27 mars 2022

Ebène et ivoire

 

« Ebony and ivory live together in perfect harmony

Side by side on my piano keyboard, oh Lord, why don't we? »

Paul Mc Cartney






 Les voisins de mes parents, à Barcelonnette, étaient des gens de la petite bourgeoisie de province. Un capitaine de l'armée et une femme au foyer. Leur fille s'appelait Catherine et avait le même âge que moi. 
Un jour, chez Catherine, je demandai la permission à sa mère de jouer du piano. C'était une dame délicieuse. Et c'était un magnifique piano droit en bois très sombre, orné de deux chandeliers comme celui du tableau de Renoir. Elle dit oui.
Je n'avais jamais vu de piano de ma vie, et pourtant, je me mis à jouer à deux doigts Au clair de la Lune et Ah vous Dirai-je Maman sans une fausse note.
C'était comme si mes doigts trouvaient tous seuls l'enchaînement des touches. J'ai toujours  su faire ça, depuis l'enfance. Une espèce de don d'oreille, hélas laissé en friche...
Sa mère fut très impressionnée et alla dire à la mienne qu'il serait bon qu'elle m'inscrivît à un cours de piano. Ma mère refusa tout net. Je n'ai jamais vraiment su pourquoi elle avait fait ce blocage. J'en suis restée à des suppositions qui sont venues longtemps me hanter, papillons noirs d'incompréhensions et de non-dits voletant devant mes yeux, et que je chassais d'une pichenette. Avec un soupir de résignation.
Plus tard, à l'Ecole Normale, après les cours, dans le gymnase, je passais des heures à pianoter sur un vieux bastringue désaccordé qui sonnait comme ceux des westerns. Mais j'adorais ça.
Il a fallu que j'attende l'âge adulte pour m'offrir mon premier piano. (Il sera aussi, sans doute, le dernier) 
Nous avons été séparés quelque temps, lui et moi, après mon divorce. 
Mais désormais, il est là, dans la Maison de la Colline. Il enchante le quotidien tel un ami fidèle. J'aime caresser ses touches brillantes, et improviser de petits airs au gré de mon humeur. 
Tant pis pour ma vocation loupée de soliste internationale. Je n'échangerais pas une carrière même étincelante contre le bonheur de jouer juste pour ceux qui m'aiment. Pour Celui que j'aime. L'amour est le plus beau des métronomes.



 

22 mars 2022

Nonante-neuf








Hier, c'était l'anniversaire d'Odette. Souvenez-vous, je vous l'avais présentée, il y a deux ans. La plus charmante des vieilles dames que je connaisse. Odette est née à l'équinoxe de printemps, en l'an de grâce 1923. L'année où Bernard Clavel est né, et Gustave Eiffel est mort. L'année où a débuté la fameuse « affaire Seznec » toujours pas élucidée...
Si elle était belge, on aurait dit : « Elle fête ses nonante-neuf ans. » J'aime ce mot. Les sonorités en sont douces. Plus douce qu'en français « de France »…
Depuis deux ans, Odette a traversé toute cette gabegie, les confinements, les interdictions, les injections, les injonctions, avec le même sourire. Résignée sans être triste. En prime, elle a même contracté « la maladie à la mode » comme elle l'a qualifiée avec son flegme tout britannique. Et elle est toujours là. Souriante. Heureuse.

Ah, Odette, quel est donc ton secret de longévité ?
 Ta bonne humeur ? Ton extraordinaire philosophie de la vie, faite de gratitude et de joies sans prétention ? Ton esprit pétillant ? Ta capacité d'émerveillement ? Ta spiritualité humble et joyeuse ? Ou ton petit verre de vin de noix pour fêter la vie à chaque occasion ?
Hier- t'en es-tu rendu compte? - c'était le premier jour de ta centième année. Tu as apprécié d'être entourée de ceux qui t'aiment. Tu as fait honneur au repas, simple et raffiné, tu as ouvert tes cadeaux, tu étais joyeuse comme on l'est à dix ans, quand tes yeux ont brillé devant « ta » bougie. Une grosse bougie scintillante remplaçant les quatre-vingt-dix-neuf qui n'auraient pas toutes tenu sur le gâteau. 
Tu as eu l'air d'avoir vingt ans quand cette cliente du restaurant s'est écriée en te voyant :
 « Comme vous êtes belle ! »  
Elle avait raison. Tu as tous les âges en même temps. Et tu es belle parce que tu connais le secret de l'Essentiel. Laisser glisser sur soi les choses sans importance, comme on s'ébroue après la pluie. Et savoir dire merci. Longtemps. Toujours. Souvent. 
Merci !


