30 mars 2016

Bref



A la manière de...




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Une journée parfaite.

Ce matin, je me suis réveillé en me disant : « Bon sang, c'est l'anniversaire de Denise ! » Denise, c'est ma femme. Je me suis dit que j'allais rendre cette journée parfaite.

En me levant, dans l'obscurité, je me suis pris les pieds dans le tapis et j'ai terminé ma course contre la porte. J'ai allumé le couloir. Mon arcade sourcilière pissait le sang : un petit jet bien rouge sur la moquette bleue. Je me suis dit : « C'est beau, on dirait du Miro ! »
Je suis descendu à la cuisine lui préparer un bon petit déjeuner. Je me suis brûlé la main avec le grille-pain en essayant de rattraper un toast récalcitrant. Mais j'étais content de lui faire la première surprise de la journée.

Mon plateau à la main, j'ai eu l'air idiot de trouver dans le lit le traversin installé sous la couverture, version mauvaise blague de potache qui fait le mur. « Chéri, je suis partie faire du shopping, poisson d'avril ! » Ça m'a fait rire, vu qu'on était en juin. J'ai trouvé ma femme merveilleuse.

J'ai commandé un repas somptueux chez un traiteur, mais les invités ont commencé à arriver, et je ne voyais toujours rien venir. Alors je me suis rappelé que la livraison étant hors de prix, j'avais choisi la version éco « à aller chercher sur place ». Malheureusement, j'ai oublié de noter les coordonnées du traiteur, que j'avais pioché au hasard dans l'annuaire. J'ai regardé l'annuaire. Il y avait deux cents traiteurs. J'ai commandé des pizzas.

Marie et Lucas, les ados, se sont disputés pour choisir les pizzas, pour changer un peu, et quand Denise est arrivée, ils étaient en train de se battre à coups de cacahuètes dans l’œil. Belle-maman a gueulé que ces gosses étaient vraiment très mal élevés ! 

Le chien a renversé la table basse en verre en voulant faire des fêtes à Denise, et Beau-Papa est parti s'installer sur le balcon parce qu'il fumait et que Belle-Maman déteste ça. J'ai allumé des bougies pour faire une ambiance zen, mais la nappe en papier s'est enflammée. Denise a voulu balancer le contenu du pot à eau sur la table. Ma belle-mère a tout pris dans la tronche et ça a ruiné son rimmel. Denise était désolée. Belle-maman est partie en gueulant dans la salle de bains, et au passage, elle a écrasé la queue du chat qui a poussé un miaulement de douleur terrible, et du coup, le chien a eu peur et il a essayé d'attraper sa queue comme il fait toujours quand il est stressé. Sa queue a renversé le bocal du poisson rouge qui a rejoint les débris de la table basse. Le chat a bondi sans se couper les pattes sur les morceaux de verre et il a bouffé le poisson.

Lucas a dit « j'ai la dalle, quand est-ce qu'on mange ? »
Marie a dit «  t'es qu'une tripe »
Lucas a dit « Pétasse »
Marie a dit « Ta gueule ».
« Taisez-vous ! » j'ai crié.

Denise s'est mise à pleurer, quand on a sonné à la porte. C'était le livreur de pizzas. Pendant que je cherchais en vain de la monnaie dans toute la maison, les ados avaient repris leur rixe, et la basket de Lucas a raté sa cible pour aller se ficher dans la bobine du livreur qui, de surprise, a lâché les pizzas. « Gardez tout ! Il a dit en prenant la fuite comme s'il avait vu des ovnis.

 Mon beau-frère et ma belle sœur, Gérard et Jeannette, sont arrivés sur ces entrefaites. « On est en retard !... les embouteillages ! » a dit Jeannette en s'étalant de tout son long dans la sauce tomate des pizzas que le chien et le chat avaient commencé à déguster.
Pendant que Jeannette réparait les dégâts collatéraux dans la salle de bains, j'ai dit à Marie de préparer un plat de pâtes. Lucas a rigolé, je lui ai flanqué la serpillère dans les mains. Marie a rigolé. Denise pleurait toujours.

Mes beaux-parents sont partis prétextant qu'ils avaient soi-disant oublié leurs gouttes.
Marie a dit « Papa, il n'y a plus de pâtes, et plus rien dans le frigo ». Du coup, Gérard et Jeannette ont proposé d'emmener les ados au fast-food.
"C'est pas de refus" j'ai dit.

