29 août 2014

Upside Down

Photo moi








































J'étais tranquillement assise, au matin, depuis un petit mois et demi, à savourer, au saut du lit, mon café fumant et mes tartines de pain grillé, tout en réfléchissant mollement à une ou deux définitions de mots fléchés. 
J'étais simplement bien, le dos massé par mon soleil d'été, plongeant mon regard dans la verdure et appréciant chaque bruit d'eau, chaque vrombissement de mouche crevant  le silence.
Parfois, le tintement de mon smartphone trouait l'air et m'apportait une joie. Je planais haut...
J'demandais rien, j'prenais c'qui vient...Oui, j'étais bien.

J'ai rien vu arriver...
Le réveil a sonné, j'ai eu l'impression qu'on était au milieu de la nuit, les tartines et le café avaient comme un goût, et moi qui aime jouir de l'instant , et m'étirer comme une  chatte sur un toit brûlant, adessias!  il a fallu que je me dépêche, mesdames et messieurs, vous vous rendez-compte? Que je me grouille. Moi qui avais oublié ce mot.
C'est la rentrée. 
Là, j'ai juste l'impression qu'on m'arrache le foie avec une pince à sucre. Mais sinon ça va aller. Rassurez-vous, je suis contente de retrouver mes chers élèves dans trois jours. D'ici là, j'aurai récupéré mon entrain naturel et mon teint de rose.
Présentement, je suis un peu comment dire...upside down, et pour tout dire, j'ai le jet-lag. Le jet-lag des vacances...

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Photo pas moi
(mais j'aurais bien aimé)





Toccata in LA maggiore by Pietro Domenico Paradisi on Grooveshark

27 août 2014

Comme le chant de l'eau



Si j'avais conservé,  comme un collier précieux, 
tous tes mots envolés, tes mots doux, si légers
et si graves, qui m'ont enrubannée le corps, 
Si je les avais mis bout à bout, un à un,
 comme des cailloux blancs de Poucet égaré 
sur le chemin herbeux de mes folles clairières.
Et si j'avais écrit tous ces mots qui me font 
un épais manteau flou de caresses et de rêves,
 et de désirs tremblants, et d'éphémères joies
 et de sagesse aussi, 
leur chaleur orangée baignerait cent pays, 
verrait cent horizons, cent couchers de soleils
 sans que jamais au grand jamais je ne m'en lasse,
 pour peu que, dans ta fièvre, chaque jour tu m'enlaces.
Je pourrais être Celle, et de myrrhe et d'encens, 
de lait et de baumier,  célébrée à jamais,
dans le si merveilleux Cantique des Cantiques, 
et tu serais Celui.
Tous tes mots sont pour moi comme le chant de l'eau,
 éternels, apaisants, incessante promesse
 des beautés fragiles.
Je ne m'en lasse pas, j'en veux,  je m'en nourris,
 ils sont une saison qui avance et qui passe 
et qui est remplacée par une autre saison 
plus belle et plus sauvage et plus terrible encore.
Ils me gonflent la bouche comme une voile au vent, 
ces mots, acrimonieux, délicats ou gracieux,
 et me rendent brûlante et  perméable au rêve. 
Ne les arrête pas. Ils me comblent. Ils m'explosent.
  Eux seuls peuvent étancher
 l'inextinguible soif d'amour qui me transperce.





  Un été 42 by Michel Legrand on Grooveshark

22 août 2014

Quelques mots magiques

Sous-titre : chroniques ferroviaires (1)

