une petite ville à une vingtaine de kilomètres de chez mes parents.
Je devais être en train de confier à mon journal mes états d'âme du moment, les yeux lointains, en écoutant à la radio les Bee Gees chanter « More than a woman » avec leurs voix de haute-contre.

Vous saisissez la scène : personne, à ce moment précis, et dans cette configuration topographique et circonstancielle, n'était en mesure d'entendre de petits coups discrets à la porte en chêne. De petits coups frappés par ma copine Rachel qui n'osait pas sonner, parce qu'il se faisait tard, et qu'elle était polie. Personne...sauf mon deuxième frère, qui, comme tout bon adolescent qui se respecte, venait de ressentir au fond de son estomac l'appel pressant et langoureux du sandwich au poulet vespéral, celui-là même qui faisait à chaque fois hurler ma mère : «  Quoi, encore ? On est sorti de table il y a à peine deux heures ! »

Par une conjonction astrale extraordinaire, mon frère traversa le sas de l'entrée et entendit Rachel gratter à la porte comme une souris. Trente secondes plus tard, elle serait partie bredouille, ce qui aurait considérablement changé la face du monde. Enfin, de mon monde à moi.
Car Rachel, prise d'une inextinguible crise de remords et de panique, venait tenter sa chance pour échanger son poste contre le mien. Ses larmes m'émurent au point que j'acceptai la ville de M. contre celle de R. Celle-là était plus loin mais plus au sud. De toutes façon, j'étais décidée à couper le cordon, alors, là ou ailleurs... Elle partit en me bénissant.


Trente-trois ans ont passé. Je suis toujours à M. J'y ai construit ma vie. Je n'ai jamais eu envie d'en partir. Je regarde souvent mon mari, mes enfants, ma maison, mes amis, mon école, mes collègues, mes élèves en me demandant quelle aurait été ma vie si un soir de juin, par le plus grand des hasards, mon frangin n'avait pas eu tout à coup une irrépressible envie de poulet...


Pour le défi du samedi     Il fallait se demander si le hasard fait bien les choses...

07 décembre 2011

Jeanne

Un petit cadeau avant l'heure pour vous tous.
Un hymne à l'amour impossible.


Juste beau et doux comme comme le dernier Voulzy. 
La musique est au bas du texte.


Jeanne,
Enfin je vais vous dire
Combien je soupire
Vous êtes si loin, si loin d'ici
Des siècles nous séparent
Et mon cœur s'égare
Un amour subtil l'a pris

Et je chante ma peine
Loin de celle que j'aime
L'âme pleine de mélancolie

Et je chante ma peine
Loin de celle que j'aime
L'âme pleine de mélancolie

Jeanne,
J'aurais aimé vous plaire
Et je désespère
De venir un soir à vos genoux
Vous n'êtes qu'une image
Perdue dans les âges
Et moi dans l'amour de vous

Et je chante ma peine
Loin de celle que j'aime
L'âme pleine de mélancolie

Et je chante ma peine
Loin de celle que j'aime
L'âme pleine de mélancolie

Jeanne,
Si la vie est un rêve
Que l'amour relève
Tout contre vous Jeanne, au bois dormant
Vous prendriez ma vie
Je prendrais votre main
Nous irions dans un lit comme des amants

Et je chante ma peine
Loin de celle que j'aime
L'âme pleine de mélancolie

Et je chante ma peine
Loin de celle que j'aime
L'âme pleine de mélancolie

Jeanne...
Jeanne,
Vous n'êtes qu'une image
Perdue dans les âges

Et je chante ma peine
Loin de celle que j'aime
L'âme pleine de mélancolie

04 décembre 2011

Métaphysique joyeuse

"Quand j'écoute les astronomes me parler de l'immensité de l'Univers, j'hésite à me laver les dents".

Voilà une phrase de Cioran qui résume bien les choses: quand on se met à réfléchir de manière métaphysique, avec cette acuité intellectuelle que nous donne la lecture des penseurs, on est tenté de asseoir sur un banc et de ne plus rien faire du tout.  Car dans cet univers énigmatique où nous nous donnons l'illusion de servir à quelque chose, le moindre de nos gestes devient un inutile soubresaut, une convulsion de l'âme qui nous empêche simplement de nous jeter du haut d'une falaise, en occupant notre esprit. On s'agite, on court, on saute , on s'enlace, on se bat, on chante, on fait, on agit, on projette, on remplit nos agendas pour éviter de penser à l'absolue aberration de cette parenthèse entre deux néants qu'est l'existence. On se crée des obligations, des règles, des objectifs, des listes. On suit des lignes de conduite, des éthiques, des maximes Et en même temps l'on espère, on croit en un monde meilleur, en des lendemains qui chantent, un âge d'or, un Eden, un mieux, un plus. Pour ne pas sombrer dans le désespoir ontologique.