Denise a essuyé ses yeux. J'ai essuyé partout, le chat et le chien repus (les veinards) se sont endormis dans leur panier. Avec Denise, on s'est assis sur le canapé. On s'est ouvert une boîte de tripes.
Elle a souri. « Tu as de la sauce tomate sur l'arcade » elle a dit.
« C'est pas de la sauce tomate » j'ai dit.
Je lui ai offert sa bague. Elle lui allait comme un gant.
« Bon anniversaire, mon amour » j'ai dit.
Elle a souri.
La journée n'avait pas été parfaite.
Je me suis dit que ma femme, elle, était parfaite.

Bref, c'était l'anniversaire de ma femme.



Pour le défi du samedi, il y a ...longtemps.
Ecrit à la manière de Bref, la série déjantée de Canal.






Edit du 31 mars

Mon amie Boulgom a été inspirée par mon histoire. Elle m'a transmis sa vision artistique qui est vraiment chouette ! Merci beaucoup ma belle.

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25 mars 2016

Mon criquet



-Tu es mélancolique, Célestine ?
-Un peu. Je me sens nue et désarmée devant les malheurs du monde. 
-Nue ? hé hé ! Mmmmh ! C'est sympa ça ! j'aime bien, personnellement...
-Tu te moques...
-Un peu. Oui, je vois que tu t'accroches à ta guitare comme à un mât de misère dans la tempête...Mais tu n'es pas désarmée...ta guitare c'est ton arme. C'est comme le crayon d'un dessinateur, le pinceau d'un peintre, comme ton clavier, tiens, qui te fait écrire de si belles choses parfois ...
-Tu es drôle, Gemini Criquet. Je me sens un peu découragée, d'un coup... Je n'ai rien d'autre à donner que moi-même, ma musique, mes mots, ma douceur, mes élans, ma fièvre. Mes enthousiasmes de mioche montée en graine.
-Mais c'est déjà énorme ! Tu fais du bien aux gens, ne l'oublie jamais. Tu les touches. Tu leur donnes ta lumière. N'en doute pas. Et puis les graines, ça te connaît ! Les graines de « maîcresse » que l'on s'aime dans le coeur des enfants ...
Les graines de paix, les graines d'optimisme. Les graines de joie...une vraie jardinière !
-Tu crois...Oui, dans un sens, c'est vrai, je suis dans le don.
-Le Don ? Le fleuve russe cher aux cruciverbistes ? 
-Mouarf ! Je vois bien que tu essaies de me faire rire, chétive bestiole !
-J'essaie surtout de faire rire tes lecteurs avant qu'ils se barrent tous en courant...Allez, secoue-moi tout ça, la vie est belle, nom d'une sauterelle ! Chante la, danse la, danse moi jusqu'au bout de l'Amour, en équilibre sur le bord des cratères en éruption, entre les arbres,  sur ton fil de soi...Fais comme tu sais faire. 
N'y a-t-il pas quelque chose que tu voudrais leur dire ?
-Oui, je voudrais leur demander s'ils ont, comme moi, la chance d'avoir un criquet, une luciole, une espèce de ver luisant qui leur secoue les puces quand il le faut, et chasse leur bourdon...


Ah et puis, tiens, je leur offre ma dernière petite interprétation...jusqu'au bout de l'Amour...


22 mars 2016

Un jour...couleur d'orange...



La guerre est un fruit de la dépravation des hommes. C'est une maladie convulsive et violente du corps politique. Elle dépeuple les états, elle y fait régner le désordre. Les lois sont forcées de se taire à la vue de la licence qu'elle introduit, elle rend incertaines la liberté et la propriété des citoyens, elle trouble et fait négliger le commerce, les terres deviennent incultes et abandonnées. Jamais les triomphes les plus éclatants ne peuvent dédommager une nation de la perte d'une multitude de ses membres que la guerre sacrifie. Ses victimes mêmes lui font des plaies profondes que la paix seule peut guérir.

 La paix  donne de la vigueur aux empires. Elle maintient l'ordre parmi les citoyens. Elle laisse aux lois la force qui leur est nécessaire, elle favorise la population, l'agriculture et le commerce. En un mot, elle procure au peuple le bonheur qui est le but de toute société. 

