28 juin 2021

Clic clac !










Aujourd'hui, je me suis installée à ma table de travail. J'avais envie de participer à mon atelier d'écriture préféré. Je contemplais la jeune femme rousse dans son boudoir, à la recherche de l'inspiration fatale. 
Les persiennes, qu'on laisse soigneusement baissées au coeur de l'après-midi,  laissaient jouer des gouttes de soleil sur la table, on aurait dit un petit banc de poissons blancs bien alignés. C'était joli. Dehors l'été soufflait son vent brûlant, celui qui amène l'orage. Je l'ai entendu grommeler au-dessus du Vercors, quelque part dans les énormes paquets de chantilly que formaient les nuages.
J'avais chaud. J'ai relevé mes cheveux en chignon. 
C'est alors que je l'ai senti arriver derrière moi. Son souffle. Son parfum. 
Oh, regarde, il a dit, tu ressembles au pastel de ton sujet, c'est fou !
Attends, je prends une photo. Clic-clac ! 
D'aucun, qui se reconnaîtra,  trouvera que je suis beaucoup trop hâlée pour ressembler au modèle de Sally Strand, qui est pâle comme un cul. 
Mais Lui, il a craqué. Il faut vous dire qu'il adore quand je relève mes cheveux comme on relève un plat avec du piment. Découvrant le petit endroit doux dans le cou qui rend fou. 

L'amour se construit de ces petites briques toutes simples. Loin des mots creux et emphatiques. 
Ce sont des tas de petits gestes que l'on aime chez l'autre, des parties de soi que l'on croit banales mais dont l'autre raffole, des élans imprévus et délicats. Des fous-rires. Des tâches de lumière. Des riens qui font un tout.
L'amour c'est un dimanche d'été, brûlant et frais à la fois.
L'amour, ce fil d'or ténu et indispensable telle une épingle dans une chevelure. Solide comme un cabestan.
Je me suis dit que j'avais beaucoup de chance de pouvoir le vivre au quotidien. 

***


Pour l'atelier du Goût.





 



19 juin 2021

Petits cahiers d'amour

 




J'ai commencé un cahier de jardin. J'y raconte la vie de mes fleurs avec passion. Leurs noms étranges ou jolis, leurs couleurs. Mais aussi, les soins à leur prodiguer, les dates de leurs poussées de croissance et celles de leur mise en repos, et puis leurs préférences :  les fougueuses qui adorent le soleil à s'en faire péter la corolle, les timides qui n'aiment que la fraîcheur des sous-bois. Et puis les indécises qui minaudent, mi-ombre, mi-soleil, éventées doucement par une brise délicate mais blessées par le Mistral.  

Mon amie Dolce Vita me trouve méthodique. Je crois que je suis surtout une poétesse du jardinage. Pas certaine d'être toujours très orthodoxe dans mes pratiques...Mais quelle importance ? Où que mon regard se pose, je m'arrange pour y trouver du bonheur.
J'ai toujours aimé les petits cahiers, sans doute une réminiscence de ce métier de jardinière d'âmes qui fut le mien. J'entends tousser au fond de la salle : un vieux délire d'institutrice, penseront certains. Sans doute. Cette odeur subtile de papier neuf, de crayons neufs, de gommes neuves, cette odeur d'encre, ce parfum de rentrée des classes m'ont envoûtée toute ma vie. Commencer un cahier est un plaisir de gourmet. J'ai fait des cahiers de tout.

Mes cahiers d'adolescentes racontaient ma vie de lycéenne, enflammée de coups de coeur et ternie d'ombres grises. J'ai eu des cahiers d'accords de guitare, des cahiers de gourmandise, d'escapades, de croquis, dans lesquels j'ai crayonné des portraits maladroits, des paysages émouvants. 

Des cahiers de grossesse, suivis de cahiers de régime, au rythme vallonné de mes courbes de poids ... Un cahier d'acteurs très beaux, je guettais la couverture de Télépoche pour y découper mes idoles et les épingler comme des trophées. 
Un cahier de cueilleuse d'étoiles, un cahier de joies, et même un de lâcher-prise.

En classe, mes cahiers journaux* étaient des oeuvres d'art. Un de mes inspecteurs me dit un jour qu'il n'avait jamais vu cela en trente ans de carrière. Je m'appliquais comme un capitaine de galion remplit son journal de bord. Notant tout. Dans un arc-en-ciel de stabilos. Avec des dessins, des photos, des cartes. Bref, un truc vivant, agréable à lire et relire.

Dans mon cahier de lectures, j'ai consigné les centaines de livres que j'ai dévorés jusque tard dans la nuit. Car vous le savez, j'ai eu la fièvre des mots bien avant celle du samedi soir.
Et puis j'oubliais, mon cahier de chers poèmes qu'un malotru désinvolte m'emprunta un jour et que je faillis ne plus jamais revoir. Confiante, innocente, je n'avais pas pensé à lui préciser que j'y tenais comme à mes yeux. Et cet idiot qui l'avait laissé traîner sur un banc de la cour...

Chacun de mes enfants a eu droit à son cahier de vie, dans lequel rien ne manque, de la première mèche de cheveux au premier bulletin de notes. En passant par la photo du thermomètre de bain et du doudou informe, mâchouillé et tant aimé...

Mes chers lecteurs, vous faites partie d'un de mes plus beaux cahiers. Il est virtuel, il porte le nom de blog, mais je le tiens avec un soin extrême, veillant aux illustrations, à l'harmonie des mots et à la beauté de la présentation. Et vous écrire mes petits billets me rend heureuse.