Je ressens souvent ce côté dérisoire de notre présence sur ce ridicule  grain de sable qu'est la Terre, cette absurdité de ne pas comprendre ce que l'on fait là, d'où on vient, où l'on va, mais c'est drôle, je n'en éprouve que davantage de goût et  de passion  pour cette vie que j'ai empruntée à mes ancêtres pour la transmettre à mes descendants.

Je n'ai pas la métaphysique triste. Je me sers juste de ces moments de "pause philosophique", de respiration fondamentale, pour recentrer mes priorités. Bien sûr, rien n'est vraiment utile ou important au regard de l'immensité glacée de l'univers. Mais à l'échelle humaine, et dans l'impérieuse évidence de l'instant , prime la satisfaction subjective et éphémère d'être bien et d'avoir bien fait . Et bien faire, pour moi, c'est faire du bien. Sentir les gens autour de moi être contents, les voir sourire, apporter du beau, du bon, du vrai aux relations humaines. Accomplir de petites choses en éprouvant de la joie à les accomplir. C'est pourquoi, malgré le vide, la futilité , la vanité, l'incongruité existentiels, je vais faire le ménage, prendre une douche, mettre une jolie robe, préparer un bon petit repas, discuter de tout et de rien. Et je n'oublierai pas de me laver les dents.

03 décembre 2011

Memorium

La voix synthétique, sépulchrale, résonna dans les haut-parleurs à propagation d’ondes tribenniales. Les visiteurs rechargèrent leurs cartouches d’oxygène  artificiel saturé aux distributeurs automatiques à l’entrée. Il régnait une atmosphère délétère dans cette partie du grand Mémorium Galaxial. Seuls quelques privilégiés parmi les Citiziens avaient été autorisés à voir les salles interdites, et pour un temps très court. On était en 3012. Ensuite, le muséum fermerait ses portes car seul le Grand Ultime avait le droit d’y accéder.

« Mesdames messieurs, nous pénétrons maintenant dans la salle du deuxième millénaire. Le tableau que vous avez devant vous a une valeur inestimable. C’est le dernier tableau qui a été peint avant le Grand Réalignement de 2012. Les historiens s’accordent à dire qu’il marque le début de l’Ere de la Calamité. Il représente la Grande Prêtresse Ségolénia, en méditation devant un des Symboles de la Décadence Archaïque. En ces temps anciens, les habitants de la Planète s’appelaient encore les hommes, ils étaient divisés en multitudes de groupes, appelés continents, nations, cliques, ligues, partis, classes. Ils n’avaient pas encore eu la Révélation Suprême. Ils ne parlaient pas la même langue. Ils se battaient donc constamment, pour la survie, pour l’argent, pour le pouvoir. Ces luttes occupaient le plus clair de leurs vies ridiculement  courtes.»

Un murmure frissonnant parcourut l’assistance.  Ces temps immémoriaux semblaient complètement irréalistes aux Citiziens. Les mots eux-mêmes appartenaient à un passé oublié. Au fur et à mesure que la Voix décrivait les mœurs cette époque troublée et triviale, le dégoût devenait palpable.

« L’élément central du tableau représente une rose, appartenant à une catégorie d’objets oubliés de nos jours. Ces objets dits « naturels » s’appelaient des fleurs. Les objets naturels dans leur ensemble ont disparu à la fin du 21° siècle, avec la découverte des matières tribenniales et extra-synthéticoïdes que nous connaissons aujourd’hui, et surtout l’invention des organismes de substitution plurimétabiologiques … »

Les visiteurs se regardèrent hébétés, abasourdis,  cependant que la Voix continuait son monologue ahurissant. Il était impensable d’imaginer des êtres obligés de se nourrir d’organismes vivants pour vivre, de se reproduire, de se battre pour des territoires. Seuls les rats et les fourmis avaient continué à suivre ces schémas ancestraux, mais cela avait causé leur disparition. Certains mots restaient parfaitement incompréhensibles : "démocratie, vote,  lutte des classes, capitalisme, socialisme..."
Le Grand Ultime avait tout prévu. La vie était linéaire. Douce et sans faille. Sans rides. Sans luttes. Jusqu’au jour du Grand Convoi Programmé , où l’on devait partir pour une planète sans oxygène. Chaque jour les ordinateurs calculaient le nombre exact de naissances, et de là, celui des Citiziens en partance. Le nombre idéal de Citiziens avait été fixé pour toujours à 25 milliards. Ils acceptaient la règle.
Ils sortirent du Mémorium et passèrent dans une Salle de Réajustement, afin de se faire laver le cerveau.
 Les Soleils brillaient. Tout était Bien.



Pour le défi du samedi  n° 170

Edit de 15 h 00:  Le "Grand Ultime" m'a certainement punie de mon audace: mon blog est en plein bug! Les paramètres deviennent incontrôlables! Pitié, prenez patience et persévérez pour poster vos commentaires, malgré cette tempête solaire...