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photo du net







Une délicieuse vieille dame s'assied à côté de moi. Je reconnais dans son parfum léger le "Calèche de Hermès". Elle possède une grâce un peu enfantine. Nous commençons à discuter de tout et de rien, et je vois une aura extraordinaire nimber son visage. Un visage de porcelaine, poudré et doux, éclairé de deux yeux vifs qui témoignent que son cerveau l'est tout autant. Tout en elle est raffiné, discret et pourtant triomphant. Le triomphe d'une femme libre qui a dû lutter toute sa vie pour le rester. Elle me dit qu'elle vient de fêter son quatre-vingt-cinquième printemps. Je m'étonne de sa vitalité. Elle se met alors à me raconter sa vie, et l'incroyable camée qui orne sa bague lance des éclairs blancs quand sa main virevolte.
Elle me parle comme si nous nous connaissions depuis toujours. 
Elle m'apprend qu'elle n'a pas eu la chance de connaitre les joies de la maternité, mais qu'elle a quand même élevé les cinq enfants de son compagnon. Elle a toujours éprouvé pour cela une immense gratitude, elle se dit gâtée par la vie. 
Elle parle avec du feu dans le regard, de son travail d'accompagnement d'un vieux monsieur aveugle pour qui elle était les yeux, les mains, l'ange tutélaire. Il vient de mourir et elle se retrouve  "au chômage". Je souris. Elle va de l'avant, et ce qu'elle dit bouscule les idées reçues, et m'agite les neurones. 
Elle parle de ses projets, de ses envies, me fait penser à une héroïne anglaise d'Hitchcock. Ses paroles coulent en moi comme un ruisseau bienfaisant. Mes hésitations, mes doutes s'envolent sous le formidable courant énergique qui émane de cette femme.
Je lui raconte alors la mienne de vie, mes fièvres, mes passions, mes interrogations. Les tournants et les tourments de mon chemin.
Sur la banquette en face de nous, une petite fille nous écoute. Sa maman s'est absentée un moment et nous a demandé poliment de veiller sur elle.
Ses grands yeux presque mauves se plissent joliment quand elle sourit. Sa petite robe de coton blanc laisse dépasser deux jambes dorées si petites qu'elles ne peuvent se plier et restent tendues horizontalement sur la banquette. La conversation s'engage entre nous. La vieille dame félicite l'enfant pour sa courtoisie naturelle et sa vivacité sans affectation.
Celle-ci s'exprime bien pour ses cinq ans, elle place les négations (ô miracle) connaît les "mots magiques", bonjour, merci, s'il vous plaît...de nos jours, dans ce monde de malotrus et de sans-gêne, cela semble extraordinaire et pourtant ce sont des graines de sésames à cultiver précieusement. Et qui donnent toujours des fruits précieux et doux.

Mais en même temps, on sent qu'elle a du caractère et qu'elle ne s'en laissera point conter dans l'existence. Et je sens poindre avec jubilation un peu de Zazie sous la grâce enfantine. Elle sait ce qu'elle veut. 
Tout le défi de l'éducation est là. Apprendre à respecter les autres, à respecter les codes, tout en se respectant soi-même, et ne pas enterrer ses désirs profonds sous les gravats du renoncement et de l'hypocrisie. Etre poli sans être obséquieux, être bienséant, affable, tout en restant vrai
Mon regard va de Shirley Temple à Miss Marple. Mon enfance, et mon devenir. Huit décennies entre les deux. Et moi au milieu. Telle une Scarlett O'Hara en fin d'été flamboyant. Rassurée de voir qu'il me reste encore tant de temps devant moi. Confiante dans mes valeurs. Apaisée comme un bateau qui aperçoit le phare dans la brume.
Dans l'atmosphère feutrée de ce wagon de train, je comprends soudain ce qui nous relie, toutes les trois. Ce bonheur qui abolit l'espace et le temps. C'est que nous nous ressemblons comme des sœurs. Comme trois femmes puissantes sous leur apparente fragilité.