Denis Diderot
1713-1784



Dessin Joël Guenoun

19 mars 2016

Patience

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S’asseoir devant le ciel et attendre l’instant magique où le premier point d’or se pose sur le fil de l’horizon.
S’allonger sous les étoiles, deux ou trois heures, sans bouger.
Observer des fourmis transporter un grain de riz.
Observer un oiseau faire son nid. 
Guetter le passage d’une biche, le brame d'un cerf.
Lire un roman chez le docteur.
Laisser son tour à la caisse. Sourire de l’effet obtenu.
Laisser mijoter un plat longtemps, sentir la faim au creux de soi. Savourer.
Attendre la saison des fraises.
Retarder le plaisir. 
Caresser longtemps. Trembler, se retenir.
Ecrire une lettre par courrier.
Laisser les mots voyager.
Attendre calmement.
Marcher lentement, ne pas courir après le métro, attraper le suivant. Tranquillement.
Prendre les escaliers, oublier l’ascenseur.
Semer des graines. Attendre la première pousse, espoir tendre et translucide.
S’émerveiller de la première rose.
Pêcher une truite à la main.
Apprivoiser un renard.
Attendre un enfant.
Le laisser grandir à son rythme.
Laisser le temps soigner, laisser le temps guérir.
Laisser mûrir son rêve. L'écouter palpiter.
Se mettre à l'écoute de soi, de ses profondeurs plongeantes.
Oublier la hâte, la précipitation. Oublier d’être pressé.
Ne pas languir. Ne pas trépigner. Ne pas pester.
Apprendre à attendre. Garder sa fougue mais dompter son impatience.

Cueillir le temps comme une fleur fragile et relative.
La patience allonge le temps.
C'est une belle école. 
Difficile, mais belle.



Guns & Roses - Patience

17 mars 2016

Ados pies

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Mademoiselle Célestine,

Sachez qu’il a été constaté le mardi 19 janvier 2016 à 17 heures 12, qu’une ou plusieurs œuvres ont été téléchargées ou partagées depuis votre accès à internet, en violation des droits d’auteur. Ces faits peuvent constituer une infraction pénale.
Si, malgré les avertissements de l’Hadopi, votre accès à internet est à nouveau utilisé pour des mises en partage ou des téléchargements illégaux, vous pouvez être poursuivie devant le tribunal de police pour contravention de négligence caractérisée. Vous risquez alors une amende d’un montant maximum de 1500 €.

Bigre ! Avouez qu’il y a plus agréable comme lettre d’amour, à ouvrir le matin…Je louche vers ma progéniture d’un œil soupçonneux : depuis le temps que je répète à qui veut l’entendre que je n’aime pas le téléchargement illégal…pas par conformisme ni peur du gendarme. Mais par simple déontologie, parce que je crois qu’il faut protéger les artistes et les écrivains, et leur propriété intellectuelle…
Me voilà au rang de l’infamie, une paria du net, marquée à la lettre écarlate comme une catin d’antan. Mon fils ne va quand même pas faire comme tous ces ados pies, qui chapardent tout ce qui brille…même si, paradoxalement, tout est fait pour les inciter à le faire, à commencer par tous ces logiciels gratuits de téléchargement...Mais là, je ne suis pas en position de faire la maligne et d'argumenter contre la machine judiciaire.
-Je préfère m’acheter un quintal de caramels mous plutôt que de payer cette amende exorbitante.
-Mais non, Mum ! C’est juste un avertissement !
-Tu aimerais, toi, qu’on télécharge tes compositions illégalement ?
-Ah oui ! Ça voudrait dire que je serais célèbre !
Gloumpf ! Que voulez-vous répondre à ça ? Je le fais quand même jurer sur ce qu’il a de plus cher (c’est à dire sa batterie, c’est vrai qu’elle coûte une blinde) qu’il ne recommencera plus. Il jure. Promis, craché.

Après enquête, il s’avère qu’il a téléchargé l’album de Supertramp « Breakfast in America » Mon fils a de bons goûts musicaux, faut avouer…

Mais quand je pense que je suis abonnée à deux sites légaux de musique en streaming, mais surtout que je possède quelque part, sur une étagère, le vinyle original, collector, et tout et tout, ça m’aurait arraché le foie de devoir payer 1500 baluches pour un mp3 de contrebande.

J'adore ma vie !
¸¸.•*¨*• ☆