•.¸¸.•*`*•.¸¸☆•.¸¸.•*`*•.¸¸☆•.¸¸.•*`*•.¸¸☆



18 mars 2022

Je te promets

 



Qu'est-ce que les acteurs sont bons, de nos jours ! Avant, même bons, ils "jouaient" des rôles et ça se sentait. Désormais, même dans les séries de divertissement dites "sans prétention", ils vivent leur personnage en oubliant la caméra. C'est bluffant.


Il y a eu cette petite série le lundi soir. Je ne sais pas si vous l'avez vue.
Je te promets. Comme dans la chanson de Johnny. 
 Je ne sais pas pourquoi cette histoire m'a autant touchée. Sans doute à cause des liens familiaux, et de l'impact de l'enfance sur la vie adulte. Ça me percute de plein fouet. 
En gros, c'est l'histoire d'un couple dans les années 80, qui attend des triplés. A la naissance, l'un des trois ne survit pas. Mais dans le même temps, un enfant noir est abandonné par ses parents dans la même maternité. Le couple décide de l'adopter. 
Mathis, Maud, Mickaël. On "M" beaucoup chez les Gallo. 
C'est l'histoire d'un couple banal, et pourtant unique, qui fait de son mieux, mais n'empêche pas les maladresses de marquer profondément chaque enfant, qui se construit alors comme il peut dans cette drôle de famille traversée par des drames ordinaires ou brûlants.
Maladresses, inconscientes sans doute, ancrées dans le tissu de chaque protagoniste de l'histoire. La grand-mère, qui marque la différence entre les "jumeaux" et Mathis, le petit adopté. Qui multiplie les gaffes sur la couleur de l'un, le poids de l'autre...
Le père, personnalité écrasante, "enchanteur de quotidien", héros familial idéalisé par la mère.
La mère qui tangue sur le fil entre femme libérée, amoureuse, et mère de famille parfois dépassée.
Le père biologique qui aime son fils à distance depuis sa naissance...
Les amis qui savent des secrets qui les empoisonnent depuis si longtemps.

Les enfants devenus adultes sont en proie à des problèmes récurrents.
Les problèmes d'identité de Mathis, le racisme latent qu'il doit affronter depuis l'enfance,  sa volonté farouche de réussir, son désir de retrouver ses parents biologiques.
Les problèmes de poids de Maud, qui entoure son corps de graisse comme une carapace pour remplir son vide, protéger sa blessure,  celle d'avoir une mère parfaite et de ne pas se sentir à la hauteur. 
Les problèmes d'addiction de Mickaël, brillant footballeur puis acteur, toujours en recherche de l'amour d'un public, mais coquille vide désespérée, loser de l'amour.
Pourtant l'amour est là. Le lien est fort entre les trois. Les conjoints font de leur mieux pour trouver leur place dans ce bloc soudé que constituent des triplés. Mais l'incommunicabilité dans les relations humaines, c'est terrible. 
Et c'est sans doute de contempler fugacement le miroir de mes propres expériences en matière familiale qui me bouleverse tant.
C'est Maud qui m'a le plus émue. Marylou Berry est tout simplement épatante.








14 mars 2022

Comme des pas sur le sable


 

Mes chers parents. 

« Ma songerie, aimant à me martyriser, s’enivrait savamment du parfum de tristesse » aurais-je pu écrire si j'étais Mallarmé. Mais je n'aime pas la tristesse. Même si, parfois, fugacement, elle m'étreint, comme aujourd'hui, nimbée de nostalgie heureuse.
Mes chers parents, donc, c'est fou comme cette maison, là, sur le tableau,  ressemble à celle où vous avez vécu tant d'années. Jusqu'au bout. Notre maison. C'est fou comme elle ressemble à la dernière image que j'ai gardée d'elle : une maison vidée de ses meubles, de son âme. Comme réduite à son squelette. Prête pour la vente.
Ce couloir central, séparant les pièces, ces plinthes, ces portes en bois peint avec leur bouton en porcelaine, jusqu'à cette cheminée art déco aux jambages de marbre...En la voyant, j'ai été saisie d'émotion. La maison n'existe plus que dans les replis de nos mémoires. Son âme est là. En nous. Et sur les photos que je m'efforce de rassembler pour en faire un album souvenir. 
On l'a toujours appelée la Maison.
Oh, bien sûr, les murs sont toujours là, mais le nouveau propriétaire a tout chamboulé. Il a cassé les cloisons, réagencé les pièces, ouvert des fenêtres, fait sauter les plafonds. Vos chambres sont devenus une grande pièce à vivre, le grenier une mezzanine, et le salon une chambre. La cuisine a doublé de surface.
Il a heureusement gardé les carreaux de ciment, dernier vestige d'une époque enfuie, enfouie. Parce qu'ils sont redevenus à la mode et qu'ils ont un charme fou.
Mais l'odeur a disparu. L'odeur si particulière qui me saisissait chaque fois que j'y entrais. C'est drôle, chaque maison a son odeur. Indéfinissable. Personnelle. Unique.
C'était mon enfance. C'étaient les vacances, le long voyage en DS familiale, chaque premier juillet. Le bruit familier de la rivière qui berçait nos nuits et nos jours. Qui aurait pensé qu'elle ravagerait tout sur son passage cinquante ans plus tard ? 
Ton jardin, papa, tes haricots et tes tomates. Le vieux rosier. Tes gnocchi, maman,  sur la table de la cuisine. On était sept. On accrochait ces mythiques patins à roulettes en fer avec des lanières de cuir. C'était casse-gueule mais on s'en foutait. On patinait sur le bonheur. Insouciants de vivre. Ça sentait le seringa, le chèvrefeuille et le sapin. L'ambre solaire et la friture.
Ça sentait les commencements, l'énergie, le soleil.
Et puis un jour, ça s'est mis à sentir la fin. Subrepticement, et sous le même soleil, pourtant.
Ces milliers de souvenirs, mieux qu'un album photo, j'ai envie d'en faire un livre. Retenir les traces comme des pas sur le sable. Puisque je suis, à tout jamais votre petit soldat de plume.