16 août 2014

Moire et Satin

photo du net


















Une des formidables questions existentielles que l'on vous pose de façon récurrente dans la vie, après le fameux "thé ou café?" qui rend furieux les buveurs de chocolat, et je les comprends, en même temps, pourquoi n'y en aurait-il que pour les buveurs de thé ou de café, c'est bon, le chocolat, aussi, et le lait, et le jus d'orange, mais je m'égare, là, au secours, Marcel sors de ce corps, ma phrase est trop longue et risque de faire tomber en syncope un de mes amis, à moins qu'il n'en fasse une jaunisse, ce qui serait dommageable pour son teint de rose qu'il entretient soigneusement depuis tant d'années comme le miroir de son esprit vif et de son humour délicieusement british malgré ses origines belges du nord (enfin , Belge du nord, c'est pas un pléonasme, ça?) ...ouf! 


Je reprends. La fameuse question est donc, pouf, pouf :  "Etes-vous du soir ou du matin ? "

Je n'ai jamais su répondre. Je suis du soir ET du matin, je suis de moire et de satin. Et je suis même de midi sonnant et triomphant, et des après-midis chaudes et lascives , et de cette heure magique de l'aube qu'on appelle l'heure bleue. Ah, et aussi du crépuscule rougeoyant puis bleuissant les crêtes des collines de thym, entre chien et loup. Je suis de tout le temps, de toutes les minutes de cette précieuse liqueur qu'on appelle l'existence.  Et je suis de la nuit bien sûr, cette peau de velours éclaboussée de diamants qui m'enserre et nourrit mes rêves d'absolu.

Quant à l'aphorisme (idiot) inventé par l'esclavagiste (génial) (et réciproquement) qui a réussi ce tour de force de le planter au burin dans le cerveau des pauvres  travailleurs exploités par le capitalisme galopant... "Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt"...tsss! je m'insurge totalement contre cette assertion, votre Honneur ! 
Il serait bon d'énoncer et de clamer haut et fort que la moitié seulement du monde leur appartient, l'autre moitié étant réservée à ceux qui se couchent tard.

D'aucuns me diront que je suis trop gourmande de vouloir posséder les deux moitiés et alors? Je SUIS gourmande, ça vous pose un problème ?
 J'aime l'odeur des petits matins frémissants, quand le ciel encore gris sombre regarde se deverser sur les escarpements des Ecrins les filets d'or liquide d'un levant fabuleux, allumant chaque névé dans un éblouissement solitaire.
Et j'aime l'odeur des braseros sur la plage de Pampelonne, quand le couchant s'est effondré sur une mer chaude et vibrante, ce parfum d'amour, de musique et de poissons qui grillent, quand les jupes de nylon blanc deviennent transparentes de désir sur le sable encore tiède, et que s'élève dans la nuit la célébration joyeuse d'un moment de grâce parfaite.
Je suis de moire et de satin , je suis le yin et je suis le yang, je suis du soir et du matin, je suis le commencement et la fin...
-O ! Célestine, t'arrêtes de te prendre pour Dieu?
-pff, parce que tu crois, toi,  que Dieu viendrait bouffer  des sardines grillées en bermuda sur la plage de Ramatuelle? 
-Remarque, il aimerait, peut-être, si ça se trouve. Ça le changerait des égarements de ce monde en folie...
- Moi si j'étais Dieu, c'est simple, j'abolirais le sommeil...



Minuet In G Major - Bach by Bach on Grooveshark



14 août 2014

Quelque chose d'infime



Vous allez peut-être constater demain matin, en vous levant, lecteurs chéris, que les araignées ont laissé des fils traîner partout dans le jardin, leurs petits fils tendus de soie qui brillent au premier éclat du jour. Peut-être vous laisserez-vous aller à admirer leurs inlassables constructions géométriques et la poésie des perles d'eau qui en font de minuscules bouliers chinois. 
Sur le balcon, une fleur de pétunia en aura remplacé une autre. En tendant l'oreille, vous l'entendrez dire goguenarde "Du balai, c'est la relève!" à la pauvre fleur flétrie de la veille qui laissera pendre ses pétales fripés devenus marronnasse...grandeur et décadence de toute chose.
Comme événement majeur, il n'y aura peut être plus de ricoré dans le pot de ricoré, si ça se trouve, ou de confiture de myrtille dans le pot de confiture de myrtille. Ou alors vous vous brûlerez  la langue avec votre pain grillé.
Le ciel, lui, sera toujours accroché bien droit au-dessus de l'horizon, bleu de lin ou emberlificoté de brume. Si Dieu le veut, ou Allah, ou Vichnou-la-paix, ou simplement le petit bonheur la chance, rien ne semblera vraiment différent d'aujourd'hui, en apparence. 
"Et pourtant...pourtant..." comme dit le poète, chaque jour est un miracle de nouveauté. 