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Pour les Plumes d'Asphodèle chez Emilie, les mots à placer étaient:

REGARD DELIRE PASSION DANSER SAMEDI NUIT THERMOMETRE TOUSSER OMBRE FRAICHEUR ENVOUTER ENFLAMMER EVENTER.


*Tenir son cahier-journal était une des obligations quotidiennes des maîtres d'école. Enfin, je crois qu'il l'est toujours...

14 juin 2021

Nirl power





« Ne devrait-on pas verbaliser la réalité 
quand elle dépasse la fiction sans mettre son clignotant ?  »
Grégoire Lacroix







 

Je suis comme toi, Nirl.  Mon sourire irradie partout, je flambe comme un Van Gogh dans ses blés. Ce n'est pas moi qui le dis, mais un ami très cher qui m'envoie souvent de petits mots gentils et plein de remarques passionnantes sur la vie, l'amour, la mort. Quoi d'autre en ce bas monde, à part ces trois thèmes éternels ? 
Je ne l'ai jamais vu. Cet ami, je veux dire.
Parce que tu vois, Nirl, ce qui est beau avec notre époque, c'est que l'on peut se faire un ami au bout du monde sans bouger de son jardin.
Comme toi, le vent de l'insouciance ébouriffe ma tignasse. J'ai beau avoir quelques décennies de plus que toi, au fond de mon coeur, nous avons le même âge. Exactement. Sous le même soleil. 
Je ne résiste pas à une balançoire quand j'en vois une.
Je souris aux étoiles. Aux coquelicots qui balancent leurs velours au vent d'été. Au rossignol quand il chante, comme ce soir où je ne dors pas.
Chez toi, il fait chaud, tout le temps.
Chez moi, c'est de temps en temps. Mais quand il fait chaud c'est pour de bon, hein ! Pfffiou ! Mais moi j’aime ça. Comme le Goût, je suis frileuse.
J'ai entendu chanter la première cigale, ce matin. Elle affûtait ses ailes comme un ébéniste son rabot. Ah,  Xoulec me dira sûrement que ça ne s'affûte pas un rabot. Mais ça ne fait rien, je trouve l'image jolie.
Je suis comme toi, Nirl, on lit la joie sur mon visage. Ce n'est pas parce que l'on connait les horreurs du monde qu'on est obligés d'être triste. Sinon on le serait tout le temps.
On les sait, mais on les oublie. On préfère respirer tant qu'on est vivants. Boire l'eau des fontaines. C'est à cause de la couleur des roses, comme dirait le Petit Prince.
Aujourd'hui, Eva m'a appelée. Elle avait besoin de paroles positives avant sa mammo de demain. Ça m'a réjouie qu'elle pense à moi pour se rasséréner.
Tu vois bien que l'on se ressemble, Nirl. Rien qu'en te regardant sourire on se sent déjà mieux.

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Pour l'atelier du Goût.

nb : NIRL est un acronyme signifiant Not In Real Life. Le nouveau nom des rêveurs et des poètes ?
En tout cas, c'est joli, en anglais, et ça rime avec GIRL...

04 juin 2021

Les vacances























J'étais en vacances dans le Luberon. 
Un bel endroit. C'est drôle, quand on a quitté une activité professionnelle, le mot vacances paraîtrait presque incongru. 
C'est vrai, quoi, tu es toujours en vacances, Célestine...
C'est à la fois vrai et faux, mes petits agneaux de lait ! 
Car enfin...Cet air neuf qui change du quotidien, ces longues promenades dans des paysages nouveaux, cette ambiance festive retrouvée, sur des placettes baignées de tilleul et de lumière...Le cri des guêpiers, les enfants qui jouent, tard, quand le soleil prend tout son temps pour aller se coucher...C'est tout ce que j'ai toujours aimé dans le mot « vacances ». 

Là-bas, c'est beau partout. Vous me connaissez, non ? Vous me donnez trois chapelles nichées dans la verdure, des petites routes semées de coquelicots, un ou deux vieux châteaux, une rivière qui coule au milieu, et je suis la plus heureuse.
Les villages se perchent sur des rocs ancestraux, Bonnieux, Lacoste, Ménerbes... Ils portent des noms qui fleurent bon la Provence. Cucuron, la Bastide des Jourdans, Mérindol, Beaumettes, Saint Saturnin, la Bastidonne... Les maisons se serrent les unes contre les autres, dans un écrin de fleurs : valérianes, roses, pourpiers, campanules des murailles.
La végétation me rappelle la Toscane chère à mon coeur : cyprès, oliviers, chênes verts enchantent mes yeux. Ils soulignent les paysages de leurs feuillages élégants.

Les bories et les murets de pierres sèches de Gordes témoignent d'un passé ancien de travailleurs de la pierre. Il faut avoir visité Oppède-le-Vieux pour comprendre cette omniprésence du minéral faisant corps avec l'aridité de la garrigue. Et le combat pour l'eau, de plus en plus crucial à chaque nouvel été.

De l'eau pourtant, j'en ai vu beaucoup à Fontaine de Vaucluse, verte, sublime sous les arbres centenaires. Et à l'Isle sur la Sorgues, la Venise provençale. Ses petits canaux et ses antiquaires.
Les carrières d'ocre de Roussillon étaient superbes après les pluies de printemps. A Lourmarin, l'ombre du Mistouflon rôde toujours. Et le marché d'Ansouis tient ses promesses, comme dans cette vieille chanson de Bécaud qu'aimait mon père.
J'ai vu, à Saint Hilaire, une ancienne Abbaye, moins connue que son illustre soeur de Sénanque, mais tout aussi belle. 
Et tout cela, sans la cohue oppressante de l'été dans ces lieux chargés d'histoire. Un vrai bonheur.

J'étais en vacances dans le Luberon.