Et toi, cher lecteur, c'est fou, mais surtout ne t'imagine pas que je dis des folies.

******










Merci au cher Goût pour ce beau sujet.


09 mars 2022

Ophiuchus

  






Ah mes amis. J'ai appris aujourd'hui une nouvelle bouleversifiante... Figurez-vous que je ne serais pas née sous le signe du bélier, mais sous celui du poisson. Non mais quelle baliverne ! Quand on connaît mon rapport compliqué à l'eau, qui me rapprocherait davantage de la godasse en plomb que de la naïade, il y a de quoi se gausser. Moi, un poisson...pfff! Un signe d'eau...Moi qui suis tout feu tout flamme...
Mais commençons par le commencement. 
 Au départ, nous avons les Babyloniens. Vous connaissez le vieil adage : il ne faut pas parler sèchement à un Numide. Les Grecs en avaient un autre : il ne faut pas prendre au sérieux un Babylonien. 
Imaginez donc qu'il y a 3000 ans, ces sacrés Babyloniens ont découvert les constellations dites « du zodiaque »  c'est à dire celles qui accompagnent la course apparente du soleil (entre nous, il fallait être balèze pour être aussi précis, sans téléscope électronique, pour distinguer toutes ces bestioles dans le ciel nocturne.) Jusque là, c'était plutôt une avancée de la connaissance en matière d'étoiles.
Ce que l'on ne sait pas, c'est qu'ils en avaient décompté treize, à la base. 
Au mépris de leur découverte, les inventeurs de l'horoscope, dont le grec Ptolémée, estimèrent que pour coller à une année de douze mois, treize constellations, ça faisait gravement désordre. Ils se sont donc réunis pour décider duquel serait évincé de la ronde des signes. Eh oui, treize à table, déjà, à l'époque, il valait mieux éviter... 
Ils ont jeté leur super dévolu sur un drôle de bonhomme, pas très beau, et nanti de surcroît d'un serpent enroulé autour d'un bâton. Avec un nom à coucher dehors, Ophiuchus, tellement difficile à prononcer qu'on a préféré l'appeler le Serpentaire.
De toutes façons, les serpents n'ont jamais eu très bonne presse dans les genèses, les cosmogonies et autres mythologies. C'était perdu d'avance pour le serpentaire. Les Grecs l'appelaient Asclépios, les Romains Esculape, mais cela ne changea pas d'un iota son destin de banni des astrologues.
Le hic, c'est que le Soleil, lui,  a continué sa course (apparente) dans le zodiaque, y compris dans Ophiuchus, et que petit à petit, les dates se sont méchamment décalées. Sans compter la précession des équinoxes qui n'arrange rien. 
Bref,  les astrophysiciens ont recadré tout ça dernièrement, ne résistant pas à ce pied de nez aux adeptes de l'astrologie. Coupant le sifflet aux conspirationnistes qui les accusaient d'avoir "inventé" ce nouveau signe.
Aujourd'hui, 9 mars, le soleil est en verseau. 
Pour ma part, peu importe, finalement. Le soleil est surtout dans mon coeur. Je sais, c'est bô...
Enfin, pour rigoler (parce qu'il vaut mieux en rire) si vous voulez savoir si votre signe personnel a changé ou pas, ou si vous avez la veine d'être né sous le signe du serpentaire, rendez-vous chez mon ami Tiniak.
Sinon, vous pouvez aussi consulter mon horoscope mystérieux perpétuel, toujours d'actualité, c'est ICI. J'ai même rajouté le Serpentaire, au cas où.


•.¸¸.•*`*•.¸¸•.¸¸.•*`*•.¸¸•.¸¸.•*`*•.¸¸