Aujourd'hui, tenez. Elle a l'air comme ça, immuable, à reprendre ses thèmes éternels, et à gagatiser s'épancher sur les bestioles, les fleurs et les nuages...mais votre Célestine n'est plus tout à fait la même. Telle une graine à l'étonnant pouvoir germinatoire, un imperceptible frémissement vient d'agiter son âme, comme une promesse de décision à mûrissement lent. C'est semé, y'a plus qu'à attendre... 

Oui, dites-moi que vous aussi, en scrutant les eaux troubles de votre regard, devant votre miroir, il vous arrive d'être seul à déceler les prémices de ce fait indubitable : quelque chose en vous a changé. Que vous n'en avez qu'une infime autant qu'intime conviction, pas de quoi écrire une thèse. 

Que simplement vous vous sentez comme un pilote d'avion qui redresse le manche à balai après un passage de trous d'air bien turbulents. Où l'avion, ce serait comme qui dirait votre vie, le manche à balai votre pouvoir décisionnaire, et les trous d'air tous les pompeurs d'oxygène qui essaient de vous bouffer depuis trop longtemps.  

A Edmée, my sister of heart, 
pour sa belle leçon 
de résilience et d'optimisme.
Don't blame me by Maurice Meunier Quintet / Quartet on Grooveshark


07 août 2014

Si...


Parfois, de temps en temps, pas souvent, j'écoute la radio, et l'autre jour, après un énième reportage sur le conflit palestino-israëlien, dont je préfère ne pas parler pour l'instant  tellement ça m'énerve, parce que je veux trouver le bon angle pour en parler, ils ont diffusé ça. Hasard, ou génie de la programmation? 
Je me suis dit, tiens, une chanson célestinienne...Naïve, utopique et qui fait du bien dans le coeur...
C'est cadeau.
"J'allumerais des flammes,
Dans les rêves éteints des enfants." 
Putain, c'est beau !





Si j'étais l'amie du bon dieu.
Si je connaissais les prières.
Si j'avais le sang bleu.
Le don d'effacer, tout refaire.
Si j'étais reine ou magicienne, 
princesse, fée, grand capitaine,
d'un noble régiment. 
Si j'avais les pas d'un géant.

Je mettrais du ciel en misère,
Toutes les larmes en rivière,
Et fleurirais des sables où file même l'espoir 
Je sèmerais des utopies, plier serait interdit,
On ne détournerait plus les regards.

Si j'avais des mille et des cents, 
Le talent, la force ou les charmes,
Des maîtres, des puissants.
Si j'avais les clés de leur âme.
Si je savais prendre les armes,
Au feu d'une armée de titans.
J'allumerais des flammes,
Dans les rêves éteints des enfants.

Je mettrais des couleurs aux peines.
J'inventerais des Éden.
Aux pas de chances, aux pas d'étoiles,
 aux moins que rien.

Mais je n'ai qu'un cœur en guenille, 
Et deux mains tendues de brindilles.
Une voix que le vent chasse au matin.
Mais si nos mains nues se rassemblent,
Nos millions de cœurs ensemble.
Si nos voix s'unissaient,
Quel hiver y résisterait ?

Un monde fort, une terre âme sœur,
Nous bâtirons dans ces cendres
Peu à peu, miette à miette, 
goutte à goutte et cœur à cœur.

Peu à peu, miette à miette, 
goutte à goutte et cœur à cœur.

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